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Les succès du socialisme et les dangers de l'aventurisme
Nous avons toujours souligné l'importance universelle et historique des expériences et succès économiques de l'U.R.S.S. et ce serait de notre part une répétition superflue que de le répéter de nouveau ici. Rien ne révèle mieux la profonde dégradation de la social-démocratie mondiale aujourd'hui que son désir ouvertement exprimé de ramener l'U.R.S.S. dans la voie du capitalisme et sa solidarité politique active avec les conspirateurs impérialistes et les saboteurs bourgeois. Rien ne caractérise mieux la lâcheté et la bassesse des classes dirigeantes de la société bourgeoise, y compris la social-démocratie, que leurs protestations contre le travail forcé en U.R.S.S. à un moment où le commis des propriétaires héréditaires d'esclaves, Mc Donald, avec l'aide de la II° Internationale, opprime trois cent millions d'hommes en Inde et garde le peuple indien dans la servitude coloniale. Peut-on un seul instant comparer le sauve-qui-peut de la social-démocratie "de coalition" ou l'"oppositionnelle", et le travail gigantesque que le peuple soulevé par la Révolution d'Octobre est en train d'accomplir pour une vie nouvelle ?
C'est précisément pourquoi nous, marxistes, sommes obligés de mettre en garde la classe ouvrière du monde entier avec une force et une insistance particulières, contre les dangers grandissants qui menacent la dictature du prolétariat, dangers qui sont le résultat d'une politique fausse de la part d'une direction qui a perdu la tête.
Les dirigeants officiels, la presse, les économistes, tout le monde, reconnaît que le travail du plan quinquennal transformé en plan de quatre ans, s'accomplit dans une tension extrême. La méthode administrative de l'"émulation" montre que les rythmes peuvent être largement atteints aux dépens des muscles et des nerfs humains. Nous ne doutons pas un instant qu'une certaine couche d'ouvriers, surtout parmi les communistes, apporte à cette œuvre un véritable enthousiasme et que la masse des ouvriers est de temps en temps entraînée dans certaines entreprises par cet enthousiasme. Mais il faudrait tout ignorer de la psychologie humaine et même de la physiologie pour croire à la possibilité de l'"enthousiasme" de masse pour un effort qui dure nombre d'années.
La production est menée aujourd'hui avec les mêmes méthodes qui ont été employées pendant la guerre civile. Pendant la guerre, on le sait, notre expérience et nos munitions n'étaient pas à la hauteur. Les masses comblaient leurs insuffisances par leur supériorité numériques leur audace, leur enthousiasme. Mais même pendant la guerres l'enthousiasme n'était pas général, surtout dans la paysannerie. Embusqués et déserteurs jouaient le même rôle alors que les ivrognes, qui manquent souvent au travail et les vagabonds, qui changent tout le temps d'emploi. Mais, dans certaines périodes, face à l'attaque des Blancs, non seulement les ouvriers mais les paysans se jetaient au combat avec un esprit véritablement révolutionnaire. C'est ainsi que nous avons gagné.
La guerre civile a duré trois ans. Vers la fin, la tension générale avait atteint la limite extrême. Nous avons renoncé à la deuxième campagne polonaise en dépit des dures conditions du traité de Riga. Une réaction profonde contre la tension et les privations des trois années de guerre civile submergea profondément les masses d'ouvriers et paysans. Dans la paysannerie, cette réaction conduisit aux soulèvements qui ont touché la flotte et l'armée. Chez les ouvriers, cela se traduisit en grèves et ce qu'on appelait les "arrêts". A l'intérieur du parti, l'Opposition ouvrière commença à gagner en influence. Sa force ne résidait évidemment pas dans la demi-syndicaliste naïveté de ses dirigeants. De façon générale, la discussion à cette époque ne portait pas du tout sur les syndicats, comme l'enseignent les stupides manuels officiels mais dans la protestation des masses contre la tension continuelle et la revendication d'un répit.
Dans la fameuse discussion de 1920-21, le principal argument contre les "trotskystes" de l'époque, qui produisait le plus gros effet sur les masses, était "Ils veulent mener le travail de construction économique avec les mêmes méthodes qu'on a employées pour gagner la guerre".
C'est dans cette atmosphère de réaction contre la période de la guerre civile et le communisme de guerre que la politique économique de l'actuelle majorité de la fraction stalinienne a pris forme: "lentement mais sûrement". Les concessions à l'économie privée paysanne, le mépris pour les méthodes de planification, la défense des rythmes minimum, le détachement à l'égard de la révolution mondiale - c'était là l'essence du stalinisme dans la période 1923-1928. Mais le paysan moyen aisé - appui et espoir de cette politique, se développa par la nature des choses en paysan riche (koulak) qui prit alors à la gorge la dictature du prolétariat dont la base industrielle était tellement limitée. Ces conceptions et la politique de tolérance à l'égard du paysan firent place à une politique de panique et de précipitation. Le mot d'ordre devint: "rattraper et dépasser dans le plus bref délai possible". Le programme minimum du plan quinquennal de Staline-Krjijanovsky, approuvé en principe au 15° congrès, fut remplacé par le nouveau plan quinquennal, dont les éléments essentiels étaient empruntés à la plate-forme de l'Opposition. C'est ce qui a donné son caractère à la déclaration de Rakovsky au 16° congrès:
"Vous avez adopté un plan qui peut devenir un pas plus sérieux dans une voie juste et nous sommes prêts à vous offrir notre coopération la plus loyale, sans abandonner aucune de nos idées et en nous réservant le droit de les défendre dans toutes les questions en discussion" .
