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Special pages :
Le grand engagement
Auteur·e(s) | Léon Trotski |
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Écriture | 8 février 1917 |
Publié dans La Guerre et la Révolution. Paris 1974, pp. 250-252
(Au sujet de la résolution du meeting de Carnegie-Hall)
La campagne officielle socialiste contre la guerre s’ouvrit le 5 février par un meeting à Carnegie-Hall.[1] De la part des organisateurs, cette première manifestation fut une grande faute, car ils avaient accepté la participation des pacifistes-bourgeois, « les Amis de la paix ». Le motif de cette collaboration déplacée était tout à fait fortuit. La salle, le Carnegie-Hall, était déjà louée aux pacifistes, et le Parti ne jugea pas possible de remettre le meeting. Nous devons déclarer que tenir un meeting à Carnegie-Hall se paie trop cher. Le Parti socialiste comptait trop de ces gens qui se déclarent pacifistes, mais le sont platoniquement et, au premier coup de feu, protestent de leur ardent patriotisme et, à l’instar des pacifistes bourgeois européens, défendent la machine à tuer gouvernementale, trompant les masses en les convainquant que pour obtenir une « Paix juste », « une Paix éternelle », « une Paix de devoir », il faut faire la guerre jusqu’au bout. En coopérant avec des personnes qui tiennent Wilson pour le « Mage de la Paix », nous mélangeons les cartes et égarons les masses. Et justement celles-ci doivent avoir une claire conscience de classe pour pouvoir mener une lutte efficace, et non de pure forme, contre la guerre et le militarisme.
La faute fondamentale en a amené une autre : les deux résolutions, la socialiste et la pacifiste, furent approuvées ensemble. Bien que les ouvriers composassent la grande majorité de l’assemblée, le rapport des forces ne fut pas exprimé, et le caractère révolutionnaire de la manifestation fut grandement affaibli tant psychologiquement que politiquement.
Cependant, c’est avec plaisir que nous prîmes connaissance du texte de la résolution mis en avant par les orateurs officiels du Parti socialiste. Tout ce que nous voulions dire n’y était pas, et il y avait du superflu, mais cette résolution était tout de même un document internationaliste et présentait, suivant les conditions du moment, le caractère d’un acte révolutionnaire, ou pour le moins une manifestation dans ce sens.
Si la résolution formule que « la guerre » affaiblit les traditions de cette république, il nous faut simplement remarquer que cette révérence ambiguë aux traditions d’une République bourgeoise est bien plus à sa place dans la résolution des pacifistes bourgeois : ces derniers commenceront demain à enseigner au peuple, exactement comme les pacifistes français, que pour sauver « les traditions nobles de la République », il est indispensable d’écraser l’Allemagne. Notre république prolétarienne n’est pas contenue dans les traditions du passé : elle est tout entière dans le futur.
La résolution stipule – et fort bien – que la guerre qui nous menace ne peut servir que les intérêts des capitalistes de ce pays. « Ces intérêts sont nommément exprimés : la lutte est menée pour le droit sacré des capitalistes américains à s’engraisser des malheurs d’une Europe dévastée par la guerre. » La résolution poursuit : « La déclaration de Wilson – “ nous ne poursuivons pas des buts égoïstes ” – est une suprême hypocrisie. » Suprême hypocrisie… Très bien dit et envoyé en plein dans l’œil de ces socialistes dont la bannière se range à côté de celle de Wilson. Le Socialisme suppose une rébellion organisée contre la société bourgeoise. La politique socialiste est la méfiance organisée vis-à-vis des partis bourgeois, leurs chefs et les donneurs d’ordres gouvernementaux.
La résolution ne pose pas la question de la « Défense nationale ». C’est là sa carence la plus sérieuse. Mais la résolution contient en elle-même une réponse politique suffisante à cette question. Qui, demain, osera nous parler du devoir de la « Défense nationale », s’attirera la réponse : la guerre n’est que la défense du droit sacré des capitalistes américains à s’engraisser des malheurs de l’Europe dévastée par la guerre. » Camarades ! rappelez-vous cette formule simple, claire et honnête ! Elle vous servira. Elle inclut l’obligation catégorique pour tous les représentants de la classe ouvrière de voter contre tous les crédits en faveur de la guerre. Elle exclut, par avance, les membres du Parti qui parleraient, quand éclatera la guerre, de « paix civile » avec le gouvernement; car, seuls, ces renégats, ces transfuges, ces individus sans honneur et sans foi, peuvent inciter les travailleurs à se réconcilier avec les fauteurs de guerre pour aider les capitalistes américains à profiter d’une Europe exsangue.
La résolution appelle « tous les travailleurs des U.S.A. à la lutte par tous les moyens mis à leur disposition contre toute tentative d’entraîner l’Amérique dans la guerre ». Nous pensons que l’on aurait pu préciser la nature de ces moyens. Mais la direction générale de la lutte est bien indiquée, car la résolution nous invite à marcher sur les traces de Liebknecht, de Fenner-Brokway, des cinq membres de la Douma et « de tous les autres martyrs ayant sacrifié leur liberté et même leur vie à la cause de la paix ».
« Les moyens mis à la disposition du prolétariat », se définissent entièrement par leur rôle dans la production capitaliste et par la situation du prolétariat dans l’état actuel. Ces moyens n’ont pas à être inventés. Ils sont fournis par l’expérience historique de la lutte de classe dans ses formes de plus haute tension. C’est en ce sens que la résolution nous invite à mener le combat en augmentant l’importance du mouvement, son impact idéologique et politique, et en élevant sa capacité combative.
Nos camarades voient que la résolution du Parti socialiste est riche par son contenu. C’est un appel au combat et une indication de la route à prendre. Mais c’est en même temps une obligation prise par les cercles dirigeants du Parti. Nous veillerons à ce que cette obligation – sans faiblesse, sans concessions, sans hésitation – soit remplie jusqu’au bout !
- ↑ Le meeting de Carnegie-Hall : Fenner-Brokway était membre, en Angleterre, du « Parti Indépendant du Travail ». Au début de la guerre, il publia le journal Labour Leader. En tant que membre de l’opposition à la guerre, il fut emprisonné. Il est, au fond, un pacifiste typique suivant la mentalité de l’aile droite de l’Intelligentsia. Ces derniers temps, il a perdu toute signification politique. (Remarque de Haywood).