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Le concept de démocratie chez Marx
Auteur·e(s) | Maximilien Rubel |
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Écriture | 1962 |
Transcription : Critique Sociale
Balisage HTML : Jonas Holmgren
I. Pour une démocratie libérée de l’Etat et de l’Argent[modifier le wikicode]
La critique sociale, qui constitue la substance de l’œuvre de Karl Marx, a, pour l’essentiel, deux cibles : l’Etat et l’Argent. Il est significatif que Marx ait commencé cette œuvre critique avant d’adhérer au communisme. Pour y parvenir, il lui suffisait de concevoir la démocratie comme la voie d’une libération fondée sur des rapports sociaux profondément modifiés et, tout d’abord, de fournir la preuve théorique de l’incompatibilité foncière d’institutions telles que l’Etat et l’Argent avec la liberté humaine. Deux tâches pour lesquelles il fallait s’évader de la philosophie hégélienne : cette position se trouve proclamée dans deux écrits qui, rédigés à quelques mois de distance, paraissent ensemble dans les Annales franco-allemandes de janvier 1844, quatre ans avant le Manifeste communiste dont ils présentent, en quelque sorte, une variante en deux volets de style philosophique. Il s’agit de l’Introduction à la critique de la philosophie du droit de Hegel, d’une part, et de l’essai sur La Question juive, d’autre part.
Entre ces deux moments de la carrière littéraire de Marx se situent ses études d’économie politique et la première tentative d’une critique radicale des théories du capital. Inédits jusqu’en 1932, ces travaux ont permis de mieux comprendre les chemins de sa pensée. Toutefois, alors qu’une immense littérature a été consacrée aux manuscrits parisiens, dits économico-philosophiques, de 1844, on ne connaît aucune analyse en profondeur de l’important travail auquel Marx s’est livré pendant l’été de 1843, dans sa studieuse retraite de Kreuznach, et qui nous est parvenu sous la forme d’un volumineux manuscrit. Publié pour la première fois en 1927, ce texte, quoique inachevé, marque une rupture définitive avec la philosophie politique de Hegel. Tout en dénonçant violemment l’illogisme et la supercherie de certaines thèses hégéliennes sur l’Etat et la monarchie, la propriété et la bureaucratie, Marx formule une conception de la démocratie où il va beaucoup plus loin que dans les articles qu’il avait publiés, quelques mois auparavant, dans la Rheinische Zeitung pour livrer bataille à la censure prussienne[3].
C’est une opinion répandue qu’en devenant communiste, Marx abandonne l’idéalisme et le libéralisme dont témoignent ces essais polémiques. Mais, à moins de supposer que son adhésion au communisme est le geste d’un illuminé, force est d’y voir l’aboutissement logique, naturel, de ce même idéalisme et de ce même libéralisme. La clef de cette adhésion, on la trouve aussi bien dans le manuscrit antihégélien de Kreuznach que dans les deux essais mentionnés plus haut, publiés à Paris. De tous ces travaux, une conviction se dégage, qui n’abandonnera plus le savant et l’homme de parti : la démocratie ne peut trouver son achèvement que dans une société où les hommes, librement associés, n’aliènent plus leur personnalité à travers de fallacieuses médiations, politiques et économiques. Cette conviction, Marx l’a acquise au moyen de nombreuses lectures, philosophiques et historiques, pendant ses années universitaires à Berlin et à Bonn (1840-1842).
Pour notre sujet, il convient d’examiner brièvement quelques-unes de ces lectures : elles nous mettront sur la piste de la démarche intellectuelle qui a conduit Marx de la démocratie à l’anarcho-communisme. Dans un de ses cahiers d’étude, qui date de son séjour berlinois, nous ne trouvons pas moins de 160 extraits du Traité théologico-politique de Spinoza. Les passage notés se rapportent aux miracles, à la foi et à la philosophie, à la raison et à la théologie, à la liberté de l’enseignement, aux fondements de la république, au prophétisme, etc. Tout cela, sans le moindre commentaire personnel – et pourtant, sur la couverture du cahier, on peut lire : « Spinoza : Traité théologico-politique, par Karl Marx, Berlin 1841. »
Comment faut-il entendre ce titre ? Par là, Marx semble signifier qu’il avait retenu chez Spinoza tout ce qui lui paraissait nécessaire pour construire sa propre vision du monde des rapports humains. Il y affirmait manifestement sa conviction que la vérité est l’œuvre de toute l’humanité et non point d’un individu ; il pensait en cela comme Goethe, qu’il admirait, et qui s’était présenté lui-même comme un disciple de Spinoza. En outre, Marx copie ou fait copier, en deux cahiers, quelque 6o extraits des lettres du philosophe hollandais. Il découvrait chez Spinoza, comme il les trouvait en lui, les raisons majeures qui l’incitèrent à donner à l’Allemagne le signal de la lutte pour la démocratie. La république démocratique, la liberté humaine sont chez Spinoza les éléments d’une éthique rationnelle, d’une conception des hommes et du bonheur humain dans les domaines de la nature et de la société ; on y trouve l’idée que l’individu peut atteindre la liberté par la conscience, la connaissance et l’amour. C’est de Spinoza, non de Hegel, que Marx apprit à concilier nécessité et liberté. Et quand il entreprit de démolir la mystification hégélienne, quand il s’attaqua à la métaphysique de l’Etat, défini par Hegel comme le but suprême de la Raison, il était déjà préparé pour s’attaquer aux fondements réels de l’autorité politique : la propriété et la bureaucratie.
