Lettre à Grigori Zinoviev, 16 juin 1924

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Cher camarade Zinoviev,

J’ai été très touché de recevoir le télégramme par lequel le Présidium me prie de venir au congrès pour m’expliquer sur les différends existants. Excusez-moi cependant de ne pas me rendre à cette invitation. Après sérieuses réflexions je maintiens ma décision première, dont le Secrétariat du Parti vous a probablement fait part.

Les raisons qui m’ont dicté cette décision sont les suivantes :

  1. Le Parti français, dans son dernier Conseil national, s’est prononcé à l’unanimité pour les thèses de son C.D. (par 2 353 mandats contre 3). Je ne pourrais donc apporter devant le Présidium qu’une simple opinion personnelle et non l’opinion de certaines couches du Parti. Donc une opinion sans le moindre poids ;
  2. D’ailleurs quel poids pourrait bien rester à cette opinion personnelle après que deux délégués de l’Exécutif, Kirsch dans un article de l'Humanité et Klein à la tribune du Conseil national m’ont assimilé à Frossard ;
  3. Ce n’est pas ce que je pourrais vous dire qui changerait quelque chose à la marche du Parti français. Le temps et les faits seront plus éloquents. Aujourd’hui le centre et la gauche ont la direction du Parti, qu’ils exercent. Je ne veux pas qu’on puisse me reprocher de faire perdre à l'Humanité sa claire figure communiste ni d’empoisonner le Parti de mon prétendu pessimisme et de mon réel syndicalisme.

Au cours de ces dix-huit mois derniers, j’ai regretté bien des fois d’avoir cédé aux instances du délégué de l’Exécutif, alors que je n’étais pas encore membre du Parti, et d’être remonté à l'Humanité au lendemain du congrès de Paris.

Après ces dix-huit mois d’expérience à la rédaction de l'Humanité, après une année d’efforts vains à la Commission syndicale centrale, je vous demande la liberté de m’éloigner des sphères dirigeantes du Parti. Je retourne à l’atelier et rentre dans le rang. Je suis certain de servir mieux ainsi l’Internationale Communiste dont je reste le plus dévoué des soldats de deuxième classe.

Demain comme hier, soyez assuré, camarade Zinoviev, de mon attachement absolu aux idées communistes, à la Révolution russe, à la Révolution mondiale.

Pierre Monatte