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Lettre à Evgueni Preobrajenski, 19 avril 1928
Auteur·e(s) | Léon Trotski |
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Écriture | 19 avril 1928 |
« Le Contenu social de la révolution chinoise »
Votre lettre est aussi restée vingt-deux jours en route. Il est difficile de discuter dans de telles conditions des questions vitales et, selon moi, la question chinoise est l’une des plus vitales, parce que la lutte continue en Chine, les armées de partisans combattent et une insurrection armée a été mise à l’ordre du jour comme vous l’avez certainement appris par la résolution du dernier plénum du C.E. de l’I.C.
Pour commencer, je veux répondre sur un point mineur mais aggravant. Vous dites que je polémique inutilement contre vous sous le pseudonyme de Zinoviev. Là-dessus, vous vous trompez complètement. Je crois, soit dit en passant, que le malentendu est né de l’irrégularité de la distribution du courrier. J’étais en train d’écrire sur l’affaire de Canton au moment où j’ai appris la fameuse lettre des deux mousquetaires ; en outre, il était arrivé de Moscou des rapports indiquant qu’on leur avait donné des secrétaires pour dénoncer le « trotskysme ». J’étais persuadé que Zinoviev allait publier quelques-unes de mes lettres sur la question chinoise dans lesquelles je m’attachais à démontrer qu’en aucun cas il y aurait dans la révolution chinoise une époque particulière de dictature démocratique du prolétariat et de la paysannerie, parce qu’il existe infiniment moins de préconditions ici que dans notre pays et du fait que l’expérience, et pas la théorie, nous a déjà démontré que la dictature démocratique du prolétariat et de la paysannerie a échoué en tant que telle dans notre propre pays. Ainsi toute ma lettre a-t-elle été écrite avec un œil sur le passé et des « dénonciations » à venir de la part de Zinoviev.
En ce qui concerne l’accusation d’ignorer la paysannerie, je n’ai pas un instant oublié certaines de nos discussions sur la Chine – mais je n’avais aucune raison de mettre dans votre bouche cette banale accusation contre moi ; car je suis persuadé que vous admettez qu’il est possible, sans ignorer le moins du monde « la paysannerie », d’arriver à une conclusion que la seule voie pour la solution de la question paysanne réside dans la dictature du prolétariat. De sorte que vous, mon cher E[vgenii] A[lexeievitch] – ne vous offensez pas d’une analogie de chasseur – vous avez tout à fait gratuitement joué le rôle du lièvre inquiet qui conclut que c’est sur lui que le fusil est braqué alors que la poursuite se fait sur une trace tout autre.
J’en suis venu à penser qu’il n’y aurait pas en Chine de dictature du prolétariat et de la paysannerie à l’époque où a été d’abord formé le gouvernement du Wuhan. Je me reposais précisément sur l’analyse des faits sociaux les plus fondamentaux et non sur la manière dont ils se réfractaient politiquement, ce qui, comme on le sait très bien, prend souvent des formes particulières, puisque, dans ce domaine, des facteurs d’ordre secondaire interviennent, y compris la tradition nationale. J’ai été convaincu que les faits sociaux fondamentaux se sont déjà ouvert la voie à travers toutes les particularités des superstructures politiques, quand le naufrage du Wuhan a radicalement détruit la légende du Guomindang de gauche, dont on prétendait qu’il comprenait les neuf dixièmes de tout le Guomindang. En 1924-25, c’était presque un lieu commun généralement admis que le Guomindang était un parti ouvrier et paysan. Or, de façon « inattendue », il s’est avéré que c’était un parti bourgeois capitaliste. Puis on a créé une nouvelle version selon laquelle ce dernier n’était qu’un « sommet », mais que le vrai Guomindang, les neuf dixièmes du Guomindang, était un parti paysan révolutionnaire. Une fois de plus, il est apparu, de façon inattendue, que le Guomindang de gauche, en tout ou en partie, commençait à écraser le mouvement paysan, lequel, c’est bien connu, a de grandes traditions en Chine et ses propres formes d’organisation traditionnelles, qui se sont largement répandues ces dernières années. C’est pourquoi, quand vous écrivez dans un esprit d’abstraction totale qu’ « il est impossible de dire aujourd’hui si la petite bourgeoisie chinoise pourra créer quelque sorte de parti analogue à nos s.r. ou si de tels partis seront créés par les communistes de droite qui scissionnent, etc. » J’ai répondu à cet argument de la « théorie des improbabilités », ce qui suit :