Nous verrons plus loin les motifs qui poussèrent Marx à développer le concept spinozien de démocratie, à l’enrichir d’un examen de ses implications sociales, ou plus précisément à fondre la démocratie spinozienne avec le communisme, après avoir écarté la métaphysique de l’Etat qui l’avait d’abord attiré chez Hegel. Bien que Marx ait rejeté cette philosophie politique sans conditions, on sait qu’en commençant à rédiger Le Capital il fera retour vers la dialectique hégélienne : euphémisme, ironie peut-être, il parlera de « flirt ». Envoûté par Hegel pendant ses années d’études, il ne s’en est jamais libéré complètement, pour autant qu’il s’agisse de philosophie de l’histoire. C’est de cette situation ambiguë qu’est né le malentendu qu’on appelle « matérialisme historique ».
Spinoza apporta à Marx ce que celui-ci eût demandé à Hegel, ou au Rousseau du Contrat social, à savoir la chance offerte à l’individu de réconcilier l’existence sociale et le droit naturel, chance que la charte des droits de l’homme et du citoyen n’accordait qu’en vertu d’une fiction juridique. Le Traité de Spinoza est sur ce point sans équivoque : « La démocratie naît de l’union des hommes jouissant, en tant que société organisée, d’un droit souverain sur tout ce qui est en leur pouvoir. » Régime politique le moins absurde, la démocratie est, « de toutes les formes de gouvernement, la plus naturelle et la plus susceptible de respecter la liberté individuelle », car nul n’y abandonne son droit naturel de manière absolue. « Il le transfère à la totalité de la société dont il fait partie ; les individus demeurent ainsi tous égaux, comme naguère dans l’Etat de nature. »
Veut-on une preuve littéraire de l’influence de Spinoza sur la première pensée politique de Marx, voici un passage où l’on reconnaîtra aussi l’écho des attaques de Feuerbach contre Hegel :
La démocratie est l’énigme résolue de toutes les Constitutions. Ici, la Constitution est incessamment ramenée à son fondement réel, à l’homme réel, au peuple réel ; elle est posée non seulement en soi, d’après son essence, mais d’après son existence, d’après la réalité, comme l’œuvre propre du peuple. La Constitution apparaît telle qu’elle est, un libre produit de l’homme[4].
Dans la suite de son argumentation, Marx s’attaque à Hegel, pour qui l’homme provient de l’Etat-démiurge. Il lui oppose la démocratie qui part de l’homme, qui fait de l’Etat un objet, un instrument de l’homme. Paraphrasant la critique de la religion de Feuerbach, Marx raisonne sur les Constitutions politiques :
De même que la religion ne crée pas l’homme, que l’homme crée la religion, ce n’est pas la Constitution qui crée le peuple, mais le peuple qui crée la Constitution. La démocratie est, en quelque sorte, à toutes les autres formes de l’Etat, ce que le christianisme est à toutes les autres religions. Le christianisme est la religion par excellence, l’essence de la religion, l’homme déifié considéré comme une religion particulière. De même, la démocratie est l’essence de toute Constitution politique : l’homme socialisé considéré comme Constitution politique particulière... L’homme n’existe pas à cause de la loi, c’est la loi qui existe à cause de l’homme : c’est une existence humaine, tandis que dans les autres [formes politiques] l’homme est l’existence légale. Tel est le caractère fondamental de la démocratie[5].
Marx apporte ici des éléments de sa propre fabrication, qui n’entrent d’ailleurs dans le cadre traditionnel de la démocratie qu’en le faisant éclater. Point de témoignage empirique à l’appui, pour l’instant. Il en trouvera plus tard, et c’est alors qu’il associera au concept de la démocratie un autre concept qu’il en aura tiré, à savoir, la dictature du prolétariat ; dans un cas comme dans l’autre, il s’agira, à ses yeux, d’une seule et même chose : l’« autodétermination du peuple »[6].
