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Special pages :
Le colosse de Rhodes
| Auteur·e(s) | Rosa Luxemburg |
|---|---|
| Écriture | 20 septembre 1916 |
Traduction : Editions de la tête de feuille (1972). Lettre I.
3 Le centre de gravité de l'organisation de classe est dans l'internationale ...
4 Le devoir d'exécuter les décision de l'Internationale passe avant tous les autres devoirs des organisations
(Directives)
Un vent glacé souffle sur le pays. Comme piquée par une tarentule, la dictature militaire frappe autour d'elle. Perquisitions, arrestations et procès politiques sont à l'ordre du jour à Berlin, Stuttgart, Leipzig, Hambourg, Brême. Tous les dirigeants de l'opposition, ceux qui, fidèles aux principes du socialisme international, travaillent de toutes leurs forces pour mettre fin à l'hécatombe criminelle des peuples, sont jetés en prison ou envoyés dans la glorieuse armée des « défenseurs de la patrie » Les prisons se remplissent, les magistrats, la sueur au front, forgent des accusations de trahison, les mouchards pullulent dans les rues et les lieux publics tandis que la direction du parti social-démocrate publie des tracts dénonçant des agitateurs "anonymes" que des policiers aident à distribuer dans les gares et sur les places publiques. Ainsi agonise en Allemagne la fameuse « Union sacrée ». La comédie est terminée, les masques sont tombés et les bons sentiments ne sont plus de mise. Née de l'infamie de la trahison des masses prolétariennes par les dirigeants de la social-démocratie et de l'abandon par les masses prolétariennes de leur devoir de classe, l'union sacrée finit dans l'infamie d'une croisade déclarée des dirigeants social-démocrates. Ils marchent main dans la main avec la dictature militaire contre la masse de ceux qui n'ont pas oublié leurs intérêts et leur devoir et commencent à se rebeller contre la faim, l'hécatombe et le carcan de l'état de siège .
Et comme à l'extérieur des « murs du parti », à l'intérieur, l'organisme du parti est en voie de dissolution. La tumeur de l'anarchie qui a éclaté dans le cercle de Teltow-Beeskow[1] reflète comme un miroir l'avenir du parti dans son ensemble et le sort de son prochain congrès. C'est dans ce congrès que l'opposition dite de « juste milieu » place tous ses espoirs. Les agissements de Groger et Thurow[2] aux ordres de Scheidemann-Ebert[3] ainsi que ce tract de la soi-disant « direction du parti » contre les « tracts anonymes » révèlent dans toute leur clarté sur quoi repose le plan des « jusqu'au boutistes ». Ils ont le courage du désespoir des renégats qui ont brûlé tous les ponts qui les reliaient à un passé sans tache. En soutiens délibérés du gouver-nement impérialiste , ils ont décidé, soit de faire de la ligne du 4 août[4] la politique permanente de la Social-démocratie en détachant la classe ouvrière allemande de l'Internationale socialiste pour l'atteler au char de la bourgeoisie allemande, soit de ne pas laisser pierre sur pierre du parti . Et ce plan est suivi systématiquement, avec ténacité et sans scrupule . Tandis que la dictature du sabre punit de prison, l de forteresse et de mobilisation tout élan d'opposition dans le pays contre l'hécatombe des peuples , la direction du parti s'efforce d'étouffer toute résistance à son autorité sous l'anarchie. La constitution par Groger et Thurow d'une contre-direction jaune[5] est une manifestation typique de cette politique.
