Lettre à Franz Pfemfert, 6 mars 1936

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Pas de temps pour l'Allemagne

Cher Camarade F(ranz) P(fernfert) ,

Votre lettre du 22 février m'a vraiment fait grand plaisir. On y apprend au moins comment vous allez. A plusieurs reprises, j'ai voulu vous écrire, mais j'ai eu passablement d'ennuis ces dernières années, en particulier du côté de la santé. Il me suffira de vous dire que j'ai reçu votre lettre deux jours après avoir quitté la clinique et que je suis encore loin d'être rétabli. La mauvaise santé d'A(lexandra) R(amm) nous attriste, N(atalia) I. et moi-même, au plus haut point.

Le travail à mon livre sur Lénine traîne en longueur. J'y travaille avec des interruptions de plusieurs mois. Le premier volume de J'édition française (la Jeunesse) est paru récemment . Je n'ai pas d'éditeur allemand et ne suis point sûr d'en trouver un. De toute manière, rien ne presse, hélas, car le livre ne serait prêt, au mieux que dans un an.

Qu'on doive élaborer pour l'Allemagne une plateforme claire et concrète, voilà qui est tout à fait correct. On a fait des tentatives dans ce sens, mais pour autant que je sache sans résultat. Personnellement, je suis en ce moment absolument en dehors de la vie politique allemande : je ne lis ni journaux ni revues allemands et je n'ai pas non plus la moindre possibilité, au cours des prochains mois tout au moins, de m'en occuper. J'écris à présent un ouvrage assez important sur l'Union soviétique dans la nouvelle phase de son histoire et il me faudra ensuite me consacrer à une étude sur la France.

Vous aurez peut être vu à la lecture du dernier numéro de Unser Wort que notre tendance en Union Soviétique recrute des milliers et des milliers de partisans dans la jeune génération. J'ai indiqué comme nombre minimum d'exclusions pour les derniers mois de l'année 1935 celui de trente mille, comme nombre vraisemblablement exact celui de vingt mille. Tout ce qui a paru depuis dans la Pravda sur ce sujet (pas grand chose, de toute façon) me laisse supposer que mes chiffres sont trop bas : il ne m'étonnerait pas du tout à présent qu'il s'avère qu'on ait exclu quarante ou cinquante mille bolcheviks léninistes et l'on continue d'en exclure. On peut considérer que le troisième chapitre de l'histoire de la révolution d'Octobre vient de commencer. Naturellement, son évolution dépendra très étroitement de l'évolution en Europe occidentale, en premier lieu en France .

De tout ce que je viens de dire, vous pouvez voir que je ne suis absolument pas en mesure de m'occuper, directement ou indirectement, de la question de la plate forme allemande ou de l'appel allemand. Je n'ai même pas pu donner ce mois ci un article pour le bulletin russe. En ce moment, je ne travaille pas du tout. J'attends que mes forces se soient à peu près rétablies pour achever mon ouvrage sur l'U.R.S.S. A l'égard de la section allemande, comme de plusieurs autres, je suis grandement fautif. Si vous devez réaliser votre projet d'appel, il vous faudra, mon cher camarade F(ranz) P(femfert), discuter avec nos camarades allemands : comme lieu de négociation, Oslo ne peut, non seulement pour des raisons géographiques, mais aussi pour des raisons de santé, nullement entrer en ligne de compte pour le proche avenir.

Je vous prie de ne voir aucun " pessimisme " dans cette lettre. Mais il faut compter avec les dures réalités biologiques. Avec mes souhaits les meilleurs pour votre " biologie " et la santé d'A(exandra) R(amm).