Cet apport de l’expérience, Marx le recueille dans sa retraite de Kreuznach, après avoir quitté la rédaction de la Rheinische Zeitung. Il met son inaction à profit pour étudier en profondeur l’histoire révolutionnaire de la France, de l’Angleterre et de l’Amérique. C’est cette étude qui le convainquit sans nul doute que l’aboutissement normal et inévitable de la république démocratique est dans le communisme, autrement dit, « la vraie démocratie où l’Etat politique disparaît. »[7]
II. La démocratie américaine et son avenir[modifier le wikicode]
On trouve, dans un cahier d’étude de 1843, des extraits du récit d’un Ecossais qui, visitant les Etats-Unis, parvient à des conclusions plus radicales que celles de Tocqueville. Thomas Hamilton accomplit son voyage en 1830-1831. Son ouvrage, Men and Manners in America, fut réédité deux fois en peu de temps[8]. Marx le lut en 1843 dans une traduction allemande et en copia quelque 50 passages, relatifs aux problèmes importants de l’Amérique : fédéralisme et suffrage universel, situation légale et réelle des citoyens, conflits d’intérêts entre le Nord et le Sud ; constitution des Etats de la Nouvelle-Angleterre, etc.
Ce qui pique son intérêt, c’est la façon dont Hamilton comprend, ou plutôt ressent, les tendances sociales dans le fonctionnement de la démocratie américaine. Avec un curieux mélange de générosité libérale et de goût aristocratique, l’auteur décrit les partis républicain et fédéraliste, la « révolution silencieuse » commencée quand Jefferson prit le pouvoir, la montée du « nombre » par opposition aux hommes de propriété et de savoir. Tout cela témoigne d’un beau flair historique, et Marx ne pouvait rester indifférent aux faits frappants rapportés par l’Ecossais. Il y trouve ce que Tocqueville n’avait pas démêlé : les potentialités révolutionnaires de la démocratie américaine.
Selon Tocqueville, l’Amérique offrait l’image même de la démocratie, car elle jouissait d’une égalité quasi complète des différentes conditions. A la vérité, il craignait que la démocratie ne fût exposée à devenir la tyrannie d’une majorité ; mais il était essentiellement optimiste quant aux perspectives sociales et économiques des régimes démocratiques.
Hamilton, lui, a observé certains traits de la vie économique américaine ; il y a discerné une tendance que Marx va considérer comme décisive pour l’avenir de l’Amérique : la lutte des classes. Voici quelques-uns des passages notés par Marx en allemand et traduits ici de l’original anglais. Hamilton s’entretient avec des « Américains éclairés » sur les possibilités sociales offertes par la Constitution des Etats-Unis, et il constate qu’aucune volonté ne vient faire contrepoids « à l’imprévoyance de la démocratie par la prévoyance et la sagesse d’une aristocratie de l’intelligence et de la prudence ». Il donne alors un exemple de ce qu’il appelle « évolution et tendance de l’opinion chez les habitants de New York » :
C’est une ville où les différents ordres de la société se sont rapidement séparés. La classe laborieuse s’est déjà constituée en une société qui porte le nom de Workies, par opposition à ceux qui, favorisés par la nature ou par la fortune, jouissent d’une vie de luxe sans connaître les nécessités du travail manuel. Ces gens ne font point mystère de leurs revendications, et il faut leur rendre cette justice qu’elles sont peu nombreuses, quoique énergiques... Leur première exigence, c’est l’égalité et l’universalité de l’instruction. II est faux, disent-ils, de soutenir qu’il n’existe à présent aucun ordre privilégié, aucune aristocratie de fait, dans un pays où l’on admet les différences d’éducation. Toute une partie de la population, contrainte au travail manuel, se trouve forcément exclue des charges importantes de l’Etat. Il existe donc vraiment – affirment-ils – une aristocratie, et de l’espèce la plus odieuse : l’aristocratie du savoir, de l’éducation et de l’élégance, qui contredit au véritable principe de la démocratie, l’égalité absolue. Ils se font fort de détruire une injustice aussi flagrante en y consacrant toute leur activité physique et mentale. Ils proclament à la face du monde que cette plaie doit disparaître, faute de quoi la liberté d’un Américain sera réduite à l’état de simple vantardise. Ils déclarent solennellement ne point s’estimer contents, aussi longtemps que tous les citoyens des Etats-Unis ne recevront pas le même degré d’éducation et ne prendront pas le même départ dans la course aux honneurs et offices de l’Etat. C’est chose impossible, on s’en doute, et ces hommes le savent, que d’éduquer les classes travailleuses au même degré que les plus riches ; leur but avoué, c’est donc de réduire les riches à la même condition intellectuelle que les pauvres (...) Mais ceux qui limitent leurs considérations à la dégradation mentale de leur pays sont en vérité des modérés. D’autres vont bien plus loin. Ils réclament hautement une loi agraire et une distribution périodique de la propriété. Sans nul doute, c’est à l’extrême gauche du parlement workie, mais ces gens se contentent de pousser jusqu’au bout les principes de leurs voisins moins violents. Ils usent de toute leur éloquence pour réclamer la justice et la propriété pour tout individu qui reçoit nourriture et vêtement. Ils dénoncent cette monstrueuse iniquité : l’un roule en voiture, tandis que l’autre va à pied ; rentré de sa promenade, il sable le champagne, tandis que tout son voisinage doit, à sa honte, se contenter d’eau claire. Egalisez seulement la propriété, disent-ils, et vous ne verrez plus ni champagne ni eau. Vous verrez le brandy pour tout le monde, et cette victoire du consommateur vaut bien des siècles de lutte (pp. 160-61).
