Lettre à Léon Sedov, 9 janvier 1932

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Mon cher Ljova,

J'envoie à Seipold un projet en russe aujourd'hui. J'espère qu'il trouvera un traducteur sur place. Si cela s'avère impossible, qu'il télégraphie : Frankel s’arrachera à un autre travail et le traduira.

Il serait très désirable que S(eipold) prononce ce discours. Mais si d'insurmontables difficultés de nature parlementaire l’empêchent de parler, on peut publier ce discours en tract sous sa signature, avec comme sous-titre quelque chose comme : "Le Discours qu'on m'a empêché de faire au Landtag de Prusse".

Jan t'a envoyé aujourd'hui un projet de déclaration en liaison avec l'affaire Turkul. Il nous faut pousser cela aussi vite que possible, tout en observant la prudence nécessaire, de sorte que ce document ne paraisse pas dans la presse : ce ne serait pas bon, surtout à cette étape.

J'ai reçu une lettre d'Erwin à qui je n'ai pas encore eu la possibilité de répondre. Sa lettre est consacrée aux questions à discuter. Pas un mot sur le travail factuel à Leipzig. Cela me trouble beaucoup. J'ai peur qu'un certain succès automatique des brochures puisse endormir nos camarades : il leur semble que le travail se fait seul. Une très grosse erreur. Il faut battre le fer quand il est chaud.

Le bavardage de Fuch est absurde Tous les détails sont bien connus de Pfemfert puisque c’est entre eux qu'il y a eu négociation. C'était de contrat général qu'il s’agissait et j'étais d’accord en principe pour un tel contrat. En outre, j'avais écrit aux éditeurs une lettre amicale dans laquelle j’exprimais ma complète satisfaction concernant l'accord à venir avec eux. Mais en même temps, leur financier, apparemment Weiss, dit à Pfemfert que ses opérations sur le grain en Argentine avaient tourné si mal cette année qu'il ne pouvait pas assumer d'importantes obligations, etc. J’ai été obligé de télégraphier au bureau de poste de Berlin de retenir ma lettre recommandée pour ne pas me trouver dans une position aussi désagréable. Voilà la véritable histoire derrière cette affaire.

J'espère que tu as déjà reçu de l'argent d'Amérique - je pense aux mille dollars.

Je ne doute pas qu'en ce moment, compte tenu de la crise des libraires, il soit possible d'acheter à des prix très favorables une série de livres de base (Marx et Engels, des dictionnaires, un atlas décent, des ouvrages de référence en géographie et économie, etc?) Ma - permets-moi de le dire - bibliothèque est pleine à 90 %, mais on manque complètement de livres de base.



Mon cher Ljova,

Je n’écris pas directement à Zina[1] - pas du tout parce que je ne considère pas une correspondance comme possible. Non, j’espère que la correspondance va être reprise et que les rapports vont prendre un caractère plus sain. Mais il faut laisser s'écouler un peu de temps pour compter sur un peu de sérénité et de stabilité. Au cours des derniers mois, il y a eu tant de changements et de tournants dans l'état d’esprit de Zina qu'une certaine prudence est nécessaire ; autrement, au lieu d'un rapprochement, il pourrait se produire quelque nouveau et durable déclin. La dernière carte postale de Zina, bien qu’elle témoigne d'un changement abrupt de son état d’esprit, ne dissipe pas mes appréhensions en ce qui concerne ses sentiments réels qui peuvent une fois de plus exploser dans un comportement hostile à ton égard. Elle ne dit pas un mot de Maman. Si on considère que tout est dû à une condition morbide temporaire qui est maintenant révolue, alors elle devrait avoir commencé plus ou moins à améliorer son attitude à l'égard de chacun. Pourtant elle s’est conduite de façon injuste et plus inadmissible que tout à l'égard de Maman qui l'a traitée plus tendrement (pas extérieurement, mais intérieurement) qu'aucun de nous. Pour moi, c'est un critère très important - et précisément là les indications sont défavorables. C'est pourquoi (particulièrement pourquoi) je souhaite attendre pour que tout se règle avec elle, qu'elle commence à écrire tranquillement sans tension, sans pénitence superflue, mais aussi sans arrière-pensées et j'espère fermement que ce moment arrivera bien que peut-être pas immédiatement.

Maintenant, les questions pratiques. Elle ne doit bien entendu pas quitter Berlin avant que le docteur considère qu'elle pourra supporter aussi bien le voyage que les conditions de vie en Russie.

Pour un visa de retour le mieux serait qu’elle aille au consulat et, tout en faisant cela, qu'elle explique aussi la question à Sevouchka. N'y vas pas toi-même, tu ne peux que la compromettre.

Mais il faut obtenir que Seva aille à Berlin au départ de Zina, quelques jours avant, peut-être quand la date elle-même sera fixée plus précisément. Quelqu'un pourra emmener Seva d'ici : ce sera possible à arranger. Tout ce qu'il fait, c’est nous dire en temps opportun, d’avance la date de son départ, trois semaines avant environ, voire deux, mais pas moins.

En ce qui concerne le climat, c'est beaucoup mieux de s'installer à Moscou qu'à Petrograd. Je pense aussi que du point de vue de son état nerveux, ce serait mieux qu'elle ne soit pas avec A(leksandra) L(vovna) au moins pas dans les premiers mois. Il me semble que ce dont Zina a besoin pendant un temps de vivre dans un cercle de gens avec qui les rapports ne puissent avoir qu'un caractère de " bienveillance ". Mais la question doit être tranchée aussi en fonction des conditions de logement. Peut-être peut-elle s’installer dans le Sud, en Crimée, au Caucase septentrional ?

En ce qui concerne les autres questions pratiques, il sera encore possible de correspondre avant son départ.

  1. La fille de Trotsky, Zina, était atteinte de graves troubles nerveux. Elle allait se suicider quelques mois plus tard.