Lettre à Léon Sedov, 27 février 1932

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Mon cher Ljova

1 . X est le même qui a demandé à n'être pas nommé et dont les commentaires ont été reproduits dans les deux derniers numéros de la Permanente. Dans le dernier numéro, la note " Mitmachen " résume le contenu de la lettre à laquelle je pensais. La question est donc abandonnée.

2 . Il faut lancer une grande campagne sur Rakovsky. Une biographie, même courte, devrait être écrite sur lui. Je le ferais si je pouvais réunir les matériaux nécessaires. Je conseille qu'on confie cela officiellement à quelqu'un à Berlin ou Paris et [qui soit] de l'Opposition bulgare. Il faut rechercher les articles de Rakovsky dans la presse soviétique, son vieux livre contre les boyards roumains ( autour de 1909, je pense), mon livre sur la Roumanie avec un long supplément de Rakovsky, etc, etc. On peut envoyer l'appel correspondant à toutes les sections, imprimé dans le Bulletin international. Quand en aura collecté assez de matériel, J'aimerais faire la biographie de Rakovsky en deux ou trois pages imprimées. Ce serait très important.

3 . Il ne faut pas oublier Prinkipo dans les lettres circulaires ; je ne reçois jamais mes lettres en traduction française (particulièrement les lettres aux espagnols)

4 . Si la conférence espagnole est aussi tôt que le 23, que faire alors sur ses thèses et résolutions ? Où sont-elles publiées ? Après tout, nous avons quelque chose comme une règle en vertu de laquelle on publie les projets de thèses dans la presse internationale un mois ou deux avant les conférences. Pourquoi ne l'observe-t-on pas ? Peut-être devrait-il y avoir une expression officielle de regret au nom du secrétariat sur un report de la conférence de quelques semaines de façon à permettre aux sections étrangères d'exprimer leur opinion sur les projets de résolution.

5 . Je n'aime pas placer un chapitre dans le journal Gagner : c'est une publication anti-marxiste dans laquelle Korsch balance la théorie de Marx. En ce moment je ne publierais même pas Aktion. Je ne vais pas en faire un drame, mais il faudra se le rappeler la prochaine fois. Une publication bourgeoise est bien meilleure qu'une publication anarcho-syndicaliste ou social-démocrate de gauche.

Une déformation désagréable s'est glissée dans la traduction de la préface. Frankel a déjà envoyé la correction : j'ai dit que les voies vers une différenciation "normale" de la société allemande étaient fermées, et, dans la traduction, il est dit le contraire : "ouverte". Comment se fait-il que tu ne l'aies pas relevé là ? Le sens est tout à fait clair. J'espère qu'on corrigera soigneusement les épreuves non seulement du point de vue des nuances de l'allemand (c'est une question secondaire) mais du point de vue du sens (c'est le plus important).

6 . A l'avenir, j'écrirai sur toutes les questions allemandes, y compris les questions pratiques, non pas à Well mais directement à la direction ; malheureusement cela prendra plus de temps puisque je devrai les écrire en allemand. Mais on n'y peut rien.

7 . Je suis enchanté de ce que tu me dis du nouvel organisateur berlinois. Les premiers documents (un programme pour les ouvriers) sont déjà arrivée. Il est temps que l'Opposition allemande décolle et quitte le point mort. Je salue de toutes les façons l'énergie du nouveau camarade.

8 . Il me semble (selon certains comptes rendus que nos orateurs sont un peu embrouillés par ma phrase sur les accords pratiques avec Grzesinski et Noske, pourtant ce qu'il faut faire, c'est de poser la question de façon aussi aiguë, sèche et brutale que possible. Il n'y a naturellement aucune différence entre Grzesinski et Wells. Mais si les fascistes veulent s'emparer de Berlin demain, ils auront à prendre l'administration de la police. Grzesinski et compagnie auront deux routes : ou bien la capitulation, passer du côté des fascistes, ou essayer de résister. L'un et l'autre sont possibles. Il serait donc une véritable trahison de prendre sur soi la responsabilité politique de Grzesinski. Mais refuser d'arriver à un accord au cas où Grzesinski se prépare à se battre, serait de l'idiotie. Les Grzesinski ne pourraient combattre qu'avec le soutien des ouvriers. Plus encore, la police social-démocrate pourrait être obligée d'armer une partie des ouvriers comme les mencheviks et les S.R. ont armé une partie des bolcheviks pendant les journées de la korniloviade. Dans un tel cas, allons-nous refuser d'être armés ? Au contraire, nous l'exigerons, exploitant la situation. Les représentants des milices communistes diraient [à] Grzesinski : "Vous savez qui nous sommes, rien ne nous arrêtera mais maintenant nous voulons nous battre contre les fascistes aux côtés des ouvriers social-démocrates - donnez-nous des armes". C'est la forme classique de l'accord de combat, qui peut être imposé aux dirigeants social-démocrates par la situation. Le sujet de Grzesinski Noske ne doit pas recevoir une réponse évasive mais agressive. Bien entendu, si ces messieurs désertent et [illisible - NDE] à Hitler (ce qui n'est pas non plus exclu), nous les combattrons. Mais après tout ce n'est pas une question personnelle. Il faut marteler cet argument dans la tête des gens.

9 . La brochure dans son ensemble pourrait être sortie en russe, sous la forme d'un numéro double du Biulleten. Comme livre à part, ce serait trop cher et puis nous n'avons pas d'appareil de diffusion. On peut publier pourtant 500 exemplaires sous une jaquette différente. Pour l'édition russe, il faudrait un autre titre. Par exemple : "La Révolution allemande et la bureaucratie stalinienne". Cela correspond plus ou moins au contenu du petit livre.