Examinant la politique ouvrière du gouvernement américain au regard des énormes ressources intérieures des Etats-Unis, Thomas Hamilton ne doute point que ceux-ci soient destinés à devenir une grande nation manufacturière. Voici son pronostic :
D’imposantes cités de manufactures jailliront aux divers points de l’Union ; la population se rassemblera en masse, et l’on verra mûrir aussitôt les vices qui accompagnent actuellement un tel état de société. Des millions d’hommes verront leur subsistance dépendre de la demande d’une industrie particulière, et encore cette demande sera-t-elle soumise à une perpétuelle fluctuation. Quand le pendule oscillera dans une direction, ce sera un flux de richesse et de prospérité ; quand il reviendra en sens contraire, ce sera la misère, l’insatisfaction et le désordre à travers tout le pays. Un changement dans la mode, une guerre, la fermeture d’un marché étranger, mille accidents imprévisibles et inévitables se produiront, qui ôteront la paix aux multitudes. Un mois plus tôt, elles profitaient de toutes les facilités de la vie.
Voici maintenant une prédiction dans le plus beau style marxien[9] :
Qu’on se rappelle que c’est la classe souffrante qui sera, en pratique, dépositaire de tout le pouvoir politique de l’Etat ; qu’il ne peut y avoir de force militaire pour maintenir l’ordre civil et protéger la propriété ; et dans quel coin, j’aimerais qu’on me le dise, l’homme riche pourra-t-il chercher refuge et mettre à l’abri sa personne ou sa fortune ?
Certes, aucun des « éminents » interlocuteurs de Thomas Hamilton n’a refusé de voir qu’une telle période de désordre fût inévitable. Mais on lui répondait souvent que ces redoutables événements étaient encore éloignés, que pour l’instant le peuple n’avait guère d’inquiétude au sujet des afflictions à venir. Et le voyageur écossais de noter :
Je ne peux pourtant m’empêcher de croire que le temps de l’épreuve est bien moins éloigné que ces raisonneurs ne l’imaginent pour se rassurer ; mais si l’on concède que la démocratie mène nécessairement à l’anarchie et à la spoliation, la longueur du chemin qui nous y mène n’a pas grande importance. Il est évident qu’elle peut varier selon les circonstances particulières de chaque pays où l’on en peut faire l’expérience. L’Angleterre pourrait faire le trajet à la vitesse du chemin de fer. Aux Etats-Unis, étant donnés les grands avantages qu’on y trouve, les choses peuvent durer encore une génération ou deux, mais le terminus est le même. Il y a doute sur la durée, non point sur la destination (p. 66).
Devenu communiste, Marx n’avait qu’à inscrire le mot de communisme là où Hamilton écrivait « anarchie » ou « spoliation » ; devenu économiste, il donnera aux avertissements de l’Ecossais une armature théorique dans le fameux chapitre du Capital qui s’intitule : « La tendance historique de l’accumulation du capital. »
Tocqueville a trouvé une formule générale, et quelque peu hégélienne, pour conjecturer cet accomplissement des temps. Il voyait dans le progrès de l’égalité sociale un effet de la Providence divine. Il parlait d'une « révolution irrésistible » et pensait que toute tentative de limiter la démocratie serait une violation de la loi divine. Il rappelait aux nations chrétiennes que leur premier devoir était l'éducation dans l'esprit de la démocratie et appelait de ses voeux une « nouvelle science politique (...) qui est indispensable au monde nouveau ».
III. Défense et conquête de la démocratie[modifier le wikicode]
On serait tenté de dire que Marx fut le légataire spirituel de Tocqueville, et qu’il apporte cette science nouvelle de la société où la dialectique de la nécessité historique prendra la place de la croyance en la Providence divine. Nous n’avons cure de poser[10] à nouveau un problème qui tient une si belle place dans le débat sur l’« historicisme » de Marx. Ce que nous avons essayé de montrer, c’est que, dans la formation politique de Marx, il existe un lien étroit entre ses convictions pré-communistes et son adhésion au communisme ; entre le Marx démocrate et le Marx communiste ; entre les premières œuvres, qui ne sont point économiques, où le communisme prend simplement la forme d’une dénonciation véhémente du culte de l’argent (La Question juive, par exemple), et Le Capital, où la même dénonciation est présente, quoique souvent tacite, dans le schéma scientifique du système de production capitaliste.