A la suite des résultats de la réunion de la région Teltow-Beeskow on peut facilement prévoir ce qui va suivre si le prochain congrès du parti n'est pas constitué dans sa majorité de mamelucks serviles ou si, après une opposition croissante dans le pays, il faisait mine d'avoir une majorité peu convenable. Deux cents fantoches environ suffiraient à la direction du parti pour former un semblant d'organisation dans les plus grandes régions d'Allemagne contre la masse de plusieurs dizaines de milliers d'adhérents. S'appuyant sur ce simulacre elle pourrait s'emparer de la caisse de ces régions, propriété réelle de ces dizaines de milliers de prolétaires. Sept minables suffiraient pour constituer une « direction régionale » déconsidérée mais aux ordres des dirigeants . Dans les petites organisations il est connu que les membres importants ne tardent pas à repousser lorsqu'ils ont été amputés à la suite d'un accident. Beaucoup de reptiles reforment la queue qu'on leur a coupée. Des choses plus étonnantes encore se produisent dans la Social-démocratie allemande. Ici , un membre détaché remplace tout l'organisme , une nouvelle organisation régionale s'ajoute à une direction régionale éliminée !
On pourrait rire si la seule possibilité d'une telle forfaiture n'était toujours le symptôme caractéristique de la corruption profonde de tous les concepts démocratiques qui se sont usés avec le temps et la vie passée du parti , et si elle n'était pas l'annonce encore plus significative des égarements futurs auxquels il faut s'attendre lors des règlements de compte avec les Scheidemann et consorts.
Dans le parti il en sera de même que dans le quartier de Teltow dès qu'il essaiera d'exprimer et de propager une critique claire de la ligne du 4 août. Comme les bénéficiaires prussiens du droit de vote de trois classes[6] qui utilisent sans scrupule leur position au Landtag pour interdire toute réforme de ce même droit de vote, les Scheidemann - Ebert et leurs créatures ont décidé de profiter au maximum de leurs postes et des pouvoirs qui y sont attachés pour les conserver, et si le parti devait s'y opposer, ils le mèneraient à sa ruine dans l'anar- chie, les intrigues intestines, les dénonciations, les scissions et les rénovations fictives. Au cas où le parti oserait critiquer la politique du 4 août, serait appelé un congrès jaune composé de créatures du P.V.[7] qui tresserait des couronnes à Scheidemann-Ebert. Le parti qui oserait se donner une nouvelle direction dans l'esprit du socialisme international verrait aussitôt se former un pâle contre-parti docile à Ebert et Scheidemann . Car ils sont « inamovibles » comme Groger et Thurow. On ne peut les atteindre par voie de statuts, de résolutions démocratiques et de vote à la majorité tout comme il n'est pas possible de mettre fin à la dictature militaire, au meurtre des peuples , à la famine organisée des masses en faisant référence aux paragraphes de la Constitution, par des discours au Reichstag et des résolutions prises en meeting. Les polémiques sur la dictature de la direction du parti et de ses partisans ne sont, pas plus que les débats sur la dictature de l'impérialisme , des questions de droit, ce sont des tante et la plus urgente dont a besoin ce que l'on questions de rapports de force. Ceci doit être enfin compris. C'est la prise de conscience la plus importante et la plus urgente dont a besoin ce que l'on est convenu d'appeler l'opposition interne.
Tandis que les hommes du 4 août, malgré l'étroitesse de leur horizon politique et leurs calculs à long terme, ont une idée claire du but qu'ils poursuivent et vont tout droit dans cette direction, même si leur voie est tortueuse, la situation reste dans de larges fractions de l'opposition très affligeante. Le manque de clarté sur ses tâches réelles et la faiblesse de sa position se disputent la palme.
Récemment les camarades du parti d'un certain nombre de circonscriptions ont pris publiquement position sur les différends du parti, c'est-à-dire sur les questions décisives du socialisme. Et sous quelles formes cela s'est-il déroulé à Kiel, à Nordhausen par exemple ? Sous forme de résolutions où s'expriment l'approbation et l'accord avec le « groupe de travail » , social-démocrate. C'est là l'expression de toute opposition à laquelle les camarades des différentes circonscriptions ont été invités par les membres et les partisans du « groupe de travail ».
