Lettre à Alfred Rosmer, 12 mars 1937

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Coyoacán, le 12 mars 1937

Cher ami,

Je vous remercie pour l’envoi de la déposition inappréciable de K. Legay. J’en ferai emploi dans mon livre et nous l’avons déjà envoyé au Comité de New York. Ne pourrait-on pas avoir la même déposition, mais signée des quatre voyageurs, avec les signatures légalisées, et envoyée directement au Comité de New York pour la commission d’investigation internationale ? Je sais bien que Vigne et Legay ont des opinions bien contraires aux miennes, mais il ne s’agit pas d’une déposition politique, ni d’une amitié de tendance. Il s’agit de servir la vérité élémentaire et la volonté de Legay de le faire est démontrée par son article vraiment magistral.

Je ne sais pas si Martinet et vous avez reçu les lettres que je vous ai écrites de Sundby avant notre départ. Pour l’instant nous ne pouvons pas nous plaindre. Nous avons une liberté d’action assez large, en tant qu’il s’agit de combattre les amalgames stalinistes. Cependant, on trame des intrigues contre nous de différents côtés. Vous imaginez bien que Staline ne ménage pas l’argent ; il s’agit pour lui d’une question de vie ou de mort. On a gagné pour cette fin le correspondant du Times, qui a écrit deux correspondances extrêmement louches. Je vous envoie pour vous et pour d’autres amis une lettre concernant cet épisode.

Vous vouliez nous visiter en Norvège. Depuis nous avons changé d’adresse. Mais le séjour au Mexique serait pour vous beaucoup plus favorable, du point de vue santé, que la Scandinavie. Nous sommes à 2 300 mètres, ce qui vous convient, autant que je sache, tout à fait.

Malheureusement le voyage coûte cher et tout le monde est devenu pauvre depuis la grande crise. En tout cas, je dois vous dire que nous serions bien heureux de vous voir à Coyoacán.

On a parlé du voyage d’André Gide aux États-Unis et au Mexique. Toledano a même écrit contre Gide deux articles aussi louches que stupides. Mais je suis sûr qu’il serait bien accueilli maintenant aussi bien à New York qu’ici, car, dans les idées et les sentiments des intellectuels et des ouvriers, un grand remue-ménage se produit sous le coup des procès de Moscou. Le monde a soif d’une parole honnête et indépendante. Il n’est pas nécessaire de vous dire que, pour ma part, je serais fort heureux de pouvoir faire la connaissance de cet homme et écrivain remarquable.

Vous êtes certainement bien au courant du rôle que joue actuellement Malraux à New York. Je vous envoie ci-joint une déclaration que j’ai donnée sur son compte.

Natalia embrasse tendrement Marguerite. Je vous salue tous deux chaleureusement.