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Special pages :
Le Plenum de Juillet et le danger de droite
Auteur·e(s) | Léon Trotski |
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Écriture | 23 juillet 1928 |
Le rapport lu par Rykov le 13 juillet à la réunion des militants de Moscou sur le bilan du Plenum de Juillet du Comité Central[1] constitue un évènernent d'une importance politique capitale. C'est là une intervention, exposant un programme, du représentant le plus autorisé de l'aile droite portant son étendard, sinon entièrement déployé tout au moins déroulé à moitié. Dans son rapport Rykov ne s'est pas arrêté un instant sur le programme de l'IC ; il ne l'a même pas mentionné. Il a consacré exclusivement son exposé à la question du stockage des blés. Aussi n'est ce pas sans raisons que son rapport est celui d'un triomphateur. La droite sort entièrement victorieuse de la première escarmouche avec le centre, après 4 ou 5 mois de politique de « gauche ». Le Plenum de Juillet du Comité Central marque la première victoire ostensible de Rykov sur Staline, remportée il est vrai avec le consentement de ce dernier. L'idée essentielle du rapport de Rykov est que le déplacement qui s'est produit en Février vers la gauche, n'était qu'un épisode dû à des circonstances extraordinaires, que cet épisode doit être enterré, qu'il faut classer dans les archives non seulement l'article 107[2], mais aussi celui paru en Février dans la Pravda, qu'il faut abandonner l'ancien cours en tournant non pas à gauche, mais à droite ; et que plus ce virage se fera brutalement, meilleur il sera. Pour se frayer la route, Rykov avoue (impossible de faire autrement devant les faits accusateurs) trois de ses petites erreurs : « Premièrement au moment où la crise surgit, je l'estimais moins profonde qu'elle n'était en réalité ; mais, deuxièmement, je pensais que, grâce aux mesures extraordinaires, nous parviendrions à triompher complètement de cette crise de ravitaillement en blé. Nous n'y sommes pas parvenus. Troisièmement, j'espérais que toute la campagne du stockage des céréales se déroulerait en s'appuyant sur le paysan pauvre et en maintenant parfaitement stable la liaison avec les masses des paysans moyens. Sur ce point je me suis également trompé ».
Et pourtant toute cette crise du stockage, avec tous les phénomènes politiques qui l'accompagnent, fut prévue par l'Opposition dans ses contre-thèses[3] montrant très exactement à Rykov ce qu'il ne comprenait pas et ne prévoyait pas, C'était précisément pour éviter des mesures administratives tardives, exagérées, prises à la hâte et sans coordination, que l'Opposition proposa en temps voulu de faire aux éléments riches des villages un emprunt forcé en blé[4]. Certes, cette mesure avait aussi un caractère exceptionnel. Toute la politique précédente l'avait rendue inévitable ; si l'emprunt avait été lancé à temps et avec méthode, il aurait réduit au minimum les excès administratifs qui constituent un paiement trop élevé pour de bien modestes succès matériels. Les mesures de violence administrative n'ont en elles-mèmes rien de commun avec un cours juste. Elles sont la rançon d'une orientation erronée. La tentative de Rykov d'attribuer à l'Opposition une tendance à la Rykov, prises dans l'arsenal du communisme de guerre, est tout bonnement absurde. Dès les premiers jours, l'Opposition considéra les perquisitions dans les fermes, le rétablissement des détachements de barrage, etc., non pas comme le début du cours nouveau, mais bien comme la faillite de l'ancien. L'article 107 pour le stockage n'est pas l'instrument du cours léniniste, c'est une des béquilles