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Le 21e Anniversaire
La révolution de février a été déclenchée par les ouvriers et les soldats, c’est-à-dire les paysans sous les armes. Le coup mortel a été porté au tsarisme par les ouvriers de Saint-Pétersbourg. Mais ils ne savaient pas que ce coup était mortel. Il arrive souvent que les opprimés ne puissent jouir des fruits de leur victoire parce qu’ils ne réalisent pas son importance. Le pouvoir, que les masses révoltées ont été incapables de prendre, tomba entre les mains d’une coalition de libéraux, de mencheviks et de « socialistes révolutionnaires », c’est-à-dire de la bourgeoisie et de la petite-bourgeoisie. C’était le « Front populaire » classique de l’époque.
Staline disait et écrivait : « Il nous faut soutenir le Gouvernement provisoire parce que... » Lénine arriva de l’étranger et déclara : « Le moindre soutien au Gouvernement provisoire est une trahison. » Staline dit à la conférence bolchevique de mars : « Il faut nous unifier avec le parti de Tséreteli (les mencheviks). » Lénine déclara : « Toute idée d’union avec les mencheviks défensistes et une trahison. »
La véritable politique bolchevique commença après l’arrivée de Lénine (4 avril 1917), avec son opposition irréductible au « Front populaire » de février. L’idée en était d’unir tous les opprimés, tous les exploités, contre la bourgeoisie impérialiste « démocratique », soutenue par les mencheviks et les « socialistes révolutionnaires » (social-patriotes). Lénine cherchait l’unité des masses révolutionnaires sur la base de la lutte des classes, pas l’unité de phraseurs « socialistes » avec les capitalistes libéraux pour duper les masses. Celui qui ne comprend pas la différence entre ces deux formes d’ « unité » doit être balayé du mouvement ouvrier.
Pendant les mois critiques de la révolution, les partis du « Front populaire », écrasés par la pression des masses révolutionnaires, les libéraux, mencheviks et « socialistes révolutionnaires » ne trouvèrent pas d’autre moyen de se défendre que la calomnie la plus basse contre les bolcheviks. Les accusations de relations avec l’état-major allemand, de liens avec les Cent-Noirs et les pogromistes (les fascistes de l’époque) pleuvaient comme d’une corne d’abondance. La racaille du Kremlin et ses agents internationaux n’ont rien inventé : ils n’ont fait que développer dans des proportions gigantesques les calomnies de Milioukov, Kerensky et Tséreteli.
La révolution d’Octobre fut la victoire du bolchevisme, c’est-à-dire du parti des ouvriers et des paysans les plus pauvres, sur le « Front populaire », c’est-à-dire les partis de la bourgeoisie libérale, les mencheviks et les « socialistes révolutionnaires », qui étaient indissolublement liés à l’impérialisme « démocratique » de l’Entente.
Aujourd’hui, tout philistin qui se considère comme un « ami de l’U.R.S.S. » traite de « contre-révolutionnaire » la coalition de février. Mais les cadets, les mencheviks et les « socialistes révolutionnaires » n’étaient contre-révolutionnaires qu’en référence à la révolution bolchevique, c’est-à-dire socialiste, mais ne l’étaient pas en référence à la monarchie, au fascisme de l’époque ou à la dictature des généraux. Si on traduit les concepts politiques de cette époque en termes contemporains, il faudra dire que Lombardo Toledano est, au mieux, une caricature de Kerensky et que Laborde est beaucoup plus loin du marxisme que les mencheviks ne l’étaient pendant la révolution de février.
Les Kerensky du monde entier étaient les ennemis irréconciliables de la révolution d’Octobre. Les ouvriers révolutionnaires du monde entier étaient ses amis. Des amis salariés, il n’en existait pas. Il n’était pas possible de faire carrière grâce aux relations amicales qu’on pouvait entretenir avec l’U.R.S.S. Il n’était pas possible de se rendre en U.R.S.S. autrement que de façon clandestine. Certains qui s’y essayèrent trouvèrent la mort, abattus par les garde-frontières ou noyés pour avoir tenté la traversée, la nuit, sur une simple barque. C’étaient de véritables amis.