Nous voudrions apporter à cette thèse un dernier témoignage. En 1850, sept ans après son adhésion au communisme, et alors qu’il militait comme chef de la Ligue des communistes, Marx autorisa Hermann Becker, membre de la même Ligue, à publier un choix de ses écrits en plusieurs volumes. La première livraison fut publiée à Cologne en 1851. On y trouve les articles libéraux et démocratiques des Anekdota et de la Rheinische Zeitung, ce qui veut dire que Marx ne les considère point comme dépassés, et que la lutte pour les libertés démocratiques reste la tâche du jour. II est convaincu que ses premières idées sur la démocratie contiennent en puissance tous les éléments de cet humanisme dont le communisme n’a été qu’un aspect particulier ; et cela, Marx l’affirme dans ses manuscrits de 1844, première ébauche du Capital.
Deux concepts séparés, celui de démocratie et celui de communisme, correspondent chez Marx à la révolution politique et à la révolution sociale, c’est-à-dire aux deux étapes de la révolution prolétarienne[11]. La première, la « conquête de la démocratie » par la classe ouvrière, aboutit à la « dictature du prolétariat ». La seconde, c’est l’abolition des classes sociales et du pouvoir politique, la naissance d’une société humaine.
Marx a distingué entre révolution politique et révolution sociale, et il faut s’en souvenir si l’on veut comprendre ses attitudes d’homme de parti. Nous n’avons pas à nous occuper ici des divers aspects de sa sociologie politique. Retenons seulement que le développement social lui paraissait assujetti aux lois historiques, et que les révolutions sociales dépendaient donc des conditions données, tant matérielles que morales. Ce processus est caractérisé par la croissance des forces productives, progrès technique d’une part, maturité de la conscience humaine d’autre part. Au vrai, la thèse de Marx (la conscience sociale est déterminée par l’existence sociale) contient des ambiguïtés pour l’épistémologie. Pourtant, il convient de souligner en tout ceci le caractère éthique de la thèse – ou de son postulat – sur une conscience prolétarienne[12].
A l’idée d’une révolution à double moteur, correspond le double aspect de la pensée et de l’activité politique de Marx. Il ne manque pas d’exemples qui montrent que sa lutte politique prit souvent un caractère à la fois exotérique et ésotérique. Ainsi, en 1847, il accepte la vice-présidence de l’Association démocratique, à Bruxelles, tout en devenant membre de la Ligue des communistes. Ainsi, en janvier 1848, il rédige le Manifeste communiste et, dans le même mois, prononce un discours sur le libre-échange qui sera publié par l’Association démocratique. Ainsi, la même année, l’année de la révolution, il fonde et publie à Cologne la Neue Rheinische Zeitung, sous-titre : « Organe de la démocratie », et se brouille avec l’extrême gauche de la Ligue, qui dénonce son opportunisme. En 1847, il écrivait : « La domination de la bourgeoisie fournit au prolétariat non seulement des armes entièrement nouvelles pour le combat contre la bourgeoisie, mais aussi une position complètement différente en tant que parti officiellement reconnu. »[13] Dix-huit ans plus tard, Marx et Engels feront une déclaration publique où ils réaffirment leur position de 1847 et dénoncent les erreurs des lassalliens, qui recherchaient l’alliance du prolétariat et du gouvernement royal de la Prusse contre la bourgeoisie libérale : « Nous souscrivons aujourd’hui à chaque mot de la déclaration que nous avons faite à l’époque. »[14]
A chaque période de sa carrière politique, on voit Marx combattre inlassablement pour les libertés démocratiques : au début des années 50, aux côtés des chartistes ; pendant toute la durée du Second Empire, par des centaines d’articles antibonapartistes ; par sa lutte contre le tsarisme et contre le prussianisme qui en est l’instrument ; au cours de la guerre de Sécession, où il prit parti pour le Nord contre le Sud, pour le travail libre contre l’esclavage (en 1865, au nom du Conseil général de la Ire Internationale, il rédigea une adresse à Abraham Lincoln, rappelant qu’un siècle plus tôt l’idée d’une « grande république démocratique » avait pour la première fois jailli, donnant ainsi l’impulsion à la révolution européenne du XVIIIe siècle et faisant comprendre aux classes ouvrières que la rébellion des esclavagistes devait sonner là le tocsin d’une croisade de la propriété contre le travail). En 1871, Marx magnifia la Commune de Paris comme « le vrai représentant de tous les éléments sains de la société française, et donc le vrai gouvernement national » en même temps que « le gouvernement ouvrier », comme « le champion courageux de l’émancipation du travail », comme l’antithèse du bonapartisme et de l’impérialisme, comme « le self-governement des producteurs », un gouvernement élu au suffrage universel, responsable et révocable à tout moment. C’était « la forme politique enfin découverte pour réaliser l’émancipation économique du travail »[15].