de la politique rykovienne. En s'efforçant de présenter comme programme de l'Opposition les mesures administratives de désorganisation de l'économie dont il est entièrement responsable, Rykov agit comme tous les politiciens petits-bourgeois qui toujours en pareil cas excitent le paysan contre le communiste en le dépeignant comme un bandit et un expropriateur. Que signifiait le revirement de Février ? C'était l'aveu du retard subi par l'industrie, de la différenciation menaçante, dans les campagnes et du terrible danger koulak. Que fallait-il en déduire pour fixer le. nouvelle ligne de conduite ? Un changement dans la répartition du revenu national, en faisant dévier vers l'industrie une partie de celui-ci allant jusque-là au koulak, en la déplaçant du du capitalisme vers le socialisme, en accélérant le développement de l'industrie aussi bien lourde que légère. Contrairement à l'article paru en Février dans la Pravda (qui ne faisait que répéter dans cette question les arguments de l'Opposition) Rykov aperçoit la cause de la crise de stockage non pas dans le retard subi par le développement de l'industrie, mais bien dans celui de l'agriculture. Fournir une pareille explication c'est se moquer du Parti et de la classe ouvrière, c'est le tromper pour motiver un revirement vers la droite. C'est la vieille façon de poser le problème, à la manière du professeurs oustrialovistes. Il est évidemment incontestable que notre agriculture est émiettée, éparpillée, arriérée, qu'elle a un caractère barbare, que ce retard est la cause fondamentale de toutes les difficultés. Mais exiger, en se basant là-dessus, comme le fait Rykov, un déplacement, des ressources financières destinées à l'industrie vers l'économie paysanne individuelle, c'est choisir non pas simplement le chemin de la bourgeoisie, mais bien celui de la bourgeoisie agraire de la bourgeoisie réactionnaire, c'est se présenter comme une caricature soviétique des amis du peuple, des zemstvos de 1880. L'agriculture ne peut être relevée qu'avec l'aide de l'industrie. Il n'existe pas d'autres leviers.
Pourtant notre industrie retarde effroyablement sur l'économie paysanne que nous avons devant nous, émiettée, arriérée, barbare ; le retard de l'industrie se constate. non seulement par apport aux aspirations historiques générales de l'économie paysanne, mais aussi par comparaison à la capacité d'achat de celle-ci. Confondre deux questions, l'une ayant trait au retard général historique des campagnes sur les villes, et l'autre portant sur les retards des cités en face des besoins de marchandises se manifestant actuellement dans les villages, c'est capituler en abandonnant l'hégémonie des villes sur les campagnes.
L'économie générale, dans sa forme présente, est infiniment arrièrée même comparativement à l'industrie qui est très retardataire. Mais conclure que cette conséquence de l'application, pendant des siècles, de la loi du développement inégal des diverses parties de l'économie peut être vaincue ou tout au moins atténuée par la réduction des fonds déjà insuffisants destinés à l'industrialisation équivaudrait à combattre l'analphabétisme en fermant les établissements d'enseignement supérieur. Ce serait entamer la charpente même du progrès de l'Histoire. Bien que l'industrie ait un type de production et de technique infiniment supérieur à celui de l'agriculture, non seulement elle n'est pas de taille à jouer un rôle de direction et de transformation - rôle vraiment socialiste, - en face des campagnes, mais elle n'est même pas capable de satisfaire aux besoins courants du marché du village, et elle retarde ainsi le développement de celui-ci.
