Le chômage mondial et le plan quinquennal soviétique

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Dans la presse internationale de l'Opposition de gauche (bolcheviks-léninistes), nous avons avancé il y a plusieurs mois l'idée simple et irréfutable que les partis communistes des pays capitalistes, en liaison avec l'énorme croissance du chômage, devraient lancer une campagne d'agitation pour l'extension et l'octroi de crédits de produits industriels à l'Union Soviétique. Nous avons proposé de donner à ce mot d'ordre des formes encore plus concrètes: sur la base du Plan quinquennal (l'actuel ou un plan modifié - nous ne parlerons pas maintenant de cette question), le gouvernement soviétique déclare qu'il peut adresser aux Etats-Unis, à l'Allemagne, à la Grande-Bretagne, à la Tchécoslovaquie ou tel ou tel autre pays des commandes précises d'unités électro-techniques, de machines agricoles et ainsi de suite, à la condition de crédits pour un nombre précisé d'années.

Sous cet angle, la fiabilité pour le crédit du gouvernement soviétique aux yeux du monde capitaliste serait pleinement assurée par le développement simultané des exportations soviétiques. Dans les conditions de crédits industriels importants et bien répartis, les kolkhozes pourraient réellement acquérir une grande signification économique dans le proche avenir et le volume des exportations agricoles pourrait grandir rapidement. De la même façon, avec l'arrivée de l'étranger - à des conditions acceptables, c'est-à-dire courantes chez les capitalistes, de crédit - d'équipement industriel supplémentaire, l'exportation de pétrole, de bois, etc. pourrait considérablement augmenter. En ce qui concerne les exportations soviétiques, la conclusion d'accords planifiés pour plusieurs années serait également possible.

Le gouvernement soviétique est très directement intéressé par l'opinion détaillée de délégations ouvrières, comités d'usine et représentants des syndicats, d'un côté, et les représentants des gouvernements capitalistes et des trusts, de l'autre, sur les propositions planifiées correspondantes - bien entendu établies très strictement du point de vue technique et économique et ainsi capable de hausser aux yeux des ouvriers l'autorité du gouvernement soviétique aussi bien de cautionner, à ceux des capitalistes, les crédits demandés. Quiconque connaît la façon dont les rapports économiques de l'Union Soviétique et des gouvernements capitalistes ont été établis, ou connaît même théoriquement l'A B C de la politique économique du gouvernement ouvrier dans l'encerclement capitaliste, ne trouvera dans le plan proposé rien de contestable ni de douteux. En même temps, la nécessité et l'urgence d'une campagne énergique en faveur d'un tel plan découle presque à l'évidence du chômage actuel dans les pays capitalistes, d'un côté, du besoin aigu de crédits étrangers pour l'économie soviétique de l'autre.

Néanmoins, en ce qui concerne nos propositions, l'appareil stalinien a donné le signal: rejeter, dénoncer, condamner. Pourquoi ? Il y a deux raisons. Il n'est pas douteux que nombre de bureaucrates soviétiques considèrent qu'une éducation de cette sorte n'aidera pas à obtenir des crédits étrangers, mais l'empêchera. Que leur Sokolnikov négocie tranquillement avec Henderson et que les communistes se tiennent plutôt tranquilles pour ne pas effrayer la bourgeoisie et ne pas la braquer. Il n'est pas douteux que c'est exactement l'idée qui inspire la bureaucratie stalinienne et surtout Staline lui-même quand ils se prononcent contre la campagne que nous avons proposée. Car les augustes bureaucrates socialistes nationaux parlent entre eux avec mépris des partis communistes étrangers qu'ils considèrent comme incapables de toute action sérieuse. La foule de l'appareil, les staliniens, ont appris à ne faire confiance qu'aux sommets gouvernementaux et craignent de toute évidence l'intervention directe des masses dans les questions "sérieuses", "pratiques". C'est la raison fondamentale du rejet absurde et malfaisant de notre proposition.

Mais il existe aussi une raison supplémentaire. Les staliniens ont une peur mortelle de l'influence croissante de l'Opposition communiste de gauche dans le monde et estiment donc nécessaire de répliquer par des calomnies et des injures à chacun des mots qu'elle prononce. Semblables directives sont inévitablement diffusées dans tout l'appareil de l'I.C.

