Le congrès et ses décisions

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La presse bourgeoise du monde entier s'est une fois de plus remplie de nouvelles annonçant la chute imminente du Pouvoir des Soviets. Une fois de plus, ses espérances ont été ruinées par les faits, et j'entends par là non point seulement l'écrasement des insurgés de Cronstadt et de quelques soulèvements locaux de paysans sibériens, mais encore et surtout l’œuvre politique du Xe Congrès du Parti Communiste.

Dans les deux questions essentielles qui étaient à son ordre du jour, celle des rapports du prolétariat avec la, classe paysanne, et celle des rapports de l'avant-garde communiste du prolétariat avec sa masse plus arriérée, le Congrès a trouvé une solution unanime à laquelle s'est ralliée la grande, l'écrasante majorité du Parti. Sans doute, les divergences qui régnaient sur la deuxième question, c'est-à-dire quant au rôle des syndicats, n'ont pas complètement disparu, et six camarades ont voté contre les résolutions finalement adoptées. Mais ce n'était là qu'une réserve de forme ; en réalité, la discussion, qui depuis décembre a été menée de la façon la plus large, a passionné les masses communistes et a donné naissance à toute une littérature, a atténué les divergences sur les points les plus importants et a arrondi les angles les plus accusés des opinions en présence. L'autorité du Congrès, et plus encore celle de la majorité écrasante du Parti qui a fait bloc autour du point de vue de Lénine, est tellement grande qu'on peut penser en toute tranquillité que les camarades jusqu'alors d'opinions divergentes, ne se borneront pas à se soumettre extérieurement, ce qui va de soi, dans le Parti Communiste de Russie. Les chefs de ce Parti savent sans phrases pratiquer eux-mêmes à son égard la discipline qu'ils exigent de la masse de ses membres. Le grand organisateur de l'Armée rouge[1] s'est incliné devant la décision du Parti, de même s'inclinent les chefs de « l'opposition ouvrière » Chliapnikov et ses amis qui avaient exprimé sous une forme quasi syndicaliste le mécontentement des masses ouvrières, fatiguées et épuisées. Le Congrès a condamné leurs écarts, mais il a reconnu leurs mérites dans la lutte contre le bureaucratisme résultant de longues années de guerre et de l'affaiblissement du prolétariat, et il les a élus au Comité Central du Parti, afin qu'ils puissent aider à détruire les abus réels et à rendre plus fortes et plus intimes les relu lions entre le Parti et la masse. Si peu agréable que puisse être pour ces camarades la condamnation de leur tendance syndicaliste, l'autorité du Congrès, le sentiment que le Parti Communiste de Russie, malgré toutes ses erreurs, malgré les difficultés engendrées par la guerre, est le seul Parti et le seul Gouvernement prolétariens possibles en Russie, sont si puissants et si grands que les chefs de tous les groupes divergents se sont ralliés aux décisions prises.

