Lettre à Henri Molinier, 27 mai 1938

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Plus aucune Concession

Cher Camarade Henri,

J’ai reçu votre lettre du 12 mai. Dans mon silence, il n’y a absolument rien que vous puissiez interpréter comme étant dirigé contre vous. Dans votre lettre, il n’y avait rien qui aurait pu me « blesser ». Tout au contraire. Natalia et moi, nous vous considérons toujours comme un ami. Malheureusement, il y a le côté politique. J’ai essayé de dégager complètement des complications politiques les questions liées à la mort de Léon, comme étant des questions personnelles. C’est avec ce but que j’ai écrit ma lettre à Jeanne, à vous, à Rosmer et à Cannon. Mais je n’ai pas réussi. Or, dès le moment où la lutte des fractions est en jeu, j’occupe une place qui n’est ni celle de Jeanne ni la vôtre. Je ne puis accepter une commission d’investigation nommée par l’organisation qui était et qui reste en lutte contre l’organisation de Léon et la mienne. Je ne puis accepter que Jeanne « récuse » mes représentants, qui possèdent ma confiance et qui ont une seule mission : recevoir mes documents. Je n’ai pas la possibilité matérielle d’envoyer Jan Frankel et d’ailleurs, même si j’avais de l’argent, je ne le ferais pas, car ce serait le soumettre aux plus grandes difficultés des deux côtés de l’Océan. Pourquoi? Pour rien. La personne que j’envoie prendre mes papiers a besoin de ma confiance. C’est absolument suffisant. D’ailleurs cette personne ne doit pas même entrer en relations avec Jeanne. Rosmer peut très bien arranger la transmission. Dès le moment où Jeanne les transmet, la responsabilité pour les documents retombe totalement et exclusivement sur moi.

J’ai reçu presque simultanément deux projets de procuration, le vôtre et celui de Rosmer. Cela m’a montré que la collaboration purement technique n’est pas établie. Dans ces conditions, je n’ai pu faire autre chose qu’envoyer la procuration pour l’avoué de Rosmer.

Vous n’oubliez pas, cher ami, que, pour recevoir une réponse à une lettre, il faut un mois. Quand on commence à « récuser », puis à reconnaître partiellement, puis de nouveau récuser, les choses traînent sans fin. C’est pourquoi, après les premières tentatives, je me suis décidé à ne plus faire la moindre concession. Si la personne mandatée par moi ne réussit pas à recevoir les documents pour des raisons subjectives, j’abandonne l’affaire totalement.

J’attire votre attention sur le fait que cette correspondance amplifiée sur les documents est absolument préjudiciable et même dangereuse, dans les conditions présentes. S’il y a de l’imprudence, c’est précisément dans cette correspondance.

Je regrette beaucoup de devoir vous écrire cette lettre, mais les réalités sont les réalités.