Lettre à James P. Cannon, 27 mai 1939

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Le Journal doit changer

Cher Ami,

Je suis un peu étonné de l’absence de toute information des États et de vous personnellement.

D’après les procès-verbaux, j’ai vu que vous avez des difficultés avec le Socialist Appeal. Le journal est très bien fait d’un point de vue journalistique, mais c’est un journal pour les ouvriers, pas un journal d’ouvriers. J’espère que le changement administratif dans le comité de rédaction sera salutaire non seulement du point de vue financier, mais du point de vue politique.

Tel qu’il est, le journal est divisé entre divers rédacteurs, chacun est excellent, mais collectivement ils ne permettent pas aux ouvriers d’entrer dans les pages de l' Appeal. Chacun d’eux parle pour les ouvriers (et parle très bien) mais personne n’entendra les ouvriers. En dépit de son brillant littéraire, le journal est, dans une certaine mesure, victime de la routine journalistique. On ne sait pas comment les ouvriers vivent, combattent, affrontent la police ou boivent le whisky. C’est très dangereux pour le journal en tant qu’instrument révolutionnaire du parti. La tâche n’est pas de faire un journal à travers les forces unies d’un comité de rédaction qualifié, mais d’encourager les ouvriers à parler en leur propre nom.

Je suis tout à fait d’accord avec le comité politique qu’un journal qui paraît deux fois par semaine peut très bien être fait par deux, voire un seul rédacteur, à la condition que le parti tout entier participe au journal, non seulement financièrement, mais politiquement et journalistiquement. Le journal doit avoir des correspondants, des enquêteurs et des reporters partout. Trois lignes d’un atelier ou d’une réunion peuvent souvent donner plus qu’un article bien écrit de la rédaction. Seul un tel journal peut pénétrer dans les masses et en recevoir un grand soutien.

Un changement radical et courageux est nécessaire comme condition du succès. Le journal est trop intelligent, trop savant, trop aristocratique pour les ouvriers américains et cherche plus à refléter le parti tel qu’il est qu’à le préparer à l’avenir.

Bien sûr, il ne s’agit pas seulement du journal, mais de tout le cours de notre politique. Je continue à penser que vous avez beaucoup trop de garçons et de filles petits-bourgeois, qui sont excellents et dévoués au parti mais qui ne réalisent pas pleinement que leur devoir n’est pas de discuter entre eux, mais de pénétrer le milieu neuf des ouvriers. Je répète ma proposition : tout membre petit-bourgeois du parti qui, pendant un certain temps, disons trois ou six mois, ne gagne pas au parti un ouvrier, doit être ramené au rang de candidat et après trois autres mois être exclu du parti. Dans certains cas, ce pourra être injuste, mais le parti dans son ensemble recevrait un choc salutaire dont il a très grand besoin. Un changement tout à fait radical est nécessaire.

J’ai envoyé une lettre au camarade Goldman mais n’ai pas encore reçu son accusé de réception. J’espère qu’il est maintenant en France.