Lettre à Jan Frankel, 3 février 1938

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La Traduction

Cher Ami,

En liaison avec les efforts de Walker pour arranger la publication du livre de Lénine d’une manière convenable, je dois attirer votre attention sur une question fondamentale, celle de la traduction. Je pourrais bien me tirer d’affaires par la « sérialisation » de la première partie du livre, La Jeunesse de Lénine et on pourrait placer ultérieurement les chapitres au fur et à mesure qu’ils seraient écrits. Mais voici le malheur : Eastman ne veut ni lâcher prise, c’est-à-dire abandonner la traduction, ni travailler parallèlement avec moi4. Il a naturellement ses intérêts à lui. Mais, dès le commencement, j’ai demandé à l’éditeur de ne pas solliciter Eastman, précisément parce qu’il est trop grand seigneur pour s’adapter à mes intérêts les plus élémentaires. C’est comme cela qu’il a totalement empêché la « sérialisation » de La Révolution trahie. Il [fait] maintenant la même chose à Lénine. Nous pourrions arranger la traduction autrement. Cela donnerait du travail bien rémunéré à nos propres camarades (peut-être même Clark serait-elle disposée à s’en occuper?). De tous les points de vue, la question de la traduction est fondamentale. L’Histoire de la Révolution, malgré le style magnifique, est pleine d’erreurs. Et pourquoi? Parce que je n’ai pas eu la possibilité de contrôler la traduction. Au dernier moment, Eastman dicte la traduction à bâtons rompues et me prive de la possibilité, aussi bien de réviser la traduction que de la placer en série. J’ai écrit à Doubleday Doran, lorsque j’étais prêt à céder le droit de « sérialisation » (10 % des droits), mais j’ai posé comme condition le changement de procédé de traduction. Je n'ai rien obtenu et la question est en suspens. Je regrette beaucoup de ne pas vous avoir écrit tout cela auparavant. Réflexion faite, je vois que se libérer de Eastman serait la seule condition du succès.

Expliquez cela d’une manière ferme à Walker. Peut-être quelqu’un pourrait-il approcher Eastman lui-même et lui expliquer que mon seul désir est de séparer mon travail du sien. Il doit donc comprendre que je ne puis pas subordonner mon travail littéraire et mes intérêts élémentaires aux habitudes et aux commodités du traducteur. Prenez cette affaire entre vos mains.