Lettre à Alfred Rosmer, 12 juin 1937

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Coyoacán, le 12 juin 1937

Cher ami (Rosmer)

J’apprends par une lettre de LaFollette que la sous-commission va travailler pendant les mois de juillet et d’août. C’est excellent et cela m’explique un peu pourquoi vous ne dites rien dans votre dernière lettre sur la question de votre voyage éventuel à Mexico. Je ne sais pas dans quel ordre va procéder la sous-commission, mais je me permets dans cette lettre absolument privée de faire une suggestion. Avec les derniers documents et témoignages présentés à la Commission de Paris et déjà reçus ici, le fait que L. Sédov n’a pas été à Copenhague est démontré avec une certitude absolue. Il me semble que la sous-commission pourrait bien commencer par ce fait concret, qui a une valeur immense, pour le premier procès au moins, et aboutir à la conclusion qui découle inévitablement des documents. La sous-commission pourrait bien publier sur cette question spéciale sa conclusion ou le projet de conclusion à présenter à la Commission plénière. L’avantage de ce procédé est évident : a) L. Sédov serait dégagé et sa situation en France deviendrait moins menacée ; b) l’opinion publique pourrait se concentrer sur un point précis, avant d’approcher d’autres problèmes aussi précis : c) les stalinistes seraient forcés de faire front dans une question où la falsification est absolument évidente.

De la même manière la sous-commission pourrait entamer et liquider les deux autres « alibis » : mes prétendues rencontres avec Romm et Piatakov. Je crois que l’éclaircissement de ces trois questions devrait précéder l’analyse des questions plus générales; sinon on risque de se perdre dans le vague.

Ce procédé n’exclut pas, mais, au contraire, présuppose la création parallèle (c’est-à-dire dès le commencement de juillet) de « sous-sous-commissions », de commissions purement techniques (par exemple, pour l’examen du sabotage dans l’industrie chimique, etc., etc.) pour préparer les matériaux pour la session de la sous-commission au mois d’août.

Il y a une autre question qui me préoccupe beaucoup. Personne à New York ne connaît suffisamment les documents, leur origine, leurs rapports mutuels, etc. La sous-commission peut être étouffée par l’abondance et la multiplicité de la documentation. Il faut quelqu’un qui puisse donner sur place toutes les explications nécessaires, puisqu’il y a peu d’espoir que l' « accusé » puisse être présent déjà pendant les travaux de la sous-commission. Je ne vois que deux personnes qui puissent le remplacer : Jan Frankel et Jean van Heijenoort. Le voyage de l’un d’eux à New York avant même l’ouverture de la session de la sous-commission me paraît donc absolument nécessaire. Il y a la question finances. Mais la somme n’est pas si importante pour présenter un grand obstacle. Quel est l’avis de la sous-commission sur cette question ?

Dans une lettre de LaFollette à Frankel les témoins à entendre à New York sont énumérés. Mais dans cette liste je ne trouve pas Sara Weber, Spector, Paine et Sterling.

Contrairement à ce que vous admettez, nous n’avons reçu aucune lettre de Marguerite. La lettre se serait-elle égarée ? Je reviens à la question : où en est votre plan primitif de venir à Mexico ?

Je suis en train de terminer mon livre pour Grassets : encore deux ou trois jours de travail. Je prendrai peut-être ensuite un court congé.