Le Problème du Labor Party

De Marxists-fr
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La question du Labor Party n’a jamais été une question de « principe » pour les marxistes révolutionnaires. Nous sommes toujours partis de la situation politique concrète et des tendances de son développement. Il y a quelques années, avant la crise de 1929 et même après, lors de l’apparition du C.I.O., nous pouvions espérer que le parti révolutionnaire, c’est-à-dire le parti bolchevique, pourrait se développer aux États-Unis parallèlement à la radicalisation de la classe ouvrière et parvenir éventuellement à en prendre la tête. Dans ces conditions, il aurait été absurde de faire une propagande abstraite en faveur d’un « Labor Party » qui n’était pas proclamé.

La situation, depuis, a néanmoins radicalement changé et nous n’aurions aucune excuse pour nous fermer les yeux devant ce fait. Les syndicats qui se développent puissamment dans les conditions de l’approfondissement de la crise du capitalisme se projetteront de façon d’autant plus irrésistible sur la voie de la lutte politique et, par là, sur celle de la cristallisation en un « Labor Party ».

Si les dirigeants officiels des syndicats, en dépit de l’appel impérieux de la situation et de la pression grandissante des masses, conservent une position réservée sur la question d’un Labor Party, c’est précisément parce que la profondeur de la crise sociale de la société bourgeoise confère maintenant à la question du Labor Party une acuité infiniment plus grande que dans les périodes précédentes.

Nous pouvons néanmoins prédire avec suffisamment d’assurance que la résistance de la bureaucratie sera brisée. Le mouvement en faveur d’un Labor Party va continuer à grandir.

Une organisation révolutionnaire qui aurait vis-à-vis de ce mouvement progressiste une position négative ou une neutralité expectative se vouerait elle-même à l’isolement et à la dégénérescence sectaire.

Le Socialist Workers Party, section de la IVe Internationale, comprend clairement le fait qu’en vertu de raisons historiques défavorables, son propre développement s’est produit avec beaucoup de retard par rapport à la radicalisation de larges couches du prolétariat américain, et c’est précisément pour cela que le problème de la création d’un Labor Party est mis à l’ordre du jour par tout le cours du développement.

Le Socialist Workers Party ne se borne pas cependant, comme le font les staliniens, les lovestonistes, etc., à un mot d’ordre abstrait en faveur d’un Labor ou d’un Farmer-Labor Party et il peut encore moins admettre des combinaisons sans principes de sommet sous le couvert de ce mot d’ordre : il met en avant un programme de revendications de transition afin de faire fructifier le mouvement de masses pour un Labor Party.

Tout en préservant sa pleine indépendance organisationnelle et politique, le S.W.P. mène systématiquement et de façon intransigeante la lutte contre la bureaucratie syndicale qui résiste à la création d’un Labor Party ou tente d’en faire une arme auxiliaire d’un des partis bourgeois. En expliquant et en popularisant son programme de revendications de transition, dans les syndicats, dans ses propres réunions, etc., le S.W.P. dénonce inlassablement, sur la base de l’expérience vivante des masses, les illusions réformistes et pacifistes de la bureaucratie syndicale et de ses alliés social-démocrates et staliniens.

Quand et comment le Labor Party sera constitué, quelles étapes et quelles scissions il va traverser, l’avenir le dira. En défendant le Labor Party contre les attaques de la bourgeoisie, le S.W.P. ne prend et ne veut pas prendre sur lui la responsabilité de ce parti. Vis-à-vis du Labor Party, à toutes les étapes de son développement, le S.W.P. maintient une position critique, soutient les tendances progressistes contre les tendances réactionnaires et, en même temps, critique impitoyablement le caractère chèvre-chou de ces tendances progressistes. Pour le S.W.P., le Labor Party devrait devenir d’une part un champ de recrutement d’éléments révolutionnaires et, de l’autre, une courroie de transmission pour influencer des cercles toujours plus larges d’ouvriers. De par sa nature même, le Labor Party ne peut conserver sa signification progressiste que le temps d’une période de transition relativement brève. L’aggravation ultérieure de la situation révolutionnaire conduira inévitablement à briser la coquille du Labor Party et permettra au Socialist Workers Party de rallier autour du drapeau de la IVe Internationale l’avant-garde révolutionnaire du prolétariat américain.