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Special pages :
La situation internationale et intérieure de l’Union soviétique
Auteur·e(s) | Nikolaï Boukharine |
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Écriture | janvier 1927 |
Le Bureau d’édition publie en brochure une autre traduction, sous le titre La situation extérieure et intérieure de l’URSS en 1927, dont le recueil BOUKHARINE, Le socialisme dans un seul pays, UGE, 10/18, 1974, pp. 211-225, donne seulement un extrait sur les prix.
W. Hedeler recense 5 publications en brochure : en allemand (1369), en russe (1380, 1383 et 1394) et en français (1395). Il donne 5 publications dans la presse : le rapport paraît dans Pravda, n°10 de 1927 (1447), Inprecor, en anglais (1420) et IPK, en allemand (1423). Le discours de clôture est signalé seulement en anglais (1494) et en allemand (1495).
Ce fichier regroupe les 4 documents disponibles : les deux parties du rapport, le discours de clôture et, en complément, l’extrait de la brochure du Bureau d’Edition republié en 1974.
Discours prononcés par N. Boukharine à la XVe Conférence de la région de Moscou du PC de l’URSS
Rapport[modifier le wikicode]
I. Les intérêts commerciaux et la peur de la révolution. Les préparatifs de l’attaque contre l’Union Soviétique[modifier le wikicode]
Première partie du rapport, publiée dans le n°14 de La CI
1° Les problèmes des marchés et du profit — Le « problème russe »[modifier le wikicode]
Personne n’ignore que les relations des Etats capitalistes avec l’Union Soviétique sont déterminées par deux facteurs principaux : par la nécessité, relative, certes, des Etats capitalistes de maintenir les relations commerciales avec nous ; 2° par la crainte de voir notre Union Soviétique devenir un facteur par trop puissant et efficace, pouvant enflammer, attiser et organiser le processus révolutionnaire prolétarien international ainsi que la révolution coloniale des peuples subjugués. Si cette manière de poser la question est juste pour la période entière de notre existence et de la présence simultanée d’une ambiance capitaliste, il n’est pas moins vrai que ces deux facteurs, ainsi que l’attitude pleine de contradictions des pays capitalistes vis-à-vis de ces questions, se révèlent, dans la période actuelle de développement, avec une plus grande acuité qu’auparavant. On en trouve l’explication dans le fait que la question économique capitale du monde capitaliste consiste actuellement dans le problème des marchés devenu d’une acuité extrême. Or, le problème des marchés est le problème économique le plus important du capitalisme pour maintenir la stabilisation partielle dans les principaux pays capitalistes dont nous avons tant parlé ces derniers temps.
Il suffit de jeter un regard sur la situation d’une série de pays capitalistes pour reconnaître sans difficulté l’urgente et impérieuse nécessité, pour la production capitaliste, de trouver des débouchés, d’acquérir de nouvelles sources de matières premières et de nouvelles possibilités pour placer l’excédent de capitaux. Prenons, par exemple, le pays impérialiste le plus puissant, les Etats-Unis de l’Amérique du Nord. Nous y voyons un phénomène dénommé « dégénérescence dorée » et qui désigne l’état d’une suraccumulation de capitaux disponibles telle qu’elle dépasse de beaucoup toutes les phases d’évolution antérieures du capitalisme américain. Pour donner une illustration partielle, il est vrai, mais cependant très caractéristique de la conjoncture des Etats-Unis, nous rappellerons la baisse formidable des prix du coton et la recherche de nouveaux marchés découlant de cette baisse unique dans l’histoire. Cette surproduction de coton représente un des plus grands et plus importants phénomènes de la situation économique actuelle.
Dans les pays européens, nous remarquons comme phénomène économique le plus important, un « rétrécissement » extraordinaire des marchés intérieurs, en même temps qu’un accroissement de la capacité de production de l’appareil industriel, ce qui conduit au ralentissement du travail dans les entreprises industrielles. Cette situation oblige la bourgeoisie des pays capitalistes à rechercher une issue conforme.
Ces recherches s’expriment surtout par l’offensive intensifiée contre la classe ouvrière, la rationalisation et la centralisation de la production, la concentration en entreprises immenses, intimement liées les unes aux autres, à la manière de trusts, où chaque étape d’organisation et de centralisation de l’industrie est complétée, en quelque sorte, par un partage « rationnel », des marchés pour autant qu’un tel rationalisme soit possible dans les cadres de l’économie capitaliste. Ce processus de trustification et d’accords sur l’attribution des marchés dépasse même le cadre national des pays capitalistes. Nous sommes témoins d’une foule de tentatives ayant pour but l’élaboration de cartels et de trusts internationaux dont le premier est le « Cartel de l’acier ».
Dans la lumière de ce grave problème des marchés, nous devons également aborder le soi-disant « problème russe », c’est-à-dire savoir ce que la bourgeoisie capitaliste pense actuellement de nous et ce qu’elle a l’intention de faire vis-à-vis de nous.
Pour illustrer, dans une certaine mesure, la « question russe » telle qu’elle est vue par les capitalistes, je dois revenir au discours d’un des plus grands industriels allemands, le président de la Société Générale d’Electricité (A. E. G.), M. Deutsch, discours qu’il a prononcé aux derniers jours d’octobre 1926 à la séance du « Comité d’information » franco-allemand. A ce Comité appartiennent les industriels les plus influents de France et d’Allemagne, ainsi que certains grands savants et écrivains des deux pays. Ce Comité s’occupe spécialement des questions du rapprochement franco-allemand, c’est-à-dire, en première ligne, des questions d’ordre économique. Les passages du discours de M. Deutsch relatifs à l’Union Soviétique sont extrêmement intéressants. J’ai essayé de les résumer sous forme des thèses et j’y ai trouvé le sommaire intéressant d’idées équivalentes que voici :
1° « Nous faisons des affaires excellentes avec la Russie »;
2° « La Russie paie ponctuellement dans ses relations avec nous » ;
3° « Si nous — c’est-à-dire les Français et les Allemands — ne finançons pas l’industrie croissante de Russie, celle-ci le sera par l’Amérique »,
4° « Les sources de matières premières de Russie sont immenses et ressemblent beaucoup à celles d’Amérique » ;
5° « Il s’agit de profiter de ces sources de matières premières immenses et, ici, il tant compter avec de très longues perspectives puisqu’il est hors de doute que la Russie reconstruira son industrie pour la production d’articles de consommation, tandis que les « meilleures marchandises » (Deutsch comprend sous ce terme les moyens de production), comme ce fut toujours le cas, seront importées des autres pays européens en Russie ».