L'organe central du parti communiste de Tchécoslovaquie, Rudé Pravo a exécuté l'ordre de son mieux. Dans son numéro du 24 juin, la campagne pour les chômeurs proposée par l'Opposition de gauche tchèque est soumise à une critique qu'on ne peut qualifier autrement que d'enragée. En dépit de sa fureur, elle frappe par son impuissance. Nous allons analyser ligne à ligne objections et accusations de Rudé Pravo. Pas parce que nous nous intéressons aux fonctionnaires qui remplacent leur absence d'idées et d'arguments par l'injure grossière, mais parce que nous voulons aider les ouvriers avancés de Tchécoslovaquie à s'orienter dans une question importante et sérieuse.

Rudé Pravo dit que l'Opposition communiste de gauche tchèque exige que le gouvernement soviétique, "avec le gouvernement tchécoslovaque, élabore un plan économique pour la solution de la crise". Le journal ridiculise cette idée, qui est réellement absurde, mais qui a été inventé par les rédacteurs eux-mêmes. Le gouvernement soviétique devrait arriver à un accord avec les trusts capitalistes et les gouvernements bourgeois (au cas où ces derniers accepteraient de garantir les crédits) sur un système précis de commandes et de paiements (mais pas du tout "un plan pour la solution de la crise"). Chaque partie poursuit ses propres intérêts. Le gouvernement soviétique est intéressé par l'extension des ressources de la construction capitaliste, la possibilité de lui assurer ainsi un rythme élevé et d'élever le niveau de vie des ouvriers. Les capitalistes sont intéressés par des profits. Les ouvriers de Tchécoslovaquie, comme ceux de n'importe quel autre pays capitaliste, souffrant du chômage, sont intéressés par sa diminution. Les communistes et sympathisants ouvriers poursuivent dans ce combat un objectif différent, mais pas moins important: aider l'Etat ouvrier. Mais l'objectif de cette lutte en soi peut être compris par les cercles les plus larges et les plus arriérés de travailleurs et par conséquent aussi par ceux qui sont indifférents à l'Union Soviétique.

Quant à un plan commun "pour la solution de la crise", personne n'en parle même.

Seule une révolution socialiste peut mettre fin à la crise. Pénétrer les ouvriers de cette idée est l'obligation élémentaire des partis communistes. Mais il n'en découle pas que les ouvriers ne devraient pas mettre en avant des revendications immédiates pour la diminution du chômage et l'amélioration de ses pires conséquences. La réduction de la journée de travail est l'une des revendications les plus importantes de ce type. Avec elle viennent la lutte contre la rapace "rationalisation" d'aujourd'hui, la revendication d'une protection plus large et plus réelle des chômeurs aux dépens des capitalistes et de leur gouvernement. Peut-être Rudé Pravo est contre ces revendications L'octroi de crédits industriels à l'Etat soviétique aurait comme conséquence non de liquider la crise, mais de diminuer le chômage dans nombre de branches industrielles. C'est précisément ainsi que nous devons poser la question, ne nous trompant pas nous-mêmes et ne trompant pas les autres.

Ou peut-être Rudé Pravo a-t-il l'idée que les communistes en général ne doivent pas formuler la revendication de mesures capables d'atténuer les désastreuses conséquences du capitalisme en rapport avec les ouvriers ? Peut-être le mot d'ordre des staliniens tchèques est-il devenu "plus ça ira mal, mieux ce sera" ? C'était l'idée défendue autrefois par les anarchistes dans des temps très éloignés. Les marxistes n'ont jamais rien eu de commun avec cette position.

Mais Rudé Pravo avance l'objection que, selon notre plan, "la contradiction principielle entre l'Etat soviétique et le monde capitaliste est remplacée par leur coopération". Ce que signifie cette phrase est dur à comprendre. Si elle a un sens, ce ne peut être que celui-ci: l'Etat soviétique, pour sauvegarder les contradictions principielles, doit éviter d'avoir des liens économiques avec le monde capitaliste, c'est-à-dire qu'il ne doit ni exporter ni importer ni rechercher crédits et emprunts. Mais toute la politique du gouvernement soviétique depuis le premier jour de son existence, a eu un caractère diamétralement opposé. Elle a révélé de façon indiscutable qu'en dépit des contradictions principielles entre les deux systèmes économiques, la coopération entre eux est possible sur une grande échelle. Les dirigeants de l'Etat soviétique ont déclaré plus d'une fois que même le principe du monopole du commerce extérieur présente des avantages pour les grands trusts capitalistes dans la mesure où il assure des commandes systématiques pour un certain nombre d'années en avance. On ne peut nier que nombre de diplomates et administrateurs soviétiques se soient parfois égarés dans leur défense d'une coopération pacifique entre l'Union Soviétique et le monde capitaliste et aient présenté des arguments faux du point de vue des principes, et déplacés. Mais c'est une autre question. En tout cas, les contradictions principielles des deux systèmes économiques qui coexistent pour un temps relativement long, ne sont ni détruites, ni affaiblies par le fait qu'ils sont obligée, dans cette période de transition, de conclure des transactions économiques sur une large échelle et même parfois des accords politiques entre eux. Est-il possible qu'il existe des "communistes" qui ne l'aient pas encore compris ?

