Le problème des lois de la période de transition

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Il y a déjà un certain temps, je fis une critique de l'article du camarade Préobrajenski sur "la loi de l'accumulation socialiste primitive". (E. Préobrajenski: "La Loi de base de l'accumulation socialiste " Le Messager de l'Académie communiste - N. Boukharine: "Nouvelle révélation sur l'économie soviétique", etc. surtout : "Sur le trotskisme". - Moscou 1925.) Aussitôt, l'auteur, furieux, répondit par un article contradictoire dans lequel il se promettait de "me photographier" sur le "lieu du crime", où il m'accusait naturellement de diverses déformations, me reprochait d'avoir soumis une "haute théorie" à une "basse politique", me félicitait d'une "victoire à bon marché", puis, tel un cygne, s'envolait sur les hauteurs enneigées de l'abstraction, avec la promesse d'apporter une réponse encore plus solide, "formant un tout", si l'on peut dire, dans le livre qu'il s'apprête à faire imprimer. Maintenant que ce livre a vu le jour, il me faut y répondre d'autant plus que la "basse politique" pose sous une forme nouvelle les mêmes questions essentielles de notre édification du socialisme et que le camarade Préobrajenski, qui manifeste à son propos ce "glacial mépris" de docteur qui est le sien, livre, sur le fond du problème, les arguments d'une politique bien définie - et qui, avec cela, est loin d'être exacte.

A propos d'un problème, il tombe sur ses opposants avec toute une cascade de caractéristiques "non politiques", comme par exemple: "com-populiste", "menchévisme", "économistes vulgaires ", etc. Mon propos n'est pas de défendre tous les adversaires du camarade Préobrajenski, mais de montrer que le camarade Préobrajenski ne maîtrise pas du tout son "style" et est aussi éloigné de la politique que chacun d'entre nous, pauvres pécheurs, avec cette différence simplement que, pour une raison obscure, il cherche à le cacher. Je considère de mon devoir de montrer cela, devoir de bien peu d'importance - même minuscule - mais de mon devoir quand même; et ce, justement du point de vue de la politique.

De façon générale d'ailleurs, il sera permis de remarquer que le ton "hautain" et les anecdotes dont est rempli le livre du camarade Préobrajenski produisent une impression quelque peu comique: voici le véritable "esprit russe". "Il répète les leçons apprises". Et quelles leçons ! Il fut un temps où tous nous avions plus ou moins paradé avec cette "érudition" qui nous a valu les reproches mérités de Lénine. Mais maintenant, après neuf ans de dictature, à quarante ans, n'est-il pas risible de faire ainsi le dindon et de se gonfler d'une façon aussi prétentieuse ?

C'est peut-être risible en effet.

Et maintenant que le lecteur me permette de le prendre par la main pour l'entraîner dans une promenade à travers les jardins théoriques de la "Nouvelle Economique".

Les caractéristiques des lois de la période de transition en liaison avec le problème de la continuité du camarade Préobrajenski[modifier le wikicode]

La première question méthodologique et la plus importante à laquelle se heurte n'importe quel investigateur de la "Nouvelle Economique"[1] est de savoir quel est le caractère propre des lois de cette économie.

On sait que les lois en régime capitaliste obéissent à un développement anarchique, elles sont "aveugles"; elles expriment l'irrationalité du processus collectif; par là elles se présentent comme des lois extérieures "à la manière de la loi de la pesanteur lorsqu'une maison s'écroule sur notre tête " (Marx).