Quand l'Opposition défendait d'abord la nécessité même d'élaborer un plan quinquennal puis de déterminer des rythmes (la vie a suffisamment prouvé que les rythmes que nous proposions n'étaient pas illusoires comme l'ont clamé à l'époque tous les membres du comité central sans exception), en un mot, quand l'Opposition combattait pour une industrialisation et une collectivisation accélérées contre la politique de 1923-1928, elle considérait le plan quinquennal non comme un dogme, mais comme une hypothèse réalisable. La vérification collective du plan doit être faite dans le cours du travail. Les éléments de vérification ne résident pas seulement dans les chiffres de la comptabilité socialiste, mais aussi dans les muscles et les nerfs des ouvriers et les sentiments politiques des paysans. Le parti doit tenir compte de tout, éprouver, vérifier, additionner, généraliser.
En réalité, le tournant économique vers l'industrialisation et la collectivisation s'est réalisé sous le fouet de la panique administrative. Cette panique sévit toujours. Elle se reflète à la une de tous les journaux soviétiques d'aujourd'hui. Il y a adaptation totale aux mots d'ordre, aux formules, aux appels, employés pendant la guerre civile: front, mobilisation, brèche dans le front, cavalerie, etc., le tout assaisonné parfois de la terminologie sportive, start, finish, etc. Comme ce doit être écœurant pour les ouvriers sérieux et dégoûtant pour tous ! Tandis que c'est dans les conditions terribles de la guerre civile que nous avons introduit, non sans hésitation, l'Ordre du Drapeau rouge comme une mesure provisoire - Lenine y était d'abord opposé et ne l'a accepté ensuite qu'à titre temporaire -, aujourd'hui, dans la treizième année de la révolution, il y en a quatre ou plus, différents. Plus significative encore est l'introduction du travail continu, l'attachement des ouvriers aux entreprises, l'extrême intensification du travail.
Si l'introduction de ces mesures exceptionnelles a été possible, c'est du à ce que, dans les milieux de l'avant-garde, elles ont un caractère provisoire, étroitement lié aux objectifs du plan quinquennal. Exactement comme pendant la guerre civile, les ouvriers et les paysans employaient toutes leurs forces à écraser l'ennemi pour assurer leur droit au travail et au repos, de même aujourd'hui les éléments d'avant-garde de la classe ouvrière comptent sincèrement "rattraper et dépasser" les pays capitalistes avancés afin de se protéger contre les dangers économiques et militaires. Théoriquement, politiquement et psychologiquement l'idée du plan quinquennal est devenue pour les masses le problème de la construction d'une muraille de Chine autour du socialisme dans un seul pays. Les ouvriers pensent que c'est l'unique justification de la tension extrême qui leur est imposée par l'appareil du parti. Au douzième anniversaire, Staline écrivait: "Nous verrons encore quels pays doivent être comptés parmi les plus arriérés et quels parmi les plus avancés".
De semblables déclarations et d'autres, plus catégoriques encore, ont été publiées et reproduites interminablement. Elles donnaient le ton à tout le travail du plan quinquennal. Ces questions sont posées aux masses, de façon trompeuse, à moitié consciente et moitié délibérée, par la bureaucratie qui veut leur faire croire que la réalisation du plan quinquennal placera l'U.R.S.S. devant le monde capitaliste. Le Kautsky de l'appareil, Varga, ne croit-il pas que la théorie du socialisme dans un seul pays, aussi absurde qu'elle soit, est néanmoins nécessaire pour encourager les ouvriers: tromperie du pope pour le salut de l'âme ?
Dans la préparation de son rapport au 16° congrès, Staline a eu recours aux statistiques, entre autres beaucoup d'autres chiffres, pour prouver qu'à la fin du plan quinquennal, l'U.R.S.S. "rattrapera et dépassera" le monde capitaliste. On en trouve des traces dans le discours de Staline. Sur le point central des rapports entre l'économie soviétique et l'économie mondiale, dans le rapport, le rapporteur s'est borné de façon surprenante à ce qui suit:
"Nous sommes terriblement derrière les pays capitalistes avancés en ce qui concerne le niveau de développement de l'industrie".
Et d'ajouter aussitôt:
"Seule l'accélération ultérieure du développement de notre industrie nous permettra de rattraper et de dépasser les pays capitalistes avancés techniquement et économiquement". (Rapport politique au 16° congrès du P.C.U.S., 27 juin 1930, sotch., 12).
Cela suppose-t-il un plan quinquennal unique ou une série de plans quinquennaux ? On n'en sait rien.
Limité comme il l'est en théorie fondamentale, Staline a été manifestement terrorisé par l'information inattendue qu'il a lui-même déterrée; mais, au lieu de présenter au parti les faits exacts de notre état d'arriération et de montrer l'étendue réelle de la tâche qui consiste à "rattraper et dépasser", Staline s'est contenté de glisser quelques mots sur notre "terrible arriération" (en cas de besoin l'utiliser comme un alibi: c'est là que réside l'art de la politique). Et la propagande de masse continue dans un esprit de tromperie et de bluff.
Mais il ne s'agit pas seulement de l'Union Soviétique. Les publications officielles de tous Ies partis de l'I.C. ne cessent de répéter qu'à la fin du plan quinquennal, l'U.R.S.S. sera parmi les pays les plus avancés des pays industriels. Si c'était vrai, le problème du socialisme serait résolu partout simultanément à l'échelle mondiale. Ayant rattrapé les pays avancés, l'U.R.S.S., avec ses 160 millions d'habitants et sa superficie et sa richesse considérable, atteindrait, au cours du second plan quinquennal, c'est-à-dire dans trois ou quatre ans, Une position, eu égard au monde capitaliste, beaucoup plus dominante que celle des Etats-Unis aujourd'hui. Le prolétariat du monde entier serait convaincu dans Ia vie que le socialisme, dans l'un des pays les plus arriérés, peut créer en quelques années un niveau de vie pour le peuple incomparablement supérieur à celui des pays capitalistes avancés. La bourgeoisie serait incapable de retenir un jour de plus le soulèvement des masses travailleuses. Une telle voie pour la liquidation du capitalisme serait la plus simple, la plus économique, la plus "humaine" et la plus certaine, si c'était ... possible. En réalité elle n'est que fantaisie.