Pour citer un dernier épisode, rappelons qu’en 1872 Marx fit exclure Bakounine de l’Internationale, car il était convaincu que l’anarchiste voulait s’en servir comme d’un paravent pour des entreprises de conspiration, où il se réservait à lui-même le rôle d’un maître absolu. Il voyait dans la société bakouninienne secrète « la reconstitution de tous les éléments de l’Etat autoritaire sous le nom de communes révolutionnaires (...) l’organe exécutif est un état-major révolutionnaire formé par une minorité (...) l’unité de pensée et d’action ne signifie rien d’autre qu’orthodoxie et obéissance aveugle. Perinde ac cadaver. Nous sommes en pleine compagnie de Jésus. »[16]
IV. La dictature du prolétariat[modifier le wikicode]
Marx ne vantait pas volontiers ses propres mérites de théoricien social. Il ne prétendait avoir découvert ni l’existence des classes sociales ni la lutte de celles-ci dans la société moderne. Il revendiquait cependant, sans hésitation, la paternité d’une démonstration originale, à savoir : 1. que l’existence des classes est liée à des phases déterminées du développement économique ; 2. que la lutte des classes aboutit « nécessairement » à la dictature du prolétariat ; 3. que cette dictature conduit à la disparition de toutes les classes dans une société régénérée.
Bien qu’il ne nous le dise pas expressément, nous sommes en droit de supposer que Marx attribuait à ces trois thèses une validité scientifique, et que la démonstration avait à ses yeux la portée d’une construction logique, empiriquement vérifiable.
Il serait aisé d’énumérer les écrits, publiés ou inédits, dans lesquels Marx a effectivement tenté, avant 1852, de « prouver » les trois thèses divulguées dans sa lettre à Weydemeyer. On y verrait comment il fait appel, avec un judicieux équilibre, à deux méthodes simultanées : d’une part, l’analyse, la description précise, l’information sérieuse ; de l’autre, la déduction, la synthèse valorisante, et donc la Sinngebung éthique.
Quant au concept de dictature du prolétariat, il est étroitement lié à une conception de l’Etat et des formes de gouvernement.
Or nous venons de montrer que Marx a fait une large place, dans sa théorie politique, aux principes de la démocratie en tant que conquête de la bourgeoisie et du prolétariat dans leur lutte commune contre l’Etat féodal. Il y voyait, sans plus, la première étape d’une lutte à poursuivre désormais, au sein même d’une société capitaliste libérée des vestiges du passé féodal, jusqu’à la « conquête de la démocratie » par la classe la plus nombreuse et la plus misérable. Légale ou violente (nous savons que Marx n’excluait pas la possibilité d’une passation de pouvoir à l’aide du suffrage universel), cette conquête ne pouvait pas ne pas conserver un caractère dictatorial propre à toutes les actions de classe. Mais cette fois, et, selon Marx, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, la dictature était en même temps la démocratie au vrai sens du terme : la destruction de l’Etat et le règne du peuple ; plus exactement : le règne de l’immense majorité sur des minorités autrefois dominantes et possédantes. Là, s'inaugure la phase de l’émancipation totale, autrement dit de l’utopie réalisée : la société sans classes. Marx le disait dès 1847, en polémiquant contre Proudhon :
La classe laborieuse substituera, dans le cours de son développement, à l’ancienne société civile une association qui exclura les classes et leur antagonisme, et il n’y aura plus de pouvoir politique proprement dit, puisque le pouvoir politique est précisément le résumé officiel de l’antagonisme dans la société civile[17][18].
Conclusion[modifier le wikicode]
Nous n’avons fait qu’effleurer le sujet, mais nous pouvons dégager de ce qui précède quelques idées générales dont voici le résumé :
1. Le concept de démocratie ne s’entend chez Marx que relativement à sa conception du développement social et par rapport aux conditions particulières de son époque. Comme théoricien et comme homme de parti, il a pris part à la lutte des classes ouvrière et bourgeoise pour les droits politiques ainsi qu’à la lutte pour l’émancipation nationale contre les régimes absolutistes et réactionnaires[19]. Démocratie, libération nationale étaient les buts à atteindre immédiatement, conditions préalables à l’établissement d’une société sans classes. Le premier but, la démocratie bourgeoise, n’était qu’un point de départ pour le mouvement autonome des ouvriers ; le suffrage universel était le moyen légal de conquérir le pouvoir politique, et ce pouvoir lui-même une étape nécessaire sur la voie de l’émancipation sociale.
