Lettre à Léon Sedov, 23 juin 1931. Questions diverses

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Mon cher Ljova,

En réponse à ta lettre n° 32 du 17 juin.

1. Je suis un peu troublé par l'information sur Epstein que tu as obtenue par l'organisation de Leipzig. Tu te souviendras que dans ma lettre j'avais suggéré qu'on évite ça, recommandant une forme "discrète" d'activité. Le bavardage est inévitable, surtout si on réalise que dans toute cette affaire, Leipzig ne verra que... concurrence. Pour le moment, ces deux domaines doivent être complètement séparés. J'ai envoyé une lettre par ton intermédiaire afin que tu puisses l'avoir au cas où il y aurait sur Epstein quelques faits qui le compromettent. Mais, au cas où tout serait favorable sur ce point, il faudrait expédier la lettre tout de suite et en aucun cas par l'intermédiaire d'Erwin, car cela sèmerait la confusion dans toute cette affaire.
Tu suppose que la création de notre propre journal assassinerait le journal de l'organisation. Je ne le pense pas. Au contraire, nos propres journaux toucheraient des milieux où le petit journal de notre organisation ne pourrait pénétrer; de nouvelles possibilités, de nouvelles sympathies, que l'organisation aurait à renforcer. Entre les deux publications s'établirait une naturelle et nécessaire division du travail.

2. Sur le visa espagnol, si le pire empire, Aktion pourrait imprimer quelque chose de sorte qu'on puisse d'ici l'envoyer en Espagne aussi vite que possible.

3. J'ai déjà reçu les livres de Fischer. Je t'ai écrit à ce sujet.

4. Sur Petropolis. Bien entendu on peut signer avec eux maintenant un contrat pour le second volume aussi. Mais il n'est guère possible de commencer à le composer maintenant. Le livre ne sera fini qu'en septembre (conformément au nouveau contrat avec l'Amérique). L'éditeur ne pourrait guère accepter de garder le plomb pendant trois mois. S'il le fait, tant mieux.
Il me semble qu'on peut garder les mêmes conditions : ils te paieront 500 marks à la signature et 1500 à la sortie du livre.

5. Quant à la lettre à l'Istpart et quelques documents supplémentaires, ils te seront envoyés nous la forme où on les a imprimés en France. Il faudrait élargir le texte de l'édition russe, comme je l'ai déjà écrit, avec un nombre important de citations et de faits nouveaux, déjà au Biulleten (certains pas encore utilisée). J'écrirais naturellement une préface (dans laquelle je pourrais inclure quelques informations biographiques sur Staline).
Tu pourrais expliquer à Petropolis que le public soviétique pour lequel tous ces faits seraient tout à fait nouveaux (puisqu'ils sont totalement oubliés) achèterait ce petit livre sans interruption et régulièrement. Le livre serait en tout cas également diffusé dans la même dimension que La Révolution permanente. Tu peux leur montrer le manuscrit comme venant de toi, comme extrait de tes archives, puisqu'avec ces gens je ne veux pas de précédent : montre-leur le manuscrit à l'avance.

6. A propos, comment l'édition russe est-elle diffusée : il est évident que le presse des Blancs, du fait de l'impossibilité de répondre quoi que ce soit de censé, ait décidé de le boycotter. N'y a-t'il pas quelque accord semblable avec les libraires aussi ? Mais ce public n'est pas capable de sacrifier un rouble pour des raisons politiques.
Sais-tu comment se vend l'édition allemande ? La crise doit avoir porté un rude coup aux ventes.

7. Dans ma dernière lettre, je t'ai écrit mes propositions pour reprendre la correspondance et je les ai officiellement adressées aussi au secrétariat. Je ne peux nullement accepter ta dernière proposition : ce jeu ne vaut pas la chandelle et on peut brûler trop de chandelles à ce jeu-là.

8. Eastman me demande de lui envoyer des livres sur la littérature russe de la tout dernière période. S'il te plaît, tâche de découvrir ce qui est plus ou moins important dans ce domaine. L'affaire est assez urgente.

9. De façon générale, Senine est de toute évidence un véritable fainéant. Tu sais probablement que dans son chemin vers nous, il a été avec les brandlériens. Tes considérations générales sont tout à fait indiscutables. Avant que ne se manifestent les contradictions du socialisme dans un seul pays à une nouvelle étape et c'est inévitable - il n'y aura pas d'affluence vers nous dans les cercles de l'intelligentsia ou les ouvriers à l'étranger ; quelles sont les attitudes qui se dessinent chez les ouvriers russes qui vivent maintenant dans une horrible pénurie en dépit des succès ou, pour être plus précis, grâce à ces succès - c'est une question qu'il est difficile d'examiner précisément maintenant. En Allemagne, l'afflux d'ouvriers vers les extrêmes suspend en fait les questions de tactique et de stratégie : la stupidité et l'absence de talent de Thälmann sont noyées dans ce flot. Mais la solution de ce problème est encore à venir. Ce que nous devons faire en ce moment précisément, c'est le travail théorique préparatoire : analyse, pronostic. C'est précisément pour cela qu'il nous faut une revue.
Mais même maintenant, il y a déjà une question qui nous permet de prendre tout de suite l'offensive. Quoi qu'en disent les Senines, les problèmes de la stratégie révolutionnaires conservent toute leur importance. Dans les prochains jours et mois nous avons l'occasion de réagir systématiquement à tout ce qui se passe en Espagne et de donner une leçon-modèle à l'avant-garde prolétarienne internationale. Une fois de plus il est extrêmement important d'avoir notre publication allemande.

10. Finances. Il apparaît que le transfert de Paris à Berlin n'a pas été fait, parce que l'argent y avait déjà été envoyé. En raison des difficultés que tu connais, on t'enverra de petites sommes d'ici aujourd'hui (nous ne pouvions pas les envoyer hier à cause d'un congé). Ne te tracasse pas pour nous ici, nous avons suffisamment pour être à l'aise avec les sommes déjà reçues. Si Pfemfert signe un nouveau contrat, ou si Petropolis paie 500 marks n'envoie pas ici l'argent que tu recevras, mais garde-le à Berlin pour les besoins courants. J'ai écrit à Paris qu'une partie du second paiement mensuel devait t'être versée. J'espère ainsi que tu ne tomberas pas dans des difficultés financières, non seulement personnelles, mais aussi pour les publications nécessaires. Après avoir fini le livre, à l'automne, je vais prendre un mois de vacances, puis j'aimerais - tout en écrivant lentement un nouveau livre - préparer la publication de notre propre revue allemande, à commencer avec la nouvelle année. Tu as là un petit calendrier.