C'est précisément sur cette base que s'est amplifiée la crise de stockage des blés; elle ne fut nullement causée, ni par le caractère retardataire historique général des campagnes, ni par un pretendu avancement trop rapide de l'industrie. Le 15 février, la Pravda nous apprenait que trois années « n'avaient pas passé sans laisser de trace, que les campagnes s'étaient enrichies, c'est-à-dire surtout les koulaks ; en face du retard dans le développement de l'industrie, cela devait inévitablement amener la crise du stockage des blés. Contredisant, complètement cette interprétation, Rykov estime que l'erreur commise au cours des dernières années par la direction du Parti était au contraire d'avoir forcé exagérément l'industrialisation, qu'il faut en ralentir l'allure, qu'il faut diminuer sa part du revenu national, que les fonds devenus ainsi disponibles doivent être utilisés comme subsides destinés à l'économie rurale, surtout dans sa forme individuelle prédominante. C'est au moyen de pareils procédés que Rykov espère, dans un temps très rapide, faire doubler la récolte par hectare. Mais il se tait quant aux moyens permettant de réaliser sur le marché cette récolte doublée, c'est-à-dire de l'échanger contre les produits de l'industrie dont l'allure de développement. aurait encore ralenti. Il est impossible que Rykov ne se pose pas cette question. Une récolte double correspondrait à une capacité quintuplée ou décuplée, d'absorption de marchandises par l'économie rurale ; le manque, de produits industriels se verrait ainsi également multiplié plusieurs fois. Rykov ne peut pas ne pas comprendre cette corrélation si simple. Pourquoi ne nous divulgue-t-il pas alors le secret lui permettant de triompher dans l'avenir de la disproportion qui croîtra monstrueusement ? Parce que. son heure n'est pas encore venue. Pour les politiciens de la droite, les paroles sont d'argent, mais le silence est d'or. Rykov a d'ailleurs déjà dépensé trop d'argent dans son rapport. Mais il n'est pas difficile de deviner ce que vaut son or. L'augmentation de la capacité d'absorption de marchandises par l'économie rurale, en face d'un développement régressif de l'industrie, équivaut tout simplement à un accroissement de l'importation de produits fabriqués à l'étranger, destinés aussi bien aux villes qu'aux campagnes. Il n'existe pas et il ne peut pas exister d'autre voie. En revanche, la nécessité de s'engager dans cette voie unique sera si impérieuse, la pression de la disproportion accrue sera si menaçante, que Rykov se décidera à monnayer sa réserve d'or et exigera tout haut l'abolition - ou une réduction équivalente à l'abolition - du monopole du commerce extérieur.
C'est précisément le plan de droite que prévoyait notre plate-forme. Dès maintenant il est apporté ouvertement à la tribune, sinon entier, tout au moins dans une de ses parties considérables. Ainsi qu'il appert de tout le discours de Rykov, le relèvement des prix du blé est une hypothèque sur ce plan. C'est avant tout une prime au koulak. Elle lui permet d'entraîner avec plus d'assurance le encore le paysan moyen en en lui expliquant : « Tu vois, je me suis fait largement payer les dommages causés par l'article 107. C'est en luttant que nous conquerrons notre droit, comme disent nos maîtres, les socialistes-révolutionnaires ». Il faut croire que les fonctionnaires versés dans les affaires consolent les politiciens en les assurant qu'il sera possible de récupérer sur d'autres matières premières fournies par les paysans ce qui aura été payé en trop sur le blé. Mais de pareilles considérations ont un caractère nettement charlatanesque. Premièrement, l'ouvrier consomme du pain et non des matières premières utilisées par la technique ; le relèvement du prix du blé frappera donc immédiatement le budget de l'ouvrier. Deuxièmement, on ne réussira pas mieux à se rattraper sur les autres produits fournis par le paysan, si on prend la décision de faire oublier, à coups de roubles les conséquences du zigzag de gauche. En général, les manœuvres de retraite s'accomplissent avec plus de pertes que d'avantages. Ceci est d'autant plus vrai pour une retraite aussi désordonnée que celle marquée par les décisions de Juillet comparées aux résolutions prises en Février. Le relèvement des prix du blé, même envisagé comme mesure exceptionnelle, extraordinaire, comme un article 107 à rebours, dissimule en soi un énorme danger : il ne fait qu'accentuer les contradictions ayant donné naissance à la crise du stockage. Cette hausse ne frappe pas que les consommateurs, c'est-à-dire l'ouvrier et le paysan pauvre dont la récolte ne suffit pas à la consommation personnelle ; elle constitue non seulement une prime au koulak et au paysan aisé, mais elle aggrave encore la disproportion. Si les produits de l'industrie faisaient déjà défaut en présence des prix des grains, ils manqueront d’autant plus après la hausse de ces prix et l'accroissement de la quantité de blé récoltée. Cela équivaut donc à une nouvelle extension du déficit de marchandises industrielles et à une différenciation sociale continuant à s'accentuer dans les campagnes. Combattre la crise du stockage en augmentant les prix du blé, c'est entrer résolument dans la voie de la dépréciation du tchernovietz[5], en d'autres termes, c'est étancher la soif avec de l'eau salée en ajoutant du sel à cette eau. Les choses en seraient là, s'il ne s agissait que d'une mesure isolée, exceptionnelle. Mais cette hausse dans l'esprit de Rykov n'est nullement un procédé extraordinaire. Elle est simplement une des parties essentielles de la politique rykovienne de glissement vers le capitalisme. Sur ce chemin l'inflation n'est qu'un "détail technique".