L’idée de socialisme et de communisme a son origine dans l’idée d’une démocratie totale. Marx l’avait rencontrée chez Spinoza, et se souvient de la leçon pour critiquer la philosophie politique de Hegel et pour rejeter sa théorie de la bureaucratie, du pouvoir des princes et de la monarchie constitutionnelle. En adhérant au communisme, Marx ne rompait point avec sa première conception de la démocratie : il la sublimait. Dans le communisme tel qu’il l’a entendu, la démocratie est maintenue, et elle s’élève à une signification plus haute[20].
2. Le premier résultat positif de ses études philosophiques et historiques, c’est cette éthique humaniste qu’il n’a tenté que plus tard de fonder sur des prémisses scientifiques. C’est pour cet humanisme qu’il a abandonné la spéculation philosophique en faveur de la théorie sociale et de l’action politique. C’est seulement après avoir publié sa première prise de position communiste qu’il se met à l’école des grands économistes. Dans sa critique passionnée des auteurs étudiés, il se montre déjà en possession des critères qui l’autorisent à dénoncer l’« infamie » de l’économie politique.
3. La démocratie signifie pour Marx, comme pour les jacobins de sa génération, le gouvernement du peuple par le peuple. Point de départ et moyen, elle se transfigure dans la société sans classes, libérée de tout pouvoir étatique, de toute médiation politique[21]. En tant que but provisoire, la démocratie doit se réaliser contre le passé féodal et absolutiste par la lutte commune de la bourgeoisie et du prolétariat, chacun remplissant son rôle révolutionnaire spécifique. Une fois ce but atteint, le prolétariat est appelé à s’émanciper par ses propres moyens et son émancipation est celle de l’humanité tout entière. La démocratie acquiert sa véritable signification quand elle est une lutte destructive et rénovatrice. Principal combattant, le prolétariat est poussé à son action « historique » par les conditions inhumaines de son existence. La lutte de classes, ce fait historique, devient postulat éthique ; le prolétariat moderne doit s’organiser en tant que classe, conscient de sa « mission » révolutionnaire. C’est ainsi qu’Engels pouvait écrire : « Pour le triomphe ultime des idées exposées dans le Manifeste communiste, Marx se fiait uniquement et exclusivement au développement intellectuel de la classe ouvrière tel qu’il devait nécessairement résulter de l’action et de la discussion communes. »[22]
4. Ce que Marx appelle conquête de la démocratie, c’est-à-dire la conquête du pouvoir politique, est garanti par principe aux ouvriers par le fonctionnement normal de la démocratie, qui exclut théoriquement toute violence dans la lutte pour l’égalité sociale. La violence n’est pas une loi naturelle de l’histoire humaine ; elle est un résultat naturel des conflits de classes qui caractérise les sociétés où les forces de production sont devenues des forces d’aliénation sociale. Fiction juridique, la démocratie dissimule une dictature réelle, un rapport de classe exploiteuse à classe exploitée, un divorce entre les droits fondamentaux et l’oppression matérielle. L’antithèse historique et morale de ce phénomène permanent de l’histoire passée et présente, c’est le gouvernement réel de la majorité, résultat normal des conflits sociaux quand le suffrage universel se transforme, comme le dit Marx, « d’un instrument de duperie en un moyen d’émancipation »[23]. La démocratie apporte aux producteurs, organisés en syndicats et en partis, les moyens légaux de conquérir le pouvoir et d’œuvrer progressivement à la transformation de toute la société, en vue de bâtir « une association dans laquelle le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous »[24].
Si l’on fait abstraction des ambiguïtés de l’enseignement marxien, on doit convenir que la critique sociale, telle que nous avons essayé de la définir, en exprime la valeur perdurable, ou ce qu’on pourrait appeler le message. Le « marxisme » – vocable qui, autrement, désigne un concept irréalisable – n’est concevable que comme un refus des systèmes politiques contemporains, ou plus exactement comme une critique sociale fondée sur l’idée (ou le postulat) d’une démocratie libérée de l’Etat et du Capital. Si l’on entend ainsi le « marxisme », on reconnaît l’inutilité, voire la nocivité d’un terme qui a prêté à tant de confusions. Le mot est superflu si l’on adhère au sens que nous lui prêtons, par quoi il rejoint l’éthique commune au socialisme, à l’anarchisme et au communisme. Au regard de cette éthique, aucune des sociétés existantes ne peut être considérée comme libre et humaine, car toutes sont soumises, à des degrés divers, à des régimes qui sont la négation de la liberté et de l’humanité que Marx envisageait lorsqu’il parlait de démocratie.
« Il faut, écrivait Proudhon en 1840, ou que la société périsse, ou qu’elle tue la propriété. » Avec Marx, il dirait aujourd’hui : il faut, ou que la société périsse, ou qu’elle supprime l’Etat et le Capital.
Maximilien Rubel.