Mais qu'est-ce donc que la « politique du groupe positions du « groupe de travail » dont l'approbation doit être le credo des masses de militants et le mot de passe politique ? Quand cette politique a-t-elle été exprimée, formulée, motivée et publiée ?
Nous ne voulons cette fois rappeler aucun fait isolé. Mais il est évident, pour qui a suivi attentivement les dernières séances du parlement, et les camarades concernés du Reichstag le confirmeront d'eux-mêmes, qu'il n'y a aucune politique de « groupe de travail » conçue comme quelque chose de cohérent, de conséquent , de bien élaboré, de vraiment conscient du but poursuivi pour que de larges fractions du parti puissent se regrouper autour d'elle comme autour d'un axe. Plus exactement cette politique s'est acheminée jusqu'à ce jour par une succession d'essais, certes bien intentionnés mais plus ou moins heureux, plus ou moins vacillants selon les cas. C'est donc une politique encore en gestation, à proprement parler à peine ébauchée et qui réclame de façon urgente une consolidation intérieures, une clarification et une rigueur spéciales.
Jusqu'à ce jour elle aurait pu être sans défaut, malheureusement elle ne l'a pas été. Après tout comment pourrait se réduire la position politique des masses dans la situation actuelle à l'approbation ou au refus de la politique du « groupe de travail » ? N'est-ce pas- que l'on nous pardonne ce mot dur, mais c'est le seul qui convienne - n'est-ce pas une fois de plus une manifestation de ce crétinisme parlementaire qui ronge notre parti comme un can- cer depuis des années ? A l'heure actuelle, après tout et malgré tout ce que nous avons vécu, la masse des militants croit avoir dit et fait quelque chose d'essentiel en exprimant son approbation aux de travail ». Exactement com- me au début de la guerre, la soumission des millions d'ouvriers laissa le parti faire demi-tour comme une colonne prussienne sur l'ordre de 110 parlementaires, de même le retour des masses au socialisme prend la forme grotesque de l'approbation aveugle du rejet du budget au parlement. L'action parlementaire de quelques douzaines de parlementaires est donc toujours la base de l'action, la politique, l'axe de la vie, le nombril du monde ; les masses n'en sont que le chœur qui dit oui - et plus rarement encore non. Comme si le destin de la guerre et de la paix pouvait aujourd'hui encore être tranché au parlement ! Comme si l'action des parlementaires sociaux-démocrates pouvait avoir un autre sens, un autre but que d'éclairer les masses sur le fait qu'elles n'ont rien à attendre du parlement et tout d'elles-mêmes ! Les parlementaires devraient les secouer et les galvaniser dans ce sens par le mot et l'exemple ! Les murailles de la dictature du sabre et de la domination sanglante de l'impérialisme ne tomberont pas plus devant les trompettes des discours et des votes parlementaires qu'elles ne sont tombées devant les trilles timides de la flûte d'une opposition vertueuse. Seul le déploiement des forces des masses populaires peut accomplir ce miracle. Et si le vote des crédits au Reichstag est en effet devenu le point de départ et le mot de ralliement de la trahison politique de la social-démocratie, de même, mais à l'inverse, le refus des crédits au parlement n'est en rien l'alpha et l'oméga du retour à une politique socialiste. Plus exactement c'est un détail, le premier début d'une politique dont le centre de gravité se trouve hors du parlement, c'est-à-dire dans l'action des masses.
Du point de vue des partisans de la politique des Scheidemann-Ebert le consentement à la politique de la fraction officielle est en réalité une profession de foi totale et précise. Le fondement de cette politique consiste justement à faire de la classe ouvrière de la chair à canon, un troupeau docile, soumis à une poignée de parlementaires , comme cela est du reste la base de toute politique bourgeoise. Le rôle de l'autodétermination de l'opposition contre le courant du 4 août est au contraire de déplacer le lieu des décisions politiques, des chapelles parlementaires et autres « instances » vers la volonté lucide des masses et leur capacité d'action indépendante. Si pour cette raison le divorce des esprits au sein du parti des masses devait prendre forme de telle sorte que les uns approuvent la politique des Scheidemann -David[8] , les autres celle de Haase-Ledebour[9], l'opposition serait en fait un miroir déformant de la politique majoritaire. Le premier mot d'ordre d'une véritable opposition doit être bien plus prise de conscience et reconnaissance du fait que le sort de la guerre et de la paix , de l'Internationale et de la famine ne se jouera pas au parlement mais dans les usines, les ateliers et dans la rue.
