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Special pages :
Lettre à Karl Marx, 18 novembre 1835
| Auteur·e(s) | Heinrich Marx |
|---|---|
| Écriture | 18 novembre 1835 |
Trèves, le 18 novembre 1835.
Mon cher Karl Marx,
D'abord quelques mots sur ma lettre, dont il est possible qu'elle t'ait causé quelque chagrin. Tu sais que je ne suis pas homme à affirmer formellement mon autorité paternelle et que lorsque j'ai tort, je l'avoue aussi bien à mon enfant. C'est un fait que je t'avais dit de ne nous écrire que quand tu aurais fait plus ample connaissance avec les lieux. Tu aurais dû quand même, puisque l'affaire réclamait du temps, prendre mes paroles moins au pied de la lettre, surtout que tu sais à quel point ta bonne maman est anxieuse et préoccupée. Mais c'est assez sur ce chapitre.
Ta lettre, qui était difficile à déchiffrer, m'a fait grand plaisir. Je ne nourris certes aucun doute sur ta bonne volonté, ton ardeur au travail, pas plus que sur ta ferme détermination de faire quelque chose de valable. En attendant je me réjouis de voir que les débuts te sont faciles et agréables et que tu arrives à prendre du goût à la matière qui sera ta profession.
Suivre 0 cours, cela me semble un peu beaucoup, et je ne voudrais pas que tu en fasses plus que ton corps et ton esprit n'en peuvent supporter. Mais si tu ne trouves aucune difficulté à cela, alors tant mieux. Le domaine du savoir est immense et le temps est court. Il est probable que dans ta prochaine lettre tu m'en diras plus, en donnant maints détails. Tu sais à quel point tout ce qui te touche m'intéresse.
Pour ce qui est des cours de droit, tu ne dois pas [...] cela soit langoureux et poétique. Le sujet ne le permet pas [...] poésie, il faudra bien que tu t'y fasses et que [...] trouver digne de la réflexion la plus approfondie. Pardonne [...] matières.
Que te dirai-je de plus ? Te faire un sermon ? Afin que [...] disent, ce que tu ne sais pas. Bien que suffisamment [...] la Nature t'a ainsi pourvu, que si vraiment tu [...] la lucidité de ton esprit, la pureté de tes sentiments, l'innocence de [...] enseignent, pour ne pas dévier du droit chemin [...] et ce que je souhaite, tu le sais très bien. Je veux maintenant [...] rattrapes, ce que dans des circonstances moins favorables je [...] pas pu atteindre. Je souhaite voir en toi ce que je serais peut-être devenu si j'avais vu le jour sous des auspices aussi favorables. Il est en ton pouvoir de réaliser ou de réduire à néant mes plus belles espérances. Il est peut-être injuste et mal avisé de fonder ses plus belles espérances sur un être humain, au risque de ruiner sa propre tranquillité. Mais qui d'autre que la Nature est responsable quand les hommes par ailleurs peu suspects de faiblesse sont malgré tout faibles en tant que pères ?
La chance qui t'échoit, mon cher Karl, rares sont les jeunes gens de ton âge qui l'ont. Pour cette première étape importante de la vie, tu as trouvé un ami et un ami très digne, plus âgé et plus expérimenté que toi. Il faut que tu saches apprécier ce bonheur. L'amitié au vrai sens classique du mot est le plus beau joyau de l'existence, et à ton âge, c'est pour toute la vie. Ce sera la meilleure pierre de touche de ton caractère, de ton esprit, de ton cœur et surtout de ton sens moral, si tu sais conserver cet ami et demeurer digne de lui.
Je ne doute réellement pas que tu sauras demeurer un être moral. Mais la solide foi en Dieu reste un grand auxiliaire de la morale. Tu sais que je ne suis rien moins qu'un fanatique. Mais cette foi s'impose tôt ou tard à l'homme comme un besoin authentique, et il y a des moments dans la vie où l'athée lui-même est amené malgré lui à adorer l'être suprême. Et c'est chose fréquente [...] car ce à quoi ont cru Newton, Locke et Leibniz, chaque homme peut bien [...] soumettre.
[Monsieur] Loers a pris très mal le fait que tu ne lui aies point fait de [visite] d'adieu. Il n'y a eu que toi et Clemens, a-t-il dit à Monsieur Schlick, [...] Il a fallu que je me décide à quelque mensonge innocent en lui disant [...] étions allés chez lui pendant son absence. La compagnie [...] te mettre sur le même plan que Clemens ne m'a guère enchanté.
