Lettre à Herbert Solow, 18 avril 1938

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Une Appréciation fausse

Cher Camarade Solow,

Votre dernière lettre m’a paru infiniment moins convaincante que votre article sur Troianovsky. Par une recherche linguistique très fine, vous avez réussi à établir la mauvaise influence de Cannon sur mon jugement, particulièrement en ce qui vous concerne. Je vois avec regret que vous me refusez assez de crédit pour être capable de me former une opinion personnelle sur un ami avec lequel j’ai eu des contacts importants, des discussions et même des conflits. Non, mon cher Solow, vous vous trompez complètement. Ma lettre a été écrite avant qu’un mot ait été échangé à votre sujet entre Cannon et moi.

Votre appréciation de Cannon est entièrement fausse et votre erreur n’est pas accidentelle mais typique. Vous êtes un publiciste marxiste (un excellent publiciste marxiste) et Cannon est un révolutionnaire prolétarien. Pour vous, le marxisme n’est qu’un instrument pour des commentaires, pour lui, c’est un instrument pour éduquer et unir les ouvriers. Vous pouvez vous servir aujourd’hui de Partisan Review, demain de Modem Monthly. Cannon, lui, a besoin d’une organisation permanente avec son propre drapeau et son propre journal. Pour lui, le parti est l’outil historique le plus important ; pour vous, il est plutôt un obstacle à vos combinaisons personnelles et vos improvisations. Voilà la base de votre antagonisme psychologique et on peut l’exprimer aussi dans la terminologie marxiste de classe. Mais, avec votre permission, je m’abstiendrai de le faire.

Dans deux ans, vous verrez que la IVe Internationale est l’unique facteur révolutionnaire de notre temps, mais j’ai peur que vous ne le reconnaissiez pas alors en camarade d’armes mais en adversaire ; et je serais très heureux d’appeler un homme aussi doué que vous un camarade d’armes.