Lettre à Alois Neurath, 4 octobre 1932

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(Buyukada, le 4 octobre 1932)

Cher camarade Neurath

Vraiment, vous prenez l'affaire un peu trop au tragique. Lorsque vous parlez de votre "faute", vous allez réellement trop loin. Il est vrai que j'avais des doutes avant de commencer toute cette affaire, mais je ne regrette pas de l'avoir fait. Ce que l'on perd comme possibilités thermales, on le gagne politiquement à la puissance deux. Il n'y a donc pas lieu de se plaindre.

C'est en tous cas dans le journal anglais "Manchester Guardian" que se trouve la marque la plus intéressante sur cette affaire de visa. Vous le savez certainement, il ne s'agit pas là d'un journal à sensation.

Au contraire, il publie des informations assez sereines et dignes de confiance. Il a évidemment rejeté l'absence de place de cure comme raison de refus de visa, et a avancé deux véritables raisons : la campagne de calomnies des partis de droite et, c'est le plus intéressant, la crainte de perdre les commandes passées avec l'Union soviétique. C'est à peu près ainsi que c'est exprimé le journal, mais on pouvait lire entre les lignes que le gouvernement a cédé aux pressions des agents staliniens. Cela me parait tout à fait possible et vraisemblable. Arosov, qui a exprimé ses condoléances attristées à la veuve de [mot manquant] est tout à fait utilisable pour toutes sortes de missions équivoques.

Quoi qu'il en soit, je vais maintenant m'expliquer dans la presse américaine sur l'histoire de l'intervention du contingent tchécoslovaque en Sibérie.

Je regrette beaucoup d'être privé de la possibilité de vous rencontrer, vous même et d'autres amis.

J'espère que vous avez reçu la brochure "La seule voie". Elle ne manque pas de coquilles qui en défigurent le sens. Le vieux pédant que je suis est d'avis qu'une organisation ne peut prétendre à une signification vraiment révolutionnaire tant qu'elle ne corrige pas correctement les épreuves. Nous n'en sommes hélas pas là.

En Russie, le bouillonnement et la crise vont bon train. La situation économique est devenue absolument intenable. Nous recevons de plus en plus d'échos d mouvement au sein du Parti. Ils sont nombreux les amis inconditionnels de l'Union soviétique, ou plutôt de la bureaucratie stalinienne, qui devront tourner casaque sous peu, et on en retrouvera une bonne partie dans le camp adverse. Dans ces temps difficiles, les vrais révolutionnaires n'en montreront qu'avec plus de force leur fidélité à la révolution.