Lettre à Jiri Kopp, 5 avril 1938

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La Discussion avec Guttman

Cher Camarade Kopp,

Nous avons reçu vos deux lettres. Je n’ai pas répondu à la première car elle m’est parvenue en des heures difficiles. Merci de tout cœur, à vous et aux autres camarades, pour la sympathie que vous exprimez.

La nouvelle concernant la conférence commune est des plus réjouissantes. Vraiment, on ressent de toute part un courant dans notre sens et les progrès enregistrés aux États-Unis sont particulièrement prometteurs. J’espère que l’on reçoit à Prague le Socialist Appeal et la New International qui contiennent des matériaux extrêmement instructifs pour toutes les sections. Il est extraordinairement réjouissant que Guttman rejoigne la IVe Internationale, car la nouvelle Internationale a besoin de camarades qualifiés et expérimentés. Mais les doutes exprimés par le camarade G[uttman] à la conférence ne me semblent pas entièrement justifiés. Il critique la position du S.I. sur la question espagnole comme étant trop brutale, trop impatiente, et trop « bureaucratique » (c’est du moins ce que j’ai compris à la lecture du compte rendu). En fait, la question se posait de façon tout à fait différente. Depuis 1931, et cela vaut aussi pour moi personnellement, nous entretenions une correspondance assidue avec Nin et d’autres camarades espagnols. Nous avons élaboré pour eux des articles, des documents et des propositions. Nous leur avons envoyé des camarades pour les aider, mais ils tergiversaient toujours à propos des questions les plus importantes de la révolution. Nous avons à plusieurs reprises averti Nin que sa politique menait inévitablement à la catastrophe, non seulement pour son parti, mais aussi pour la révolution dans son ensemble. Il a continué à tergiverser. Dans la pratique, il a combattu les éléments véritablement bolcheviques de son propre parti et s’est toujours orienté vers la droite. S’il y a un reproche qu’on peut nous adresser, c’est bien d’avoir trop pris au sérieux les affirmations et les formules générales « révolutionnaires » du groupe Nin et d’être passés trop tard à l’attaque directe. Le centrisme des masses n’est souvent qu’un état transitoire. Mais chez certains dirigeants, comme par exemple Nin, il n’est que la forme de l’opportunisme organique. Nin était un homme parfaitement honnête, mais sa politique a été néfaste à la révolution.

De même, les doutes sur le fait que nous soyons déjà la IVe Internationale ou seulement un regroupement pour la IVe Internationale me semblent tout à fait sans importance. Personne d’autre que nous ne créera la IVe Internationale. Il est tout à fait exclu que le bureau de Londres le fasse. Nos militants, dans les différents pays, sont les cadres de la nouvelle Internationale. Tous les éléments sains, en particulier la jeunesse, afflueront vers nous. Nos cadres formeront ces éléments nouveaux. En ce sens, nous sommes dès maintenant la IVe Internationale. Notre faiblesse numérique, que nous n’avons aucune raison ni envie de dissimuler, ne doit pas nous rendre timorés face aux autres organisations. La confiance en soi est aussi un facteur de succès. Pourquoi faut-il continuer à répéter sans cesse à des philistins et à des têtes creuses du type Walcher ou Fenner Brockway : « S’il vous plaît, nous ne sommes pas encore la Ive Internationale, peut-être le deviendrons-nous avec le temps, etc. » Non, la prochaine conférence devrait, selon moi, constater de façon définitive que nous sommes la IVe Internationale.

Venons-en au procès. Il serait maintenant tout à fait vain de nous placer sur le terrain d’une dispute juridique avec les plumitifs du G.P.U. La question politique principale, qui nous concerne tous au premier chef, est totalement réglée du point de vue de l’opinion publique. Ceux qui ne nous ont pas suivis jusqu’au bout finiront par rattraper leur retard. Quant à savoir qui a apporté la contribution la plus décisive, la commission internationale de New York ou bien Staline lui-même, c’est difficile à dire ; mais que les procès contre les trotskystes aient constitué les falsifications les plus pourries et les plus misérables de toute l’Histoire, il n’est plus besoin d’aucun tribunal pour le confirmer. Telle est, selon moi, la raison politique qui justifie l’arrêt de toute procédure. Je n’en avise pas personnellement l’avocat, car je ne sais si, dans la situation actuelle, cela lui sera aisé et si cela lui facilitera la tâche. En tout cas, je vous prie de lui transmettre mes remerciements les plus chaleureux pour tous ses efforts.

Vous avez certainement déjà lu dans une autre langue le petit travail sur Léon Sedov. Ce serait une satisfaction pour la mère de Sedov et pour moi-même si ce travail pouvait paraître également en tchèque. La version allemande doit paraître, m’a-t-on dit, dans le Neuer Weg.

Nos meilleurs saluts à tous les amis, anciens et nouveaux.