Les ouvriers belges en lutte

De Marxists-fr
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Sous l'effet de la crise économique de plus en plus aiguë, la misère et les souffrances des masses s'accroissent sans cesse. Mais en même temps leur mécontentement et leur indignation croissent et se développe leur volonté, confuse encore, de mettre fin, une fois pour toutes, à cette " horreur sans fin " qu'est devenue leur existence quotidienne.

Louis Piérard, député social fasciste du Borinage cite les ouvriers les plus " réformistes " qui disent : " Nous n'en pouvons plus. Ce n'est plus tenable. Mieux vaut mourir en combattant. "

Le spectre de la révolution rôde par le monde...

Cette fois l'explosion vient de se produire en Belgique, cet " Etat modèle, cet Eldorado monarchique avec la base démocratique la plus large ", selon l'expression de Marx.

Les mineurs du Borinage appartenant en majorité aux syndicats réformistes, et depuis longtemps à l'avant-garde du mouvement ouvrier en Belgique, ont commencé.

Depuis le début de la crise qui frappe particulièrement la Belgique fortement industrialisée et exportant une grande partie de sa production, les chefs du Parti Ouvrier leur prêchent patience, les empêchent de lutter contre les réductions des salaires consécutives, brisent leurs grèves spontanées comme c'était déjà le cas en 1929 et en 1930.

Les salaires des ouvriers belges appartiennent aux plus bas en Europe, même selon les statistiques du Bureau International du Travail. Depuis 1929 ils furent abaissés au Borinage de 35 %. Les chefs réformistes ont accepté toutes ces réductions réalisées par l'intermédiaire des commissions mixtes paritaires, organes officiels de collaboration des classes.

Ils les ont fait accepter à leurs troupes au nom des " sacrifices communs " pour l'industrie nationale.

Les patrons ont exigé une nouvelle réduction des salaires de 5 %. En même temps le gouvernement clérical libéral a commencé l'offensive contre les indemnités accordées aux chômeurs.

La colère est tellement forte chez les mineurs que les chefs syndicaux n'osent pas accepter de nouvelles diminutions tout en refusant de proclamer la grève. La grève éclate contre eux le 21 juin, faisant suite aux grèves partielles qui commencent déjà le 31 mai. 10.000 mineurs quittent les puits. Les chefs réformistes sont obligés de se joindre au mouvement, mais avec le seul désir de le briser... " Alors que 10.000 ouvriers étaient en grève, nous avons déclaré que nous recommencerions le travail ", déclare Delattre, chef du syndicat des mineurs à la Chambre le 12 juillet.


Mais cette fois l'ordre de reprendre le travail n'a pas été suivi, la patience des ouvriers était épuisée. Ils ont appris quelque chose depuis les dernières trahisons de leurs chefs. Loin de s'éteindre, le mouvement a rebondi avec une force décuplée. Les ouvriers ne veulent pas de réduction des salaires, ni de licenciements. Les grévistes en cortèges se rendent devant les mines et usines pour faire sortir les ouvriers. Les femmes des mineurs sont à la tête de ces cortèges. En quelques jours le mouvement s'élargit sur le Centre, Charleroi, prend des proportions énormes.

Les puits, les usines, les centrales électriques sont envahis les uns après les autres. Les forces de gendarmerie et de police, les garnisons locales sont débordées.

La ville de Charleroi est prise d'assaut par les grévistes, en dépit des barrages policiers, en dépit des charges de cavalerie. Les barricades sont élevées contre les forces de police et l'armée.

Pendant trois jours les grévistes furent maîtres de tout le pays noir du Borinage et, en partie, de celui de Charleroi.

Le gouvernement et la bourgeoisie, surpris au premier moment, se mettent à réagir avec tous les moyens à leur disposition. Une véritable mobilisation est ordonnée. Les corons miniers sont inondés par les gendarmes et les troupes, les automitrailleuses circulent dans la région de la grève. L'état de siège est proclamé. Le parti communiste est mis, en fait, dans les régions de grève, hors la loi.

La gendarmerie et la police provoquent et attaquent les ouvriers, tirent dans la foule désarmée. Des dizaines de victimes du côté ouvrier.


Les chefs réformistes surpris eux aussi au début, sont venus au secours de la bourgeoisie menacée. Tout en prêchant la guerre contre les " émeutiers et les fauteurs des désordres ", répétant des appels au calme et à la dignité, ils essaient de se mettre à la tête du mouvement pour le briser de l'intérieur.

" Nous voulons reprendre nos hommes en mains – déclare Van Walleghem, un des chefs réformistes de Charleroi – Il faut faire une discrimination entre le mouvement des émeutiers, avec lequel nous n'avons rien â voir, et que nous déplorons, et le mouvement gréviste qui peut avoir une raison. "

La Fédération socialiste et les syndicats de Charleroi proclament la grève générale afin de " reprendre leurs hommes ".

Dans le même but la Fédération socialiste " gauche " du Brabant exige la proclamation de la grève générale dans tout le pays.

