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Les Tâches du Mouvement syndical en Amérique latine
Il s’est tenu à Mexico, du 6 au 8 septembre, un congrès de représentants syndicaux de plusieurs pays d’Amérique latine, qui a abouti à la fondation d’une soi-disant Confédération des Travailleurs d’Amérique latine.
Nous, soussignés, considérons de notre devoir de déclarer aux travailleurs d’Amérique latine et du monde entier que ce congrès, préparé dans le dos des masses, a été convoqué de façon unilatérale, uniquement pour des objectifs qui n’ont rien à voir avec les intérêts du prolétariat latino-américain, mais qui, au contraire, sont fondamentalement hostiles à eux. La « Confédération » créée à ce congrès ne représente pas l’unification du prolétariat organisé de notre continent, mais une fraction politique étroitement liée à l’oligarchie de Moscou.
Rien que du seul Mexique, on n’a ni invité ni reçu à ce congrès la Casa del Pueblo, la C.R.O.M. et la C.G.T.. Le camarade Mateo Fossa qui était venu d’Argentine avec un mandat de vingt-quatre syndicats argentins indépendants, n’a pas été admis au congrès simplement parce qu’il était un adversaire du stalinisme. Nous pourrions indiquer des organisations syndicales, dans tous les pays d’Amérique latine, qui ont été dès le début délibérément écartées des préparatifs de ce congrès afin de n'en pas troubler l’homogénéité politique, c’est-à-dire son entière subordination au stalinisme.
La majorité des délégués au congrès syndical ont également pris part au congrès contre la guerre et le fascisme, où ils ont eu toute latitude pour révéler pleinement leur silhouette politique. Tous ont voté pour des résolutions creuses sur la lutte contre le fascisme, mais catégoriquement repoussé (sauf les délégués de Porto Rico et du Pérou) la lutte contre l’impérialisme. Cette politique caractérise pleinement la bureaucratie de Moscou laquelle, devant la menace de Hitler, cherche à gagner la confiance et l’amitié des démocraties impérialistes, France, Grande-Bretagne et États-Unis Les masses ouvrières d’Amérique latine, qui voient dans le fascisme leur ennemi mortel, ne peuvent cependant abandonner même un instant leur lutte révolutionnaire intransigeante contre l’impérialisme, même dissimulé sous le masque de la démocratie. C’est pourquoi le prolétariat et les peuples d’Amérique latine ne peuvent avoir aucun objectif en commun avec la bureaucratie stalinienne. Nous ne pourrons jamais oublier ni fermer les yeux sur le fait qu’au nom de l’amitié avec les bourgeoisies française et anglaise, la bureaucratie stalinienne a étranglé le mouvement révolutionnaire des ouvriers et paysans espagnols.
L’impérialisme « démocratique », qui est infiniment plus fort en Amérique latine que l’impérialisme fasciste, tente — non sans succès — par la corruption, les prébendes, l’octroi de privilèges, d’établir ses propres agents politiques dans nos pays, non seulement dans la bourgeoisie, la bureaucratie bourgeoise et l’intelligentsia petite-bourgeoise, mais aussi dans les couches supérieures de la classe ouvrière. De tels éléments corrompus de la bureaucratie ou de l' « aristocratie » ouvrières nourrissent à l’égard de leurs protecteurs impérialistes des sentiments non prolétariens ou révolutionnaires, mais serviles. Les agents de l’oligarchie du Kremlin exploitent ces sentiments pour réconcilier le prolétariat latino-américain avec les propriétaires d’esclaves « démocratiques ».
Il faut ajouter à cela le fait qu’au Mexique, où les syndicats sont malheureusement dans la dépendance directe de l’État, les postes de la bureaucratie syndicale sont souvent occupés par des gens issus de l’intelligentsia bourgeoise, des avocats, des ingénieurs, etc., qui n’ont rien de commun avec la classe ouvrière et cherchent seulement à utiliser les organisations syndicales dans l’intérêt de leur propre bien-être matériel ou de leur carrière politique. Afin de dissimuler aux ouvriers leur politique crûment égoïste, ces carriéristes bourgeois se présentent généralement comme des « antifascistes » et « amis de l’U.R.S.S. » alors que ce sont en réalité des agents de l’impérialisme anglo-saxon.
Pour garder les syndicats aux mains de leur fraction, ils piétinent férocement la démocratie ouvrière et étouffent toute voix de critique, agissant en véritables gangsters contre des organisations qui combattent pour l’indépendance révolutionnaire du prolétariat vis-à-vis de l’État bourgeois et de l’impérialisme étranger. En scissionnant ainsi le mouvement syndical et en envenimant gravement la lutte entre ses diverses tendances, les agents de Staline affaiblissent le prolétariat, le corrompent, minent la démocratie dans notre pays et, en fait, ouvrent la voie au fascisme. L’avocat mexicain Lombardo Toledano, élu secrétaire de la Fédération latino-américaine qu’il a lui-même organisée, est le dirigeant le plus responsable de cette politique criminelle.
Nous, soussignés, sommes des partisans ardents et dévoués de l’unification du prolétariat latino-américain comme des liens les plus étroits possibles entre lui et le prolétariat des États-Unis d’Amérique du Nord. Mais cette tâche, comme il apparaît d’après ce qui vient d’être dit, reste entièrement à réaliser. L’organisation politique fractionnelle formée en septembre ne constitue pas une aide, mais un obstacle sur la route de sa réalisation.
Nous sommes fermement convaincus que l’unification véritable du prolétariat latino-américain peut être et sera réalisée sur la base des principes suivants :
1. Pleine indépendance du mouvement syndical vis-à-vis de son propre gouvernement bourgeois comme de l’impérialisme étranger, fasciste ou « démocratique ».
2. Un programme révolutionnaire de lutte de classe.
3. L’épuration du mouvement syndical des carriéristes petits-bourgeois étrangers à la classe ouvrière.
4. L’unification dans tous les pays de tous les syndicats de la classe ouvrière sur la base de la démocratie ouvrière, c’est-à-dire d’une lutte d’idées menée librement dans le syndicat et de façon fraternelle, la minorité se soumettant strictement à la majorité ; avec une discipline de fer dans l’action.
5. La préparation honnête d’un congrès latino-américain des syndicats avec la participation active de la masse des ouvriers eux-mêmes, c’est-à-dire avec une discussion libre et sérieuse des tâches du prolétariat latino-américain et de ses méthodes de lutte.
Notre prolétariat doit entrer en rangs solides dans l’arène de l’histoire afin de prendre en main la destinée de l’Amérique latine et d’assurer son avenir. Le prolétariat unifié attirera à ses côtés les dizaines de millions de paysans amérindiens, éliminera les frontières hostiles qui nous divisent et unira les deux douzaines de républiques et possessions coloniales sous le drapeau des États-Unis ouvriers et paysans d’Amérique latine.
Nous présentons ce programme à la discussion de toutes les organisations ouvrières de notre continent. Ouvriers révolutionnaires d’Amérique latine, à vous la parole !