Lettre à Léon Sedov, 26 août 1931

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Mon cher Ljova,

  1. Je t'envoie deux études sur l'Allemagne. Elles sont avant tout dirigées contre le national-communisme. Les deux articles ont été écrits sur l'insistance de mes hôtes. Ils devraient sortir en Allemagne sous la forme de brochure. On peut en donner des extraits dans le n°3 de la Permanente, mais Well et Senine vont t'écrire à ce sujet. Au moment précis, tous les trois sont occupés à les traduire en allemand. Ils vont aussi t'écrire à ce sujet eux-mêmes.
  2. Ainsi tu as le nouveau numéro du Biulleten russe. Il faut y ajouter le reportage d'U.R.S.S. Tu peux le faire toi-même sur la base du matériel que tu as déjà reçu. D'ici je ne donnerai pas une ligne de plus. Je te demande de bien te le garder en tête et de ne pas m'envoyer de télégramme : avec ces deux articles, j'ai perdu presque trois jours sinon plus et maintenant , j'ai la perspective d'un gros retard sur le livre qui menace directement. Je ne sais pas comment tu vas faire avec les finances du Biulleten. Mais j'espère que ça peut se régler d'une façon ou d'une autre.
  3. Comment utiliser l'étude sur la ligue allemande ? Pour le moment, au cours des préliminaires, R(oman) et moi avons dit que sa publication comme brochure ne devrait pas être inférieure à 10 000 exemplaires, et à prix très bas. Dans le proche avenir, le mot d'ordre "Contre le National-Communisme" doit être le mot d'ordre central de l'Opposition de gauche[1]. Dans mon étude, je mets une citation, de Fanfare du 1° août, extraite d'une lettre de Scheringer. Cette citation est un vrai cadeau à l'Opposition de gauche. Scheringer dit presque ouvertement non seulement qu'il veut la "révolution populaire" seulement comme un moyen de guerre, mais qu'une guerre révolutionnaire aussi est la poursuite de la cause sacrée qu'ont servie les victimes tombées pendant la grande guerre. La continuité de la cause Scheringer-Ludendorff est établie ici avec une précision notariale et en outre tout cela est fait dans les pages de la presse communiste. La citation de Scheringer doit être prochainement populaire. Après la sortie de ma brochure, il faudra faire de petits prospectus que les français appellent "papillons" avec la citation de Scheringer et quelques brefs commentaires. Ou bien tu écris toi-même le commentaire, ou bien tu prends directement une citation de ma brochure avec l'inclusion de la remarque de Scheringer. C'est une arme très sévère et importante. Le P.C. brise les réunions de l'Opposition, calomnie l'Opposition, etc. Mais contre ces "papillons" là, l'appareil sera impuissant. Une campagne concentrée sur la question du national-communisme, capable de donner un puissant élan à l'Opposition de gauche. Nous avons sous les pieds un terrain inébranlable, puisque cette question est étroitement liée à la théorie du socialisme dans un seul pays etc. La question du contrôle ouvrier peut pour un certain temps être laissée au second plan, en désignant un groupe spécial pour travailler dessus. Je vais en parler avec plus de détail avec mes hôtes. Je te donne mes idées à titre préliminaire.
  4. Je peux te dire quelque chose par l'intermédiaire des hôtes sur les matériaux que tu m'as envoyés. Ils sont de valeur au sens qu'ils renforcent beaucoup notre position, confirment nos juge­ments et ouvrent des possibilités sérieuses. Quant au voyage dont tu as parlé (en m'indiquant qu'il coûte 100 marks), je ne pense pas qu'il vaille la peine. Je connais cet individu comme indécis et passif. Il se pourrait qu'un accident arrive de ce fait. En ce cas il faudrait attendre une meilleure occasion "financière".
  5. Il n'y a naturellement aucune nécessité de nous envoyer les éprouves de la Défigurée. A propos, quelle est la date limite pour la préface ?
  6. Tu écris que Nin te boycotte. De façon générale, une chose de ce genre n'est pas du tout exclue. Mais cela peut aussi être exactement le contraire. Nin m'a écrit très souvent au cours des dernières semaines et chaque fois s'est plaint de ne pas recevoir de réponse de moi. Pourtant je lui ai écrit autant qu'il m'a écrit. A Madrid, mes lettres arrivent avec un grand retard. Il est possible que tout ça se réduise à la violence de la police espagnole...Essayer de vérifier sérieusement (renvoyer les reçus, etc.)
  7. Sur Petropolis, tu écris qu'on perd encore du temps "puisqu'il n'y a pas de manuscrit". Quel manuscrit ? Défigurée a été envoyé. Tous les chapitres déjà rédigés du second volume de l'Histoire l'ont été depuis longtemps. De quoi s'agit-il ? M(aria) I(lyichna) va t'écrire sur tout ça de façon plus détaillée.
  8. Malgré le manque de temps, mes hôtes et moi discutons beaucoup et j'espère aboutir à un accord sur tout ce qui est essentiel.
  9. Ma réponse à Souzo t'a été envoyée. Sur cette question précisément, Mill a semé la plus grande confusion.
  10. Pour le Biulleten, tu peux naturellement utiliser les lettres pas encore publiées sur la question espagnole (hélas, je les ai négligées).
  11. Pour en revenir à la question de la campagne contre le national-communisme. Avec la citation de Scheringer, la formule bien connue de Liebknecht que j'utilise, doit être soulignée: l'ennemi principal est dans notre propre pays. Il faut rappeler que Liebknecht a été assassiné par ceux qui cherchaient à continuer la grande cause de la guerre nationale. Scheringer est entre Liebknecht et ses assassins, non seulement à cause de tout son passé (il était entièrement avec les assassins), mais aussi à cause de son idéologie d'aujourd'hui.
  1. En mars 1931, le lieutenant R. Scheringer, un ex-nazi, rendit publique son adhésion au parti communiste. Cette adhésion, effectuée sur des bases plus qu'équivoques, allait être utilisée par l'appareil stalinien pour accentuer un cours chauvin qui allait aboutir à une alliance de fait entres nazis et staliniens contre le parti socialiste. Ainsi le K.P.D. soutiendra-t-il l'offensive nazie pour obtenir la dissolution du landtag de Prusse dirigé par le S.P.D.