Au sujet du danger d'inflation, Rykov dit d'un air significatif : « En attendant, la capacité d'achat du rouble se maintient ferme ». Que veut dire « En attendant » ? Cela signifie : jusqu'à la réalisation de la nouvelle récolte à des prix augmentés en face d'un déficit de produits industriels. Mais, quand l'inflation frappera, Rykov dira aux ouvriers, dont les salaires baisseront inévitablement "Je vous avais bien dit : en attendant". Et alors il commencera à développer la partie de de son programme sur laquelle maintenant il fait le silence. Il est impossible d'entamer la route de la Neo-NEP sans porter attente au commerce extérieur.
En même temps que Rykov triomphait, Staline, le vaincu, intervenait à Léningrad. Dans son discours réellement impotent, (on est vraiment honteux de le lire), Staline présente la prime accordée aux éléments riches des villages et prélevée sur les ouvriers et les paysans pauvres comme une consolidation nouvelle du pont unissant ville et campagne (combien y en a-t-il eu de ces consolidations ?). Staline ne tente même pas de montrer comment il pense écarter les contradictions qui l'étreignent : il vient de sortir du pétrin où l'entraînait l'article 107 pour s'empêtrer immédiatement dans la hausse des prix. Staline ne fait que ressasser des phrases gérérales sur le « pont »,. qui ont clé déjà répétées à en donner la nausée. Comme si ce problème du « pont » pouvait être résolu par une phrase, une formule, un serment, comme si quelqu'un pouvait croire (à l'exception de fonctionnaires dociles), que si la prochaine récolte est bonne. elle pourra, par miracle, combler la disproportion aggravée par les trois récoltes précédentes. Staline craint la réponse rykovienne de droite, mais il redoute aussi la solution léniniste. Staline attend. Staline tergiverse en s'occupant du déplacements de fonctionnaires. Staline perd du temps, croyant en gagner. Après le choc convulsif de Février, nous sommes de nouveau en présence du « suivisme » dans toute sa pitoyable impuissance. Le discours de Rykov a une tout autre allure. Si Staline s'esquive en se taisant, c'est qu'il n'a rien à dire ; par contre, si Rykov passe certaines choses sous slence, c'est pour ne pas trop parler. La politique de la hausse des prix du blé (surtout accompagnée de l'exposé des motifs rykoviens expliquant l'abrogation du zigzag de gauche appliqué au printemps) constitue et ne peut que constituer le début d'un changement d'orientation vers la droite, profond et peut-être décisif. Des barrières juridiques se dressant sur cette voie, comme la limitation du bail et de l'emploi de la main-d'œuvre, même comme le monopole du commerce extérieur, seront effacées d'un trait de plume bureaucratique, à moins qu'on ne se soit auparavant brisé la poitrine contre la grille de fer de l'avant-garde prolétarienne. La logique du cours de droite peut a bref délai devenir inébranlable. Toutes les illusions, tous les faux espoirs en la politique fausse de la droite, tous les calculs hasardeux en général, les pertes de temps. les atténuations des contrastes, les restrictions mentales, la diplomatie équivalent à endormir les ouvriers, à soutenir l'ennemi, à aider consciemment ou inconsciemment Thermidor. Par le discours de Rykov commentant les résolutions du Plenum de Juillet, la droite a jeté le gant à la Révolution d'Octobre. Il faut comprendre cela. Il faut relever le gant. Et il faut immédiatement. toutes les forces tendues, donner un bon coup sur les doigts de la droite. La droite en lançant son défi s'était d'avance fixée sa stratégie. Pour cela elle n'a pas eu besoin d'inventer la poudre. Rykov affirme qu'à la base des tentatives centristes de gauche, il y a « une méfiance trotskyste envers la construction du socialisme sur la base de la Nep et une panique désespérée devant le moujik ». La lutte contre le « trotskysme » est le dada favori de tous ceux qui commencent à glisser. Mais si des arguments de ce genre étaient déjà passablement stupides dans la bouche de Staline, ils deviennent une caricature piteuse dans celle de Rykov. C'est là précisément qu'il aurait dû se rappeler que le silence est d'or. Ce sont ceux-là, qui redoutaient la conquête du pouvoir par le prolétariat dans la Russie paysanne, qui en réalité sont pris de