Plus loin, Rudé Pravo fait mieux encore: "le souci principal des Soviets devrait être l'élimination (?) de la crise capitaliste de sorte (!) que le système capitaliste, cette bénédiction pour l'humanité, puisse subsister". Chaque nouvelle phrase augmente son non-sens, le multiplie, l'élève plus encore. Rudé Pravo veut-il dire que la république soviétique, pour ne pas alléger la crise capitaliste, devrait renoncer à l'importation de marchandises étrangères, de la technique américaine, des crédits commerciaux allemands et britanniques, etc. Ce n'est qu'avec une telle conclusion que la phrase citée plus haut prend un sens. Mais nous savons que le gouvernement soviétique agit dans le sens opposé. En ce moment même à Londres, Sokolnikov négocie des rapports économiques avec la Grande-Bretagne, essaie d'obtenir des crédits. En Amérique, le président de l'Amtorg, Bogdanov, engage une lutte contre la fraction de la bourgeoisie qui veut rompre les relations économiques avec l'Union Soviétique et, plus encore, Bogdanov demande des crédits plus importants.

Il est clair que Rudé Pravo a fait du zèle. Elle ne frappe plus sur l'Opposition, mais sur l'Etat ouvrier. Du point de vue de Rudé Pravo, tout le travail de la diplomatie soviétique et des représentants commerciaux soviétiques semble œuvrer comme une assurance du système capitaliste. L'idée n'est pas nouvelle. Le même point de vue a été défendu par l'auteur néerlandais, feu Gorter et les dirigeants du K.A.P. allemand c'est-à-dire par des gens à l'état d'esprit utopique et demi-anarchiste, qui pensaient que le gouvernement soviétique devrait conduire sa politique comme s'il n'était pas dans l'encerclement capitaliste mais dans l'espace. En leur temps, ces préjugés ont étés sévèrement réfutés par Lenine. Maintenant, les idées de Gorter sont présentées par le journal du parti communiste tchèque comme des arguments profonds contre l'Opposition communiste de gauche.

Ces considérations revêtent un aspect particulièrement grotesque en vue du fait que le gouvernement soviétique, surtout dans la dernière période, a jugé une fois de plus nécessaire de répéter qu'il accepte même, dans certaines limites, de payer les vieilles dettes tsaristes - pourvu qu'on lui accorde des crédits. D'un autre côté, le gouvernement soviétique recrute des mineurs en chômage en Allemagne. Ne contribue-t-il pas ainsi au sauvetage du capitalisme allemand ? En répétant des phrases creuses, les fonctionnaires pseudo-communistes ferment simplement les yeux sur ce qui se passe dans le monde. Notre proposition a deux objectifs : d'abord nous voulons que les liens entre les économies soviétique et mondiale, actuellement accidentels, partiels et pas systématiques, soient inclus par le gouvernement soviétique lui-même dans le cadre d'un plan large (nous n'examinons pas cette question ici); et deuxièmement, que soient entraînés dans la lutte pour les positions économiques internationales de l'Union Soviétique l'avant-garde du prolétariat et, par elle, également les millions d'ouvriers. L'essence de la campagne que nous proposons réside dans le fait qu'il est possible de nouer par un lien neuf et ferme le besoin du gouvernement soviétique de produits étrangers, au besoin de travail des chômeurs, au besoin du prolétariat d'un allègement du chômage.