Le développement du plan quinquennal a commencé en 1928-1929 à un niveau proche de celui de la Russie de l'avant-guerre, c'est-à-dire un niveau de misère et de barbarie. En 1929-30, de gros succès ont été réalisés. Néanmoins, l'Union Soviétique se trouve encore aujourd'hui, dans la troisième année du plan quinquennal, plus proche de la Russie tsariste que d'un pays capitaliste avancé du point de vue des forces productives. Voici quelques faits et quelques chiffres.
Les quatre cinquièmes de toute la population productives sont employés dans l'agriculture. Aux Etats-Unis, pour chaque personne employée dans l'agriculture, il y en a 2,7 dans l'industrie.
L'industrie a une productivité cinq fois supérieure à l'agriculture. Aux Etats-Unis, la productivité agricole est le double de la nôtre, celle de l'industrie 3,5. La production nette par tête est ainsi dix fois supérieure aux Etats-Unis à ce qu'elle est dans notre pays.
La puissance des installations mécaniques de base dans l'industrie des Etats-Unis est estimée à 35 800 000 chevaux-vapeur. En U.R.S.S. , elle est de 4 600 000, presque un dixième. Si l'on évalue la puissance d'une unité de chevaux-vapeur à celle de dix hommes, on peut dire qu'aux Etats-Unis, il y a trois esclaves d'acier au travail par habitant, tandis qu'en U.R.S.S. il n'y a qu'un seul pour trois habitants. Si l'on prend en compte la force motrice mécanique, non seulement dans l'industrie mais aussi dans les transports et l'agriculture, la comparaison est plus défavorable encore. Pourtant la force motrice mécanique est la mesure la plus sûre du pouvoir de l'homme sur la nature.
Si tout le programme d'électrification devait être achevé à la fin du plan quinquennal, l'Union Soviétique disposerait d'un quart de la force électrique américaine, un sixième, si on tient compte de sa population, et moins encore si l'on tient compte de la superficie; et ce coefficient suppose que le plan soviétique soit réalisé complètement et que les Etats-Unis n'avancent pas d'un seul pas.
En 1928, les Etats-Unis ont produit 38 680 000 de tonnes de fonte, l'Allemagne 12 000 000 de tonnes, l'Union soviétique 3 300 000; pour l'acier, les Etats-Unis 52 000 000, l'Allemagne 14 000 000, l'U.R.S.S., 4 000 000. Dans la cinquième année du plan quinquennal, notre production de métaux a été égale à celle des Etats-Unis en 1880; il y a juste un siècle, les Etats-Unis produisaient 4 300 000 tonnes de métal, avec une population équivalente à environ un tiers de la population actuelle de l'U.R.S.S. En 1929, l'U.R.S.S. produisait environ 5 000 000 de tonnes de métal brut. Cela signifie que la consommation de métal par personne dans la république soviétique aujourd'hui sera d'environ un tiers de ce qu'il en était par personne aux Etats-Unis il y a un demi-siècle.
La production métallurgique aux Etats-Unis actuellement est supérieure de 28 % à la production agricole; notre production métallurgique est presque 1/18° de notre production agricole. A la fin du plan quinquennal le rapport pourrait être de 1 à 8. Inutile d'expliquer la signification de la métallurgie pour l'industrialisation comme pour la collectivisation de l'économie agricole.
Au terme du plan quinquennal, la consommation de charbon par habitant en U.R.S.S. sera 1/8° de celle des Etats-Unis. La production soviétique de pétrole est 7 % de la production mondiale, les Etats-Unis en produisant 68 %, dix fois plus.
Des rapports plus favorables existent dans l'industrie textile, mais, même là, la différence à notre détriment est énorme: les Etats-Unis ont 22,3 % des machines à tisser, l'Angleterre 34,8 et l'Union Soviétique 4,2 %. Ces chiffres sont d'autant plus frappants si on rapporte le nombre de machines à tisser aux chiffres de population.
Le plan quinquennal va augmenter le réseau ferroviaire soviétique de 18-20 000 kilomètres et va le porter à 80 000 kilomètres contre les 400 000 des chemins de fer américains. Pour cent kilomètres carrés de surface, les Etats-Unis ont 51,5 kilomètres de chemins de fer, la Belgique 370, la partie européenne de l'U.R.S.S. 13,7 et sa partie asiatique 1 seulement.
Les chiffres de la marine marchande sont encore moins favorables. La part de l'Angleterre dans la marine mondiale est de 30 %, celle des Etats-Unis 22,5 et celle de l'Union Soviétique 0,5.
Les Etats-Unis, en 1927, ont presque 80 % du total des autos dans le monde, alors que la part de l'Union Soviétique ne pourrait être calculée, même en dixièmes. A la fin du plan quinquennal, il y aura 158 000 autos, une pour plus de mille personnes (aujourd'hui il y en a une pour 7 000 personnes). Selon Ossinsky, à la fin du plan quinquennal nous "dépasserons facilement la Pologne"... si elle est restée à son niveau actuel.
Les réserves d'or des pays les plus importants: les Etats-Unis - 36,2 % des réserves mondiales -, la France - 11 % -, les pays capitalistes possèdent ensemble 83 %. Tout le reste du globe, U.R.S.S. y compris, moins de 17 %.
Dans le domaine des journaux et de l'édition, on a remporté des succès sérieux par rapport à la situation d'avant la révolution. Mais c'est précisément là que notre arriération est le plus grave. La consommation de papier est chez nous de 3,5 kg par habitant, tandis que même dans les pays européens les plus arriérés, elle est beaucoup plus élevée: 6 à 7 kilos en Bulgarie, Yougoslavie, Espagne, Hongrie, Pologne etc. Aux Etats-Unis, la consommation de papier est de 80 kilos par habitant, c'est-à-dire quatorze fois plus qu'en U.R.S.S. De façon générale, la consommation de papier par habitant dans les pays capitalistes est supérieure, plusieurs dizaines de fois, non seulement à la consommation actuelle en U.R.S.S. mais aussi à celle qui est prévue au terme du plan quinquennal. Par conséquent, même dans cette industrie légère, plus accessible. et dont l'importance est énorme, non seulement du point de vue économique, mais aussi politique et culturel, le problème n'est pas aussi facile à résoudre que le proclament les criards, les hâbleurs et les fanfarons.