En premier lieu, même s’il fallait inventer les s.r., il n’en découlerait pas du tout une quelconque dictature du prolétariat et de la paysannerie, précisément du fait qu’il n’y en a pas eu dans notre pays, en dépit de conditions infiniment plus favorables ; deuxièmement, au lieu de prendre des paris pour savoir si la petite bourgeoisie pourra à l’avenir – c’est-à-dire avec une aggravation supplémentaire des rapports de classe – jouer un rôle plus ou moins indépendant (supposez qu’un morceau de bois se mette à tirer un boulet ?), il vaudrait mieux se demander si la petite bourgeoisie s’est avérée incapable de jouer un tel rôle, dans le passé récent, quand elle disposait des conditions les plus favorables – le parti communiste a été envoyé dans le Guomindang, ce dernier a été proclamé un parti ouvrier et paysan, il a été soutenu par l’autorité pleine et entière de l’Internationale communiste et de l’U.R.S.S., le mouvement paysan était très vaste et cherchait une direction, l’intelligentsia était largement mobilisée depuis 1919, etc.
Vous écrivez que la Chine doit encore faire face au « colossal problème de la révolution agraire bourgeoise démocratique ». Pour Lénine, c’était la racine de la question. Lénine soulignait que la paysannerie, même en tant qu’État, peut jouer un rôle révolutionnaire dans la lutte contre celui de la noblesse foncière et la bureaucratie qui lui est étroitement liée, couronnée par l’autocratie tsariste. A l’étape suivante, dit Lénine, les koulaks vont rompre avec les ouvriers et ensemble, avec eux, une importante fraction des paysans moyens, mais cela se produira pendant la transition vers la révolution prolétarienne, en tant que partie intégrante de la révolution internationale. Qu’en est-il en Chine, de ce point de vue? La Chine n’a pas de noblesse foncière, pas d’État paysan uni par une communauté d’intérêts contre les seigneurs. La révolution agraire en Chine est dirigée contre la bourgeoisie urbaine et rurale. Radek l’a souvent souligné – même Boukharine l’a à moitié compris maintenant. C’est là le nœud de la question !
Vous écrivez que « le contenu social de la première étape de la future troisième révolution chinoise ne peut pas être caractérisé comme une révolution socialiste ». Mais nous courons ici le risque de sombrer dans la scolastique boukharinienne et de couper les cheveux en quatre sur la terminologie au lieu d’une caractérisation vivante du processus dialectique. Quel était le contenu de notre révolution d’octobre 1917 à juillet 1918 ? Nous laissions les usines aux mains des capitalistes, nous bornant au contrôle ouvrier; nous expropriions les grands domaines et appliquions le programme s.r. de socialisation de la terre ; et, pour couronner le tout, pendant cette période, nous avions dans les s.r. de gauche un coparticipant au pouvoir. On pouvait dire à tout à fait juste titre que « le contenu social de la première étape de la révolution d’Octobre ne peut pas être caractérisé comme une révolution socialiste ». Je crois que ce sont Iakovlev et d’autres professeurs rouges qui ont dépensé beaucoup de sophismes à ce sujet. Lénine disait que nous complétions en route la révolution bourgeoise. Mais la révolution chinoise (la « troisième ») devra commencer la lutte contre le koulak dès ses premières étapes; il lui faudra exproprier les concessions aux capitalistes étrangers, car, sans cela, il ne pourrait y avoir aucune unification de la Chine au sens d’une authentique souveraineté d’État en économie et politique. En d’autres termes, la tout première étape de la troisième révolution chinoise aura un contenu moins bourgeois que la première étape de la révolution d’Octobre.