En d’autres termes : d’après le plan de la bourgeoisie allemande ou, tout au moins, d’une fraction de cette bourgeoisie, représentée par le président de la Société Générale d’Electricité, nous voyons que la bourgeoisie allemande espère trouver un grand marché dans l’Union Soviétique à la condition que nous ne produisions pas nous-mêmes nos moyens de production.
Il me semble que ce discours de M. Deutsch est extrêmement caractéristique puisqu’il nous donne une formule assez claire de ce que les milieux de la bourgeoisie, qui, plus que tous les autres, sont intéressés au marché mondial et à la consolidation des relations économiques avec nous, espèrent obtenir de nous, et de l’attitude qu’ils veulent prendre à notre égard. Il est compréhensible que la tentative des milieux capitalistes, qui veulent trouver dans l’Union Soviétique un domaine pour placer leurs excédents de capitaux (surtout un débouché pour leurs marchandises) et, de plus, obtenir chez nous certaines sources de matières premières, est extrêmement forte, si l’on considère que maintenant, tant en Europe occidentale qu’en Amérique, le problème des marchés se pose de la façon la plus impérieuse. Et il n’est pas moins évident que ce calcul découle non seulement des besoins de l’heure présente, au sens étroit de ce mot, mais aussi d’une longue perspective historique bien déterminée. S’il y a encore actuellement certains éléments, aveuglés par la haine et la rage contre l’Union Soviétique qui estiment, après comme avant, que tout va à l’abîme chez nous, les milieux dirigeants des Etats bourgeois, grâce aux renseignements minutieux qu’ils détiennent de leurs postes d’informations économiques compétents, savent très bien que les choses ne vont pas si mal que cela chez nous. La bourgeoisie n’ignore point du tout que nous évoluons vers un essor relativement puissant et que, par conséquent, nous devons être considérés comme consommateurs des marchandises qui nous sont fournies par l’Europe occidentale et qui concernent, en première ligne, notre équipement industriel.
2° L’Union Soviétique rempart de la révolution mondiale[modifier le wikicode]
Cette perspective de « bonnes affaires commerciales » avec nous est devant les yeux de la bourgeoisie étrangère aussi bien que l’autre perspective, triste du point de vue bourgeois, car l’Union Soviétique est un facteur révolutionnaire formidable, attisant la révolution internationale, il est vrai qu’il y a, encore actuellement, certaines couches de la bourgeoisie qui espèrent que nous allons « dégénérer », que nous nous « laisserons absorber par les riches paysans », que nous nous « koulakiserons ». Ces espoirs ont flamboyé d’une façon particulièrement intense dans le monde bourgeois lors de l’entrée en scène de notre opposition qui a enflammé grandement le bûcher des espérances bourgeoises. Cependant, il existe de durs faits qui obligent la bourgeoisie à chasser ces douces pensées, à se placer, à sa manière, « sur le terrain de notre Comité Central » et à reconnaître le rôle révolutionnaire décisif de l’Union Soviétique dans le monde capitaliste international qui nous environne. Il est impossible de ne pas remarquer cette influence immense qu’exerce l’Union Soviétique sur le développement de la révolution chinoise ainsi que sur le développement d’autres mouvements émancipateurs en Orient. Car, d’aucune façon, on ne peut nier ou cacher le fait que la classe ouvrière de notre pays — précisément parce que nous sommes un pays de la dictature du prolétariat — a soutenu les mineurs britanniques comme aucune autre classe ouvrière. Impossible aussi de dissimuler le fait, que les larges couches de la classe ouvrière de l’Europe occidentale qui nous envoient des délégations, se persuadent que nous sommes la véritable citadelle de l’édification socialiste. Tout l’ensemble de ces faits exerce une certaine réaction sur les milieux bourgeois. La bourgeoisie se fait de nous autres une opinion double, remarquablement contradictoire. D’une part, elle voit dans notre pays le plus grand marché qui, précisément actuellement, est bien plus alléchant qu’il ne l’a jamais été et qu’elle désire combler de marchandises capitalistes. A cela, s’oppose cependant une série d’autres faits qui chatouillent désagréablement le tympan de la bourgeoisie capitaliste : le puissant mouvement en Chine, la sympathie de plus en plus grande de la classe ouvrière internationale pour l’Union Soviétique, le secours accordé aux mineurs anglais, en un mot, l’Union Soviétique, la citadelle de la révolution internationale. Cette contradiction existait, existe aujourd’hui et continuera à exister tant que l’Union Soviétique sera environnée d’un monde capitaliste. Et il en sera de même de ce ballottement bourgeois entre les deux perspectives : entre les intérêts commerciaux et la crainte de la révolution.
3° L’inconstance allemande et la politique de guerre anglaise[modifier le wikicode]
Je souligne cependant que les contradictions inhérentes à cette double façon de poser la question s’accentuent maintenant et, notez-le bien, précisément en ce moment. Et c’est cette manière de poser la question des deux perspectives, qui sépare actuellement les différents groupements au sein de la bourgeoisie. Vous savez tous très bien que l’Allemagne représentait, après la guerre, la tendance la plus pacifique vis- à-vis de nous et que le fait que l’Allemagne était exposée, passagèrement, à l’oppression, à l’humiliation, au pillage direct par les Etats impérialistes, y a joué un rôle immense. Je souligne, du reste, que notre parti aussi bien que tous les autres partis communistes, étant donnée la situation spéciale de l’Allemagne, ont cru possible, et d’ailleurs à juste raison, de défendre une Allemagne même bourgeoise contre sa violation par les Etats impérialistes.