Plus loin, Rudé Pravo devient ironique: "Il est dommage que MM. les trotskystes ne nous aient pas dit sur quels principes il fallait construire le plan général tchécoslovaco-soviétique pour la solution de la crise: sur des principes capitalistes - mais ainsi on apporterait de l'aide à la victoire du capitalisme en Russie - ou sur des principes socialistes - ce qui veut dire que les trotskystes croient que les capitalistes eux-mêmes sont prêts à introduire le socialisme".

La stupidité humaine est réellement inépuisable et sa pire forme est la stupidité du bureaucrate content de lui.

Sur quels principes pourraient reposer les rapports économiques de l'Union Soviétique avec le marché mondial ? Bien entendu sur des principes capitalistes, sur les principes de l'achat et de la vente. C'est ainsi que cela s'est passé jusqu'à présent. Il en sera ainsi à l'avenir tant que les travailleurs des autres pays n'auront pas aboli le capitalisme. Et ils ne le feront pas - relevons-le entre parenthèses - tant qu'ils n'auront pas impitoyablement épuré leurs "dirigeants", chassé les bavards contents d'eux-mêmes et remplacé tous ces gens-là par des révolutionnaires prolétariens honnêtes capables d'observer, d'apprendre et de penser. Mais c'est une autre question. Nous nous occupons ici d'économie.

Mais la coopération sur des principes capitalistes ne conduit-elle pas en réalité à la victoire du capitalisme en Russie ? Il en serait ainsi si la Russie n'avait pas de monopole du commerce extérieur, doublé de la dictature du prolétariat, de la nationalisation de la terres des usines, des banques. Sans le monopole du commerce extérieur aux mains de l'Etat ouvrier, la victoire du capitalisme serait inévitable. Mais l'Opposition de gauche propose-t-elle d'abolir le monopole du commerce extérieur ? C'est Staline, avec Sokolnikov, Rykov, Boukharine et autres, qui ont essayé en 1922 de violer ce monopole. Avec Lénine, nous avons combattu pour le monopole du commerce extérieur et l'avons défendu. Bien entendu que le monopole du commerce extérieur n'est pas un remède à l'épreuve des imbéciles. Des plans économiques justes sont nécessaires, une direction juste, un abaissement systématique des coûts de production en U.R.S.S. vers ceux des coûts de production sur le marché mondial. Mais encore une fois, c'est une autre question. Nous, en tout cas, nous avons en vue des plans pour des commandes étrangères et des crédits étrangers découlant des besoins internes et des tâches de l'économie soviétique et qui doivent servir à la consolidation de ses éléments socialistes.

Et cela signifie - Rudé Pravo devient ironique - que la bourgeoisie va aider le socialisme ? Fantastique argument! Mais pourquoi apparaît-il si tard ? La majorité des machines complexes utilisées dans les usines soviétiques sont importées de l'étranger. Les trusts soviétiques ont conclu nombre d'accords avec des trusts monopoleurs mondiaux pour l'aide technique (machines, matériaux, plans, formules, etc.) L'énorme station hydroélectrique du Dniepr a été construite dans une large mesure avec l'aide de techniciens étrangers et la participation de firmes allemandes et américaines. Il pourrait donc sembler que la bourgeoisie aide la construction du socialisme. Et en même temps, le gouvernement soviétique, en faisant des achats dans des pays étrangers et en allégeant la crise, sauve le capitalisme. Il semble que les rôles aient changé. Mais en réalité ils n'ont pas changé, sauf dans la tête du fonctionnaire de Rudé Pravo. Malheureusement, on ne peut pas compter sur cette tête!

Comment sont les choses avec l'échange de "services" ? Bien entendu, la collaboration économique entre l'Etat ouvrier et le monde capitaliste fait apparaître nombre de contradictions. Mais ce sont des contradictions de la vie, c'est-à-dire qu'elles ne sont pas inventées par l'Opposition de gauche, mais créées par la réalité elle-même. Le gouvernement soviétique considère que les machines capitalistes qu'il importe renforcent le socialisme beaucoup plus que l'or dont il les paie ne renforce la capitalisme. Et c'est vrai. D'un autre côté, la bourgeoisie, en vendant ses machines, est intéressée avant tout par ses profits. Quelques capitalistes ne croient simplement pas la possibilité de construire le socialisme. D'autres n'y pensent même pas. Finalement, la bourgeoisie se trouve maintenant sous le fouet d'une crise et s'inquiète de son salut. Il faut utiliser cette circonstance pour renforcer les positions communistes parmi les chômeurs.