Théorie fausse provoque inévitablement des erreurs politiques. De la théorie fausse du "socialisme dans un seul pays" découle non seulement une perspective générale déformée, mais aussi une tendance criminelle à farder la réalité soviétique actuelle.
La deuxième année du plan quinquennal est caractérisée dans tous les discours et articles de la façon suivante: "L'économie nationale du pays est entrée dans la période du socialisme"... Le socialisme existe "dans ses fondements". Chacun sait que la production socialiste, même dans "son fondement" est la production qui satisfait au moins les besoins humains élémentaires. Cependant, dans notre pays, avec son effroyable pénurie de marchandises, l'industrie lourde a augmenté l'année dernière de 28,1 % et l'industrie légère de seulement 13,1 %, gênant ainsi le programme de base. Même si l'on admet que la proportion réalisée est idéalement correcte - ce qui est loin d'être vrai - il n'en est pas moins vrai que dans l'intérêt d'une sorte d'"accumulation socialiste primitive", la population de l'U.R.S.S. sera obligée de se serrer de plus en plus la ceinture. Mais cela indique précisément que le socialisme est impossible sur la base d'un bas niveau de production et qu'on peut seulement faire des pas préparatoires au socialisme.
N'est-ce pas monstrueux ? Le pays ne surmonte pas la pénurie de marchandises, les disettes se produisent quotidiennement, les enfants manquent de lait, et les philistins officiels déclarent: "Le pays est entré dans la période du socialisme". Le socialisme pourrait-il être plus frauduleusement discrédité ? En dépit de tous les succès économiques dans l'industrie et l'agriculture, la collecte de grain aujourd'hui a plus le caractère d'une campagne politique que d'une activité économique. En d'autres termes, elle est réalisée par des moyens de coercition d'Etat. Pendant le règne des épigones, le terme de "smytchka" était employé à toute occasion, mais ils ont oublié de l'employer dans son seul sens juste, c'est-à-dire la création de rapports économiques entre ville et campagne qui permettent au village d'échanger ses produits contre les produits de l'industrie, volontairement et avec toujours plus de motivation. Le succès de l'alliance avec la paysannerie réside dans la réduction des méthodes politiques, c'est-à-dire de la coercition pour la collecte du grain. Cela ne peut être obtenu qu'en refermant les ciseaux des prix industriels et agricoles. Mais Staline a affirmé, treize ans après la Révolution d'Octobre, que les ciseaux n'étaient qu'un "préjugé bourgeois". En d'autres termes, il a reconnu que les ciseaux s'ouvraient au lieu de se fermer. Il n'est pas surprenant en fait que le mot de smytchka lui-même ait complètement disparu du dictionnaire officiel. Un fonctionnaire au stockage du blé, pour expliquer le retard de l'accumulation des stocks de grains par l'insuffisance de la pression des autorités locales sur le koulak fait l'observation suivante:
"Les calculs et manœuvres du koulak ne sont pas du tout compliqués. S'il est imposé de trois tonnes, il peut les remplacer par une amende de 400 roubles. Il lui suffit de vendre une demi-tonne au marché noir pour récupérer plus que son amende et conserver pour lui deux tonnes et demi"
Cet exemple frappant signifie que, sur le marché noir, le prix du grain est au moins six fois plus élevé que le prix d'Etat, peut-être même huit ou dix fois, puisque nous ne savons pas à combien évaluer l'excédent. C'est ainsi que les ciseaux, qui ne sont pour Staline qu'un préjugé bourgeois, percent les pages de la Pravda et montrent leurs pointes.
La Pravda imprime tous les jours des communications sur les progrès du stockage des grains sous le titre "La lutte pour le grain est la lutte pour le socialisme" . Mais, quand Lenine a employé cette phrase, il était loin de l'idée que le pays était "entré" dans la période du socialisme. Le fait qu'on soit obligé de se battre - oui, se battre - pour du grain, simplement du grain, montre que le pays est encore très éloigné d'un régime socialiste.
On ne peut pas piétiner impunément les bases élémentaires de la théorie. On ne peut pas se limiter aux formes socialistes des rapports de production - formes peu mûres, rudimentaires, et dans l'agriculture, excessivement fragiles et contradictoires - et faire abstraction du principal facteur du développement social, les forces productives. Les formes socialistes elles-mêmes ont ou peuvent avoir un contenu social essentiellement différent en fonction du niveau technique. Les formes sociales soviétiques sur la base de la production américaine - c'est le socialisme, au moins dans sa première étape. Les formes soviétiques sur la base de la technique russe, ce n'est que le premier pas dans la lutte pour le socialisme.
Si l'on prend en considération le niveau d'aujourd'hui de la vie soviétique, la vie quotidienne des masses laborieuses, le taux d'illettrisme, c'est-à-dire le niveau culturel; si on ne ment pas, si on ne bourre pas le crâne, si on n'abuse pas soi-même et les autres; si on ne s'adonne pas au vice de la démagogie bureaucratique, alors il faut honnêtement reconnaître que l'héritage de la Russie bourgeoise et tsariste constitue 95 % de la vie quotidienne, de la morale et des coutumes de l'écrasante majorité de la population soviétique, tandis que les éléments du socialisme ne représentent que 5 %. Et ce n'est nullement en contradiction avec la dictature du prolétariat, le régime soviétique, et les énormes succès dans l'économie. Tout cela constitue l'échafaudage autour du futur édifice ou plutôt de seulement l'un des coins de cet édifice. Dire aux ouvriers qui bâtissent ces échafaudages avec des briques et du ciment, qui souvent, ne mangent pas à leur faim, qui peuvent subir bien des accidents, qu'ils peuvent déjà entrer dans ce bâtiment - "nous sommes entrés dans le socialisme" - c'est se moquer à la fois des constructeurs et du socialisme.
