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Special pages :
Lettre à Marie Engels, 11 septembre 1838
| Auteur·e(s) | Friedrich Engels |
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| Écriture | 11 septembre 1838 |
[Brême], le 11 septembre [1838].
Ma chère Marie,
« Dans l'espoir de recevoir à nouveau une lettre de quatre pages de toi, je reste etc... » Oui, petite sotte, tu les auras tes 4 pages, mais elles ne vaudront pas chipette, il faut te traiter comme tu traites les autres, et pourtant, il me semble que c'est encore te faire trop d'honneur. Car j'en écris autant sur une de ces petites pages que toi sur une grande, et je n'admettrai plus à l'avenir un tel gaspillage de papier ; que le « gros père » écrive large, cela c'est une autre affaire. Comprenez-vous, mam'selle ? Si vous n'allez pas à Xanten cette année, il ne vous reste qu'à dire : Console-toi avec Job. « Barbouille-toi la bouche de sirop » . Je n'y peux rien, comme on dit ici à Brême. Vous pouvez bien vous figurer que vous y avez été, ne te rappelles-tu donc plus ce que faisait Hermann lorsqu'on lui donnait un verre de vin ? Il buvait très lentement pour faire durer le plaisir. Il ne vous reste donc qu'à vous dire : « Si nous étions maintenant à Xanten, nous ne pourrions plus nous réjouir à la pensée d'y aller, mais comme nous n'y allons pas, nous avons encore devant nous la perspective de toute une année pleine d'espérance. Voilà donc de quoi nous réjouir tout notre content ! » Cela, c'est de la pensée politique, au sens de Socrate et d'Eulenspiegel ! Retiens-le pour l'avenir ! Tu vois que je suis aussi capable que toi de donner des conseils aux autres. Et je t'en prie, ne commence pas chaque paragraphe de tes prochaines lettres par : « Figure-toi que » ; comment as-tu pris une si noble habitude ? Comment peux-tu dire : « Je ne sais plus quoi te dire... »alors que tu ne m'as pas encore parlé de votre bulletin à Anna et à toi, que tu ne m'as pas dit qui a composé cette année l'introduction à votre programme ; le « gros père » aura certainement dit un bon mot depuis les huit semaines que je suis parti, ne pouvais-tu pas me l'écrire ? Que de choses ont encore bien pu se passer dont je ne peux rien savoir ! Dis-donc, est-ce là une excuse : « Je ne sais plus quoi dire... » ? Moi, aussi, je ne sais que dire, je commence une ligne sans savoir ce que je mettrai dans la suivante et pourtant il me vient toujours des idées, et j'espère de plus que mes lettres te seront utiles et que tu en tireras un profit non négligeable. Mais toi, à peine as-tu griffonné quelques lignes très espacées sur deux pages, que tu t'imagines avoir accompli un travail d'Hercule. Mais que penses-tu que moi je fasse ? Quand j'aurai fini cette lettre, il m'en restera encore trois à écrire et il faut qu'elles partent demain ou après-demain. De plus, je n'aurai que peu de temps car cet après midi le « Panchita » lève l'ancre pour la Havane et au lieu d'écrire des lettres pour moi, il faudra que j'en copie pour les autres ; j'attends pour ce midi une lettre de Strücker à laquelle il me faudra également répondre. Je ne peux tout de même pas écrire la même chose à tout le monde : comprends-tu maintenant qu'il serait juste que tu m'écrives des lettres de six pages et que tu n'aurais pas à te plaindre si je ne t'envoyais qu'un sixième de page ? D'ailleurs, ces remontrances sont déjà aussi longues que ta lettre entière et pour que tu voies que je suis capable d'écrire autre chose, je prendrai la liberté de te dire que si je peux me procurer des pinceaux avant que cette lettre ne parte, je t'enverrai quelques croquis de la mode paysanne de Brême. Mais maintenant, c'est toi qui as raison, je ne sais plus quoi écrire, mais je vais pourtant voir un peu si je n'y trouve pas remède, il faut que ces quatre pages soient copieusement remplies. Chose très désagréable : on ferme les portes de la ville à la tombée de la nuit, et pour sortir alors de la ville ou y entrer, il faut payer un péage. En cette saison, cela commence dès sept heures, il faut alors payer 2 sous, et plus l'heure avance, plus on paie cher : après 9 heures, 4 sous ; à 10 heures, 6 sous ; à 11 heures, 12 sous. A cheval, le péage est plus élevé. Il m'est déjà arrivé de devoir payer pour passer. Le consul est en train de parler avec M. Grave des lettres à écrire cet après-midi, j'écoute, l'esprit tendu comme un malfaiteur qui voit sortir les jurés et attend d'être déclaré « coupable » ou « non coupable ». Car lorsque Grave se met à écrire, j'ai en moins de temps qu'il ne faut pour le dire 6, 7, 8 lettres de plus d'une, deux ou même trois pages à recopier. Depuis que je suis ici, j'ai déjà rempli 40 pages, 40 pages d'un livre énorme. Voilà qu'il me faut à l'instant recopier une lettre pour Baltimore et, tiens, les quatre pages sont pleines, il est onze heures et demie, sous prétexte d'aller chercher le courrier du consul, je vais aller à la poste voir s'il y a une lettre de Strücker. Adieu, ma chère Marie, j'attends de toi une grande lettre de 4 pages.
Ton frère,
Friedrich.