Apprenant de nous, pour la première fois, que la bourgeoisie, contre son propre gré, aide à construire le socialisme, Rudé Pravo s'exclame: "Dans ce cas, les trotskystes ultra-gauchistes répandent des illusions sur les développements mondiaux pires que les social-fascistes".

Dans cette phrase, à nouveau, chaque mot sème la confusion. Avant tout, nous apparaissons comme "ultra-gauchistes"! Ce que nous n'avons jamais été. Feu Gorter, mentionné plus haut, était un ultra-gauchiste et ses disciples actuels continuent à l'être. Pour eux, le commerce extérieur, les concessions, les crédits, les emprunts, etc. signifient la mort du socialisme. Rudé Pravo répète ces arguments mais pas littéralement. Tout l'article de Rudé Pravo que nous avons analysé est un exemple du plus absurde des ultra-gauchismes dirigé contre le léninisme.

Plus loin; que sont "ces illusions sur les développements mondiaux" dont nous parlons ? Des négociations économiques et des accords entre deux gouvernements sont basés sur des rapports pacifiques, mais ils sont loin de garantir de telles relations. Si la guerre éclate, tous les accords disparaissent, même entre deux Etats capitalistes. Il est clair également que si la révolution prolétarienne triomphait, disons, en Grande-Bretagne, les accords de Staline avec Mc Donald seraient balayés et remplacés par une union fraternelle entre les deux Etats prolétariens. Cependant, en dépit du caractère inévitable, des guerres et des révolutions, le gouvernement soviétique a conclu et conclut encore des accords économiques quelquefois à long terme: ainsi certaines concessions ont-elles été faites pour quatre-vingt-dix-neuf ans! Les ultra-gauchistes en concluent que le gouvernement soviétique a remis la révolution à quatre-vingt-dix-neuf ans. Nous en avons ri. Maintenant les fonctionnaires de Rudé Pravo ont tourné l'argument contre ...les trotskystes. Mais en changeant d'adresse, il n'est pas pour autant devenu intelligent.

Si Rudé Pravo considère que son devoir est de défendre les principes prolétariens dans le domaine de la politique internationale du gouvernement soviétique, pourquoi a-t-il gardé le silence quand ils ont été foulés aux pieds par la direction stalinienne actuelle ? Rappelons deux exemples parmi bien d'autres.

Après que le bloc des staliniens avec les briseurs de grève britanniques - les dirigeants syndicaux - aie profondément révélé son caractère réactionnaire, Staline et Boukharine ont expliqué au praesidium de l'I.C. que le comité anglo-russe ne pouvait nullement être rompu, car cela nuirait aux relations entre l'U.R.S.S.. et la Grande-Bretagne. Staline s'efforçait de trouver dans l'hostilité de Baldwin et Chamberlain, une couverture pour son amitié avec Purcell. Cette politique désastreuse, qui a miné des années le communisme britannique et n'a pas le moins du monde aidé I'Union Soviétique, a été, autant qu'on le sache, inaltérablement soutenue par Rudé Pravo. Et où étaient ces sauveurs des principes quand le gouvernement soviétique a adhéré au pacte Kellogg commettant en même temps un crime quant aux principes et une stupidité en oratique ? Le pacte Kellogg est une chaîne impérialiste pour les Etats plus faibles. Et le gouvernement soviétique y a adhéré en tant qu'instrument de paix. En réalité, c'est semer des illusions, estomper les contradictions, tromper cyniquement les ouvriers dans l'esprit de la social-démocratie. Rudé Pravo a-t-il protesté ? Non, il a rallié le chœur. Pourquoi le gouvernement soviétique a-t-il adhéré au pacte Kellogg ? L'espoir absurde de Staline qu'il pourrait ainsi s'assurer la reconnaissance par le gouvernement américain, les crédits, etc. Les capitalistes ont empoché l'adhésion américaine, très avantageuse pour tromper les ouvriers américains, et, bien entendu, n'ont rien donné en échange. Contre de telles méthodes de lutte pour les crédits capitalistes, les bolcheviks-léninistes mènent un combat sans concession, tandis que les fonctionnaires de Rudé Pravo rejoignent le chœur de leurs partisans. En d'autres termes, le plan de la campagne que nous proposons ne contient même pas l'ombre d'une trahison des principes en faveur de la bourgeoisie ou de la social-démocratie.