I. — Les rapports avec les paysans[modifier le wikicode]

Ainsi que nous l'avons dit plus haut, la première question sur laquelle le Congrès a eu à prendre position est celle des rapports du prolétariat avec la classe paysanne. La crise de l'économie rurale, affaiblie par sept ans de guerre, et la conviction établie chez les paysans que tout danger de restauration féodale est à jamais écarté, avaient gâté l'attitude de ces derniers à l'égard de la classe ouvrière. La classe paysanne, ou du moins une partie, estime que le Gouvernement prolétarien lui impose des exigences au-dessus de ses moyens. Le Congrès a dû chercher s'il n'était pas possible de soulager les paysans sans mettre en danger le ravitaillement de la population urbaine. Il a dû rechercher si la politique d'approvisionnement ne devait pas changer ses méthodes, et il en est venu à cette conclusion unanime qu'il y a en effet moyen de satisfaire les paysans tout en sauvegardant l'approvisionnement des villes. Le changement à opérer est de supprimer le système par lequel on réquisitionnait au paysan toute sa récolte, sauf le minimum reconnu nécessaire à sa subsistance, et de le remplacer par un impôt en nature n'enlevant qu'une portion déterminée des produits, en tenant compte de la famille, du bétail et de la récolte du producteur, qui peut ensuite librement disposer du reste. En prenant cette décision, le Congrès a trouvé le véritable moyen de stimuler l'intérêt du paysan à augmenter sa surface ensemencée et l'intensité de son travail. Le cultivateur pourra échanger son surplus contre les produits manufacturés d'un fonds spécial de marchandises constitué par le Commissariat de l'Approvisionnement. Ce fonds d'objets manufacturés sera partie acheté à l'étranger, partie fabriqué par l'industrie nationalisée, qui ne sera plus obligée désormais de travailler pour l'armée et pour la guerre comme elle a dû le faire au cours des trois dernières années. Si l'on considère encore que la démobilisation partielle de l'Armée Rouge diminuera d'environ 2 millions de bouches les charges de l'Etat et que la convention commerciale avec l'Angleterre, suivie bientôt sans doute de conventions semblables avec l'Amérique et l'Allemagne, fera du Gouvernement Soviétiste l'intermédiaire entre le marché capitaliste mondial et la production rurale indigène, on peut compter sur une amélioration de la situation du paysan sans que le ravitaillement des villes devienne pour cela plus difficile. L'essentiel, c'est que le stimulant fourni au paysan, ainsi encouragé à augmenter sa récolte, placera sur un terrain solide les décisions du 8e Congrès des Soviets sur l'extension de la surface ensemencée.

Evidemment, cette nouvelle politique présente des dangers. Là où le Gouvernement ne sera pas en état d'échanger la partie disponible de la récolte des marchandises, le paysan demandera des produits manufacturés aux spéculateurs et aux artisans en échange de son excédent de récolte. Ce sera un regain de vigueur pour l'élément capitaliste. Ce danger ne peut être évité qu'en renforçant et en développant l'industrie nationalisée. Si on y réussit, il est de toute évidence que le spéculateur et l'artisan, placés en concurrence avec l'industrie nationalisée, ne prendront jamais tournure de capitalistes. Le renforcement de l'industrie nationalisée et son développement dépendent du succès qu'auront les pourparlers engagés avec le capital étranger en vue des concessions. Ils dépendent davantage encore du développement plus ou moins rapide de la révolution prolétarienne en Occident, qui permettra à la République Soviétiste de recevoir directement du prolétariat européen les moyens de production dont elle a besoin. Ils dépendent aussi de la paix extérieure dont la Russie jouira ou ne jouira pas au cours des mois prochains. Le Parti Communiste de Russie ne se dissimule pas les dangers, mais il sait très bien que depuis la Révolution d'Octobre, il n'a jamais cessé d'être en danger. Sa politique générale a toujours prétendu se régler sur le développement de la Révolution mondiale. Jusqu'ici, bien que le prolétariat n'ait pas encore triomphé dans les autres pays, les événements ont cependant donné raison à la Russie Soviétiste. La révolution allemande l'a libérée du danger d'être étranglée par l'impérialisme allemand. Le prolétariat anglais et français, en évoluant vers la gauche, a aidé l'armée rouge à empêcher la Russie d'être écrasée par l'impérialisme de l'Entente.

