La vie économique en Russie

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L'Activité Commerciale[modifier le wikicode]

Ce qui frappe actuellement l'étranger qui voyage en Russie Soviétiste, c'est l'activité commerciale à Moscou et dans d'autres villes russes, qui lui paraît présenter un étrange contraste avec le système de communauté de biens sous le communisme. Il est absolument nécessaire d'insister sur ce fait que la période de la dictature du prolétariat ne représente pas encore le Communisme. Pendant cette période de transition, le commerce, avec quelques restrictions, est donc parfaitement admissible.

Il est vrai qu'il y a un an l'activité commerciale en Russie n'avait pas la même ampleur qu'aujourd'hui. Cela s'explique par le changement introduit dans la politique économique de la Russie Soviétiste, par l'abolition du monopole d'Etat sur tous les produits agricoles et par l'introduction d'un impôt en nature consistant en un prélèvement déterminé de ces produits. Le système du monopole était basé sur la conception que les paysans donneraient tout le surplus de leurs produits à l'Etat, ne gardant que la quantité indispensable à la subsistance de leurs familles. En même temps, l'Etat prolétarien devait mettre à la disposition des paysans tous les produits dont ils avaient besoin. Sous ce système, tout le commerce légal était impossible, puisque tous les excédents appartenaient à l'Etat Au contraire, avec le système de l'impôt en nature qui existe maintenant, le paysan ayant payé l'impôt peut disposer de ses produits à sa guise. Ainsi, le commerce peut se faire par échange du surplus des produits agricoles contre les produits de la petite industrie non socialisée.

Il est fort naturel qu'on se demande pourquoi la Russie Soviétiste n'avait pas adopté ce plan dès le commencement et surtout pourquoi on avait introduit le système du monopole d'Etat. C'est que tant que la Russie fut obligée de faire la guerre, l'Etat fut obligé d'exiger tout de la population agricole afin de nourrir l'armée et les habitants des villes.

Le monopole d'Etat sur tous les produits des paysans était donc imposé par la guerre et n'eut plus de raison d'être aussitôt que la paix fut rétablie. Pendant que la Russie était menacée par l'ennemi extérieur, on pouvait faire comprendre aux paysans pourquoi ils devaient donner tout leur surplus à l'Etat. Les paysans se soumirent (volontairement dans la plupart des cas) à cette nécessité, parce que combattre l'ennemi extérieur c'était non seulement défendre l'Etat Soviétiste et la dictature du prolétariat, mais encore défendre la terre récemment acquise. Les paysans comprenaient parfaitement que si Denikine, Wrangel et Koltchak renversaient le Pouvoir des Soviets, les gros propriétaires reprendraient leurs anciennes terres partagées par la Révolution.

C'est d'ailleurs cette idée qui maintint des millions de paysans dans l'Armée rouge comme combattants pour un Etat prolétarien pour lequel ils n'avaient que fort peu de sympathie.

Le monopole d'État devait cesser avec la guerre de défense nationale, d'autant plus que ses résultats économiques défavorables se faisaient sentir de plus en plus. Il avait produit l'anomalie suivante : le paysan était de fait le propriétaire de sa terre et de tous ses produits, et en même temps il ne pouvait garder que la portion nécessaire aux besoins de sa famille. Par conséquent, tout encouragement à produire davantage était supprimé. De cette manière, on peut expliquer pourquoi la surface cultivée commença a diminuer depuis 1916 (le monopole des grains ayant été déjà introduit sous le régime tsariste).

Le seul moyen d'empêcher cette réduction et aussi la tendance à reprendre les formes démodées d'exploitation privée des propriétés économiques, c'était d'abolir le monopole et de fournir aux paysans la possibilité d'augmenter leur revenu par un labour plus intense.

Voilà quel est le sens économique de ce changement. L'Etat prolétarien veut sans doute empêcher le développement trop étendu du commerce. Cela se fait de deux manières : 1° par le monopole des moyens de transport et de locomotion ; et 2° par l'aide donnée aux sociétés de consommateurs qui sont toutes désignées pour distribuer le surplus des paysans aux habitants des villes, sans autres intermédiaires, et en échange de produits industriels.

Ainsi l'abolition du monopole et l'introduction de l'impôt en nature ne représentent pas un pas en arrière, comme l'assurent les mencheviks de tous les pays, mais tout bonnement l'abolition d'un système nécessité par la guerre et qui n'eût plus de raison d'être aussitôt que la paix fut rétablie.