Lénine exprimait, encore pendant la guerre mondiale, la possibilité d’une perspective pouvant résulter de la fin de la guerre mondiale par la débâcle d’un quelconque des Etats impérialistes florissants, d’une perspective où cette nation, même sous le régime bourgeois, pourrait se trouver dans une situation radicalement différente de celle qu’elle occupait pendant la guerre impérialiste. C’est précisément en pensant à la possibilité d’une telle éventualité que Lénine a cru possible une guerre de libération nationale contre la domination de l’impérialisme. J’estime que tel fut le cas de l’Allemagne après la fin de la guerre impérialiste. Partant de ce principe, l’Etat soviétique pouvait exprimer à juste raison sa sympathie à l’Allemagne subjuguée et tous les partis communistes pouvaient soutenir ce pays, même sous les conditions du régime bourgeois, contre les Etats impérialistes. Cela pouvait et devait se faire parce que l’Allemagne était un pays complètement isolé dont la lutte n’était motivée par aucun intérêt impérialiste, par aucune tendance impérialiste. Et si, actuellement, certains politiques de l’Allemagne bourgeoise, ses porte-paroles social-démocrates et les renégats extrême-gauchistes du communisme, essayent de présenter notre attitude dans cette question comme une sorte de péché ou de vice, alors nous pouvons déclarer encore une fois du haut de cette tribune que le parti communiste de notre pays et l’Etat soviétique dirigé par le parti communiste, seront toujours et partout du côté de tous les opprimés, de tous les subjugués et même des Etats nationaux-bourgeois au cas où ceux-ci seraient attaqués de tous côtés par les brigands impérialistes. Voilà notre ligne ! C’est cette ligne que nous avons réalisée, que nous réaliserons également si des cas semblables se présentent à l’avenir
Il est évident qu’en ce moment les choses se présentent tout autrement. L’Allemagne a réussi à reprendre force et à se relever de l’abime dans lequel elle était tombée il y a quelques années. Aujourd’hui, l’Allemagne est entraînée dans le courant de la politique impérialiste générale, non comme objet de cette politique, mais, à un degré considérable, comme sujet, c’est-à-dire comme une des grandes forces actives dans l’arène politique impérialiste. Et si l’Allemagne, dans la phase de développement antérieure, était, dans ses rapports avec les Etats de l’Europe occidentale, une force isolée et de ce fait obligée, par la force des choses, à se tourner vers nous la situation s’est maintenant modifiée du tout au tout. L’Allemagne s’est orientée assez nettement vers l’Occident. La base économique sur laquelle s’est opérée cette orientation est l’économie allemande ascendante, fécondée considérablement par le capital américain. L’Allemagne vient d’entrer dans le concert des Etats impérialistes « égaux et jouissant des pleins droits », elle « se détourne » de l’Orient et dirige son cours vers l’Occident. Cela ne signifie nullement qu’elle a rompu toutes les liaisons avec nous autres. La situation de l’Allemagne qui redevient impérialiste, diffère cependant de la situation d’autres Etats impérialistes du fait que l’Allemagne ressent le problème des marchés d’une façon particulièrement aiguë et qu’elle étouffe littéralement dans les chaînes de fer étroites où l’on jetée les vainqueurs amicaux. Le problème des marchés frappe brutalement aux portes de l’économie capitaliste allemande qui languit sous le lourd fardeau d’un chômage chronique, unique dans son histoire et qui, depuis des années, souffre du travail au ralenti de ses entreprises. Ce symptôme maladif devenu système est d’autant plus sensible pour le capitalisme allemand qu’il dispose d’entreprises excellentes, extraordinairement vitales ayant, quant à la rationalisation de la production, remporté de grands succès, des entreprises qui réunissent, comme dans peut-être aucun autre pays européen, toutes les conquêtes scientifiques et techniques imaginables dans le processus direct de la production.
Du fait que l’Allemagne ressent les contradictions de la situation économique actuelle avec une acuité toute partie culière et que, après comme avant, elle se trouve serrée dans les menottes du traité de Versailles, il est tout à fait naturel que sa politique prochaine soit condamnée à l’inconstance, aux oscillations et qu’il est inévitable que les tendances d’une fraction appréciable de la bourgeoisie allemande à la réconciliation avec l’Union Soviétique auront le dessus.
Telles que sont les choses, l’Allemagne reste, également aujourd’hui, quoique à un degré incomparablement plus faible qu’autrefois, ce type d’Etat bourgeois qui, vis-à-vis de nous, développe une politique relativement conciliante.
L’antipode de l’Allemagne, quant aux rapports vis-à-vis de l’Union Soviétique, est représenté par l’Angleterre. La Grande-Bretagne a été frappée, ces derniers temps, de deux côtés opposés : par la résolution chinoise et par sa propre classe ouvrière. Elle continuera à recevoir ces coups qui minent de plus en plus le régime conservateur traditionnel de l’Empire mondial britannique.
C’est cette circonstance qui, avec l’influence immense de notre Union Soviétique, a fait de l’Angleterre le champion de la bourgeoisie contre l’U. R. S. S. Ces derniers temps, où les tendances révolutionnaires en Extrême-Orient se sont considérablement accentuées, où la révolution chinoise a commencé à exercer une influence gigantesque — dont il est impossible de trouver un terme de comparaison — sur tous les pays orientaux et où la course victorieuse des armées de la révolution nationale résonne énergiquement dans toutes les villes du globe, l’Angleterre a une position de plus en plus nettement hostile vis-à-vis de nous. Nous sommes témoins des efforts entrepris pour nous cerner de tous côtés, efforts diplomatiques et militaires, complots ourdis par le gouvernement anglais. Sous sa médiation, sous sa direction, sur ses ordres et avec son aide, toute une série de conventions diplomatiques et militaires ont été conclues, entre autres les traités roumano-italien, franco-roumain, roumano-polonais, la convention entre la Pologne et la Tchécoslovaquie le traité entre la Yougoslavie et la Pologne et la conférence des diplomates et des généraux d’état-major des pays baltes. L’Angleterre déploie cette même activité hostile à nous en Perse, en Afghanistan ; son travail sanglant, agressif en Chine n’est pas moins dirigé contre nous. La presse anglaise ne le cache d’ailleurs nullement. Tout cela révèle une animation extraordinaire tendant à l’encerclement de l’Union Soviétique. Cette politique d’encerclement est dirigée par son initiateur, son idéologue et sa maison de banque — la bourgeoisie anglaise et le gouvernement du roi d’Angleterre. C’est sous la direction de l’Angleterre que se font les préparatifs militaires dirigés contre nous, préparatifs auxquels la Pologne participe d’une façon extrêmement intense. La Roumanie a conclu, il n’y a pas si longtemps, un emprunt de plusieurs centaines de millions de lires en Italie (et l’Italie est intimement alliée à l’Angleterre), pour garantir les commandes de munitions et la construction d’une base navale à Constanza à l’aide de spécialistes anglais. L’Angleterre secourt également financièrement les Wrangéliens qui entretiennent comme avant leurs organisations militaires et se tiennent prêts à toute éventualité.
Voilà la politique agressive, active, hostile de l’Angleterre contre nous en ce moment.