La Russie est persuadée que sa politique extérieure et les progrès à venir de la Révolution mondiale lui permettront de profiter, dans l'intérêt du prolétariat universel, du répit obtenu à l'intérieur par les concessions accordées aux paysans. En effet, ces concessions n'ont pas été dictées uniquement par les difficultés du moment, mais aussi par la volonté positive de relever l'agriculture russe, afin que la République Soviétiste puisse être en état, le moment venu, de servir de grenier à la Révolution occidentale, bloquée par le capitalisme anglo-américain. Cette dernière considération répond aux accusations d'opportunisme lancées par les laquais de la bourgeoisie européenne et par leurs aides centristes à l'adresse de notre politique de concessions, à la classe paysanne et au capital étranger. L' « opportunisme » du Gouvernement Soviétiste est le plus grand des services qu'il puisse rendre au prolétariat européen. Tout ce qui sert à maintenir le pouvoir entre les mains de l'avant-garde de la classe ouvrière russe fournit un avantage direct au prolétariat occidental, qui n'a rien à gagner à ce que le Gouvernement Soviétiste donne dans la chimère d'un socialisme « pur » à réaliser dans la Russie isolée. Inversement, si la Russie doit être un point d'appui solide pour la Révolution universelle, elle a le droit de faire des concessions aussi larges qu'il est nécessaire aux nécessités du moment. L'important, c'est que l'avant-garde du prolétariat conserve le pouvoir et ne permette pas à la contre-révolution occidentale d'employer les dizaines de millions de paysans russes à écraser la Révolution grandissante et les forces économiques de la Russie à restaurer le capitalisme mondial.

II. — Le Parti Communiste et les masses ouvrières[modifier le wikicode]

Dans toutes ses concessions à la petite bourgeoisie villageoise ou bien au capital européen, le Parti Communiste russe doit toujours viser à se fortifier sur sa base sociale propre ; le prolétariat. La classe ouvrière, au cours de la guerre et de la Révolution, a subi d'importantes modifications. Pendant la guerre déjà, des centaines de milliers de paysans, d'artisans, de boutiquiers, etc., etc., ont afflué dans les usines, attirés les uns par les hauts salaires, les autres par l'exemption du service militaire. Pendant la guerre civile, pendant les années de famine, beaucoup d'ouvriers se sont dispersés dans les campagnes, beaucoup de véritables prolétaires ont abandonné les usines pour prendre les armes et défendre la République dans les rangs de l'Armée rouge, ou bien encore prendre part à la gestion des affaires publiques. C'est ainsi que l'avant-garde communiste du prolétariat a perdu de sa force dans les usines et que l'élément petit-bourgeois s'y est augmenté. A ce résultat a contribué encore la mobilisation du travail, qui a amené dans les villes de nouvelles masses de paysans. La classe ouvrière, ainsi modifiée dans sa composition sociale, a eu au cours de la guerre immensément à souffrir : elle a supporté la faim, elle a dû travailler sans relâche dans l'industrie de guerre pour satisfaire les besoins de l'armée ; elle a dû sacrifier ses plus élémentaires exigences pour que les défenseurs du pays soient nourris et habillés. La masse la moins éclairée des ouvriers, surtout dans les instants les plus difficiles, a été amenée à voir dans les communistes des directeurs exigeants, réclamant toujours d'elle de nouveaux sacrifices. De là une certaine tension contre les éléments ouvriers non communistes et le Parti Communiste ou le Gouvernement Soviétiste.