Pour pouvoir faire de Lombardo Toledano et de ses pareils des « amis » stipendiés de l’U.R.S.S., il a fallu que la bureaucratie soviétique opprime les masses et s’empare de la totalité du pouvoir et des moyens de contrôle de toutes les richesses du pays; il a fallu, en d’autres termes, que la révolution prolétarienne fasse place à la réaction thermidorienne. En France, les carriéristes thermidoriens qui s’étaient enrichis dans la révolution haïssaient les Jacobins honnêtes. L’actuelle bureaucratie, ainsi que ses amis étrangers, hait les véritables révolutionnaires prolétariens. Pour justifier cette haine devant les masses, ces carriéristes doivent calomnier ceux qui sont restés fidèles au programme de la révolution d’Octobre. La bureaucratie soviétique paie ces calomnies en soutien, en publicité, et souvent aussi en or pur. Le résultat est que Trotsky, Zinoviev, Kamenev, Rykov, Boukharine, Piatakov, Sokolnikov, Sérébriakov, Smirnov — tous camarades de combat de Lénine —, Toukhatchevsky, Egorov, Blucher, Mouralov, Iakir, Mratchkovsky, Ouborévitch, Gamarnik — tous héros de la guerre civile — sont des traîtres, et qu’il s’avère que les fidèles défenseurs de la révolution d'Octobre sont le procureur de Moscou Vychinsky et l’avocat mexicain Toledano.
A la veille du 21e anniversaire, la politique soviétique à l’intérieur et à l’extérieur, la politique du Comintern se sont révélées dans toute leur pourriture et leur folie. A l’intérieur, il a fallu exterminer entièrement le parti bolchevique et organiser une déification honteuse du Chef Adolf Staline pour soutenir le régime instable de la dictature bureaucratique. En politique extérieure, après des capitulations injustifiées et humiliantes, l’U.R.S.S. est plus isolée que jamais. Enfin, la politique internationale du « Front populaire » a mené la révolution espagnole à la ruine et la France au bord du fascisme. Aux yeux du prolétariat international, le Comintern est une méprisable et lamentable faillite.
Comme on pouvait s’y attendre, Moscou est en train d'essayer d’opérer une nouvelle volte-face. A la grandiose, mais parfaitement obligatoire, manifestation sur la Plage Rouge le 7 novembre, les journalistes étrangers présents ont été surpris d’entendre des clameurs, depuis longtemps oubliées, en faveur de la révolution mondiale... Staline veut terroriser ses ennemis par ses hurlements. Comme il n’a pu rien obtenir par la flatterie la plus grossière, il espère prendre les impérialistes par la peur. Pauvre tentative d'un intrigant sans honneur! Pour faire une politique révolutionnaire, il faut des partis révolutionnaires. Il n’y en a pas. Il n’a pas été facile de transformer les sections des jeunesses du Comintern en cliques de carriéristes complètement dépravés, par les moyens de la pression bureaucratique, de la tromperie, de la calomnie, de la violence, de la corruption et de l’assassinat. Mais ce travail a été fait. En quinze ans on peut transformer une organisation révolutionnaire en un tas de fumier. Mais on ne peut en sens inverse transformer un tas de fumier en un précieux métal révolutionnaire, simplement parcequ'on le désire. Après la « troisième période » de grimaces ultra-gauchistes, nous nous sommes trouvés devant la « quatrième période » de servilité honteuse devant l’impérialisme « démocratique ». La tentative actuelle d'entamer une « cinquième période » — de gesticulations révolutionnaires et de bluff à retardement — s'achèvera par un fiasco plus cruel encore. Le terrible dictateur commencera bientôt à avoir l’air d’un épouvantail d’arrière-cour.
Sur la voie de la bureaucratie et du Comintern, il n’y a pas d’issue, aucun rayon d’espoir. L’avant-garde ouvrière doit en finir avec la bureaucratie soviétique et le Comintern. Seule une insurrection du prolétariat soviétique contre la tyrannie infâme des nouveaux parasites peut sauver ce qui subsiste encore, dans le fondations de la société, des conquêtes d’Octobre. Seule la révolution prolétarienne dans les pays capitalistes avancés peut aider les travailleurs russes à construire une véritable société sur les fondations jetées en Octobre. C’est en ce sens, et en ce sens seulement, que nous défendons la révolution d'Octobre contre l’impérialisme, fasciste ou démocratique, contre la bureaucratie stalinienne et contre ses « amis » appointés.