La politique de notre gouvernement de la dictature prolétarienne fut, est et sera une politique de paix. Nous avons conclu au cours de l’année passée une série de pactes de garantie, de traités qui portent un caractère démonstrativement pacifique. Tels furent, entre autres, les traités avec la Turquie et la Lithuanie et de telle nature est la base de tous les traités que nous proposons aux Etats baltes limitrophes. On a répondu à notre politique de paix, ces derniers temps, par le coup d’Etat fasciste en Lithuanie qui brise un de ces traités modèles conclus entre notre gouvernement et les Etats baltes limitrophes.
Il va de soi que la signification du coup d’Etat en Lithuanie ne s’épuise nullement dans ces exécutions sommaires qui déclenchent une vague de plus en plus puissante de protestations prolétariennes, d’indignation et de révolte contre les bourreaux grossiers de Lithuanie — la signification du coup d’Etat en Lithuanie est bien plus profonde. Derrière les coulisses de ce coup d’Etat soi-disant nationaliste, il y eut la Pologne du maréchal Pilsudski, prête à dévorer tous les jours la nouvelle Lithuanie fasciste. La Pologne guette depuis longtemps cette bouchée. Là participation de la Pologne nous est ouvertement révélée par le fait que les chefs les plus influents du coup d’Etat sont des Polonais naturalisés, des éléments qui ont lithuanisé rapidement leur nom de famille pour se présenter comme « vieux » patriotes lithuanien.., et qui continuent à jouer le rôle de propriétaires fonciers « lithuaniens » et, en même temps, de supports de l’influence polonaise en Lithuanie.
Derrière la Pologne se tient l’Angleterre à qui appartient l’honneur douteux, de premier régisseur des événements en Lithuanie. Mais ce qui est particulièrement étonnant — il me semble que cela n’a pas encore été publié dans nos journaux — c’est que, suivant certaines nouvelles, les Allemands, eux aussi, ont trempé au coup d’Etat fasciste et ont même pris une part active aux événements. L’Allemagne « démocratique » redoute apparemment un renforcement de l’influence polonaise et c’est pourquoi elle a collaboré — pour trouver un contrepoids contre un tel renforcement, pour conquérir de nouvelles positions stratégiques concrètes et pour influencer la Lithuanie — au coup d’Etat fasciste lithuanien. L’Allemagne porte, par conséquent, à côté des gouvernements polonais et anglais, la responsabilité de tous les méfaits fascistes perpétrés par le nouveau gouvernement lithuanien. Quant à ce dernier, c’est-à-dire le régime fasciste en Lithuanie, nous ne pouvons que lui souhaiter d’être rôti dans cette crème dans laquelle Smetano, le dirigeant actuel du gouvernement de Kovno, l’a trempé1 (Rires et applaudissements). Des coups d’Etat semblables pourront également « se dérouler » dans des autres Etats du littoral balte. Les renseignements que nous possédons nous préviennent qu’un coup d’Etat fasciste se prépare en Lettonie; d’autres nouvelles nous rapportent que les mêmes préparatifs se poursuivent en Finlande et qu’actuellement une activité fiévreuse est déployée pour entourer l’Union Soviétique de tout un cordon misérable de canailles fascistes pour pouvoir, de cette façon, entreprendre le plus grand nombre possible de tentatives de troubles et de provocations infâmes contre l’édification socialiste dans notre pays. Je dois attirer votre attention sur Pilsudski qui n’estime même plus nécessaire de dissimuler le moins du monde son programme de la fameuse expansion « vers l’Est », expansion de la Pologne qui doit se faire, en première ligne, à notre détriment.
4° Des social-démocrates aux monarchistes[modifier le wikicode]
De plus, je me vois obligé d’attirer votre attention sur ce que, dans toute l’Europe, ouvertement et mi-légalement, on entreprend une préparation « idéologique et morale » à la guerre contre l’Union Soviétique. Ces préparatifs sont de grande envergure et la machine géante qui sert à influencer idéologiquement les masses fonctionne avec toute sa puissance. Cette mobilisation « morale » des masses contre l’Union Soviétique a trouvé sa plus nette et plus répugnante expression dans la question des « obus soviétiques ». Les « obus soviétiques » firent leur première apparition dans les colonnes du journal libéral anglais Manchester Guardian qui les avait puisés dans les milieux allemands. Toute cette campagne s’appuie sur le fait que l’accord commercial que nous avions conclu avec la Société Junker et qui fonctionne encore, n’était pas destiné, comme l’a remarqué à juste raison la Pravda, il y a quelques jours, à la fabrication de saucisses, mais bien à la construction d’avions. Nous ne cachons point et n’avons jamais dissimulé avoir conclu un traité avec la firme Junker pour la construction d’avions. Nous pouvons déclarer publiquement que nous ne renoncerons pas à profiter de n’importe quel Etat capitaliste, s’il nous envoie des instructeurs et si, contre rétribution, il construit sur notre territoire des avions et d’autres armes nécessaires à la défense de notre République Soviétique. 1 Jeu de mot russe. « Smetana » veut dire : crème aigre et le président; de l’actuel ministère lithuanien se nomme Smetano. (La Réd.).
Quoique nous nous armions beaucoup moins que n’importe quelle autre puissance, nous ne sommes quand même pas imbéciles au point de nous laisser désarmer et d’admettre qu’on nous prenne au collet à un moment où tous les pays font la course aux armements. Nous ne sommes pas assez bêtes pour cela et nous ne nous laisserons pas mener par le bout du nez. Nous savons pertinemment que nos ennemis grincent les dents contre nous. Nous profiterons de tout, de toutes les possibilités — et que tous ceux que cela concerne en prennent note — pour placer la cause de la défense de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques sur les meilleures bases possibles. (Applaudissements.)
Les Etats bourgeois préparent une nouvelle guerre impérialiste. Ils se sont adonnés corps et âme au travail « d’achever l’encerclement ». Mais qu’ils sachent que nous ne sommes plus en 1914 et qu’aujourd’hui les larges masses ouvrières et paysannes sont altérées de paix. C’est pourquoi toute la stratégie des classes capitalistes tend à démontrer que notre République Soviétique est, soi-disant, le plus criminel fauteur de guerre. Ils disent : « Regardez, nous avons créé une Société des Nations et nous sommes prêts à émousser tous les conflits. Mais qui enflamme la révolution en Orient ? Les bolchéviks. Qui souffle à tous les coins du globe sur le feu de la révolution internationale ? — Les bolchéviks ! Qui trouble « l’ordre » bourgeois, etc.?— L’Union Soviétique! Il faut la balayer de la surface de la terre, parce que c’est elle qui menace la paix ».
