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Special pages :
Lettre à Léon Sedov, 8 septembre 1931
Mon cher Ljova,
1. Le Biulleten est arrivé, d'abord par avion, puis en paquet. Tout le monde semble satisfait du numéro. Le reportage d'U.R.S.S. lui donne de la vie. Techniquement il est bon. Que faut il donc de plus ?
2. Le prochain numéro devra être consacré à l'U.R.S.S. de nouveau. On mettra des matériaux supplémentaires (très amples, de caractère tactique programmatique); il faudra écrire un article sur ce thème en utilisant la polémique de Larine, profondément stupide, mais qui donne mais qui donne encore quelques points d'appui pour une clarification principielle.
3. Concernant ma brochure allemande (quand sort elle ?), nous allons naturellement nous rapprocher des brandlériens. Les brandlériens eux mêmes vont probablement réagir de la même façon. Là, il est très important de répondre à temps et de façon juste. Je ne me souviens pas de t'avoir écrit à ce sujet. La question est celle du III° congrès de l’I.C. Les questions du front unique, la lutte pour les ouvriers social démocrates, en un mot la lutte pour les masses en tant que condition préalable à la lutte pour le pouvoir ont été carrément posées au III° congrès qui a adopté mes thèses sur ces questions. Thalheimer, Maslow, Béla Kun et Pepper y prirent la parole dans un front uni contre Lénine et moi.
Bien entendu, tu t'en souviens. Mais il te faudra rafraîchir ta mémoire et le rappeler aux autres en liaison avec la campagne contre le national communisme. Les brandlériens ont appris quelque chose du III° congrès mais sont loin d'avoir tout appris. "La lutte pour les masses", "le travail dans les syndicats", "le front unique" ils répètent tout cela comme des perroquets, mais le vident de son contenu révolutionnaire et le réduisent à des mécanismes d'organisation. Cela explique aussi qu'ils remplacent les questions stratégiques de grammaire par le mot d’ordre de lutte pour les masses. Dans la mesure où ils se basent sur les leçons du III° congrès, cependant, des concurrences sont inévitables sur des questions partielles et parfois très importantes. Le nier ou se sentir "gênés" à ce sujet serait absurde : nous ne renonçons pas aux leçons du III° congrès, au contraire en ce moment précis, nous devons les enseigner et les rappeler.
4. Il y a quelques jours nous avons reçu un télégramme de Roman que le secrétariat avait été élargi et que la tension diminuait. J’attends des comptes-rendus détaillés à ce sujet de toi et de lui. Pour le moment, je veux exprimer en préliminaire quelques considérations. L’élargissement du secrétariat est naturellement une sorte de garantie contre toute surprise de la part de Mill, mais c’est une garantie qui est loin d’être absolue, car le bureau d'opération demeure après tout à Paris et Mill a démontré qu'avec tout son impressionnisme, il est capable d'un comportement totalement irresponsable. Pourra t-il après tout ce qu'il a fait se freiner au secrétariat ? J'en doute beaucoup. Je doute plus encore de son utilité pour la cause. Il est irrité de ses propres fautes et de sa demi-défaite, à chercher une revanche, accumuler les fautes, se compromettre et nuire à la cause. Je pense que dans l'intérêt de la cause autant que celui de Mill, nous ne devons pas nous en tenir à la réforme réalisée dans le secrétariat, mais préparer l'étape suivante. Ici plusieurs variantes sont possibles :
- remplacer Mill par quelqu'un d’autre comme secrétaire permanent ( qui?),
- Transférer le bureau de Paris à Berlin,
- établir le principe que le bureau consiste en cinq membres représentant le même nombre de sections nationales.
Cette dernière variante a quelques inconvénients principiels et pratiques, mais aussi quelques avantages : Mill serait écarté dans une affaire d'organisation, pas une affaire personnelle. Pour le moment, tout en est à l'étape préparatoire. L'objectif de ces lignes est qu'il voit que la conduite du bureau de Paris est étroitement contrôlée; pas un geste fait par le bloc de Mill et Naville ne doit être laissé impuni.
Hier soir, j’ai reçu une lettre de Mill, la première depuis la grande rupture. Il écrit comme s'il ne s'était rien passé. Réellement, un type surprenant; il continue à me prêcher sur Molinier, promet d'écrire un projet de manifeste espagnol dont il dit que Well le lui a rappelé, etc. J’étais tellement fâché que je n'ai même pas fini de lire sa lettre. Avant de répondre à Mill, je dois attendre une lettre de Well. J'ai écrit il y a un mois et demi ou deux sur le manifeste espagnol. Le projet de Mill n'a pas d'intérêt du tout pour moi : Mill a suffisamment manifesté son "horizon" espagnol avec ses rapports d'information d’Espagne. J’ai proposé aux camarades espagnols d'élaborer un projet de manifeste ou au moins un brouillon afin de pouvoir utiliser le matériel en élaborant la texte définitif.
Un télégramme favorable d'Eastman, hier. Boni ne semble pas être au bord de la faillite malgré les rumeurs. En plus, il a fait toutes les concessions, c'est à dire accepté toutes mes conditions. Eastman a assuré mes honoraires par l’hebdomadaire en cas de faillite de Boni. Sous cet angle donc il semble qu'on puisse apparemment ne s'attendre à rien de déplaisant.