Lettre à Ludwig Kugelmann, 30 novembre 1867

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Londres, le 30 novembre 1867.

Cher Kugelmann,

Le retard mis à vous répondre est simplement dû à mon mauvais état de santé. Depuis des semaines, je suis de nouveau­ bien bas.

D'abord mes meilleurs remerciements pour vos démarches. Engels a écrit (ou écrira) à Liebknecht. Ce dernier d'ailleurs (avec Götz etc.) avait projeté d'exiger du Reichstag une enquiry [enquête] sur les conditions de travail. Il m'avait écrit ce sens et je lui avais envoyé, sur sa demande, des documents parlementaires ayant trait à la question[1]. Le projet échoua parce que le temps manqua en raison de l'ordre du jour. Sur un point, il vous est plus facile qu'à Engels ou à moi d'écrire à Liebkn[echt] : pour lui dire qu'il est de son devoir d'attirer l'attention sur mon livre dans les meetings ouvriers. S'il ne le fait pas, les lassalliens s'empareront de la chose et ne feront pas ce qu'il faut.

Contzen (privatdozent à Leipzig, disciple et partisan de Roscher) m'a fait demander un exemplaire via [par] Liebknecht et a promis d'en faire, de son point de vue, une analyse détaillée. Le livre lui a été envoyé par Meissner. Ce serait un bon début. La coquille dans votre entrefilet : Taucher[2] au lieu de Faucher, m'a beaucoup plu. Faucher appartient aux « prédicateurs itinérants » de l'économie politique. Ce type‑là ne figure pas parmi les « savants » économistes allemands, tels que Roscher, Rau, Mohl, etc. C'est encore lui faire trop d'honneur que de le nommer. Je ne l'ai jamais fait figurer comme substantif, mais seulement comme verbe[3].

Voulez‑vous indiquer à votre femme comme chapitres à lire d'abord la « Journée de travail », la « Coopération, la Division du travail et le machinisme », et enfin « l'Accumulation primitive »[4]? Pour les termes incompréhensibles il vous faut lui en donner la clef. Si d'autres difficultés se présentent, je reste à sa disposition.

Il y a de fort bonnes chances que paraisse en France (Paris) un compte rendu détaillé de mon livre (dans Le Courrier français, proudhonien, malheureusement) et même de le voir traduire[5].

Dès que j'irai mieux, j'en écrirai davantage. J'espère, en attendant, que vous écrirez souvent. Vos lettres me stimulent toujours.

Votre

K.M.


My dear Fränzchen,

As Papa is in a hurry to send off his letter, I have only time to send you my best love.

Your affectionate

Eleanor Marx[6]

  1. Voir la lettre de Marx à Engels du 14 octobre 1867. Plus de détails sur les demandes de Liebknecht in M.E.W., note 403, t. 31, p. 669.
  2. Plongeur, en allemand.
  3. Fauchen, en allemand, se dit du bruit que fait un chat en colère. Marx utilise dans Le Capital des verbes composés à partir de ce terme.
  4. Un conseil qui peut s'adresser également à tous les non‑spécialistes qui commencent l'étude du Capital.
  5. Moses Hess, selon une lettre de Victor Schily du 27 novembre, projetait d'écrire l'article en question. Élie Reclus, ami de Hess, fut pressenti comme traducteur. Les pourparlers traînèrent et finalement n'aboutirent pas, Sur cette question, voir Le Capital, Ed. soc., t. 1, p. 7 et suiv.
  6. Ma chère Françoise, comme papa est très pressé d'envoyer sa lettre, je n'ai que le temps de t'envoyer mes amitiés. Affectueusement, Eleanor Marx.