Voilà le leitmotiv qui est repris intégralement par la IIe
Internationale, par la socialdémocratie et les chefs de l’Internationale d’Amsterdam ainsi que par les renégats du mouvement communiste exclus de l’I. C., etc. Ils soutiennent jusqu’au bout la calomnie bourgeoise contre l’Union Soviétique et les fausses manœuvres insidieuses à l’aide desquelles la bourgeoisie pousse ses préparatifs contre l’U. R. S.S.
Vous devez savoir, camarades, que la campagne à propos des « obus soviétiques » a pris actuellement une envergure véritablement géante. Grumbach, un des socialistes français, a posé cette question des « obus » à l’ordre du jour de la IIe Internationale. Les menchéviks russes, la presse social-démocrate allemande et le parti social-démocrate français en font l’objet d’une vaste campagne trompeuse ; ils déclenchent une énorme campagne internationale contre nous. Ces gens préparent la guerre contre nous et agissent selon le principe « Arrêtez le voleur ! », c’est-à-dire que les coupables crient et se sauvent tout en dénonçant un autre du doigt. S’ils disent que l’Union Soviétique menace la paix, ce n’est que pour justifier les préparatifs de guerre contre l’Union Soviétique de la part de leurs maîtres et mandants.
Je suis forcé de poser le problème des dangers de guerre dans toute son acuité devant la conférence du parti de la région de Moscou. Car notre organisation du Parti et, en première ligne, notre organisation de Moscou ne doit pas perdre de vue que nous ne possédons aucune garantie, que l’on n’attaquera pas notre pays. Evidemment, il ne s’agit pas d aujourd’hui ni de demain ou d’un mois, mais nous n’avons pas de garantie que la guerre n’éclatera pas au printemps ou en automne.
Un symptôme indirect de ces préparatifs militaires consiste dans l’animation extraordinaire de l’activité dans les milieux émigrants blancs, des « socialistesrévolutionnaires » de toute nuance, des organisations démocratiques, menchéviste et autres, il ne s’agit pas seulement de ce que ces hommes finis commencent à parler de la terreur contre les bolcheviks — que le diable les emporte avec leur terreur ! Qu’ils délirent tant qu’ils veulent — mais bien de quelque chose de beaucoup plus grave. L’animation actuelle des éléments blancs vivant de l’autre côté de notre propre frontière est indubitablement en relation avec ce projet d’encerclement fasciste de l’Union Soviétique dont j’ai parlé tout à l’heure.
Les monarchistes, présidés par le vieux gentleman — Nikolaï Nikolaievitch — (Rires) font des préparatifs. Ils ont leurs liaisons et s’efforcent de rétablir leurs organisations à l’aide des subsides anglais. On cherche à émeuter [sic] les cosaques. On fait un travail énergique en Pologne, où des bourgeois nationalistes, des groupements de grands propriétaires fonciers de différentes de nos républiques nationales, les gardes-blancs nationalistes d’Ukraine, de Russie Blanche, les éléments bourgeois, menchévistes et fédéralistes de Géorgie, etc., se rencontrent pour comploter. Les choses ont même atteint un tel point — notre parti doit savoir cela — que les menchéviks géorgiens ont de nouveau soulevé la question de l’insurrection en Géorgie et qu’ils l’ont tranchée dans le sens affirmatif. A Paris, il vient de se fonder un « Comité pour la libération du Caucase », présidé par un certain capitaine français, Chevalier, qui a été commissaire des troupes d’occupation au Caucase pendant son invasion par l’Entente. La capitaine Chevalier, l’idéologue et le financier de ce Comité, finance la revue Prométhée (quel titre imposant !) l’organe du « Comité pour la libération du Caucase ». Ces messieurs ont un programme tout à fait clair : nos renseignements n’admettent aucun doute. Ils affirment que cette insurrection doit éclater le jour où la Pologne ou la Roumanie entreront en guerre, mais il n’est pas dit que le soulèvement ne se fasse pas plus tôt. Voilà ce que nous devons dire à nos camarades géorgiens.
Vous voyez, donc que, de tous côtés, de la Roumanie, de la Pologne et de l’émigration qui est soutenue par différents Etats étrangers et surtout par l’Angleterre, il y a actuellement des symptômes alarmants dans la situation internationale. Il est vrai que nous ne nous laissons pas trop affoler et nos ennemis savent très bien que la lutte contre nous — est une histoire pleine de risques, (Rires, applaudissements.) et que l’issue de cette aventure est tout à fait incertaine. Mais, en tout cas, nous devons nous rendre absolument compte du danger de guerre croissant. Nos ennemis ne reculent devant aucun moyen. Encore aujourd’hui, nous avons reçu, par exemple, un télégramme de l’étranger nous disant qu’une série de journaux étrangers publient des nouvelles provocantes sur une soi-disant concentration de troupes de l’Union Soviétique à nos frontières occidentales. Nos adversaires bourgeois recourent décidément à tout et, en première ligne, aux mensonges et à la provocation.
5° Pour une politique -de paix, pour la défense prolétarienne[modifier le wikicode]
Nous devons poursuivre ouvertement et démonstrativement la politique menée jusqu’à présent — la politique de paix. Notre attitude pacifique a été démontrée par une série de traités que j’ai déjà mentionnés, une série de pactes de garantie. Nous avons fait preuve d’une politique de paix extrême dans notre attitude pacifique lors du conflit avec Tchang Tso Lin au sujet de la question du chemin de fer de l’Est chinois. Nous pouvons déclarer franchement que c’aurait été une bagatelle pour nous — si nous l’avions voulu — d’en finir rapidement avec Tchang Tso Lin qui eut l’insolence de commettre cette provocation criminelle contre l’Union Soviétique. Mais nous ne l’avons pas voulu, nous ne l’avons pas fait quoique cela nous ait demandé la plus grande retenue. Egalement dans ce cas, nous avons démontré encore une fois que nous menons et voulons poursuivre une politique de paix. Il va de soi que notre politique de paix n’exclut nullement notre sympathie pour tous les mouvements de libération ; au contraire, elle la présuppose. Nous ne nous lasserons pas de répéter que nous défendons et défendrons toujours les opprimés du monde entier. Nous croyons dans les forces révolutionnaires immenses des masses travailleuses. Nous croyons dans les forces révolutionnaires créatrices de ce mouvement gigantesque qui se déroule actuellement en Chine. Nous pouvons dire que la lutte entre les forces mondiales, la lutte entre les principaux intéressés et entre les principaux participants à cette grande collision historique, est entrée dans une phase d’évolution plus élevée.
