Lettre à Alfred Rosmer, 14 mai 1938

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L’Enquête

Cher Ami,

Nous vous avons envoyé la procuration et j’espère que vous l’avez reçue maintenant. Jeanne nous avait envoyé, presque en même temps que vous, un autre texte de procuration, avec un autre nom d’avoué. Mais j’espère que la procuration envoyée couvre la besogne tout entière et que vous vous entendrez définitivement avec Jeanne sur cette question.

Jeanne trouve que notre commission n’est pas active dans le domaine de l’investigation. Elle nous communique par exemple que les deux fils du docteur Simkov seraient disparus, qu’on a des soupçons contre l’infirmière, etc. Il est bien possible que, dans son état de nervosité, elle exagère tel ou tel fait, mais, de loin, je suis plutôt enclin à soutenir mes suspicions premières. Il y a eu, dans la clinique, de la part des dirigeants, au moins une négligence criminelle : la promenade nocturne de Liova délirant, sa visite chez un autre malade, l’histoire de l’orange qu’il a mangée – tout cela en est une preuve irréfutable. Cette prange fut peut-être suffisante pour le tuer, comme d’ailleurs le morceau de glace qu’il a sucé en restant seul. Cette négligence a très bien pu permettre aussi à quelque agent du G.P.U. de le tuer consciemment. D’un autre côté, l’administration de la clinique, pour couvrir sa propre négligence, couvre en passant un crime possible du G.P.U. En tout cas, le docteur Thalheimer a posé au moment critique la question d’un suicide possible. Qu’est-il advenu de cette question? Je n’ai eu aucune explication jusqu’à maintenant. Cependant, la presse a reproduit la déclaration du camarade Gérard [Rosenthal] disant qu’il ne croyait pas au crime. J’ai trouvé et je trouve cette déclaration, surtout de la part de l’avocat de la partie civile, inexplicable et dangereuse. Elle ne pouvait que faciliter aux autorités un enterrement de l’affaire, se sentant bien embarrassés.

J’ai écrit à Jeanne que je ne puis avoir rien à faire avec les agissements d’un avocat bourgeois qu’elle a invité. Mais, d’un autre côté, je voudrais bien que notre commission éclaircisse avec l’énergie nécessaire les indications et les soupçons formulés par Jeanne.

Je ne sais quelle a été la réponse de la Commission de New York à votre proposition d’enquêter sur le dernier procès. Je suppose que la raison fut plutôt négative. Dans ce cas-ci, on n’aura peut-être pas besoin de fouiller les archives à Paris. D’ailleurs, j’avais cru à la nécessité de faire des recherches dans les documents à Paris seulement pendant le procès et immédiatement après. Je crois maintenant qu’il faudrait tout simplement transmettre les documents tels quels, pour les classer avec les autres et s’en servir plus systématiquement, si besoin il y avait.

L’ « amie » ou l' « ami » dont il s’agissait dans les lettres précédentes est Cannon ou sa femme ou Shachtman, qui doivent partir bientôt.

Le gouvernement mexicain a rompu les relations avec l’Angleterre. Les gens d’ici ont vraiment du courage. Bravo!