panique devant le moujik. Ces véritables froussards ont été vus de l'autre côté des barricades d'Octobre. Rykov était du nombre[6]. Quant à nous, nous étions avec Lénine et le prolétariat, car nous ne doutions pas un instant que ce dernier était capable d'entraîner la paysannerie. La politique rykovienne de 1917 n'était qu'une anticipation raccourcie de la tactique économique actuelle. A présent, il propose de rendre l'une après l'autre les positions économiques dominantes déjà conquises par le prolétariat aux éléments de l'accumulation primaire capitaliste. C'est seulement grâce aux droits que lui a conférés, en ces dernières années, la falsification de l'Histoire, que Rykov ose qualifier de panique la lutte intraitable menée par l'Opposition pour défendre la dictature socialiste ; il tente en même temps de faire passer pour du courage bolchevique sa disposition à capituler les yeux ouverts devant le capitalisme.
Maintenant Rykov dresse sa démagogie réactionnaire, entièrement adaptée à la psychologie du petit propriétaire en voie d'enrichissement, moins contre l'Opposition que contre Staline et les centristes penchant vers la gauche. De même qu'en son temps Staline retourna contre Zinoviev toutes les attaques de celui-ci contre le « trotskysme », Rykov s'apprête à présent à répéter la même opération contre Staline. Qui sème le vent récolte la tempête. Les mythes, les légendes, les mots d'ordre du « trotskysme » imaginaire ne sont pas devenus l'apanage de l'Opposition, mais certaines classes s'en sont emparés et, ainsi, ces conceptions ont eu leur existence propre. Pour pénétrer plus en largeur et en profondeur, l'agitation de Staline a dû être cent fois plus brutale que celle de Zinoviev. Maintenant, c'est le tour de Rykov. On peut imaginer quelles persécutions la droite va déchaîner en misant ouvertement sur l'instinct de propriété des koulaks. Il ne faut pas oublier que si les rykoviens formaient l'arrière-garde des centristes, ils en ont à leur tour une autre beaucoup plus pesante. Immédiatement derrière Rykov, viennent ceux qui, comme la Pravda l'ont déjà reconnue, veulent vivre en paix avec toutes les classes, c'est-à-dire veulent de nouveau exhorter l'ouvrier, le journalier et le paysan pauvre à se soumettre paisiblement au maître. Dans le rang suivant apparaît déjà le petit patron avide, impatient, vindicatif, les bras retroussés et le couteau à portée de la main; et derrière le petit patron, de l'autre côté de la frontière se dresse le vrai patron avec dreadnoughts, avions et gaz asphyxiants. « Il ne faut pas se laisser aller à la panique. Construisons comme nous l'avons fait jusqu'à présent ». Voilà ce que prêchent les petits Judas de la droite, endormant les ouvriers, mobilisant les propriétaires, en d'autres mots préparant Thermidor. Telle est maintenant la disposition des pièces sur l'échiquier; voilà quel est le véritable mécanisme faisant agir les classes. Rykov, nous l'avons déjà dit, trompe le Parti en lui racontant que l'Opposition voudrait éterniser les mesures exceptionnelles auxquelles nous sommes réduits pour notre honte, après onze années de dictature, par la politique suivie après la mort de Lénine. L'Opposition a dit nettement ce qu'elle voulait, dans ses documents adressés au Congrès. Mais Rykov a parfaitement raison quand il dit : la tâche principale des « trotskystes est de ne pas laisser triompher celle aile droite. Cela, c'est vrai. La victoire de l'aile droite serait le dernier degré conduisent à Thermidor, Après être descendu jusqu'à ce triomphe, il ne serait plus possible de remonter à la dictature en appliquant seulement les méthode de réforme du Parti. L'aile droite est le crochet sur lequel tirent les classes ennemies. Le succès de cette aile serait simplement une victoire provisoirement dissimulée de la bourgeoisie sur le prolétariat. Rykov a raison : actuellement, notre tâche principale est de ne pas laisser triompher l'aile droite. Or, pour cela il faut non point endormir le Parti comme le font les Zinoviev, les Piatakov et consorts, mais bien sonner l'alarme avec une force dix fois plus grande sur toute la ligne. Nous disons à notre Parti et à l'Internationale Communiste : Rykov commence à rendre ouvertement la Révolution d'Octobre aux classes adverses.