Nous sommes décidément opposés à la légèreté avec laquelle le plan quinquennal, pas encore vérifié, a été transformé en plan de quatre ans. Que nous enseignent là-dessus les faits ?
Les chiffres officiels d'augmentation de la production industrielle pour la deuxième année atteignent 24,2 %. L'augmentation projetée pour la deuxième années du plan quinquennal - 21,5 % - est ainsi dépassée de 2,7 %. Mais il est en retard sur le plan en quatre ans de presque 6 %. Si l'on tient compte du fait que, par rapport à la qualité et au prix de revient, il y a un retard considérable et que le coefficient comptable de 2,12 % ne peut être atteint que par la coercition, il est clair qu'en réalité la deuxième année s'est déroulée conformément aux rythmes du plan quinquennal et pas du tout du plan en quatre ans.
Dans le domaine. de la construction de base, les objectifs pour l'année 1929-1930 ne se sont pas réalisés de presque 20 %. Le retard le plus grand est accusé dans la construction de nouvelles usines métallurgiques gigantesques, dans l'installation de production de coke, dans la construction chimique et électrique élémentaire, c'est-à-dire dans les domaines fondamentaux pour l'industrialisation dans son ensemble. En même temps, l'abaissement des coûts de production de 14 % n'a été réalisée qu'à 4 %. La signification de ce chiffre de 4 %, tiré par les cheveux, ne nécessite aucun commentaire: nous pouvons nous estimer satisfaits que les coûts de construction n'aient pas augmenté en réalité. Le coefficient de retard du plan sera donc de plus de 30 %, pas 20 %. C'est l'arrière-plan de la troisième année dans le domaine de la construction.
"Les lacunes" dans le plan ne peuvent être remplies aux dépens de l'industrie légère, comme ce fut fait généralement pendant les deux premières années, puisque la principale lacune du plan doit être observée précisément dans la production de produits finie. Selon le plan quinquennal, l'industrie légère devrait avoir progressé de 18 % en 1929-1930; selon le plan en quatre ans de 23 %. Mais elle a augmenté seulement de 11 % (de 13 selon certains documents). Pourtant la pénurie de marchandises demande des efforts extraordinaires dans la sphère de l'industrie légère.
On a affirmé que l'une des tâches spécifiques du trimestre supplémentaire introduit entre la seconde et la troisième année était "la stabilisation par tous les moyens possibles de la circulation monétaire et de tout le système financier". C'est un aveu officiel, pour la première fois, que le système financier est ébranlé au terme des deux premières années du plan quinquennal réalisé par une direction qui procède empiriquement, dans aucune planification. L'inflation monétaire ne signifie rien moins qu'un emprunt non garanti contracté au dépens des années suivantes. C'est pourquoi il sera nécessaire de rembourser cet emprunt dans les prochaines années. L'appel à la stabilisation de la circulation monétaire démontre que, quoique "nous soyons entrés dans la période du socialisme", il est nécessaire de garder le tchervontets intact, non de le liquider. Quant la théorie, elle est juste sens dessus dessous.
Toutes les erreurs, tous les faux calculs, les démarrages précipités, les disproportions, les lacunes, les faux tournants et le vertige de la direction économiste des centristes sont résumée dans le malaise du tchervonets: tel est l'héritage des deux premières années du plan quinquennal. Surmonter l'inflation et son inertie n'est pas une tâche facile. L'application du plan financier dans le premier mois du trimestre supplémentaire porte témoignage de cela. Mais surtout nous devons savoir que le succès dans la stabilisation du tchervonets - qui est absolument indispensable - porte les germes d'un déclin non moins marqué dans l'industrie et dans l'économie dans son ensemble. Des emprunts non garantis et surtout dissimulés sont faits aux dépens de l'avenir et devront être payés.
Le chiffre pour la croissance générale de la production industrielle au cours des deux dernières années et de 52 % contre les 47 % indiqués dans le plan. Si nous incluons la détérioration de la qualité, nous pouvons dire avec certitude qu'au mieux dans les deux premières années nous avons approchés des objectifs du plan seulement dans son ensemble, c'est-à-dire en faisant abstraction de toute une série de disproportions internes.
La caractérisation que nous avons faite du lourd héritage des deux premières années du plan quinquennal ne minimise pas le moins du monde la signification des succès qui ont été réalisés. Ces succès sont énormes dans leur importance historique et d'autant plus significative parce qu'ils ont été obtenus malgré les erreurs continuelles de la direction. Mais ces réalisations non seulement ne justifient pas la légèreté avec laquelle on a bondi de cinq à quatre ans, ils ne garantissent même pas la réalisation du plan en cinq ans. Pour y arriver, il faut surmonter les disproportions et lacunes créées au cours des deux premières années, au cours des trois années à venir. Moins la direction s'avère capable de prévoir, d'ouvrir ses oreilles aux avertissements, plus lourde sera la dette. La tâche principale de la direction économique est de vérifier le progrès fait par le plan quinquennal, de garder un œil sur quelques branches, retenir certaines autres - non sur la base de chiffres a priori qui sont inévitablement imprécis et conditionnels, mais sur la base d'un bilan consciencieux de l'expérience. Mais la réalisation de semblable tâche présume la démocratie dans le parti, dans les syndicats et dans les soviets. Un progrès salubre de la construction socialiste est entravé par le principe ridicule et monstrueux de l'infaillibilité de la direction "générale" ou plus précisément, une direction inconsistante qui est la source du danger généralisé. La Pravda elle-même, le 27 octobre, est obligée de noter
"Nous éprouvons des difficultés nous procurer des produits alimentaires et des marchandises industrielles d'usage commun. Nous vivons encore un manque aigu de métal, de charbon, d'énergie électrique et de matériaux de construction pour assurer pleinement les rythmes adoptés dans la construction socialiste. Le transport des produits industriels et agricoles est loin d'être garanti par notre système de transport. L'économie nationale expérimente une pénurie aiguë de main d'œuvre et de cadres d'ouvriers qualifiés".