Mais les ouvriers ne se laissent plus berner par les appels au calme et à l'ordre bourgeois. En face de l'attitude de trahison de leurs chefs ils réagissent violemment. Vandervelde est conspué à Charleroi où il essayait de parler pour briser le mouvement.

L'indignation des ouvriers contre les chefs traîtres est telle que la police, sur l'appel des chefs réformistes, est obligée de protéger les maisons du peuple socialistes contre les grévistes.

Tout en désagrégeant le mouvement de l'intérieur les chefs socialistes entrent en pourparlers avec le gouvernement et les patrons miniers pour liquider la grève. Pendant que les organisations socialistes " mettent tout en œuvre pour empêcher la masse de se livrer à des excès ", l'état-major du Parti Ouvrier, le Conseil Général, réuni d'urgence le 12 juillet, rejette la proposition de la grève générale, condamne les " violences communistes " et toute grève de solidarité et réduit les objectifs des ouvriers à trois points :

a) retrait du projet et impôt sur le pain (proposé par le gouvernement et déjà retiré) ;

b) retrait de la réduction des salaires ;

c) répartition équitable et solidaire du travail entre tous les salariés.

Pas un mot sur la répression antiouvrière sauvage, aucune revendication politique.

Les séances de la Chambre consacrées à la discussion sur la grève ont fourni le tableau de l'union sacrée de tous les partis bourgeois contre les ouvriers. Delattre ne proteste pas contre l'emploi des gendarmes dans la grève, il proteste seulement contre l'envoi des gendarmes flamands en Wallonie. Il ne veut pas faire chômer les gendarmes wallons, le Conseil Général est pour une " répartition équitable du travail ".

Après une discussion fraternelle, l'ordre du jour commun a été voté. En même temps les chefs mineurs conclurent l'accord avec les patrons pour retarder la réduction des salaires jusqu'au 1" novembre et pour " répartir équitablement " le travail, c'est-à-dire, pour généraliser le chômage partiel, en réduisant les salaires d'une façon indirecte. Tous les mineurs doivent être réembauchés.

Les ouvriers, au moment où nous écrivons, n'entendent pas laisser briser ainsi leur grève. L'accord avec les patrons ne fait qu'ajourner la réduction des salaires. La grève s'élargit. Déjà plus de 100.000 ouvriers sont en grève, les nouvelles usines et puits adhèrent au mouvement.


La seule force qui depuis le début du mouvement s'est placée sans réserves du côté des grévistes, qui organise leur lutte, qui organise la solidarité, ce sont le Parti Communiste et l'Opposition Syndicale Révolutionnaire. Eux seuls appellent les ouvriers à l'élargissement du mouvement, leur indiquent clairement la voie de lutte intransigeante qui seule les mènera à la victoire.

C'est pourquoi toute la haine, tous les coups de la bourgeoisie et du gouvernement sont dirigés contre nos camarades belges. A l'instar de 1923, le gouvernement a fabriqué un " complot communiste " en découvrant que le parti communiste belge a des liaisons avec Moscou, siège de l'Internationale communiste. Découverte vraiment sensationnelle, montrant la stupidité et l'ignominie du gouvernement et de la " justice démocratique " belges !

Des centaines d'arrestations d'ouvriers révolutionnaires et de dirigeants communistes ont eu lieu dans tout le pays.

C'est ainsi que la bourgeoisie belge pense briser le mouvement de révolte de ses esclaves. La trahison réformiste et la répression sauvage – voici les seuls moyens qu'elle peut mettre en jeu.

Car elle ne peut donner ni du travail ni du pain aux chômeurs. Pour sortir de la crise elle ne connaît d'autres moyens que le renforcement de leur misère.

La crise charbonnière en fournit un exemple frappant :

" Si l'industrie charbonnière ne peut plus nourrir ses ouvriers, eh bien ! qu'elle meure ! " – a proclamé Delattre à la Chambre.

Seul un traître ne croyant pas à la lutte ouvrière, à la révolution socialiste, peut parler ainsi. Les communistes pensent autrement. Si les maîtres capitalistes ne savent plus faire marcher leurs puits, s'ils ne veulent pas donner de salaires suffisants à leurs ouvriers, ce sont eux qui doivent disparaître ! Les ouvriers se chargeront bien de la direction de l'industrie, et à l'exemple de leurs frères soviétiques, feront disparaître le chômage et la misère. Mais pour chasser les capitalistes, les paroles et les sermons ne suffisent pas. Seule l'action révolutionnaire des ouvriers, seul le renversement du pouvoir capitaliste créent des conditions nécessaires pour cette oeuvre.

C'est ainsi que la lutte pour le pain, dans les circonstances de la crise actuelle, pose impérieusement le problème de lutte pour l'issue révolutionnaire de la crise.

Le devoir des ouvriers de France est de soutenir de toutes leurs forces les ouvriers belges en lutte contre la bourgeoisie protégée et financée par la France impérialiste. Les communistes français doivent de même aider le plus activement les communistes belges dans leur travail difficile de libération des ouvriers belges de l'influence du puissant Parti Ouvrier, de la IIe Internationale, libération sans laquelle leur victoire sur la bourgeoisie est impossible.