D'autre part, les lois d'une société socialiste organisée ont leur caractéristique propre. Bien sûr, ici aussi intervient le phénomène causal de conditionnement de tout ce qui produit. Mais cette causalité est connue des hommes et reçoit son expression à travers leur volonté organisée collectivement, "le règne de la liberté" est le règne de la "nécessité connue", mais de la nécessité quand même, et ils ont absolument tort ceux qui représentent le fameux "bond en avant" comme un bond dans une sphère où la causalité disparaît et où la notion même de loi devient superflue, considérée comme "surannée". Des "novateurs" aussi hardis auraient fait ce "bond en avant" vers le royaume de l'eau la plus claire d'un idéalisme à bon marché. Le camarade Préobrajenski a tout à fait raison de les accabler avec la même force que la "maison" de Marx citée plus haut. Heureusement la divergence de vue de ces économistes qui effectueraient leur envol loin du conditionnement vers le royaume de la non-causalité n'est pas grande et la polémique avec eux ne présente absolument aucun intérêt pour une compréhension totale du problème. Et puis on ne peut pas couvrir des pages et des pages "à la sueur de son front" pour enfoncer des portes ouvertes… Un tel donquichottisme contredit le régime de l'économie.

Demandons-nous à quel type de lois obéit la période de transition , c'est-à-dire la période entre le capitalisme et le socialisme. Il n'est pas difficile de comprendre que cette période est la période de transformation des lois anarchiques en lois connues et appliquées de façon consciente .

Un jour, Pierre Strouvé avança la thèse d'un dualisme inévitable dans le processus économique, immanent à ce dernier, en tant que tel. C'est là le point de vue d'un bourgeois qui ne peut franchir les limites de sa barrière (de classe) et polémique d'une "façon scientifique" contre la possibilité d'un régime social en général. Cependant la réalité de la période transitoire, où ce dualisme existe encore incontesta­blement, présente une image d'un déplacement continuel du centre de gravité depuis une force incontrôlée vers une force consciente, de l'aveugle­ment au plan, de l'irrationnel au rationnel, la limite de ce développement, à la fois historique et logique, est “le mode de production communiste ”, héritier à la fois du capitalisme et de la dictature du prolétariat, Tout ceci, le camarade Préobrajenski semble le com­prendre aussi. Mais en allant plus avant dans l'ana­lyse, il commence à trébucher ce qui ne l'empêche pas de garder son air triomphant. Telle est la “contradiction” de la “politique” de Préobrajenski.

En effet, posons-nous la question suivante : Dans quoi se traduit le développement de la base ration­nelle sur l'irrationnel ? La réponse ne sera pas à double sens : dans le développement de la pla­nification. Quelle est la base sur laquelle s'appuie cette planification ? Là aussi la réponse est évidente : c'est la croissance des éléments socialistes (d'État) de l'économie, la croissance de leur influence et la crois­sance de leur poids spécifique.

Enfin, dans quoi ce processus trouve-t-il son expression du point de vue des particularités propres aux lois de la période transitoire ? En ceci que les régulateurs anarchiques sont remplacés par des régulateurs conscients c'est-à-dire par la politique économique d'un État ouvrier qui, à partir d'une période déterminée, perd son caractère de classe c'est-à-dire se nie lui-même, c'est-à-dire cesse d'être un État.

Faire abstraction de l'économie politique de l'État ouvrier, cela signifie considérer les lois de la période transitoire en dehors de leur transformation de “l'élémentaire” en “consciente”, c'est-à-dire faire justement ce contre quoi s'élevait avec raison le camarade Préobrajenski lui-même un camarade pro­testataire ?

Lisez !

Page 40 de la “Nouvelle Économique ” il proclame: “Les objections de caractère méthodologique (objections qui avaient été faites au camarade Préobrajenski N.B.) se ramenaient, en premier lieu, au fait qu'il serait impossible, dans une étude de l'économie soviétique, de faire abstraction de la politique écono­mique du gouvernement soviétique, quand bien même il s'agirait d'en faire abstraction à un stade déterminé de l'étude.

Cette première objection, s'il faut insister à son sujet, menace, avec une logique inéluctable et inflexible, de rejeter les contradicteurs sur les positions de Stammler et de son école, et aussi vers le point de vue de la sociologie subjective de Mikhailovsky et de Karieev, etc. Par ailleurs, cette position ne permet pas, dans le domaine de la théorie économique, de sortir du marais de l'économie politique vulgaire, et, par là même, empêche d'avancer d'un seul pas dans l'étude scientifique de l'économie soviétique.”