10 . Il faut accélérer la question de Kirch(hoff). Ray(mond) propose Frank. Je serais heureux qu'il vienne, mais si Jan s'en va, je resterai complètement sans Allemand ce qui en ce moment serait catastrophique. En ce moment précis, un Allemand est absolument essentiel. A propos, quand cet allemand viendra, il sera essentiel qu'il apporte une machine à écrire allemande, car la nôtre est complètement cassée. J'espère que tu recevras d'ici là l'argent de Schumann. [illisible Ndlr]

11 . Il est arrivé un gros paquet de "contrebande" (pas trotskyste) avec quelques matériaux allemands. Je n'ai pas encore tout regardé.

12 . Le nouveau comité de rédaction de La Vérité (Treint, Naville, Souzo, Ray(mond) - sans Frank) me surprend : il est tout à fait en discordance avec les intentions et plans de Ray. Mais il me le dit sans commentaire, comme si c'était dans l'ordre naturel. Il est évident qu'il s'est querellé avec Frank. Une calamité! Je veux d'autant plus avoir Frank ici. Mais j'ai besoin d'un allemand.

13 . Maintenant le plus important : le décret sur la déchéance de la nationalité de notre famille en même temps que toutes sortes de gens. Je n'ai pas encore reçu le texte. Je me suis tout le temps attendu à un truc de ce genre : j'en parle ouvertement dans ma brochure allemande : la résolution sur "l'avant-garde de la bourgeoisie contre-révolutionnaire n'est que la préparation d'un autre plat épicé" ( il est dit quelque chose comme ça). Tu dois citer ce passage, écrit avant le décret, dans la Permanente. Il est possible que ce ne soit pas le dernier plat épicé. Ce type peut essayer encore d'avoir sa vengeance par Sérioja.

J'ai déjà envoyé une explication bien détaillée à la presse américaine. Je joins une explication pour notre propre presse, qu'on peut mettre dans nos publications et utiliser pour l'agitation. Je peux aussi inclure la citation de ma brochure (l'explication n'a pas encore été écrite).

Voici maintenant quelques considérations pratiques.

Zina, selon moi, doit immédiatement protester contre cette décision sous une forme d'affaires, calme, quelque chose comme ça : "A telle et telle date, à la demande de mon père qui a été perturbé par mon douloureux état de santé, j'ai reçu la permission de me rendre à l'étranger pour un traitement. Tout mon temps a été intégralement consacré aux questions de traitement ( continuer sur la pneumonie aux deux poumons, sur la visite en sanatorium à Prinkipo, le voyage à Berlin pour arrêter les pneumothorax, la visite à la clinique - tout cela exposé aussi précisément et avec autant de détails que possible, avec une énumération des noms des cliniques et des médecins). Je n'ai eu aucun contact avec la politique pendant toute cette période, et dans l'état de ma santé je ne pouvais pas en avoir. En outre il devrait y avoir une référence à la famille, au fait qu'elle a voyagé à l'étranger avec la permission du gouvernement et avec l'assurance manifeste d'avoir la possibilité de revenir et que pendant tout ce séjour elle n'a pas pris la moindre initiative qui pourrait avoir servi directement ou indirectement de prétexte au décret, c'est-à-dire à son inclusion dans la liste, elle se considère comme autorisée à demander la révision de la question la concernant et que le droit de revenir dans sa famille et à son travail pratique lui soit rendu."

Je ne pense pas, bien entendu, que cette lettre va produire immédiatement un résultat pratique. Mais elle peut être utile à l'avenir. En outre, c'est vital pour Zina qu'elle aille voir le Consul en personne, et si possible l'Ambassadeur. Ici, il faut suivre jusqu'au bout tous les canaux des "possibilités légales".

Pour ta part, tu pourras écrire une lettre au consulat mais cette fois d'un caractère différent : " Je prends acte, écris-tu, de la décision qui vient d'être publiée. Il ne s'agit pas pour moi de commencer à la critiquer : c'est un acte politique et pas judiciaire. C'est une forme de vengeance pour ma participation à l'Opposition de gauche internationale. Mais pourquoi ma sœur est-elle également incluse dans cette même liste ? Tu pourrais continuer avec un bref résumé de l'essentiel de la lettre de Zina, mais cette fois en ton nom en tant que témoin : bien que moi, tel et tel, je participe réellement et de façon active au travail de l'0pposition de gauche, ma soeur n'avait et, dans son état de santé, ne pouvait avoir le moindre contact avec ce travail. Les deux lettres devraient être écrites aussi calmement que possible.

14 . Je viens juste de dicter un article sur le sujet de la déchéance de la nationalité. Je n'ai pas encore vu la loi elle-même, je le répète, aussi je ne tiens peut-être pas compte de tout. Je propose au secrétariat de diffuser cet article en son nom, c'est-à-dire avec la signature du secrétariat. En général, il, faut en faire une habitude : diffuser des proclamations, des articles, des déclarations sur des questions importantes au nom du secrétariat, et imprimer sous cette forme ceux qui sont destinés au public. L'article ci-joint peut être imprimé dans la Permanente, la Vérité, le Militant etc. Si le secrétariat juge utile de faire amendements ou additifs, je n'ai bien entendu aucune objection, puisque l'article va paraître avec sa signature.


Je t'envoie ça sans l'avoir relu.