Lettre à Grigory Ordjonikidze, 19 octobre 1936

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Au camarade S. Ordjonikidzé. Personnel.

Cher, gentil, bien-aimé Sergo,

Je viens d’envoyer une lettre au camarade A. A. Andréiev en le priant de me libérer de mes obligations de rédacteur en chef de la revue La reconstruction soci [aliste [ et la science. J’ai invoqué les motifs suivants : 1) tu as maintenant besoin d’une revue scientifique et technique du commissariat du peuple (notamment en liaison avec ta dernière ordonnance[2]) or il y a longtemps que je ne travaille plus chez toi ; 2) à l’heure actuelle, mes nerfs ne résisteraient pas à la nécessité de repousser une nouvelle attaque qui a commencé dans la presse contre la revue (c’est-à-dire contre moi).

Je vois se briser le fil qui me reliait à ton commissariat, où j’ai jadis travaillé. Je ne te le dis qu’afin que tu le saches.

Ne t’étonne pas de ne pas voir paraître mon article à l’occasion de ton jubilé : bien que je sois considéré comme rédacteur responsable, on a fait exprès, démonstrativement, de ne pas s’adresser aux nouveaux collaborateurs pour écrire un article à ton sujet (comme des choses plus générales). Je t’écris non pour me plaindre, mais pour que tu ne fasses aucunes conclusions fausses. Mes calomniateurs ont tenté de me dévorer. Mais il y a encore aujourd’hui des gens qui me torturent et me déchirent.

Je voulais simplement te dire mes vœux les plus sincères, venant du fond de l’âme, mes vœux les plus cordiaux et les plus humains dont soit capable mon profond amour pour toi. Toute mon âme vibre au moment où je t’écris cette lettre. Je te souhaite santé, force et vaillance. Longue vie à toi, et qu’elle soit aussi belle et bonne qu’elle l’a été, ta vie glorieuse et remarquable de combattant et de personnage d’une immense pureté. Mes amitiés à Zinaïda Gavrilovna.

Ton Boukharine

  1. Dans la présente édition sont pour la première fois publiées dix lettres de Nikolaï Boukharine. La majeure partie de l’héritage écrit de Boukharine a été détruite après qu’on l’a passé par les armes. Aussi toute lettre de lui qui s’est conservée présente-t-elle une grande valeur historique. Les lettres ci-incluses sont adressées à Dzerjinski, Kouïbychev et Ordjonikidzé et ont été écrites entre 1924 et 36. Ces documents donnent une certaine idée de l’activité de Boukharine en tant que militant du parti, homme d’Etat, et personnalité publique. Elles nous révèlent ses vues sur différents aspects du développement de l’Etat soviétique et caractérisent son état affectif dans les dernières années de sa vie. On notera l’intérêt particulier de trois lettres de Boukharine à Ordjonikidzé, datées de novembre 1933 et d’Octobre 1936. On y décèle nettement le grave contexte moral et politique dans lequel se trouvait à cette époque Boukharine, accusé d’erreurs théoriques, de déviationnisme, puis de crime d’Etat.
  2. Il s’agit d’une ordonnance du commissaire du peuple à l’industrie lourde de l’URSS, Ordjonikidzé, évoquant l’amélioration des travaux de recherches dans ce secteur.