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Special pages :
Lettre à Levin Schücking, 18 juin 1840
| Auteur·e(s) | Friedrich Engels |
|---|---|
| Écriture | 18 juin 1840 |
Brême, le 18 juin 1840.
Cher Monsieur Schücking,
Encore une fois merci pour votre accueil si aimable et pour le beau souvenir de Munster. Je l'ai lu à Osnabruck d'un bout à l'autre sans m'arrêter et avec un plaisir très grand et j'envie la poétesse de savoir peindre la nature avec tant d'originalité et de tendresse ; je l'envie pour tous ces détails splendides qu'on y découvre au détour d'une page, je l'envie pour ses affinités avec Byron que vous-même, si je ne me trompe, aviez déjà soulignées dans sa critique que vous avez faite du recueil. Quelle honte que ces poèmes soient presque passés inaperçus ! A quoi bon, pensent les lecteurs superficiels d'aujourd'hui, toute cette profondeur de sentiment ? Je saisirai la première occasion pour rendre publiquement justice à ce livre. Existe-t-il dans son genre plus belle ballade que le « Graf von Thal » [le comte de Thal] ?
Pour ce qui est de notre plan concernant Shelley, j'en ai parlé dès hier avec Schünemann ; mais lorsque je lui ai annoncé que je réclamais 10 thalers de droits d'auteur, cela a fait l'effet d'un coup de tonnerre ; il a bondi et tout de suite déclaré qu'il ne pouvait signer un tel engagement. Il vient juste de rentrer de la foire, où il est allé voir lui-même ses innombrables rossignols de toute sorte, romans piétistes, récits venus de Belgique, livres de lecture espagnols et autre camelote ; en plus, il a été assez fou pour signer à Leipzig des contrats stipulant des honoraires peu élevés pour des livres de théologie, d'histoire universelle et d'histoire littéraire, de sorte qu'il ne sait plus où donner de la tête. Sottes gens que ces éditeurs qui croient courir un moins grand risque en publiant dans une méchante présentation un commentaire des Epîtres de saint Jean qui coûtera peut-être deux thalers de droits d'auteur, mais aussi qu'une vingtaine d'étudiants tout au plus achèteront, qu'en éditant Shelley avec des droits d'auteur et une présentation peut-être trois fois plus chers mais qui intéresse toute la nation. Je reviens à l'instant de chez Schünemann où je me suis rendu à nouveau pour m'entendre dire de sa bouche de manière définitive qu'il ne peut accepter de telles conditions. Il me dit qu'une plaquette de poésie équivalait au quart d'une plaquette de prose, si bien qu'il fallait compter en fait 40 t[halers] de droits d'auteur par plaquette. A quoi je répondis que la traduction des poèmes de Shelley n'était pas un jeu d'enfant et que ma foi, s'il ne voulait pas, il n'avait qu'à en rester là, mais qu'il se faisait tort à lui-même. Lui de me dire que si nous voulions lui en remettre auparavant une petite partie en guise d'essai, il voulait bien l'imprimer et puis qu'on verrait ce qu'il était possible de faire. Moi de répondre que Schücking et Püttmann n'étaient pas gens à accepter qu'on leur fasse subir un essai.
— Acceptez-vous, oui ou non ? demandai-je.
— Pas à ces conditions.
— Muy bien, dis-je?
Cela aurait été m'abaisser que d'avoir l'air de quémander ; je sortis. A mon avis nous ne devons pas le moins du monde nous décourager parce que cet espoir a été déçu. Si ce n'est pas l'un, c'est l'autre qui le fera. Püttmann qui a traduit le premier chant de Quenn Mab [la Reine Mab], l'a envoyé à Engelmann à Leipzig et si celui-ci accepte, il en faudra peu pour qu'il accepte de faire le tout. Sinon c'est sans doute à Hammerich à Altona et Krabbe à Stuttgart que nous devrions nous adresser d'abord. Au reste nos propositions sont tombées à un moment particulièrement défavorable, juste après la foire de Pâques. Je suis sûr qu'en janvier Schünemann ne se serait pas fait prier. Mais je vais retourner le voir et, pour rire, lui demander quelles sont ses conditions.
L'ami Schünemann, pour échapper à mes visites, a pris la fuite. Il s'est rendu à une partie de campagne. Sans doute nous aurait-il proposé 5 thalers comme droits d'auteur et exigé que nous fournissions au préalable — c'est sa manie — un petit bout d'essai de l'ordre de 3 à 4 plaquettes. L'unique responsable de toute cette histoire, c'est le piétiste Wilh. Elias, de Halle, dont le roman Glauben und Wissen [Science et foi] fait perdre à Sch[ünemann], qui l'a édité, quelque 2000 thalers. Si j'attrape l'individu en question, je le provoque au cimeterre.
Qu'en dites-vous ? J'écris à Püttmann dès aujourd'hui. L'entreprise me paraît trop belle pour qu'on y renonce sans plus de façons. N'importe quel libraire, à condition qu'il ait tant soit peu de culture, (Sch[ünemann] est un imbécile) acceptera avec joie d'en assurer l'impression.
J'attends avec impatience de savoir ce que vous en pensez vous-mêmes et me recommande à votre bienveillance.
Friedrich Engels.
Que dites-vous de la provocation que Gutzkow dans le Telegraph lance aux Hallische Jahrbücher ? G[utzkow] semble prendre la relève de Menzel et de Müllner et de leur terrorisme critique. Qu'il prenne bien garde que ses cadets ne deviennent plus forts que lui !