Un des problèmes les plus graves qui se posent au Parti dans les circonstances actuelles consiste à diminuer la distance entre l'avant-garde et l'arrière-garde du prolétariat, sinon à la supprimer complètement. Ce problème doit être résolu à la fois dans le domaine matériel et dans le domaine moral. Par l'adoption du point de vue de Lénine, selon lequel les méthodes de la démocratie ouvrière doivent être appliquées dans les syndicats et une vaste campagne politique entreprise pour appeler les sans-parti à la gestion des affaires publiques, des organisations professionnelles, etc., etc., le Parti Communiste engage sur un terrain moral nouveau la lutte pour la conquête des masses ouvrières. La constitution d'une commission spéciale qui doit prendre des mesures énergiques pour améliorer la situation de l'ouvrier, place cette même lutte sur le terrain matériel. Evidemment, il subsistera des inégalités dans la situation des diverses catégories de travailleurs. Les mineurs, les métallurgistes et les cheminots, par exemple, doivent rester dans le prolétariat des groupements particulièrement favorisés, pour la raison que les branches d'industrie correspondantes sont le point de départ obligé de toute renaissance économique. Mais le Congrès impose au Gouvernement l'obligation de supprimer toutes les inégalités non indispensables et d'améliorer par tout un système de mesures petites et grandes la situation des plus basses catégories de travailleurs. Ces dernières semaines ont montré que les efforts du Parti n'ont pas été sans succès. On a pu le voir dans de nombreuses assemblées et conférences générales, les ouvriers sans parti ont compris que seul le Parti Communiste, malgré les fautes qu'on peut lui reprocher, malgré les abus qui ont pu être commis en son nom, est capable, après avoir défendu la Russie Soviétiste les armés à la main, de sauver la classe ouvrière de la misère et de la famine pour l'amener à une vie supérieure. Le calcul des contre-révolutionnaires, qui espéraient faire de la révolte de Cronstadt le signal de grands troubles ouvriers dans les centres industriels et amener ainsi la chute du Gouvernement Soviétiste, a complètement échoué. Le complot des gardes-blancs de Cronstadt n'a pas seulement été liquidé, il a encore aidé le Gouvernement Soviétiste à prouver aux masses ouvrières que le danger de la contre-révolution n'est pas encore passé. Ce simple ensemble de faits que la révolte de marins, qui sont pour la plupart des fils de paysans du sud de la Russie ou des côtes de la Mer Noire, a servi presque aussitôt à amener au pouvoir des généraux blancs, que les gardes-blancs de toute l'Europe se sont mis à accourir en Estonie et en Finlande pour commencer par Cronstadt une nouvelle campagne contre-révolutionnaire en Russie soviétiste, que Cronstadt a failli ouvrir les portes toutes grandes à une intervention impérialiste, cet ensemble de faits a suffi à montrer aux masses sans parti que tout mouvement dirigé contre le Gouvernement Soviétiste est en réalité un mouvement en faveur des junkers et des capitalistes russes et de la contre-révolution étrangère. Les socialistes-révolutionnaires et les mencheviks, qui sont dénués de tout programme pour combattre la misère et pour résoudre la question sociale, n'ont cherché qu'à exagérer le mécontentement des travailleurs épuisés et apparaissent maintenant aux masses ouvrières comme des agents, conscients ou inconscients, de la contre-révolution étrangère.

Les travailleurs russes ne veulent plus être les victimes de la contre-révolution. Il se peut que dans leur misère certains murmurent contre les grands sacrifices et les privations qui leur sont demandés pour la défense de la patrie soviétiste ou pour son relèvement ; mais au moment où le danger de la contre-révolution se dresse clairement devant eux, toute la classe ouvrière rassemble de nouveau ses forces et se groupe autour du Parti Communiste, gardien de la révolution.

III. — L'organisation intérieure du Parti[modifier le wikicode]

Pour engager de nouvelles relations avec la classe paysanne, pour attirer dans ses rangs des millions de travailleurs sans parti, le Parti Communiste doit perfectionner son organisation et réadapter aux besoins du moment sa propre structure. La question de l'organisation intérieure du Parti était donc un corollaire des autres grandes questions politiques que le Congrès avait à résoudre. Précisément, au moment où le Parti Communiste fait des concessions aux éléments petits-bourgeois et à la classe paysanne, il doit renforcer son caractère prolétarien, car autrement il cesserait d'être le facteur prépondérant dans ses relations avec la petite bourgeoisie pour devenir au contraire la victime de cette dernière.

Par sa qualité de Parti dominant, le Parti Communiste est devenu un point d'attraction pour les éléments petits-bourgeois carriéristes, en particulier pour les intellectuels. Par sa propagande dans l'Armée rouge, il s'est acquis les meilleurs éléments de la jeunesse paysanne, entrés dans les écoles militaires et dans les organisations communistes. Il s'agit pour lui de se débarrasser des éléments carriéristes, d'assimiler les éléments paysans qui ont défendu les armes à la main le Gouvernement soviétiste, et, chose plus essentielle encore, d'attirer dans ses rangs des centaines de milliers de prolétaires jusqu'à présent restés en dehors.