Ne découle-t-il pas de tout cela que le bon du plan quinquennal au plan de quatre ans était totalement aventuriste ? Pour tout le monde, sauf la Pravda. "Le retard dans la construction de base en 1929-1930", écrit la Pravda, "malgré l'absence de causes objectives a été un prétexte pour les agents du koulak dans le parti - les opportunistes de droite - pour soulever de nouvelles clameurs au sujet des rythmes intolérables adoptés par la parti" (3 novembre).
De cette façon, les staliniens, mieux que personne, déblaient la voie pour l'aile droite en réduisant la différence entre eux à ce dilemme: quatre ou cinq ans ? La question ne peut cependant être tranchée de manière principielle, mais seulement empiriquement. Il est encore difficile de définir deux lignes distinctes dans ce débat, mesuré, par une différence de douze mois. Pourtant, dans cette manière bureaucratique de poser la question, nous avons la mesure exacte du désaccord entre les droitiers et les centristes suivant l'évaluation des centristes eux-mêmes. La rapport entre eux est de quatre à cinq ce qui fait 20 % de différence. Et qu'en serait-il si l'expérience démontrait que le plan ne peut être réalisé en quatre ans ? Cela signifierait-il que la droite a raison ? Le prétendu trimestre supplémentaire (octobre, novembre, décembre 1930) a été inséré entre la seconde et la troisième année. La troisième année du plan quinquennal commence maintenant officiellement le l° janvier 1931 sans prendre en compte ce trimestre supplémentaire. La divergence avec la droite est ainsi réduite de 20 à 15 %. Quel objectif servent ces méthodes de procédure indignes ? Elles servent l'objectif du "prestige" non du socialisme.
Les lacunes qu'ils sont obligés de combler avec le trimestre supplémentaire se sont développées, ont provoqué, selon la Pravda "en dépit de l'absence de causes objectives". C'est une explication très consolante, mais qui ne produit ni les usines inachevées, ni les marchandises non manufacturées. L'ennui est que ces facteurs subjectifs, comme l'"incompétence", "l'absence d'initiative", etc. sont gouvernés par l'élément subjectif, l'appareil bureaucratique, mais dans une certaine mesure seulement et qu'au-delà de ces limites les facteurs subjectifs deviennent objectifs, puisqu'ils sont déterminés en dernière analyse par le niveau de technique et de culture. Même les "lacunes" qui sont en réalité engendrées par les causes subjectives, par exemple, la myopie de la direction "générale" deviennent elles-mêmes des facteurs objectifs limitant la possibilité de développements ultérieurs. Si l'opportunisme est caractérisé par une adaptation passive aux conditions objectives ("suivisme"), l'aventurisme, antipode de l'opportunisme, est caractérisé par son attitude dédaigneuse à l'égard des facteurs objectifs. Le leitmotiv de la presse soviétique aujourd'hui est:: "Rien n'est impossible à un Russe".
Les articles de la Pravda (Staline lui-même garde prudemment le silence) prouvent que la prévoyance, l'expérience collective et le souplesse de la direction économique seront remplacés dans l'avenir, comme dans le passé, par le knout "général". La Pravda reconnaît, dans une série d'affaires, que "les défaillances étaient liquidées moins par la production que par la pression révolutionnaire des masses" (le 1er novembre). La signification de tout ceci est tout à fait claire.
Il est évident que s'il s'agissait vraiment de rattraper les pays capitalistes avancés au cours des prochaines années et d'assurer ainsi l'invulnérabilité de l'économie socialiste, alors une pression temporaire, si lourde soit-elle, bien que pesant sur les muscles et les nerfs des ouvriers, seraient compréhensibles et même justifiables. Mais nous avons vu plus haut l'ambiguïté, le trompe l'œil, la démagogie dans la façon de présenter cette question aux ouvriers. La pression continuelle menace de provoquer une réaction dans les masses incomparablement plus grave que celle qui s'est développée à la fin de la guerre civile.
Le danger est d'autant plus aigu et menaçant que non seulement la tâche de "rattraper et dépasser" ne sera pas résolue, même si le plan quinquennal venait à être réalisé, mais le plan lui-même ne sera jamais réalisé en quatre ans, en dépit de l'extrême tension des forces. Ce qui est plus sérieux encore c'est que l'aventurisme de la direction rend de moins en moins vraisemblable la réalisation du plan en cinq ans. L'obstination stupide et aveugle à maintenir le plan intact, à la lettre, pour le prestige "général" prépare inévitablement toute une série de crises qui peuvent étouffer le développement économique et déclencher une crise politique ouverte.
Ainsi, les résultats sommaires de l'accroissement de la production, pour exceptionnels qu'ils soient, ne présentent pas un tableau exact de la situation car ils ne décrivent pas les conditions défavorables, économiques et politiques, dans lesquelles a commencé le plan quinquennal (l° octobre 1930). Une analyse plus concrète de l'économie révèle que les statistiques arbitraires de succès cachent une série de contradictions profondes: entre la ville et la campagne (les ciseaux des prix; le manque de produits alimentaires, de matières première, et le manque de produits industriels au village); entre l'industrie lourde et l'industrie légère (usines non fournies en matières premières et manque de marchandises); entre le pouvoir d'achat réel et nominal du tchervonets (inflation); entre le parti et la classe ouvrière; entre l'appareil et le parti; à l'intérieur de l'appareil.
Et outre ces contradictions dites internes, il y a une contradiction qui, par la nature même des choses, revêt une signification accrue: la contradiction entre l'économie soviétique et le marché soviétique.