D’un autre côté, les événements de Canton (comme les événements chinois antérieurs, etc.) ont démontré que la bourgeoisie « nationale » aussi, avec derrière elle Hong Kong, les conseillers étrangers, les croiseurs étrangers, prend, vis-à-vis du moindre mouvement indépendant des ouvriers et des paysans, une position telle que cela rend le contrôle ouvrier de la production moins vraisemblable encore que ce ne le fut chez nous. Selon toute probabilité, nous devrons exproprier les usines et entreprises de toute dimension, aux tout premiers moments de la « troisième révolution chinoise ».
A coup sûr, ce que vous proposez, c’est simplement de mettre de côté les preuves du soulèvement de Canton. Vous dites :« “ puisque ” l’insurrection de Canton a été une aventure – c’est-à-dire une entreprise qui ne sortait pas du mouvement de masses – alors, comment une telle entreprise peut-elle créer une situation nouvelle? ». Maintenant vous savez bien vous-même qu’il ne nous est absolument pas permis de simplifier ainsi la question. Je serais le dernier à discuter le fait qu’il y avait des éléments d’aventurisme dans le soulèvement de Canton. Mais, décrire les événements de Canton comme une sorte de fouillis dont on ne peut tirer de conclusions, est une tentative ultra-simplificatrice d'échapper à une analyse du contenu réel de l’expérience de Canton. Où réside là l’aventurisme? Dans le fait que la direction, essayant de dissimuler ses péchés passés, a monstrueusement forcé le cours des événements et provoqué une fausse couche. Le mouvement de masses existait, mais il était inadéquat et pas mûr. Il est faux de penser qu’une fausse couche ne peut rien nous apprendre sur l’organisme maternel et le processus de gestation. L’énorme signification, théoriquement décisive, de la révolution chinoise réside précisément dans le fait que nous avons ici – « grâce à » l’aventure (oui, bien sûr !) – ce qui arrive si rarement en histoire et en politique : virtuellement me expérience de laboratoire à une échelle gigantesque. Nous avons payé très cher pour elle, mais il y a d’autant moins de raisons d’écarter ses enseignements.
Les conditions de cette expérience étaient presque « chimiquement pures ». Toutes les résolutions adoptées auparavant, avaient été rédigées, scellées, canonisées, exactement comme deux fois deux font quatre, que la révolution est agraire-bourgeoise, que seuls ceux qui « sautent par-dessus les étapes » peuvent bavarder sur la dictature du prolétariat reposant sur l’alliance avec le paysan pauvre, qui constitue 80 % de la paysannerie chinoise, etc. Le dernier congrès du parti communiste de Chine s’est réuni sous ce drapeau. Un représentant spécial de l’I.C., le camarade N[eumann], était présent. On nous avait dit que le nouveau comité exécutif central du P.C. chinois était au-dessus de tout soupçon. Pendant ce temps, la campagne contre le prétendu trotskysme a atteint son rythme le plus enragé, en Chine aussi. Pourtant à la veille même des événements de Canton, le C.E.C. du P.C. chinois a adopté, selon les termes de la Pravda, une résolution déclarant que la révolution chinoise a pris un caractère permanent. Plus, le représentant de l’I.C., le camarade N[eumann], a soutenu la même position.
Par caractère « permanent » de la révolution, il nous faut comprendre ici ce qui suit. Face à face avec la tâche suprêmement responsable – bien qu’elle ait été posée prématurément – , les communistes chinois, et même le représentant de l’I.C., après avoir pris en compte l’expérience passée et aussi tous les enjeux politiques tels qu’ils apparaissent, ont tiré la conclusion que seuls les ouvriers, guidés par les communistes, pouvaient conduire les paysans contre les grands propriétaires (la bourgeoisie urbaine et rurale), et que seule la dictature du prolétariat, fondée sur l’alliance avec des centaines de millions de paysans, pouvait sortir d’une telle lutte victorieuse.