Nous vous rappelons, camarades, qu’au moment de l’héroïsme suprême et de l’accentuation extrême de la guerre civile et de l’intervention, nous étions à peu près seuls à faire face à tous nos ennemis. Certes, le prolétariat de l’Europe occidentale nous a soutenus, toute une série de révolutions ont éclaté, mais elles se sont arrêtées à mi-chemin. La situation actuelle est caractérisée par le fait que, malgré la stabilisation partielle dans une série des plus grands pays de l’Europe occidentale et en Amérique, nous sommes à la veille d’une collision entre deux facteurs historiques immenses : l’un de ces facteurs consiste dans le passage de l’édification socialiste de la République Soviétique à une phase supérieure, à ce que nous appelons la période de reconstruction où nous créerons les bases d’une nouvelle technique. Cette circonstance joue le rôle d’un des plus grands facteurs poussant en avant la lutte prolétarienne internationale. Cette nouvelle phase d’évolution de notre révolution coïncide avec un événement d’une importance historique énorme, avec la grande révolution chinoise dont chacun de nous suit les événements dans les journaux et poursuit attentivement son rythme croissant de jour en jour, de mois en mois. Les impérialistes anglais ont envoyé des croiseurs en Chine, ils y ont transporté des matelots, des forces armées ; ils ont essayé de s’approcher du gouvernement de Canton sur le sentier glissant de la basse flatterie. Cependant, maintenant, toute l’Europe, le monde tout entier comprend que les masses populaires chinoises expulsent les impérialistes anglais de Chine, du territoire des concessions « sacrées» et que les ouvriers chinois se débarrassent de la bande des impérialistes qui veulent étrangler la révolution chinoise en marche. Nous sommes persuadés et pleins d’espoirs que les 400 millions de Chinois balayeront en fin de compte, au cours de la révolution, ce qui est suranné, tout ce qui sent le brigandage et l’impérialisme. (Applaudissements.)
La lutte des forces révolutionnaires contre les forces du capitalisme est donc entrée dans un stade supérieur de quelques degrés, et ceci en dépit de la stabilisation partielle dans une série de pays capitalistes. C’est pourquoi, camarades, nous devons, en présence d’une telle situation, nous poser à nouveau la question. Une guerre ou une intervention contre nous autres est-elle possible en ce moment ? A cette question, nous répondons : La guerre se prépare ; nous ignorons si elle éclatera dans un proche avenir, mais nous sommes certains qu’elle se prépare. Comme contrepoids à ces préparatifs de guerre, nous renforcerons avant tout notre propagande de paix. Nous savons très bien que l’issue de la grande lutte éventuelle entre nous et le monde capitaliste se décidera, en fin de compte, non pas tant par les forces de la technique militaire, mais bien par l’opinion des larges masses populaires. Mais cela ne signifie nullement que nous devons aborder la question de la technique militaire avec une certaine nonchalance. Nous devons, au contraire, nous saisir sérieusement des questions de la consolidation de notre capacité défensive.
Nous poursuivrons démonstrativement une politique de paix; mais, si l’on essaye de nous attaquer, qu’on n’oublie pas que nous ne sommes plus aujourd’hui en 1905, ni en 1914.
Lénine a exposé dans tous les articles qu’il a encore écrits avant sa mort, que nous sommes arrivés au Rubicon, à la ‘bataille décisive entre le capitalisme occidental en décomposition et les masses populaires immenses de l’Orient, entraînées dans le courant impétueux et qui, dans la crise générale du monde capitaliste, se placent du côté de la révolution et se développent dans la direction révolutionnaire. Lénine, en écrivant tout cela, ne voyait que la perspective. Sa prédiction scientifique, marxiste s’est avérée intégralement de nos jours. Les coups de tonnerre de la révolution chinoise sont la meilleure démonstration de la justesse de la prédiction de Lénine, mais ces coups de tonnerre en Chine démontrent également que le capitalisme rencontrera, dans une guerre contre nous, des difficultés bien plus grandes que jamais auparavant. La crainte qu’a la bourgeoisie impérialiste de l’insurrection révolutionnaire, son désir passionné de prendre certaines « mesures préventives » contre nous, sa peur de notre croissance, de notre édification « à l’américaine », sa crainte de ses propres ouvriers, tout cela pousse la bourgeoisie à un dénouement de cet état de choses. Il est tout à fait probable qu’on nous fera tout d’abord renifler par une paire de lévriers précieux qui, géographiquement, sont dans notre proche voisinage : il est possible qu’on les soutiendra seulement financièrement, qu’on les incitera contre nous pour passer, ensuite, à d’autres actes. Cela n’est pas exclu. Mais nous déclarons franchement que nous n’avons pas peur. Nous savons mieux que quiconque combien nous apprécions chaque jour de paix. Nous soulignerons notre gourmandise de paix et nous lutterons jusqu’au dernier moment pour cette paix. Toute notre politique, toute démarche diplomatique et chacune de nos notes diplomatique doivent être pénétrées de ce désir de paix. Nous continuerons à répéter que nous n’avons rien à redouter de la paix ; au contraire, nous ne pouvons qu’y gagner beaucoup. Cependant nous pouvons assurer à tous nos ennemis que pendant le moment de répit dont nous avons disposé, qu’au cours de la période de notre édification économique, nous n’avons pas dégénéré en de naïfs inoffensifs et que nous n’avons pas cessé d’être le parti de lutte du prolétariat communiste. A chaque danger menaçant, la dictature prolétarienne, la classe ouvrière de notre pays et son parti communiste répondront en serrant leurs rangs et en se consolidant, afin que nos ennemis se brisent les dents à la chaîne d’acier de nos baïonnettes. (Applaudissements frénétiques.) Camarades, on nous demande très souvent si nous ne nous sommes pas trompés dans nos espoirs sur la révolution internationale, que nous n’avons cessé de prêcher dans toute cette période, mais qui ne s’est pas encore réalisée ; que la révolution internationale « n’étant pas venue », nous devons, par conséquent, nous contenter de la dure nécessité et cesser d’être ce que nous avons été jusqu’à présent. Il me semble qu’à cela nous devons donner la réponse suivante: La révolution internationale n’a pas besoin de venir, elle est déjà faite. Il est tout à fait faux, naïf et insensé de se représenter la révolution internationale comme un acte unique où, d’un seul coup, tous les pays, pour ainsi dire, avec un chronomètre en main allumeront « l’incendie mondial ». Il est insensé de croire qu’il y a une quelconque « heure » mystique prédestinée, à laquelle « sa Majesté », le prolétariat, arrivera au pouvoir.
