Lettre à Alfred Rosmer, 26 mai 1937

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Coyoacán, le 26 mai 1937

Cher ami,

Je réponds à votre lettre du 24 mai 1937.

Je fus moi-même bien gêné par lia nécessité de m’expliquer sur mon livre de 1903 ou 1904, sur mes divergences avec Lénine et sur d’autres questions bien éloignées des procès de Moscou. Mais ce sont les commissaires qui ont posé les questions. Ils ont reflété ainsi l’état de l’opinion publique désorientée et abusée par les stalinistes. Votre participation à la Commission sera surtout précieuse pour éclaircir toutes ces questions. L’édition anglaise de La Révolution défigurée, mais beaucoup plus ample, devait paraître aux Pioneer Publishers depuis un mois. C’est Shachtman, l’editor, qui en a retardé la parution. Il faudrait que vous insistiez auprès de lui pour faire sortir le livre aussitôt (sic) que possible. Il sera très utile à la Commission pour l’éclaircissement des falsifications concernant la période 1903-1924. J’espère que ce livre, appuyé par vos commentaires oraux, mettra la Commission dans la bonne voie.

Nous n’avons rien reçu de Marguerite concernant le voyage projeté. Nous serons bien heureux de vous avoir ici tous deux. La maison n’est pas si grande qu’à Prinkipo, mais on pourra tout de même s’arranger. Si la Commission est ajournée jusqu’en septembre, ne pourriez-vous pas venir ici dans l’intervalle et Marguerite aussi ?

Je me réjouis beaucoup de la bonne impression produite sur vous par le meeting de New York. Nos yankees ont fait un travail excellent. Cependant, je crois que maintenant ils ne font pas tout le nécessaire dans les milieux ouvriers, en consacrant tous leurs efforts aux milieux libéraux et démocrates. Autant que je sache, ils n’ont pas réussi à créer autour de la Commission une ambiance ouvrière, même restreinte. C’est pourquoi ils essaient de faire sur la Commission une pression purement personnelle. Mais des tentatives pareilles ne donnent pas les résultats nécessaires et enveniment de temps en temps l’atmosphère. La pression de la base est toujours plus acceptable, moins irritante que la pression directe des sommets.

Dites-nous quelques mots sur votre santé et sur celle de Marguerite. Quant à moi, je suis un peu fatigué. J’ai même voulu aller en vacances à la campagne. Mais ce plan n’est guère réalisable. Je me décide donc de rester ici avec un travail un peu réduit. Notre correspondance peut donc se poursuivre régulièrement. Je ne pourrais naturellement désirer une meilleure liaison avec la Commission.

Natalia et moi vous saluons chaleureusement.