A cause du consentement aveugle et sans esprit critique de la politique « du groupe de travail », rien n'a encore été fait , rien n'a encore été prévu pour une politique et une action qui soient réellement celles des masses. Les travailleurs ne doivent plus applaudir en chœur l'action d'une poignée de parlementaires, ils doivent se risquer maintenant sur la scène politique.
On devra toujours et toujours répéter aux camarades n'attendez le salut que de vous-mêmes. Ce n'est que lorsque vous oserez enfin déployer toute votre force dans des actions de masses hardies avec une énergie croissante, sans craindre les dangers ni les victimes, que vous réussirez à sauver le parti des Ebert-Scheidemann et à remporter de haute lutte la paix et la liberté sur le chaos de la bestialité impérialiste. Le sort en est jeté. Il faut franchir le Rubicon.
- ↑ Villes de la région de Berlin
- ↑ Sociaux-Démocrates de droite.
- ↑ Scheidemann et Ebert : dirigeants Sociaux-démocrates d'union sacrée. Scheidemann (1865-1939), un des principaux leaders du SPD représentant la politique de guerre de la majorité du SPD. Le 28 novembre 1918 proclama la République dont il fut le premier chancelier. L'un des promoteurs de la répression anti-spartakiste. Ebert membre de l'aile droite du parti deviendra le premier président de la République allemande jusqu'à sa mort en 1925.
- ↑ Le 4 août 1914, au Reichtag la Social-Démocratie allemande vota unanimement les crédits de guerre.
- ↑ Le 18 juin 1916 eut lieu dans la circonscription électorale de Teltow-Beeskow une assemblée générale où se dégagea une majorité d'opposition. Après l'échec de la tentative des membres du bureau Thurow et Groger de saboter la réunion, fut instituée une direction provisoire dont faisaient, entre autres, partie Hugo Eberlein, Käthe Duncker, Wilhel Pieck et Rosa Luxemburg. Cette direction fut élue lors d'une autre assemblée générale officielle le 23 juillet 1916 et ce vote ratifié par le comité central du grand Berlin. Toutefois la direction de la social-démo-cratie ne reconnut pas cette direction de Teltow-Beeskow et confirma l'ancienne (Thurow-Groger) dans tous ses droits. Le parti convoqua le 6 août 1916 une « assemblée générale décente » dans laquelle les partisans de la poli- tique du 4 août formèrent une nouvelle organisation dont Thurow et Groger prirent la tête. La direction du parti foulait ainsi aux pieds la volonté des militants.
- ↑ Vote censitaire qui favorisait les possédants.
- ↑ Partei Vorstand : Direction du parti SD.
- ↑ Social-démocrate . Président de l'Assemblée Constituante de 1919.
- ↑ Leaders du centre Social-Démocrate. Fondateurs, après l'exclusion de l'opposition du SPD, de l'USPD, avec Kautsky et Bernstein notamment. Haase : Parlementaire. Initiateur et leader du Parti Socialiste Indépendant (USPD) pendant la période de guerre. Membre du Conseil des commissaires des peuples en 1918.Mourut assassiné. Ledebour : Participa à la formation de l'USPD. Au moment de la scission après la guerre, la majorité rejoignit le parti communiste et la minorité rentra dans le SPD. Ledebour, ainsi que le frère de Karl Liebknecht, Theodor, maintinrent l'USPD devenu petit groupement.