La révolution internationale est un processus gigantesque s’étendant sur des dizaines d’années. Ce processus a déjà commencé pendant la guerre impérialiste, il s’est étendu ensuite sur toute une série de pays, il a conduit dans notre pays à la dictature de la classe ouvrière qui est solide et se consolide de plus en plus, et il a fait tomber, dans l’Europe Centrale, les couronnes de plusieurs monarques ; ce processus a subi au cours de son développement ultérieur des revers passagers, il s’est arrêté dans sa course, mais il recommence déjà de nouveau d’un autre côté. Si nous tournons nos regards vers l’Orient et si nous pénétrons la signification des grands événements chinois, nous ne pouvons pas ne pas voir dans la révolution chinoise une partie intégrante de la révolution internationale qui est déjà là, qui n’a nullement besoin de « venir » à n’importe quel moment, mais qui est déjà là. La révolution mondiale terminera son cours quand elle aura triomphé dans tous les pays. Alors le cercle sera bouclé. Mais il ne faut nullement dire qu’elle n’existe pas du tout et que nous n’avons qu’à prier le bon Dieu communiste ou la Sainte Vierge communiste pour qu’ils nous envoient enfin la révolution internationale sur cette terre de péchés (Rires, applaudissements). La construction du socialisme dans notre pays est une partie de la révolution internationale ; si les armées nationales révolutionnaires acculent les impérialistes anglais dans une situation sans issue en Chine, c’est une partie intégrante de la révolution internationale; si les mineurs sont tout près du problème de la conquête du pouvoir en Angleterre, c’est encore une partie intégrante de la révolution internationale. La révolution internationale évolue sous des formes diverses, s’exprime de différentes façons, essuie parfois des revers et des défaites passagers. Seuls des fous accomplis, des aveugles peuvent se demander, au milieu de ce tourbillon des événements : Où est-elle donc, enfin, cette révolution internationale insaisissable ? (Applaudissements frénétiques). Si nous considérons ces événements et cette lutte grandiose, nous nous convainquons de plus en plus qu’aucun renforcement du capitalisme, de quelque nature qu’il soit, dans une série de pays — un certain renforcement est indéniable — est incapable de faire disparaître le fait que la source de la révolution internationale jaillit puissamment en d’autres points de l’organisme capitaliste. Cela nous inculque une foi de plus en plus puissante dans notre force et nous prête une discipline et un sang-froid de plus en plus grands en face des préparatifs de guerre ouverts et cachés. Nous répétons que les événements à venir, de quelque nature qu’ils soient, ne nous affolent pas, car nous savons que, du point de vue historique mondial, le droit est de notre côté et nous ne doutons pas une seule minute de son triomphe définitif.
Il est évident, camarades, que nous déclarons, pour autant qu’il est question des dangers de guerre et d’intervention, que nous n’avons pas une garantie absolue contre ces dangers.
La garantie absolue de notre victoire définitive serait la prise du pouvoir par la classe ouvrière dans plusieurs pays. Souvent, on pose la question sous la perspective suivante, tout à fait fausse: Ou bien, la révolution internationale remportera la victoire, ou bien, nous n’obtiendrons aucun secours du dehors. C’est à peu près de cette façon que la question fut posée par l’opposition pendant les fameuses disputes sur « la possibilité du socialisme dans un seul pays ». Les camarades de l’opposition ont posé comme quelque chose de réel le dilemme suivant : Ou bien aide d’Etat de la part du prolétariat d’autres pays ou bien la perdition. Mais si nous posons la question de l’intervention et de l’immixtion armée des impérialistes dans nos affaires intérieures, alors il reste toujours, entre ces deux pôles extrêmes — l’aide d’Etat de la part du prolétariat victorieux des autres pays, ou notre perdition par suite de l’absence de toute aide — toute une série de degrés intermédiaires qui jouent le plus grand rôle tant au point de notre existence qu’au point de vue de la possibilité de l’édification du socialisme.
Pendant que la guerre civile se déroulait sur notre territoire, la classe ouvrière de l’Europe occidentale n’a pas pris le pouvoir. Mais, est-ce que pour cela elle ne nous a pas soutenus ? Si, elle nous a secourus. En Chine, il n’existe pas encore de dictature du prolétariat, certes, toute la Chine n’est même pas encore unifiée sous le gouvernement national révolutionnaire ; mais est-ce que pour cela la grande lutte du peuple chinois ne représente pas une aide ? La classe ouvrière anglaise n’a pas pris le pouvoir, mais elle a passé par des luttes de classes extrêmement glorieuses et a étonné le monde entier par sa dernière grève grandiose qui fut soutenue par nos ouvriers groupés dans les syndicats. Est-ce que maintenant la lutte des ouvriers anglais, leur combativité accrue et leur radicalisation grandissante ne sont pas une aide, pour nous autres ? Est-ce que ce n’est pas une de nos plus grandes perspectives ? Est-ce que peut-être l’aide prolétarienne ne nous parvient pas de tous les côtés, tantôt d’ici, tantôt de là, aux différents secteurs de notre front de lutte à un degré tantôt plus faible, tantôt plus fort ? L’aide qui nous est accordée peut être différente. La bourgeoisie internationale n’ose pas nous envahir par la guerre et ceci principalement parce qu’elle ignore si son propre prolétariat ne lui tombera pas dans le dos, parce que, sous ce rapport, elle n’a aucune garantie. Nous recevons la visite de différentes délégations, voire même de délégations d’ouvriers chrétiens. Parmi les ouvriers non-communistes d’Allemagne règne une sourde fermentation. Est-il facile, dans ces conditions, d’inciter la classe ouvrière allemande à une guerre contre nous ? Ce n’est pas facile du tout. Est-il facile de pousser .les prolétaires anglais à la lutte armée contre nous et d’obliger les mineurs anglais à tirer sur les ouvriers de l’Union Soviétique ? J’estime que ce n’est nullement facile. La bourgeoisie comprend très bien cela et c’est pourquoi elle hésite à se décider à la guerre directe contre nous.
