Lettre à Albert Glotzer, 18 juillet 1932

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Cher Camarade Glotzer,

Bien reçu votre dernière lettre. Je ne me rends pas encore bien compte de l'importance des divergences qui ont surgi récemment. En tout cas, j'espère, et avec moi toute l'Opposition européenne sans aucun doute, que l'important pas en avant fait lors du dernier plénum, l'unité reconquise, ne sera plus remis en cause.

En ce qui concerne le groupe Frey, je ne comprends que trop bien les scrupules des amis allemands. Ces mêmes scrupules existent dans presque toutes les sections. Je ne suis pas sur du tout que l'affaire puisse se régler si facilement. Toutefois je crois que nous ne pouvons renoncer à une nouvelle épreuve. Supposons en théorie que survienne l'issue la plus défavorable, que Frey se sente à nouveau mal à l'aise dans nos rangs et nous quitte. On peut être certain que cette fois il ne parviendra pas à détacher de nous la totalité de son groupe, ce qui nous permettra de disposer en Autriche d'un noyau sélectionné.

J'ai reçu trois exemplaires du livre sur la Chine. C'est une performance d'édition de première grandeur. Je me souviens très bien combien j'étais réservé et même sceptique à l'égard des plans du camarade Shachtman à ce sujet. Je me réjouis fort que les lecteurs anglophones aient maintenant la possibilité de suivre après coup la totalité de notre combat sur cette Question. On pourrait également composer un beau petit volume sur le comité anglo-russe. Toutefois, je ne suis pas sûr d'avoir ici les documents nécessaires. De plus, nous avons devant nous de trop importantes questions d'actualité pour pouvoir consacrer beaucoup de temps au passé.

Le camarade Shachtman consacre une série d'articles au développement de l'Opposition de gauche. Je n'ai hélas pas lu en détail l'ensemble des articles, mais ce travail dans sa globalité me parait très utile et important. Il faudrait en faire une brochure et la publier également dans d'autres langues.

Eastman a passé une semaine ici. Nous avons discuté de différentes questions. Son attitude envers le matérialisme dialectique le rend étranger au plus haut point à notre conception du monde, malgré sa sympathie politique active à l'égard de l'Opposition de gauche. Bien qu'il rejette la philosophie, il a sa propre philosophie, qui s'apparente plus ou moins au nationalisme français du XVIIIème siècle, transporté dans la langue anglo-saxonne de l'utilitarisme empirique (engineering mind). Malgré toute notre sympathie pour Eastman, il nous faudra, lorsqu'une occasion adéquate se présentera, tirer une ligne de démarcation franche sur cette question fondamentale.