Monsieur Loers a été nommé directeur-adjoint et a servi hier de commissaire à Monsieur Brüggemann pour son installation. Cela fut [...] assez solennel, du fait que Monsieur Brüggemann et Monsieur Loers firent un discours. A midi, Monsieur Loers donna un grand festin où je me trouvai aussi. Là je pus parler à plusieurs qui me demandèrent de tes nouvelles et l'on se félicita pour moi de maints côtés que Monsieur Wienenbrügge soit ton ami. Je suis vraiment désireux de faire sa connaissance et cela me fera grand plaisir si vous venez nous voir tous les deux à Pâques et si comme je vous y invite bien évidemment, vous acceptez de séjourner ensemble sous notre toit. Cela me sera tout particulièrement une preuve de son amitié envers toi.
Je te souhaite donc, mon cher Karl, de te bien porter, et n'oublie pas que, si tu donnes à ton esprit une nourriture substantielle et saine, le corps en est sur cette terre misérable le compagnon de tous les instants et que de son bien-être dépend toute la machine. Un érudit en mauvaise santé est l'être le plus infortuné de la terre. Ne travaille donc pas plus que ta santé ne peut le supporter. Sans oublier la tempérance et l'exercice quotidien du corps, et ainsi j'espère que je pourrai embrasser chaque fois un fils plus robuste de corps et d'esprit.
Ton père dévoué,
Marx.
A propos ! j'ai lu ton poème en le déchiffrant lettre par lettre. Je t'avoue sans détours, mon cher Karl, que je ne le comprends point, ni son sens véritable, ni sa ligne directrice. C'est dans la vie courante un principe incontestable que la réalisation des vœux les plus ardents amoindrit considérablement la valeur de l'objet désiré et souvent la supprime. Ce n'est sans doute pas ce que tu voulais dire. Ce serait pourtant là un principe moral éminemment digne d'approbation, tant il est vrai que, guidé par cette pensée, on écarte des plaisirs immoraux et on remet à plus tard ceux mêmes qui sont permis, afin de conserver le désir ou d'avoir même un plaisir plus grand. C'est à peu près ce que dit Kant et en fort bons termes dans son Anthropologie.
Ne veux-tu donc trouver la félicité que dans une idéalisation abstraite (qui a quelque analogie avec l'exaltation romanesque) ? Bref, donne-moi la clé, je t'avoue mon incapacité !
(sur la marge de gauche de la première page)
A l'occasion de la cérémonie chez Monsieur Loers, la situation de ce bon Monsieur Wyttenbach m'a causé une profonde peine. J'aurais voulu pleurer sur l'humiliation de cet homme, dont la seule faute fut sa trop grande bonté. J'ai fait de mon mieux pour lui témoigner mon estime et je lui ai dit entre autres choses à quel point tu lui étais dévoué, que tu avais voulu écrire un poème en son honneur, mais que tu n'avais pas eu le temps. Cela rendit notre homme heureux. Voudrais-tu bien maintenant pour l'amour de moi m'envoyer quelques vers à son intention ?
(Post-scriptum, première page, en haut à droite)
P.S. Ta chère maman a eu des empêchements, et il en fut ainsi jusqu'à aujourd'hui, 29 novembre. Je trouve étrange que nous ne connaissions même pas ton adresse exacte.
(Post-scriptum de la mère, écrit le 29 novembre)
Mon Carl très chéri,
C'est avec un grand plaisir que je prends la plume pour t'écrire. Depuis longtemps la lettre de ton cher papa est prête et moi je suis toujours empêchée de plus je voudrais déjà avoir une autre lettre de toi que me dise que tu vas bien car tu peux me croire j'ai grande envie de te voir nous sommes Dieu merci tous en bonne santé tout le monde a beaucoup de travail et s'y donne même Eduard qui se donne tant de mal que nous espérons en faire quelqu'un de bien Maintenant tu ne considéreras pas cela comme une faiblesse de notre sexe si je suis curieuse de savoir comment tu as organisé ton petit train de vie, car l'économie ménagère jour un grand rôle, c'est une nécessité indispensable chez les grands comme chez les petits à ce propos je me permets de te faire remarquer mon cher Carl que tu ne dois jamais considérer la propreté et l'ordre comme quelque chose d'accessoire car la santé et la gaîté de l'existence en dépendant il faut que tu tiennes ponctuellement à ce que tes pièces soient nettoyées assez souvent fixe un terme à ce propos et nettoie-les mon cher Carl avec une éponge et du savon. Comment fais-tu pour le café le fabriques-tu ou bien comment ça se passe, je te prie de me dire tout ce qui concerne ton train de vie, ta gracieuse Muse ne se sentira j'espère pas froissée par ma prose, dis-lui que les vils soucis matériels permettent d'accéder aux valeurs supérieures et à la noblesse d'âme, alors porte-toi bien as-tu pour Noël un souhait à formuler que je pourrais satisfaire, j'y suis disposée avec plaisir. Porte-toi bien donc mon Carl très aimé sois un brave et bon garçon et conserve toujours Dieu et tes parents devant les yeux adieu ta maman qui t'aime
Henriette Marx.
Tous les enfants te saluent et t'embrassent et comme d'habitude tu es le plus gentil et le meilleur.