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Lettre à Christy Moustakis, 19 mars 1940
Auteur·e(s) | Léon Trotski |
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Écriture | 19 mars 1940 |
Ni amertume, ni d’impatience
Mon cher Camarade Christy,
Je réponds avec quelque retard à votre lettre sans date (avec une nouvelle adresse).
J’ai reçu aussi d’autres camarades des lettres en ce sens qu’ils seraient heureux d’être débarrassés de l’opposition aussi vite que possible. Je peux comprendre les raisons psychologiques de l’amertume et de l’impatience. L’amertume comme l’impatience ne sont pas du tout des sentiments politiques.
Nous ne devrions pas surestimer l’homogénéité de l’opposition. Les gens de mauvaise volonté ne sont qu’une minorité dans la Minorité. Les autres sont inéduqués et désorientés. En tant qu’éléments petits-bourgeois, ils sont, plus que la Majorité, dominés par l’amertume et l’impatience. Si on leur oppose les mêmes sentiments au lieu d’une conception politique sage du développement politique du parti, non seulement la scission deviendra inévitable, mais on aura aidé les mauvais éléments à souder la base autour d’eux.
Et pas seulement. La Majorité n’est pas non plus totalement homogène (plus homogène que la Minorité en tout cas). La crise que vous vivez n’est pas la dernière. Si on éduque le parti dans l’esprit d’être satisfait de se débarrasser de l’opposition, on aura à l’avenir une série de nouvelles scissions de plus ou moins grande dimension.
Je suis tout à fait d’accord avec la Majorité sur la question que vous ne pouvez accorder à la Minorité un journal public. C’est une condition sine qua non. Sur cette question, la réponse de la Majorité est déjà donnée et bien donnée. Mais il reste maintenant la question de toute l’attitude de la Majorité jusqu’au congrès et pendant le congrès. Les minoritaires de base désorientés devraient être convaincus par toute votre attitude que vous ne cherchez pas une revanche ou un diktat. Vous êtes la majorité, vos positions sont assurées. C’est pourquoi, plus le congrès se rapproche, plus calme, et même plus amicale, doit être la voix des camarades de la Majorité. C’est seulement ainsi que vous pouvez réduire à un minimum les ravages de cette crise.
Vos remarques sur la dépendance idéologique de l’opposition par rapport même à des milieux comme Common Senses ont tout à fait justes. A cet égard, la contre-offensive marxiste doit être menée systématiquement et sans pitié.