L'utopie réactionnaire d'une économie socialiste fermée se développant harmonieusement sur ses fondements internes avec la sauvegarde du monopole du commerce extérieur constituait le point de départ du plan tout entier. Les spécialistes de la Commission de planification d'Etat, allant à la rencontre des "patrons" et conjuguant leurs objectifs nuisibles aux préjugés des autorités, ont préparé le premier projet de plan quinquennal non seulement avec une courbe descendante dans le taux industriel mais aussi dans le commerce extérieur: au bout de dix ou douze ans, l'U.R.S.S. aurait complètement cessé d'importer. Le même plan prévoyait une moisson toujours plus abondante et par conséquent des possibilités plus grandes d'exporter. Une question demeurait sans réponse: que faire des surplus de grain et autres que le pays pourrait produire ? On n'allait tout de même pas les jeter dans l'océan.
Cependant, avant que le premier projet de plan quinquennal ait été révisé en principe sous la pression de l'Opposition, le cours même des événements a produit des fissures dans la théorie et la pratique d'une économie isolée.
Le marché mondial présente des réserves immenses pour l'économie de tous les pays, socialiste comme capitalistes. La croissance de l'industrie soviétique crée à la fois des besoins techniques et culturels et de nouvelles contradictions, obligeant ainsi à recourir toujours plus aux ressources du commerce extérieur. En même temps, le développement de l'industrie, inégal à cause des conditions naturelles, engendre un besoin pressant d'exportation dans divers secteurs (par exemple pétrole et bois) bien avant que l'industrie dans son ensemble ait commencé à satisfaire les exigences élémentaires du pays. La renaissance de la vie économique en U.R.S.S. conduit ainsi, de tous les côtés, non à son isolement économique mais au contraire à la croissance de ses rapports avec l'économie mondiale et par conséquent à sa dépendance à l'égard de l'économie mondiale. le caractère de cette dépendance est défini partiellement par le poids spécifique de l'économie soviétique dans l'économie mondiale, mais, plus directement, par les relations entre le coût net des produits soviétiques et celui de ceux des pays capitalistes avancés.
L'entrée de l'économie soviétique sur le marché mondial, ne s'est donc pas produite sur la base d'une large perspective et des stipulations du plan mais au contraire, malgré le plan; sous la pression de la dure nécessité, quand il est devenu clair que l'importation de machines, des différents types de matières premières et matériaux auxiliaires devenait une question de vie ou de mort pour tous les secteurs de l'industrie.
Il ne peut pas y avoir d'augmentation des importations sauf par une extension des exportations. L'Etat soviétique exporte parce qu'il ne peut pas faire autrement et il vend à des prix déterminés par l'économie mondiale. Ainsi l'économie soviétique tombe de plus en plus sous le contrôle du marché mondial, mais en outre elle est entraînée - de manière réfractée et altérée, il est vrai - dans la sphère d'influence des oscillations de la conjoncture capitaliste mondiale. Les exportations pour l'année 1929-1930, loin d'être réalisées conformément au plan, ont été considérablement atteintes financièrement par la crise mondiale. C'est ainsi que l'une des nombreuses discussions entre l'Opposition de gauche et les centristes a trouvé sa conclusion. Dans la lutte sur la nécessité d'élaborer le plan quinquennal, nous avons avancé l'idée que le plan quinquennal n'était que la première étape, qu'il faudrait passer ensuite le plus rapidement possible à un plan avec une perspective de huit à dix ans, pour embrasser une période moyenne pour le renouvellement du parc d'outillage et aussi nous adapter à la conjoncture mondiale. Une stabilisation du capitalisme d'après-guerre, même ténue, conduirait inévitablement à la réapparition de celles commerciaux-industriels reportés par la guerre et nous serions obligés de développer nos plans non sur une prétendue indépendance à l'égard de la conjoncture mondiale, mais sur une adaptation intelligente à cette conjoncture, c'est-à-dire de façon à gagner autant que possible à une reprise économique et à perdre aussi peu que possible dans la crise. Il est inutile de répéter aujourd'hui les lieux communs national-socialistes que les dirigeants officiels, à commencer par Staline et Boukharine, ont avancé contre ces prévisions qui se réalisent aujourd'hui. Moins les dirigeants de l'économie ont prévu la simple logique de cette situation, plus l'exportation aujourd'hui revêt un caractère chaotique.
On doit tirer quelques conclusions élémentaires très importantes pour l'avenir de la brève histoire du commerce extérieur soviétique et des difficultés rencontrées l'année dernière dans le commerce d'exportation, presque toujours insuffisant en volume malgré son caractère forcé. Plus le développement de l'économie soviétique aura de succès dans l'avenir, plus les relations économiques devront être élargies avec l'extérieur. Le théorème opposé est même plus important: ce n'est qu'à travers une grande extension des exportations et importations que l'économie pourra surmonter à temps les crises partielles, diminuer les disproportions partielles et obtenir l'équilibre dynamique des divers secteurs pour assurer un taux accéléré de développement. C'est précisément à ce point, malheureusement, que nous heurtons en dernière analyse à des problèmes et difficultés importante. La possibilité d'utiliser les ressources du marché mondial pour le développement de l'économie socialiste est déterminée directement, nous l'avons dît, par les rapports entre prix de revient domestique et mondial d'une marchandise de qualité fixe moyenne. Mais le cours bureaucratique de l'accélération des rythmes n'a pas permis jusqu'à présent d'obtenir dans ce domaine aucun résultat ni même de poser la question correctement.
Dans son rapport au 16° congrès, Staline a dit que la qualité de notre production était parfois "scandaleuse" - c'est avec de telles explications que la bureaucratie bouche les trous. Cela va de pair avec son expression sur notre arriération "terrible". Au lieu de faits précis, on nous donne des expressions qui sonnent très fort mais qui sont en réalité une lâche couverture de la réalité: l'arriération "terrible", la qualité "scandaleuse". Pourtant, deux chiffres, deux coefficients comparatifs auraient donné au parti et la classe ouvrière une orientation infiniment plus valable que les montagnes de statistiques journalistiques à bon marché qui emplissent les discours de dix heures des sages de notre temps et qui, dans ce domaine également remplacent la qualité par la quantité.