Exactement comme, pendant la Commune de Paris, qui eut aussi en elle des éléments de laboratoire (car l’insurrection se produisit alors dans une seule ville isolée du reste du pays), les proudhoniens et les blanquistes durent prendre des mesures en contradiction avec leurs doctrines et ainsi, selon Marx, ont dévoilé avec d’autant plus de clarté la logique réelle des rapports de classe – ainsi, à Canton aussi, les dirigeants qui étaient bourrés jusqu’aux oreilles de préjugés contre le spectre de la « révolution permanente », quand ils se sont mis au travail, se sont révélés coupables de ce péché originel permanent dès leurs tout premiers pas. Qu’est-il donc arrivé à l’antitoxine de martynovisme qu’on leur avait injectée à des doses pour bœufs et ânes ? Oh non ! Si ce n’était qu’une aventure, c’est-à-dire un tour de passe-passe, ne démontrant et ne prouvant rien, cette aventure aurait revêtu une forme à l’image de ses créateurs. Mais non ! Cette aventure a été en contact avec la terre, elle a été nourrie du jus des mouvements de masse réels (bien que pas mûrs), ainsi que des rapports de classe ; et c’est sur cette base que la dite « aventure » a pris au collet ses créateurs, les a soulevés impoliment, les a secoués en l’air et les a reposés sur la tête, leur tapant le crâne, pour l’affermir, contre les pavés de Chine. Comme en témoignent les dernières résolutions et le dernier article sur ce sujet, ces prétendus « créateurs » sont encore sur la tête, gigotant « en permanence » les jambes en l’air.
Il est grotesque et inadmissible de dire qu’il est inopportun » de tirer des conclusions d’événements vivants auxquels tout révolutionnaire-ouvrier doit réfléchir à fond. A l’époque du soulèvement Ho Lung-Ye Ting, je voulais poser ouvertement la question que, du fait de l’achèvement du cycle Guomindang de développement, seule l’avant-garde du prolétariat pouvait aspirer au pouvoir. Cela présupposait un nouveau point de vue pour lui, une nouvelle appréciation de lui-même de sa part – après une réévaluation de la situation objective – et cela même aurait exclu une telle façon aventuriste d’aborder la situation, du genre : « Nous attendrons notre heure dans notre coin, le paysan viendra à notre secours en démarrant les choses et quelqu’un prendra le pouvoir quelque part et fera quelque chose. » A l’époque, certains camarades me disaient : « Il est inopportun de soulever ces questions maintenant en rapport avec He Long qui a déjà été écrasé. » Je n’avais nullement tendance à surestimer le soulèvement de He Long ; je considérais néanmoins qu’il constituait l’ultime signal en faveur de la nécessité de revoir l’orientation dans la révolution chinoise. Si ces questions avaient été opportunément posées à cette époque, peut-être alors les auteurs idéologiques de l’aventure de Canton auraient été obligés de repenser les choses et le parti chinois aurait pu ne pas être aussi brutalement détruit; et sinon, à la lumière alors de notre pronostic et de notre avertissement, les événements de Canton seraient entrés comme une leçon de poids dans la conscience de centaines et de milliers, comme le fit, par exemple l’avertissement de Radek sur Tchiang Kai-chek à la veille du coup d’état de Shanghai. Non, on a laissé passer le moment propice. Je ne sais quand la révolution chinoise renaîtra. Mais nous devons utiliser tout le temps qui nous reste pour nous préparer et, de plus, sur la base de développement récent des événements.
Vous écrivez qu’il est nécessaire d’étudier l’histoire de la Chine, sa vie économique, ses statistiques, etc. Personne ne peut y faire d’objection (à moins que ce ne soit conçu comme un argument pour reporter la question au déluge). Pour ma propre justification pourtant, je dois dire que, depuis mon arrivée à Alma-Ata, je ne me suis occupé que de la Chine (Inde, Polynésie, etc. pour l’étude comparative). Bien entendu, il reste encore plus de trous que d’endroits couverts, mais je dois dire néanmoins que, dans tous les livres nouveaux (pour moi) que je lis, je ne trouve même aujourd’hui rien de neuf en principe. Mais le point essentiel demeure – la confirmation de nos pronostics par l’expérience – , d’abord en relation avec le Guomindang dans son ensemble, puis en relation avec le Guomindang « de gauche » et le gouvernement de Wuhan et, finalement, avec le « dépôt » sur la troisième révolution, effectué sous la forme du soulèvement de Canton.
C’est pourquoi je considère qu’il ne doit y avoir aucun report.