Staline se repose tantôt sur un pied, tantôt sur l'autre ; il bat en retraite devant Rykov et frappe la gauche. Boukharine brouille la conscience du Parti en l'emmenant dans la voie de la scolastique révolutionnaire. Le Parti doit élever la voix. L'avant-garde prolétarienne doit prendre son destin entre ses mains. Le Parti doit discuter largement sur les trois cours : droite, centre et léniniste. Le Parti a besoin de réintégrer l'Opposition dans ses rangs. Le Parti a besoin d'un Congrès honnêtement préparé et honnêtement convoqué.
- ↑ Le Plenum du Comité Central du P.C. de l'U.R.S.S. qui se tînt en juillet 1928 fut consacré aux difficultés économiques et au congrès de l'I.C. qui devait avoir lieu immédiatement après. Une lutte acharnée se produisit à ce Plenum, ou plus exactement dans les coulisses de celui-ci, entre les fractions de Staline et de Rykov. Comme on le voit d'après la lettre, ce fut en fait la droite qui l'emporta, ayant à sa tête Rykov et Boukharine. (Note de Contre le Courant.)
- ↑ L'article 107 du Code pénal prévoit la lutte contre l'agiotage et contre la dissimulation frauduleuse de marchandises en surplus. Cet article fut largement appliqué au printemps dernier en tant que mesure exceptionelle pour enlever le blé aux paysans. (Note de Contre le Courant.)
- ↑ Il s'agit ici des contre-thèses que l'Opposition dressa contre les thèses officielles présentées par le Comité Central au XV° congrès du Parti. Ces contre-thèses, parues à l'époque dans les pages de discussion de la Pravda, étaient consacrées aux questions de la politique du Parti dans les campagnes et du plan quinquennal du développement de l'industrie. (Note de Contre le Courant.)
- ↑ Prévoyant les difficultés imminentes du stockage des blés, l'Opposition proposait dans sa plate-forme un emprunt forcé en blé à appliquer aux éléments riches des villages pour obtenir 150-200 millions de pouds de céréales (Note de Contre le Courant.)
- ↑ Monnaie d'alors de l'Union Soviétique (note MIA)
- ↑ Rykov était en 1917 parmi les adversaires les plus résolus de la prise du pouvoir. Désigné pour être du gouvernement après la révolution d'Octobre, quelques jours après, il désertait avec Zinoviev et Kamenev.
Au moment où les menchéviks et les socialistes-révolutionnaires entamèrent ouvertement la lutte contre le gouvernement soviétique qui venait de se constituer, Rykov, Kamenev et Zinoviev exigèrent en fait que l'on capitulât devant eux en formant avec eux un gouvernement de coalition.
Quand le Comité Central refusa de consentir à la constitution d'un pareil gouvernement, ils annonçèrent leur démission du Comité Central : Rykov, avec quelques autres abandonèrent les postes de gouvernement qui leur vaiet été confiés par le Parti. (Note de Contre le Courant.)