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Le système du salariat
Auteur·e(s) | Friedrich Engels |
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Écriture | 15 mai 1881 |
Dans un précédent article nous avons examiné la devise en son temps honorée : « Un salaire quotidien juste pour un travail quotidien juste », et nous sommes arrivés à la conclusion que le plus juste des salaires quotidiens, dans les conditions actuelles, est nécessairement équivalent à la très injuste répartition du produit de l'ouvrier : la plus grande part de ce produit allant dans les poches du capitaliste et l'ouvrier recevant tout juste ce qui lui permettra de rester en état de travailler et de propager sa race.
C'est là une loi économique où, en d'autres termes, une loi de l'organisation économique actuelle de la société, qui est plus forte que tout le droit coutumier ou écrit d'Angleterre réuni, y compris la cour de la chancellerie. Tant que la société sera divisée en deux classes antagonistes : d'un côté, les capitalistes qui monopolisent l'ensemble des moyens de production, la terre, les matières premières, l'outillage ; de l'autre, les travailleurs, ceux qui travaillent et sont privés de toute propriété sur les moyens de production, ne possédant rien d'autre que leur propre force de travail ; tant que cette organisation sociale existera, la loi du salaire restera toute puissante et rivera chaque jour davantage les chaînes par lesquelles l'homme qui travaille est rendu esclave de son propre produit monopolisé par le capitaliste.
Les Trade Unions de ce pays ont, depuis près de soixante ans, combattu contre cette loi. Avec quel résultat ? Ont-ils réussi à libérer la classe ouvrière de l'esclavage dans lequel le capital — c'est-à-dire le produit de ses propres mains — la tient ? Ont-ils permis à une seule fraction de la classe ouvrière de s'élever au-dessus de la situation d'esclave salarié, de devenir propriétaire de ses propres moyens de production, des matières premières, outils, outillage nécessaires dans leur travail, et ainsi devenir les propriétaires du produit de leur propre travail ? Il est bien connu que non seulement ils n'y ont pas réussi mais qu'ils.n'ont jamais essayé.
Nous ne voulons pas dire par là que les Trade Unions sont inutiles, parce qu'elles ne l'ont pas fait. Au contraire, les Trade Unions en Angleterre, aussi bien que dans tout autre pays industriel, sont une nécessité pour la classe ouvrière dans sa lutte contre le capital. Le taux moyen du salaire est égal à la somme de ce qui «st nécessaire pour conserver la « race » des ouvriers dans un quelconque pays conformément au standard de vie habituel dans ce pays. Ce standard de vie peut être très différent pour diverses catégories d'ouvriers. Le grand mérite des Trade Unions, dans leur lutte pour conserver le taux de salaire et réduire ks heures de travail, est qu'elles tendent à conserver et à augmenter le standard de vie. Dans la banlieue Est de Londres, il y a de nombreux métiers dont le travail est aussi qualifié et aussi dur que celui de maçon ou de manœuvre maçon, et pour lesquels cependant les salaires ne sont que la moitié de ceux des maçons ou des manœuvres maçons. Pourquoi ? Simplement parce qu'une organisation puissante permet à ceux qui sont organisés de maintenir un standard de vie comparativement élevé comme base servant à mesurer leurs salaires, tandis que ceux qui ne sont pas organisés et par conséquent impuissants ont à subir non seulement l'inévitable mais aussi l'arbitraire empiétement de leurs employeurs : leur standard de vie est graduellement réduit, ils apprennent à vivre avec des salaires de plus en plus bas et leurs salaires naturels tombent au niveau qu'ils ont eux-mêmes appris à considérer comme suffisant.
La loi du salaire, donc, n'est pas une loi qui trace une ligne rigide et inébranlable. Elle n'est pas inexorable dans certaines limites. Il y a, à tout moment (excepté pendant les grandes périodes de dépression), pour chaque métier, une certaine latitude dans laquelle le taux du salaire peut être modifié par le résultat de la lutte entre les deux parties qui sont en conflit. Le salaire, dans chaque cas, est fixé par un contrat et, dans un contrat, celui qui résiste le plus longtemps et le mieux a la plus grande chance d'obtenir plus que son dû. Si l'ouvrier isolé cherche à établir son contrat avec le capitaliste, il est forcément battu et se soumet à discrétion ; mais si une corporation entière d'ouvriers constitue une puissante organisation, collecte parmi les ouvriers un fonds pour leur permettre de défier leurs employeurs en cas de nécessité, et ainsi devient capable de traiter avec ces employeurs comme une force, alors, et alors seulement, ils ont une chance d'arriver à ce que la pitance, qu'ils reçoivent conformément à la constitution économique de la société présente, puisse être appelée un salaire quotidien juste pour un travail quotidien juste.
La loi du salaire n'est pas renversée par la lutte des syndicats. Au contraire, elle est renforcée par elle. Sans les moyens de résistance qu'offrant les syndicats, le travailleur ne recevrait même pas ce qui lui est dû conformément aux règles du système salarial. C'est seulement par la crainte des syndicats qu'il a devant lui, que le capitaliste peut être amené à accorder à son ouvrier puissamment organisé la totalité de la valeur de sa force de travail. Voulez-vous une preuve ? Regardez les salaires payés aux membres des syndicats et regardez ceux payés aux innombrables petits métiers dans cette mare de misère stagnante qu'est la banlieue Est de Londres.
Ainsi les syndicats n'attaquent pas le système salarial. Or ce n'est pas le haut ou le bas niveau des salaires qui constitue la dégradation économique de la classe ouvrière : cette dégradation réside dans le fait que, au lieu de recevoir pour son travail la totalité du produit de son travail, la classe ouvrière doit se satisfaire avec une portion de son propre produit appelée salaire. Le capitaliste empoche la totalité du produit (payant l'ouvrier sur ce produit) parce qu'il est le propriétaire des instruments de travail. Et, par conséquent, il n'y a pas de rédemption réelle pour la classe ouvrière tant qu'elle ne deviendra pas propriétaire de tous les instruments de travail : terre, matières premières, outillage, etc., et, de ce fait, aussi propriétaire de la totalité du produit de son propre travail.
The Labour Standard, Londres, 21 mai 1881.