Lettre à James P. Cannon, 25 mai 1938

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Les Américains à la conférence mondiale

Cher Camarade Cannon,

Je suis très heureux d’apprendre que vous allez en Europe. Vous n’avez pas mentionné le nom de l’autre – ou des autres – délégué. J’espère que Shachtman va y aller aussi, parce que son travail, non seulement pendant, mais après la conférence, sera de la plus grande valeur. Permettez-moi d’attirer de nouveau votre attention sur la section française. La nouvelle scission dans le parti socialiste montre l’énorme pression des ouvriers. Mais notre section s’est révélée incapable d’attirer des éléments neufs. Quelques camarades dirigeants semblent fatigués : aucun travail systématique, pas d’organisation, même pas la capacité de collecter de l’argent quand c’est possible. L’administration de Quatrième Internationale est misérable et celle de La Lutte ouvrière guère meilleure. La situation en Grande-Bretagne, en Hollande, n’est rien, comparée à celle de la France.

Je ne mesure pas encore le poids et l’importance des divergences dans votre comité national concernant le projet de programme et la question du Labor Party. Ces deux questions comportent actuellement nécessairement quelques éléments d’hypothèse. Nous entrons dans une phase nouvelle, avec un plan nouveau qui a, avant tout, la valeur d’une hypothèse de travail. La ligne générale de cette hypothèse est commune à nous tous, mais diverses parties peuvent être et seront certainement modifiées au feu de l’expérience. C’est pourquoi je n’arrive pas à comprendre ce qui pourrait être l’obstacle ou l’empêchement à un vote commun avec l’objectif d’imposer la ligne générale du projet de programme contre les centristes d’un côté et les ultra-gauchistes de l’autre. C’est la tâche primordiale du point de vue de la conférence internationale.

La question du « Labor Party » est maintenant une situation spécifiquement américaine. Vereeken et consorts vont essayer d’interpréter le « tournant » comme un plan prémédité pour dissoudre le Socialist Workers Party dans le Labor Party à venir, pour abdiquer l’indépendance de notre parti, etc. Mais personne, dans notre section américaine, n’a, je l’espère, une telle idée. C’est pourquoi, en dépit de quelques nuances qui ont plutôt un caractère préliminaire et préventif, rien de plus – la délégation américaine peut être tout à fait solide devant la conférence internationale, même sur cette question spécifiquement américaine.

En ce qui concerne le projet de programme lui-même, les points les plus discutés seront donc les syndicats, la guerre, le sectarisme et la défense de l’U.R.S.S. Sur toutes ces questions, la section américaine est aussi bonne qu’unanime. Dans ces conditions, qu’est-ce qui peut vous empêcher de faire une déclaration à l’unanimité, qui, sans entrer dans les questions spécifiques ou secondaires, confirme la ligne générale dans son orientation contre les centristes et les ultra-gauchistes ? C’est très bien que trois jeunes camarades aillent en Europe. Ils vont être très utiles pendant la préparation des deux conférences. Il faut seulement élaborer immédiatement un plan pour leur itinéraire afin que chacun d’eux puisse être utilisé au maximum.