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Special pages :
Lettre à Alfred Rosmer, 14 octobre 1929
Prinkipo, le 14 octobre 1929
Au camarade Rosmer,
Cher ami,
Je vous envoie les thèses sur la question syndicale. Après les avoir écrites, je me suis persuadé qu'elles sont "mûres" pour la publication comme point de départ d'une discussion publique. Vous pourriez à cet effet les publier dans la tribune libre sous ma signature. Cela créerait pour la rédaction une situation favorable, dans ce sens qu'elle pourrait ne pas s'engager dès le début pour les formules tranchantes et polémiques qu'elles contiennent. Le développement de la discussion indiquera de lui-même le moment propice pour l'intervention de la rédaction. Dans la question syndicale surtout, le danger consiste pour nous non en ce que les autres groupes d'opposition peuvent nous traiter avec inimitié. Tous ces groupes ont très peu d'influence, et pas un seul, en gardant sa position présente, n'en acquerra jamais. Le vrai danger a un caractère tout à fait opposé: il consiste en ce que les ouvriers communistes, les ouvriers syndiqués, les sympathisants au communisme, les ouvriers qui participent à la souscription de L'Humanité, etc., peuvent nous confondre - et que la bureaucratie du parti a la possibilité de nous identifier - avec les éléments anticommunistes et antimarxistes. Toute la tactique des staliniens dans tout le pays est basée sur cette confusion; d'un côté, d'une manière ou d'une autre à se couvrir par la position "communiste de gauche"; de l'autre côté, les staliniens s'efforcent par tous les moyens de nous rendre responsables des erreurs de tous les cénacles de l'opposition. De cette situation il nous faut sortir coûte que coûte. Il nous faut chercher à obtenir ce résultat que les larges couches d'ouvriers révolutionnaires ne permettent plus à la bureaucratie du parti de nous jeter dans le même sac avec la Ligue syndicaliste, avec Urbahns, avec Paz, avec les ultra gauchistes italiens (antibordighistes), etc.
… Il faut que notre physionomie soit distincte et précise. Nous ne pouvons aboutir à ce résultat que si nous refusons catégoriquement à faire la cour aux groupements et individus, si, au contraire, nous n'accordons de pardon à personne. Par cela nous forcerons tôt ou tard le parti à entrer en polémique directe avec nous, c'est-à-dire non seulement à nous insulter sommairement, mais à répondre à nos arguments. Une fois ce moment arrivé, notre affaire sera mi-gagnée.
Je vous envoie le texte russe, la traduction française nous prendrait ensemble avec le camarade R[anc] quelques heures de travail que je préfère consacrer à l'article sur l'anniversaire de la Révolution d'octobre, qui me tient tant à cœur. Je le ferai après-demain. D'ailleurs, avez-vous des difficultés avec la traduction? J'espère que non.