Deux questions pour finir :
Vous demandez : Lénine avait-il raison quand, pendant la guerre, il défendait contre Boukharine l’idée que la Russie était encore devant une révolution bourgeoise ? Oui, il avait raison. La formulation de Boukharine était schématique et scolastique, c’est-à-dire qu’elle représentait la même auto-caricature de la révolution permanente que Boukharine essaie de m’attribuer maintenant. Mais cette question a un autre aspect : Lénine avait-il raison quand, contre Staline, Rykov, Zinoviev, Kamenev, Frounzé, Kalinine, Tomsky, etc. (pour ne pas parler des Liadov), il proposa les thèses d’avril? Avait-il raison quand, contre Zinoviev, Kamenev, Rykov, Milioutine, etc. il défendait la prise du pouvoir par le prolétariat ? Vous savez mieux que moi que, si Lénine n’était pas arrivé à rallier Pétrograd en avril 1917, il n’y aurait pas eu de révolution d’Octobre. Jusqu’en février 1917, le mot d’ordre de dictature du prolétariat et de la paysannerie était historiquement progressiste ; après la révolution de février, le même mot d’ordre – Staline, Kamenev et le reste – est devenu un mot d’ordre réactionnaire.
D’avril à mai 1927, j’ai soutenu le mot d’ordre de la dictature démocratique du prolétariat et de la paysannerie en Chine (plus exactement, j’ai coïncidé avec lui) dans la mesure où les forces sociales n’avaient pas encore rendu leur verdict politique et bien que la situation en Chine fût incomparablement moins propice qu’en Russie pour ce mot d’ordre. Après que le verdict eut été rendu par une colossale action historique – l’expérience de Wuhan – le mot d’ordre de dictature démocratique devint une force réactionnaire qui devait inéluctablement conduire à l’opportunisme ou à l’aventurisme.
Vous avancez ensuite l’argument que, pour le saut d’Octobre, nous avions la prise d’élan de février. C’est exact. Si, même au début de l’expédition du Nord, nous avions commencé à bâtir des soviets dans les régions « libérées » (et c’est ce que les masses voulaient faire), nous aurions eu l’élan nécessaire, désintégré les armées des ennemis, eu notre armée à nous, et pris le pouvoir – sinon au début dans toute la Chine, du moins dans une importante partie du pays. Maintenant, bien sûr, la révolution décline. Le bavardage de scribouillards irresponsables sur le fait que la révolution est sur le point de remonter, alors qu’en Chine, s’il vous plaît, il y a d’innombrables exécutions et qu’une cruelle crise commerciale et industrielle fait rage – c’est une imbécillité criminelle. Après trois des plus grandes défaites, la crise ne mobilise pas, mais, au contraire, opprime le prolétariat tandis que les exécutions détruisent le parti affaibli politiquement.
Nous sommes entrés dans une période de reflux. Qu’est-ce qui donnera l’élan pour une nouvelle vague montante ? Ou, pour le dire de façon différente : quelles conditions donneront la course d’élan nécessaire pour que l’avant-garde prolétarienne prenne la tête des masses ouvrières et paysannes? Je n’en sais rien. L’avenir montrera si des processus internes suffiront à eux seuls ou si un élan de l’extérieur sera nécessaire. Je suis disposé à admettre que la première étape du mouvement peut répéter, sous une forme abrégée ou altérée, les étapes de la révolution que nous avons déjà traversées (par exemple, quelque nouvelle parodie du « front pan-national » contre Zhang Suolin) ; mais cette première étape sera peut-être suffisante pour permettre au parti communiste d’avancer et de lancer aux masses populaires ses propres « thèses d’avril », c’est-à-dire son programme et sa stratégie de conquête du pouvoir par le prolétariat. Si nous entrons cependant dans la nouvelle montée, laquelle se développera à un rythme infiniment plus rapide que dans le passé, avec un schéma de « dictature démocratique » qui est déjà dépassé aujourd’hui, on peut d’avance jouer sa tête qu’on trouvera en Chine beaucoup de Liadov, mais pas un Lénine qui puisse (contre les Liadov) réaliser le réarmement du parti le lendemain du démarrage de la révolution.