Lettre à Léon Sedov, 4 juin 1932

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Lettre à Ljova

1. En ce qui concerne Fr(iedmann), la question est tranchée de façon assez favorable grâce à l'apparition sur le scène du troisième homme. Ce nouvel ami m'a fait l'impression d'un homme malade. Il est possible qu'une maîtrise médiocre de la langue ait aggravé cette impression. En général un homme qui bâtit une grande organisation doit avoir une énergie correspondante. Nous devons évidemment nous tenir informés de près de tout ce qui arrive. En général, il a fait l'impression d'un homme plus sérieux, plus réfléchi, et plus conscient de sa responsabilité personnelle que nombre de nos autres amis. Précisément pour cela, il est plus enclin à ”faire attention”, c'est-à-dire, au fond, il est capable de mieux apprécier l'expérience de quelqu'un d'autre : les gens qui n'ont pas d'expérience personnelle n'estiment guère d'habitude celle des autres.

2. Nous avons bavardé longtemps. Je me suis formé l'impression que dans le domaine de la question nationale, leur organisation n'était pas et n'est pas de premier ordre. Il y a en Grèce des minorités nationales, les Bulgares macédoniens, les Albanais, les Juifs. L'organisation a eu et a encore une attitude trop passive vis-à-vis de la politique officielle, beaucoup trop de confiance dans les statistiques officielles de population qui sous-estiment de toute évidence le nombre des Macédoniens et des Albanais. Pour une évolution ultérieure du mouvement dans les Balkans, la question nationale a une importance gigantesque. Inattention et négligence sont ici inadmissibles. Je reviendrai à cette question une fois de plus quand j'aurai réuni les faits nécessaires.

3. Neurath est-il en train de venir à nous ? Je trouve que c'est difficile à dire. Il est évidemment largement paralysé par son propre passé et pour cette raison [...]

4. En ce qui concerne Frey, le secrétariat ne pourrait pas ne pas soumettre sa candidature aux délibérations des sections nationales. Cela veut dire qu'il n'y a pas là d'"erreur". Si les sections désavouent ma proposition, ce n'est pas non plus un malheur: il apparaitra seulement que je suis plus "gentil" que les sections. Depuis ma première réponse à Frey, je ne lui ai rien écrit. J'envoie en même temps une copie de la lettre de Grad et ma réponse.
Il se pourrait bien que nous ayons à nous limiter simplement à une enquête, en particulier de Krüger.

5. Ce n'est pas juste de confier à Weisbord la représentation du Biulleten, etc. non seulement parce que c'est un trop grand défi à la Ligue (américaine) mais aussi parce que cela va aggraver les rapports entre Weisbord et la Ligue, à long terme, à un moment où toute la tâche consiste à les améliorer. Ce serait sacrifier l'objectif général à un objectif partiel.

6. Les Américains n'ont pas encore vendu le second volume au journal juif. Swabeck devrait t'écrire là-dessus. On peut espérer que tu vas recevoir les 500 dollars, bien que Swabeck soit moins catégorique, dans sa lettre, que ne l'était Shachtman.

7. Quant au chèque de 250 dollars, ce serait évidemment absurde de le renvoyer ici comme tu le proposes. Le fait qu'il faille quatre semaines pour encaisser les chèques américains (tu insistes toujours en l'écrivant avec des points d'exclamation) indique simplement qu'il faut prévoir à l'avance les dépenses nécessaires et en informer, en gardant à l'esprit que les chèques-radio n'ont pas encore été inventés.
Je pense qu'une partie de ce chèque va aux Allemands.

8. Le prochain numéro du Biulleten doit évidemment être consacré aux affaires russes. Malheureusement Problemy Ekonomiki n'est même pas arrivé. De façon générale nous n'avons de matériel que journaux, très fragmentaire.
Je m'intéresserai au Biulleten quand J'aurai fini le gros chapitre sur la révolution permanente. Pour ce chapitre, je n'ai rien de plus ni rien de moins à faire que de relire tout Lénine.

9. Un certain nombre de livres sont arrivés par Fischer. La plupart sont utilisables, bien qu'il y en ait aussi de trop pesants comme l'ouvrage de références chinois. Il est particulièrement important pour moi d'avoir quelques études fondamentales sur les questions internationales et d'avoir ensuite de la littérature politique courante (articles de revues, brochures, livres). Après avoir terminé le livre et m'être un peu reposé, je commencerai à écrire une série d'articles pour la presse américaine. C'est exactement pour cette raison que j'essaie d'assurer les moyens de production.