- ↑ Le Contrat social Volume VI n° 4, juillet-août 1962, pp. 214-220 (nous avons intégré les corrections indiquées par l'Errata publié dans le numéro suivant de la revue : Volume VI n° 5, septembre-octobre 1962, p. 310). Le Contrat social, « revue historique et critique des faits et des idées », était dirigé par Boris Souvarine.
- ↑ « Marx et la démocratie », texte 1 de la partie III, pp. 253-267 de l'édition Payot, 2000. Les changements entre les deux versions de l'article sont suffisamment importants pour justifier la présente réédition du texte de 1962. Nous ne signalons que quelques-unes des variantes, en notes entre crochets.
- ↑ [passage reformulé en 1974 : « Marx formule une conception de la démocratie beaucoup plus radicale que celle des articles publiés, quelques mois auparavant, dans la Rheinische Zeitung, pour combattre la censure prussienne. »]
- ↑ Kritik des Hegelschen Staatsrechts, in Werke, tome I, Berlin 1956, p. 231.
- ↑ Ibidem.
- ↑ Ibidem.
- ↑ Op. cit., p. 232.
- ↑ Le livre parut en 1833 (deux ans avant La Démocratie en Amérique) et connut vite trois éditions allemandes et deux traductions françaises. L'auteur s'était déjà fait un nom par un roman de valeur, Cyril Thornton, publié en 1827.
- ↑ [passage reformulé en 1974 : « Et Hamilton de risquer une prédiction dans le plus pur style marxien »]
- ↑ [passage reformulé en 1974 : « Notre propos n'est pas de soulever »]
- ↑ [passage reformulé en 1974 : « Deux concepts distincts, celui de démocratie et celui de communisme, désignent chez Marx les deux étapes d'un même mouvement, révolution politique et révolution sociale. »]
- ↑ [passage reformulé en 1974 : « il convient pourtant de souligner son caractère éthique, fondé sur la nécessité d'une prise de conscience prolétarienne. »]
- ↑ [« La critique moralisante et la morale criticisante », Deutsche Brüsseler Zeitung, 1847, Werke, IV, p. 193. (note de 1974)]
- ↑ [Lettre de Marx et Engels à la rédaction du Social-Demokrat, 3 mars 1865. (note de 1974)]
- ↑ [« Adresse du Conseil général de l'AIT sur la guerre civile en France », 1871, texte écrit par Marx pour l'AIT sur la Commune de Paris, citations traduites par M. Rubel. (note de Critique Sociale – l'édition Payot de 2000 donne par erreur la date de 1870 pour ce texte)]
- ↑ [L'Alliance de la démocratie socialiste et l'AIT, 1873. (note de 1974)]
- ↑ [Misère de la philosophie, 1847, « Economie », I, p. 135. (note de 1974 : la référence renvoie au premier tome des œuvres de Marx dans la Bibliothèque de la Pléiade)]
- ↑ L'absence, chez Marx, d'une théorie du pouvoir prolétarien rend plausible la critique anarchiste ; encore ne faudrait-il pas oublier que l'illustration historique que Marx en a donné dans l'Adresse sur la Commune de 1871 représente l'esquisse d'une telle théorie. Si Lénine a pu avoir raison contre Kautsky dans L'Etat et la Révolution, sa praxis politique fait de lui l'exécuteur testamentaire du despotisme éclairé dont Ch. Seignobos a très bien défini le programme : « Tout pour le peuple, rien par le peuple. » Marx a fait justice de la dictature éclairée, et donc du « léninisme », dès sa première passe d'armes avec Hegel, avant même d'adhérer au mouvement ouvrier. Cf. sur ce point notre article : « De Marx au bolchévisme : partis et conseils. », in Arguments, n° 25-26, juin 1962 [cet article est repris dans Marx critique du marxisme sous le titre « Partis et conseils ouvriers »].
- ↑ Cf. nos « Remarques sur le concept de parti prolétarien chez Marx », in Revue française de sociologie, n° 3 de 1961 [dans Marx critique du marxisme sous le titre « Le parti prolétarien »].
- ↑ [passage reformulé en 1974 : « Loin de rompre avec sa première conception de la démocratie, Marx, en adhérant au communisme, l'a sublimée. Dans le communisme tel qu’il l’a entendu, non seulement la démocratie est maintenue, mais elle revêt une signification plus étendue. »]
- ↑ [passage reformulé en 1974 : « Pour Marx, la démocratie signifie gouvernement du peuple par le peuple. Point de départ et moyen, elle ne prend son véritable sens que dans la société sans classes, libérée de tout pouvoir étatique, de toute médiation politique. »]
- ↑ [Préface à l'édition allemande du Manifeste communiste, 1890, « Economie », I, p. 1488. (note de 1974)]
- ↑ [Considérants du programme du Parti ouvrier français, 1880, « Economie », I, p. 1538. (note de 1974)]
- ↑ [Manifeste communiste, « Economie », I, p. 183. (note de 1974)]