Nous verrons plus loin quels “pas de géant ” a faits le camarade Préobrajenski. Notons tout de suite (à mettre à son crédit pour le moment, mais pas pour longtemps) son immense... assurance à juger des opposants, assurance qui - comme nous nous en convaincrons par la suite - est en l'occurrence une assurance superflue par rapport à la science elle-même.

Le camarade Préobrajenski répète ses philippiques, qui forment une analogie avec ce qui vient d'être dit à plusieurs reprises, il cite Stammer, il cite Marx d'une façon tout à fait déplacée, en ajoute (contrairement à ce que dit le proverbe latin, il a justement besoin de mentionner ces noms-là parce qu'ils sont odieux) (voir page 105 etc.), et ensuite il annonce fièrement que lui-même est parmi les “purs et qu'il est resté totalement sur le terrain du marxisme ” (page 107). Rester sur “le terrain du marxisme ” est une excellente chose, mais malheureusement les déclarations sont une chose, et la réalité en est une autre.

En tout cas, ces deux grandeurs ne “ correspondent ” pas toujours. Marx, dit le camarade Préobrajenski, a fait abstraction de l'État et de ses fonctions. Cette remarque est juste (bien qu'elle manque d'originalité). Mais autant qu'on s'en souvienne, Marx a analysé la société capitaliste avec son système de lois anarchiques. Or le camarade Préobrajenski appelle - pour des raisons méritées - par des noms tout à fait impropres ces gens qui ne comprennent pas la “petite“ différence qui existe entre le capitalisme et la période de la dictature du prolétariat. A quoi bon, dans ce cas, s'appuyer sur Marx ?

Mais voici ce qui démasque véritablement le camarade Préobrajenski dans une remarque juxtalinéaire à la page 107, inscrite en petits caractères, nous pouvons lire les mots suivants :

Le fait d'indiquer que chez nous le gouvernement dirige le secteur socialiste de l'économie et en est inséparable prouve seulement qu'il y a là plus de difficultés à l'abstraction que sous le capitalisme, mais ne va pas le moins du monde à l'encontre de la nécessité de séparer l'économie de la politique (les italiques sont de nous N. Boukharine) à un stade déterminé de l'étude. ” Le lecteur devine déjà vraisemblablement de quoi il s'agit. Le camarade Préobrajenski a caché l'argument décisif de ses adversaires dans une remarque marginale dissimulant ainsi le fond du problème tout entier.

Tâchons de tirer la question hors de ce souterrain littéraire et de la poser comme l'exigent les intérêts réels de l'analyse.

Mais, d'abord qu'il soit permis d'attirer l'attention sur un fait. Dans les citations, prises à la page 40 de la “Nouvelle Économique “, il s'agit de la politique économique du gouvernement soviétique, c'est-à-dire justement de cette sphère à laquelle la planification économique se rapporte en tout premier lieu. Or, dès cette remarque en petits caractères où le camarade Préobrajenski, visiblement non pas dans un but de politique, mais dans un but d'“analyse” des plus objectives, s'est arrangé pour fourrer ce qu'il y avait de plus important, “ la politique économique ” s'est transformée, avec l'aide de Dieu, en simple “politique“. Ceci, bien sûr, soulage jusqu'à un certain point le camarade Préobrajenski dans son entreprise sur les “ difficiles ” abstractions. Mais dans l'intérêt de la science, dont se soucie tant le camarade Préobrajenski, en accord avec la page 40 de la “Nouvelle Economique ”, nous parlerons justement d'une politique économique.

Examinons donc cette question à fond. Citons tout d'abord le principal “argument” du camarade Préobrajenski.