L'organisation même du Parti avait besoin d'être réformée. Au moment où il s'agissait de triompher des armées blanches, le Parti avait dû nécessairement se soumettre à une discipline militaire de fer et réduire au minimum le principe démocratique. Les décisions les plus fondamentales étaient fréquemment prises sans discussion préalable par les masses communistes. Le Comité Central déplaçait d'un point à l'autre de la Russie, selon les exigences du moment, des milliers de communistes. Le Parti Communiste de Russie était d'abord une armée, une troupe de choc, et ensuite seulement un Parti politique. Mais dès que les tenailles de fer de la guerre ont quelque peu relâché leur étreinte, la discussion, recouvra ses droits : depuis le mois de septembre 1920, en débattant toutes les questions de politique et d'organisation intérieure, le Parti Communiste a pu passer en revue ses cotés forts et ses côtés faibles ; il a examiné tous les problèmes qui avaient surgi dans son sein ; il a créé par là une unité nouvelle à un degré supérieur de la conscience de ses membres ; il a écarté à la fois la tendance qui, dans un juste désir d'augmenter la production, prétendait transporter les méthodes militaires du commandement dans le travail économique, et cette autre tendance qui, par réaction contre la centralisation et la discipline militaires, préconisait dans l'organisation intérieure un démocratisme sans borne, et cédant à la pression des masses sans parti, diminuait le rôle actif et dirigeant du Parti Communiste, en remettant sans plus la direction de l'industrie entre les mains des syndicats, bien que la grosse masse des ouvriers organisés, neutres politiquement, fatigués, ne soit pas capable de subordonner les aspirations du moment aux intérêts durables du prolétariat. La première tendance, bureaucratique et militaire, menaçait d'accroître la distance entre les masses sans parti et le Parti Communiste. La seconde, la tendance syndicaliste, menaçait de lancer le navire de l'Etat, sans gouvernail et sans pilote, à travers l'océan. Le Congrès a décidé d'attirer les masses sans parti et, en les approchant de l'avant-garde communiste, de les faire participer toujours davantage à la solution des questions politiques et économiques.

La dictature du prolétariat n'est réalisable que comme la dictature de son avant-garde consciente, c'est-à-dire du Parti Communiste. Mais ce dernier ne doit jamais oublier que s'il est seul, sans le large soutien des masses prolétariennes non communistes, il sera hors d'état de remplir sa tâche révolutionnaire. La démocratie à l'intérieur du Parti est indispensable, s'il ne veut pas se pétrifier, s'il veut, tout en imposant à la masse de ses membres les plus dures exigences, obtenir toujours d'eux une adhésion volontaire et joyeuse.

Mais en même temps et dans chaque situation, le Parti Communiste doit toujours savoir subordonner la forme démocratique au but général de la dictature du prolétariat. Le Congrès a eu nettement conscience de cette nécessité. Les contre-révolutionnaires qui spéculaient sur une scission parmi les communistes, qui comptaient que tels ou tels éléments du Parti ouvriraient la porte de la forteresse du prolétariat russe à ses ennemis, ont été trompés dans leurs espérances. Le Congrès a décidé que la majorité compacte des deux tiers du Comité Central, de ses membres suppléants et de la commission de contrôle, cinquante-huit personnes en tout, auraient le droit d'exclure du Parti tout membre du Comité Central qui ne se rallierait pas à ses décisions et qui contrecarrerait la politique du Parti. C'est là l'expression de la volonté générale du Parti que le Comité Central doit avoir l'entière direction de la Révolution dans toutes les situations dangereuses et ne doit sous aucun prétexte ressembler au Conseil de la Guerre d'Autriche, où les ordres succédant aux contre-ordres ne donnaient en fin de compte que du désordre et l'absence de direction.