Voilà tous les arguments de l'organe central du parti communiste tchécoslovaque. Ils devraient éveiller un sentiment de honte chez tout communiste sérieux pour le niveau politique auquel a sombré la direction d'une des plus grosses sections de l'I.C.

Mais tous mes arguments pâlissent probablement devant l'argument de conclusion de l'article. Rudé Pravo déclare que toute notre proposition n'est qu'un piège et que son objectif est de masquer "la tentative réelle d'une manœuvre, à savoir rejeter la responsabilité du chômage sur l'Union Soviétique qui ne fait pas assez de commandes... au lieu de compromettre le système capitaliste, la crise industrielle est utilisée pour compromettre l'Union Soviétique".

Ces lignes semblent incroyables, mais là aussi nous citons textuellement. Si Rudé Pravo considère notre plan comme erroné, il a bien entendu le plein droit de démontrer que semblable faute peut aider la classe ennemie. Toute erreur dans la stratégie révolutionnaire du prolétariat sert la bourgeoisie plus ou moins. Tout révolutionnaire peut commettre une erreur et ainsi aider involontairement la bourgeoisie. Il faut critiquer impitoyablement une erreur. Mais accuser des révolutionnaires prolétariens de construire sciemment un plan pour aider la bourgeoisie et compromettre l'Union Soviétique, ne peut être fait que par des fonctionnaires sans honneur ni conscience. Mais cela ne vaut pas la peine de s'attarder: tout cela est trop bête. Il n'est que trop évident que tout a été fait sur ordres et ceux qui les ont exécutés sont trop misérables. Mais par ailleurs, nous devons pas oublier une minute que ces messieurs ne cessent de compromettre l'Union Soviétique et le drapeau du communisme.

Aussi nous, bolcheviks-léninistes voulons rejeter la responsabilité du chômage capitaliste sur l'Union Soviétique! Quelle idée Rudé Pravo a-t-il des capacités intellectuelles des ouvriers tchèques ? Il va sans dire qu'aucun d'eux ne pense que l'Union Soviétique puisse placer tant de commandes que cela liquiderait le chômage à l'échelle mondiale ou même à celle d'un grand pays capitaliste!

N'importe lequel de dix ouvriers rencontrés dans la rue à Prague dirait que l'idée même est absurde qu'on puisse adresser à l'Union Soviétique des revendications aussi inconcevables ou (illisible - NDE) se être compromise par des commandes "insuffisantes". Pourquoi tout cela ? A quoi cela sert-il ? C'est tout à fait l'opposé. L'objectif politique de la campagne est d'attirer au côté de l'Union Soviétique les ouvriers actuellement indifférents voire hostiles. Dans la mesure où les gouvernements et partis capitalistes, social-démocrates compris, combattent cette campagne, ils vont se discréditer aux yeux des ouvriers. Ils perdront d'autant plus politiquement que les communistes auront mené leur campagne avec plus de sérieux et de façon pratique. Quels que soient les avantages économiques, les avantages politiques au moins sont garantis. Les ouvriers entraînés dans cette campagne sur la question actuelle et pressante du chômage, seront à l'avenir aussi défenseurs de l'U.R.S.S. en cas de danger de guerre. De telles méthodes de mobilisation des ouvriers sont plus substantielles que la répétitions de simples phrases sur l'intervention imminente.

Mais nous ne cacherons pas à nos camarades ouvriers que nous ne confierons nullement la réalisation d'une telle campagne aux rédacteurs de Rudé Pravo. Ces gens peuvent mener à la ruine n'importe quelle action. Ils ne veulent pas penser; ils sont incapables d'apprendre. Mais il ne s'en suit pas qu'il nous faut abandonner les luttes de masses en faveur des intérêts de l'Union Soviétique, mais seulement qu'il faut renoncer aux dirigeants qui ne sont bons à rien. Nous abordons ici la question générale: le régime de l'I.C., sa politique, la sélection de la bureaucratie. Nous avons besoin d'une purge prolétarienne, d'un renouvellement de l'appareil, d'un renouveau du cours, d'une rénovation du régime. C'est précisément ce pour quoi combat l'Opposition communiste de gauche (bolcheviks-léninistes). L'objectif le plus immédiat de notre lutte est la régénération de l'Internationale Communiste sur la base de la théorie et de la pratique de Marx et de Lenine.