A propos de l'objection qui considère comme inadmissible qu'on puisse faire abstraction de la politique économique du gouvernement soviétique, l'auteur de la “Nouvelle Economique ” écrit (page 106) :

“Cette objection ne se justifie absolument pas et va à l'encontre de la méthode sociologique universelle de Marc et de la théorie du matérialisme historique... Par sa théorie de “ la base et la superstructure. ”, il (Marx N.B.) a fondé son droit à faire débuter l'analyse de la société capitaliste par la “ base ”, bien qu'une superstructure déterminée soit toujours supposée exister en outre comme fait social objectif...

“ Pourquoi serait-il impossible, dans l'analyse théorique de l'économie soviétique, de commencer également par la base? Sur ce point mes opposants abandonnent, sans le reconnaître, la méthode marxiste pour passer dans le camp du sociologue allemand bien connu Stammler et de son école, et tendent aussi la main à tous les autres critiques du marxisme... ” (Préobrajenski p. 106)

Il n'est pas difficile de voir sur quoi ici repose l'erreur du camarade Préobrajenski. Elle repose sur le fait qu'il ne voit absolument pas l'originalité qui existe dans la corrélation entre la base et la superstructure d'un régime de dictature prolétarienne. Comme on le sait le véritable marxisme consiste en ceci qu'il examine les différents types de production et leur superstructure sous l'angle de particularités historiques spécifiques (particularités de types).

Or, le camarade Préobrajenski en l'occurrence a radicalement oublié cette exigence méthodologique fonda­mentale du marxisme.

En effet, le “capitalisme classique ”, dont Marx a fait l'analyse, apparaissait comme une structure de production collective, où les sujets dirigeants, du point de vue de leurs fonctions économiques, n'étaient pas branchés directement sur l'appareil du pouvoir. L'Etat n'était pas du tout une composante des rapports de production dont l'étude est justement l'objet de cette théorie économique. L'État était au service du pro­cessus de reproduction capitaliste, l'influençait comme une enveloppe politique qui lui correspondait et c'est tout. D'autre part, les systèmes de lois économiques étaient définis sur la base de l'anarchie de tout le processus dans son ensemble. Le capitalisme financier signifiait et signifie un certain accroissement (dans les limites définies), avec en même temps une augmentation et une aggravation des contradictions, sur une nouvelle base, toujours plus élevée des éléments rationnels (syndicats, trusts, consortiums bancaires, etc.).

De ces éléments, la théorie économique non plus ne faisait pas abstraction. Elle serait vraiment intéressante la théorie économique du capitalisme financier qui ne tiendrait pas compte de la politique des prix monopolistes, du dumping, de l'exportation du capital, etc. Bien sûr, le problème ici est de savoir, entre autre, où fixer les limites objectives de cette politique, d'en découvrir le conditionnement économique, etc. Mais ceci ne signifie absolument pas qu'il faut s'écarter de ces éléments. On le comprend aisément. Mais, nous dira-t-on, les trusts et les syndicats, dans un régime de capitalisme financier, ne rentrent pas dans le système du pouvoir de l'État, c'est-à-dire dans le système de superstructure : ils sont eux-mêmes les formes organisées de la base économique de la société.

C'est exact. Mais il nous est nécessaire de faire appel à eux pour exposer d'une façon plus claire le problème qui suit... Car, chez nous, nos trusts et nos syndicats entrent dans l'ensemble de l'appareil étatique et leur politique entre comme composante de toute première importance dans la politique du pouvoir de l'État. L'appareil de notre économie d'État est une composante des rapports de production de la société soviétique, c'est-à-dire qu'il est lui-même entièrement inséré dans la “ base n. C'est une “petite“ particula­rité de notre organisation que le camarade Préobra­jenski se garde de remarquer. Il se contente do sentir que quelque chose ne va pas et vivement, dans un petit texte, il se glisse par la porte dérobée d'une remarque marginale.