IV. — Les résultats du Congrès[modifier le wikicode]

Les contre-révolutionnaires russes et le capital universel se figuraient assister bientôt au Thermidor de la Révolution russe. Ils croyaient que les paysans, ayant maintenant, grâce aux communistes, la possession du sol, garantie contre toute réaction féodale, une rupture se produirait fatalement entre eux et les communistes. Ils comptaient que le Parti Communiste, par l'excès de tension demandé aux masses laborieuses sans parti, les détacherait de lui et se trouverait ainsi privé de sa base sociale dans les masses pour succomber enfin isolé, dénué de tout soutien. Ils voyaient déjà le Robespierre de la Révolution russe repousser de lui non seulement les modérantistes et les hébertistes, mais encore la Commune de Paris avec Chaumette à sa tête ; ils attendaient le moment où la tête du Robespierre russe tomberait à son tour sur la place de la Roquette, au milieu des cris de joie de la jeunesse dorée et devant la passivité des masses qui l'avaient porté au pouvoir. Mais toute l'analogie de ces savants contre-révolutionnaires tombe à faux. Le Gouvernement Soviétiste saura renforcer encore sa liaison avec les paysans. Ces dizaines de milliers de fils de paysans qui se sont instruits sur les fronts et dans les écoles militaires et sont devenus parfois des commandants rouges, et qui ont compris la situation de la Russie et la nécessité de cette union entre la classe paysanne et le prolétariat, formeront le pont entre les deux classes. Les paysans se persuaderont que le Gouvernement Soviétiste n'a pas été seulement le meilleur moyen d'opérer la Révolution agraire, mais est aussi le seul d'assurer aux paysans le progrès de l'agriculture. Le Parti Russe n'a rompu avec aucun des groupements qui se sont manifestés au cours des discussions. Il a resserré son unité, il a soumis ses groupements à la volonté de son écrasante majorité et, loin de se séparer des couches sociales qui l'ont porté au pouvoir, il n'a fait que fortifier encore ses relations avec elles.

Le parallèle avec la Révolution française et le sort de la dictature des Jacobins cloche dans le point principal. Robespierre représentait la petite bourgeoisie ; il lui était donc impossible de faire accepter longtemps aux éléments bourgeois et petits-bourgeois la politique antibourgeoise qui avait été rendue nécessaire par la guerre ; il devait céder la place aux spéculateurs de Thermidor, parce qu'il représentait la classe dont le caractère est formé par le système économique libre et individualiste. Robespierre devait fatalement rompre avec le prolétariat parisien, car le rêve des Enragés d'égalité sociale, le rêve de ce jeune prolétariat était pour lui, représentant de la bourgeoisie, un cauchemar.

Le Parti Communiste de Russie est un Parti prolétarien. L'économie socialiste organisée, les buts qu'il se propose, sont précisément les buts de notre époque, de même que le système de la liberté était le seul système possible à l'époque du jeune capitalisme. Les concessions que le Parti Communiste fait aux éléments capitalistes sont passagères. La marche des événements va dans le sens de l'organisation des forces économiques sur la base communiste. Seule la lenteur de cette évolution nous oblige à faire des concessions au passé. Robespierre a été balayé par la vague de. l'histoire, le Parti Communiste de Russie a l'avenir pour lui. Robespierre devait rompre avec le prolétariat parisien, parce qu'il représentait la bourgeoisie : le Parti Communiste de Russie sentira toujours plus solidement sous lui son sol natal, le sol du prolétariat, et puisera dans ce contact des forces toujours nouvelles. Car il est, dans son essence et dans ses buts, un Parti prolétarien.

Le Parti Communiste de Russie peut encore avoir devant lui de durs combats ; il les surmontera victorieusement. L'esprit d'énergie prolétarienne qui émane des décisions du 10e Congrès, ainsi que l'élasticité et la prudence qui les caractérisent, sont la garantie de cette victoire et du développement ultérieur de la République Soviétiste.

  1. Trotski.