La vente de produits soviétiques même à des prix inférieurs à leur prix de revient, est, dans l'intérêt des importations, inévitable dans une certaine mesure et pleinement justifiée du point de vue de l'économie générale. Mais seulement dans une certaine mesure. A l'avenir, l'augmentation des exportations se heurtera à des obstacles de plus en plus grands du fait de la différence entre les prix de revient intérieurs et mondiaux. Ainsi le problème des coefficients comparatifs de la qualité et de la quantité des produits intérieurs et mondiaux est nécessairement brutalement posé. Le sort de l'économie soviétique se décide économiquement dans le nœud du commerce extérieur exactement comme il est décidé politiquement dans le nœud qui lie le parti communiste de l'Union Soviétique à l'I.C.
La presse capitaliste mondiale a présenté comme du dumping l'augmentation des exportations soviétiques et la bourgeoisie mercenaire des émigrés russes et de ses "démocrates" domestiqués a repris le terme. Cela n'a rien d'étonnant, comme il n'y a rien d'étonnant dans le fait que la presse mercenaire immigrante publie les révélations des secrets nationaux de défense nationale de l'U.R.S.S. dans les intérêts de la Roumanie, de la Pologne et autres requins moindre envergure. Ce n'est pas leur lâcheté qui est étonnante, c'est leur stupidité qui en l'affaire n'est nullement surprenante: n'attendez pas trop d'intelligence de la bourgeoisie mercenaire. En présentant le "dumping" soviétique comme une menace pour l'économie mondiale, libéraux et démocrates affirment que l'industrie soviétique a atteint un degré de puissance qui lui permet d'ébranler le marché mondial. Ce n'est malheureusement pas le cas.
Il suffit de dire que l'exportation soviétique, dans son volume actuel fortement accru, ne constitue qu'1/2 % des exportations mondiales. Cela ne peut renverser le capitalisme, aussi pourri qu'il soit. Seuls de parfaits imbéciles, néanmoins des fripouilles, peuvent attribuer au gouvernement soviétique l'intention de provoquer la révolution mondiale avec 1,5 % des exportations.
Ce qu'on présente comme les irruptions de l'économie soviétique dans l'économie mondiale, ce sont plutôt les irruptions du marché mondial dans l'économie soviétique. Ce processus sera étendu jusqu'à ce qu'il devienne de plus en plus un duel économique entre les deux systèmes. A la lumière de cette perspective, on voit combien puérile apparaît l'étroite philosophie selon laquelle la construction du socialisme est garantie par la victoire sur la bourgeoisie de son propre pays, après quoi le rapport avec le monde extérieur se limiterait à la lutte contre l'intervention militaire.
Au début de la crise mondiale, l'Opposition a proposé de déclencher une campagne prolétarienne internationale pour le renforcement de la collaboration économique avec l'U.R.S.S. En dépit du fait que la crise et le chômage la rendaient urgente, elle a été repoussée avec toutes sortes de prétextes ineptes; en fait, elle l'a été parce qu'elle émanait de l'Opposition. Aujourd'hui, compte tenu de l'attaque mondiale contre le "dumping" soviétique, les sections de I'I.C. sont obligées de faire campagne pour la collaboration économique avec l'U.R.S.S. que nous avons proposée. Mais que leur campagne est pitoyable et éclectique, sans idées claires ni perspectives; une campagne de défense désordonnée au lieu d'une offensive bien préparée. Nous voyons une fois de plus que, derrière les clameurs bureaucratiques se dissimule le même "suivisme", la même incapacité à prendre l'initiative politique sur une seule question importante.
Conclusions
1. Reconnaître publiquement que la décision de réaliser le plan quinquennal en quatre ans a été erronée.
2. Soumettre l'expérience des deux premières années et du trimestre inséré à l'étude et à la discussion libre et souveraine dans le parti.
3. Fixer comme critères de la discussion: les rythmes optimum, ceux qui sont le plus raisonnables, c'est-à-dire ceux qui non seulement permettent l'application des objectifs actuels, mais plus encore l'équilibre dynamique de l'expansion rapide de la croissance pour un certain nombre d'années à venir; l'augmentation systématique des salaires réels; la fermeture des ciseaux des prix industriels et agricoles, c'est-à-dire le renforcement de l'alliance avec la paysannerie.
4. Suivre attentivement le processus inévitable de différenciation à l'intérieur des kolkhozes aussi bien qu'entre les kolkhozes; n'identifier en aucun cas les kolkhozes avec le socialisme.
5. Poser ouvertement et dans le cadre du plan le problème de la stabilisation du système monétaire; autrement le danger d'une panique qu'une déflation bureaucratique pourrait engendrer serait aussi menaçant que l'inflation.
6. Poser le problème du commerce extérieur comme un problème cardinal dans la perspective de l'extension des rapports avec l'économie mondiale.
Elaborer un système de coefficients comparatifs entre la production soviétique et la production des pays capitalistes avancés comme un guide des besoins pratiques de l'exportation et de l'importation et aussi comme l'unique critère juste dans la question de "rattraper et dépasser".
7. Cesser de se guider en économie à partir de considérations bureaucratiques de prestige; ne pas farder la réalité, ne pas cacher la vérité, ne pas tromper; ne appeler socialisme l'économique soviétique transitoire actuelle qui, à son niveau présent, est bien plus proche de l'économie tsaristo-bourgeoise que du capitalisme avancé.
8. Abandonner les fausses perspectives nationales et internationales de développement économique qui découlent inévitablement de la théorie du socialisme dans un seul pays.
9. En finir une fois pour toutes avec le dogme catholique de l'infaillibilité "générale", désastreux en pratique, humiliant pour un parti révolutionnaire et profondément stupide.
10. Faire revivre le parti en abattant la dictature bureaucratique de l'appareil.
11. Condamner le stalinisme; revenir à la théorie de Marx et à la méthodologie révolutionnaire de Lénine.