Mais posons véritablement la question avec toute l'acuité marxiste requise. Qu'est-ce qui est typique pour l'économie soviétique et qui la différencie de toutes les anciennes structures ? C'est que la classe ouvrière joue aussi dans le processus de production un rôle de dirigeant ; c'est que l'ancienne échelle hié­rarchisée de la production est renversée, qu'il n'y a plus “de rapport maître-esclave ” (Herrschaftsund Knechtschaftsverhältnis. Marx)

D'une façon concrète, ceci s'exprime en premier lieu dans la direction de l'industrie par le prolétariat, et de façon générale dans la direction par le prolétariat de toute la vie économique du pays. Les organes économiques de l'appareil d'État sont le sommet de notre base spécifique. S'en écarter, s'en abstraire signifie s'écarter de la caractéristique essentielle de la “ Nouvelle Économique ”.

Et il semble tout à fait simple à comprendre que justement une telle diversion, en fait, signifie aussi s'éloigner des positions marxistes. Or, le camarade Préo­brajenski, qui pour la question présente non seule­ment s'éloigne, mais s'enfuit à toutes jambes bien loin de ces positions, nous convainc d'un “ air triom­phant ” de cohabitation illégitime avec la sociologie bourgeoise! En fait, la vérité, c'est qu'“il allait dans une pièce, et qu'il s'est retrouvé dans une autre ”.

Essayez de “faire abstraction ” des appareils éco­nomiques, et ensuite tâchez de définir le type de rapports de production de la “ Nouvelle Econo­mique n. Le problème apparaîtra insoluble : car le rapport fondamental, décisif de la production est le rapport de la classe ouvrière dirigeante dans la pro­duction, rapport à la fois à chaque couche du prolé­tariat séparément, et à l'élite technique et (si l'on sort des limites de l'économie d'État) à la paysanne­rie. On peut faire abstraction de ce que l'on veut, mais il est inadmissible pour un marxiste de s'écarter de l'essentiel de ce qui définit le contenu du type historique de production. Cette erreur, le camarade Préobrajenski la commet en appliquant d'une façon enfantine le schéma de l'État bourgeois à la dictature du prolétariat.

La superstructure de l'État n'est pas un bien éternel de la société - c'est la première chose ; la seconde, c'est que, tant à sa naissance qu'à son déclin, cette superstructure possède des traits particuliers (d'autant que pas plus là-bas qu'ici elle n'est une superstructure au sens propre “ classique ” du terme). Car elle surgit de la base du début de sa naissance et elle s'absorbe dans la base et se dissout en elle à la fin de son existence lorsque l'État “disparaît”. La période transitoire se caractérise d'abord par un renforcement exceptionnel des fonctions de l'État justement en vertu de la fusion immédiate de la superstructure et de la base.

Mais aussi paradoxal que cela paraisse la circon­stance actuelle est une prémisse de la mort de l'État lui-même, en tant que catégorie spécifique de super­structure. Car la “base” engendre la “superstructure” mais la détruit aussi, comme Chronos détruisit ses propres enfants. “L'administration des choses ” (Engels) dans la société communiste n'est pas (déjà) une fonction de superstructure d'État : c'est une, partie du processus d'ensemble de production où le sujet dirigeant (dirigeant d'une façon planifiée) est la société elle-même, où la loi objective du développe­ment correspond à la norme de ce développement, où l'irrationalité de la vie économique est remplacée par la rationalité. La dictature du prolétariat et les rap­ports de production qui lui correspondent sont le germe de la société communiste.

Les organes administratifs d'État qui planifient, régularisent, dirigent, sont le germe de “l'administra­tion communiste des choses ”. L'État ouvrier dans ses fonctions économiques (économie politique) est une base rationnelle, un sujet dirigeant collectif. Sup­primez-le, “faites en abstraction ”, et là même vous ferez aussi abstraction du processus de transformation des lois anarchiques en lois connues, de la transfor­mation de l'économie politique en science que Préo­brajenski trouve moyen de faire un tour semblable: il insiste d'une façon catégorique sur le “plan” et autres excellentes choses du même genre et en même temps insiste encore plus catégoriquement sur la nécessité de faire abstraction des fonctions du pouvoir de l'État dans le domaine de l'économie.

