Lettre à Marie Engels, 12 mars 1839

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Brême, le 12 mars 1839.

Ma chère Marie,

(Suite de la lettre de H[hermann]). Dans ce Stadtbote on ne trouve que des sottises et je passe mon temps au comptoir à écrire des poèmes qui, pour se moquer de lui, le vantent d'abondance, et n'ont ni queue ni tête ; je les lui adresses sous le pseudonyme de Th. Hildebrandt et il les imprime tels quels, sans y voir malice. J'en ai actuellement un dans le tiroir de mon pupitre qui lui est destiné et qui s'appelle :

Sagesse livresque

Il n'est point sage celui qui pille tous les écrits

Pour en tirer un déluge de mots,

Jamais non plus il ne soulèvera le voile de l'existence,

Même s'il croule sous la science.

Qui connaît à fond la botanique

N'entendra jamais pousser le gazon

Et qui vous débite toutes les maximes morales

N'apprendra jamais à personne à vivre bien.

Non ! C'est dans le cœur de l'homme qu'est enfoui

Le germe qui lui montre l'art de vivre,

A étudier du matin jusqu'au soir

Il n'apprendra pas à vaincre les passions

C'est la voix du cœur qu'il lui faut écouter,

Et qui lui a fait la sourde oreille succombera.

De tous les mots les plus chargés de sens,

Celui qui en a le plus s'appelle « le bons sens ».


Et ainsi de suite, tout n'est que raillerie. D'ordinaire, quand je ne sais quoi envoyer, je prends le Stadtbote en mains et en fais une petite compilation. Récemment, j'ai fait asseoir Karl Leupold à mon bureau et je lui ai dicté une lettre pleine de grossièretés à l'adresse du Stadtbote qui l'a reçue et imprimée en l'accompagnant de remarques marginales. Mais il me faut maintenant sortir ; aussi je reste

Ton frère qui t'aime,

Friedrich.