Il considère le plan, mais sans le sujet du plan ; lit planification, mais sans les organes de planification une base rationnelle mais sans un endroit précis où situer cette base.

De telles représentations ne peuvent être appelées autrement que mystiques. Ce mysticisme, le camarade Préobrajenski l'offre à nos lecteurs en brandissant le drapeau rouge avec l'inscription : “ Je reste sur le terrain du marxisme ”, “ Une tradition toute fraîche mais que l'on croit difficilement.

Le fait que derrière la connaissance des lois il y ait les lois elles-mêmes, ne fait aucun doute, c'est-à-dire que tout plan élaboré d'une façon consciente ne tombe pas du ciel mais se détermine avec préci­sion, comme on l'a dit, la nécessité connue est toujours une nécessité.

Mais détacher cette “nécessité” du fait qu'elle est connue signifie pour une économie planifiée arracher de la loi sociale son écorce historique, ce qui est totalement étranger à une véritable réflexion marxiste.

En conclusion, il est nécessaire de faire maintenant une réflexion tout à fait essentielle. Le remplacement par les lois sociales de leur écorce historique est bien entendu un processus beaucoup plus long que le remplacement du linge sale.

L'extraordinaire complexité de l'analyse de la période de transition est due au caractère disparate des divers costumes, en particulier lorsqu'il s'agit (comme c'est le cas) d'un pays qui réunit dans l'ensemble de son organisme économique une extrême variété de formes économiques. La prise du pouvoir par le prolétariat et “l'expropriation des expropriateurs ” sont la condition élémentaire pour que commence le processus d'égalisation des lois sociales. Ce processus a comme base la croissance de l'économie, placée sous le contrôle de l'État, et de son influence. Cette croissance passe par des formes multiples et souvent au plus haut point contradictoires: la base même de la planification dans une certaine mesure consiste à prévoir la résultante des facteurs spontanés. C'est pourquoi à chaque moment il faut se méfier et de la sous-estimation et de la sur-estimation de la base de la planification et il reste à se souvenir de la relativité historique de l'opposition elle-même.

En liaison avec ceci, il y a, bien sûr, l'estimation théorique du degré de refonte des lois sociales. L'ana­lyse de tous ces phénomènes enchevêtrés d'une façon très complexe et la destruction des systèmes fonda­mentaux de lois sur le développement, forme la théorie de la période transitoire.

Autre remarque:

Il découle de notre analyse qu'il est tout à fait absurde de s'écarter de la politique économique du pou­voir de l'État ouvrier, car cela signifierait s'écarter du principe de la planification. Mais il est tout à fait admissible à un certain stade de l'analyse de s'écarter d'influences spécifiquement politiques données des hésitations purement politiques dues à la conjoncture.

Cette question est d'un domaine tout à fait parti­culier et, comme le voit aisément n'importe quel lecteur qui réfléchit un peu, il serait pour le moins étrange et léger (pour n'employer que des termes modérés) de mêler ce problème au problème général concernant notre politique économique dans ses lignes fondamentales.

Nous avons vu que l'introduction méthodologique du camarade Préobrajenski souffre d'une profonde contradiction. Nous verrons par la suite que cette contradiction se traduit aussi dans les arguments d'une analyse élaborée.

Mais passons pour l'instant à une autre de ses erreurs, encore plus décisive, et qui est, à notre avis, fondamentale et tout à fait centrale.

  1. Le titre n'est pas réussi, car il est tout à fait neutre en ce qui concerne les moments de classes sociales - tout ce qui est le capitalisme d'Etat de la période de guerre, actuellement l'économie de l'après-guerre en général est "nouvelle". Dans ce terme la nouveauté sociale de l'économie soviétique apparaît souillée. (N.B.)