Voilà comment se manifestent les différentes aides que nous obtenons de la part de la classe ouvrière internationale.
Il est vrai qu’il y a beaucoup de nuances dans ces différentes sortes de secours. Tout d’abord, c’est un certain mécontentement, une certaine fermentation qui est une des nuances ; puis une certaine combativité, comme deuxième nuance ; la campagne de réunions et de grèves, c’est la troisième ; l’insurrection prolétarienne active, la quatrième, et, enfin, la victoire de la classe ouvrière, la cinquième nuance. Il y a donc toute une échelle, tout un faisceau de différentes nuances quant au secours qui nous sont apportés. Pour nous maintenir et pour pouvoir continuer notre cause, il n’est nullement nécessaire que nous obtenions une aide d’Etat de la classe ouvrière. Si nous avions son aide d’Etat, nous en finirions tout simplement, une fois pour toutes, avec tous nos adversaires. Alors nous aurions la garantie absolue de la victoire. Mais, du moment que cette aide d’Etat n’existe pas, nous pouvons quand même parler d’une certaine garantie relative de la victoire dans la prochaine lutte. Il .est difficile pour nous de confier nos chances à une seule mise solide, mais nous pouvons dire quand même aux ouvriers : nos chances sont grandes parce que les ouvriers étrangers sont pour nous et parce qu’il est difficile à la bourgeoisie de mettre ses armées, qui comprennent un grand pourcentage de prolétaires, en mouvement contre nous.
II. Le travail d’édification en période d’encerclement ennemi[modifier le wikicode]
Deuxième partie du rapport, publiée dans le n°16 de La CI
1° Socialisme et capitalisme dans l’arène économique internationale[modifier le wikicode]
Avant de passer à l’examen de notre situation intérieure, il nous faut poser et solutionner en premier lieu la question du rapport entre notre économie et l’économie mondiale ainsi que soulever la question de la pression que l‘économie mondiale exerce sur nous.
L‘examen de cette question nous indiquera, me semble t-il, la voie juste pour juger toute notre activité économique. J’ai cité le discours de Deutsch, le président de l’A. E. G. Vous avez entendu, camarades, que M. Deutsch n’est pas un partisan par trop zélé du mot d’ordre de « l’industrialisation de notre pays ». Il nous permet gracieusement de rétablir et de développer notre industrie légère, mais il est prêt à prononcer son veto, à interdire catégoriquement la fabrication des moyens de production par nos propres forces et à entraver le rôle croissant de l’industrie lourde dans notre économie. Naturellement nous répondons, en dépit de Deutsch et d’autres, à cette conception de la dawesisation de notre pays par le mot d’ordre de l’industrialisation. Mais, sur ce point, on se sert contre nous d’autres arguments qui furent présentés avec une précision particulière à la dernière session de l’Exécutif élargi de l’I. C. par notre opposition. Je veux parler de la thèse de notre dépendance croissante vis-à-vis des pays capitalistes. Vous vous rappeler tous que Trotski a déclaré : nous devenons un pays dépendant de plus en plus de l’économie mondiale capitaliste ; l’économie capitaliste nous contrôle de plus en plus.
Cette formule est unilatérale et, sans aucun doute, fausse. J’ai déjà dit à la séance plénière du C. E. de l’I. C. quelle est la faute principale. Les camarades de l’opposition ne comprennent pas que notre dépendance croissante de l’économie capitaliste signifie aussi en même temps notre indépendance croissante. Lorsque nous exportons plus de blé et importons plus de machines, cela semble, à première vue, mener à une plus grande dépendance. Or cela signifie également du même coup l’accroissement de notre indépendance, car lorsque nous importons des machines qui servent à la fabrication des moyens de production, lorsque nous perfectionnons, à l’aide des machines importées, notre industrie mécanique et métallurgique, nous relevons et consolidons systématiquement notre industrie lourde, nous posons également les fondements de notre indépendance vis-à-vis du monde capitaliste. Celui qui ne voit que la dépendance, celui qui ne voit pas l’autre côté du problème, l’autre chaînon dialectique de cette situation pleine de contradiction, ne comprend absolument rien au caractère de notre politique de commerce extérieur. Il ressort aussi de l’attitude de l’opposition envers cette question un autre fait sur lequel je voudrais attirer votre attention. Dans tous les discours de l’opposition perce nettement l’accusation de la « limitation nationale » portée contre nous. Le socialisme — disent-ils — consiste dans l’orientation sur le monde entier, sur l’édification internationale de l’économie sociale, sur une organisation systématique de la division internationale du travail ; le coton doit pousser où cela lui convient, en Amérique, il faut produire une chose ; en Allemagne, une autre, dans d’autres pays une troisième et une quatrième. L’économie socialiste ne peutêtre édifiée que sur la base internationale de la division du travail. Celui qui est d’un avis contraire — affirme l’opposition — glisse vers la « limitation nationale ». Celui qui veut édifier une économie qui se suffise à elle-même ou, comme disent les savants, une économie « autarcique », celui qui édifie sur son propre terrain un ensemble économique indépendant de la base internationale ; celui qui parle de l’indépendance économique et qui travaille en ce sens, c’est un homme rétrograde, qui ne comprend pas les bases du marxisme et du léninisme, et contre celui-ci, on déverse un torrent d’éloquence oppositionnelle.
Il faut répondre à cela. Lorsque nous nous demandons ce qu’est au fond, notre idéal économique essentiel, c’est sans aucun doute, l’organisation systématique de toute l’économie mondiale. Naturellement, il faut qu’il y ait une juste division du travail dans cette économie mondiale. En ce qui concerne une semblable division mondiale de travail, chaque limitation nationale, chaque fois qu’un pays « se suffit à lui-même » soit en Russie, soit ailleurs, il y a naturellement là quelque chose de rétrograde. Mais il s’agit de tout autre chose. Le travail à faire est tout fait différent suivant que notre pays travaille, encerclé par le capitalisme, à l’édification du socialisme ou que la dictature du prolétariat est déjà instaurée dans les pays les plus importants du monde. Dans ce dernier cas, évidemment, nous ne chercherons pas à faire construire précisément « chez nous » telle ou telle entreprise. Dans cette situation, notre tâche consistera à concentrer les différentes industries dans certaines contrées, à leur choisir un siège qui leur offre les meilleures conditions géographiques et climatériques, la meilleure situation ferroviaire, technique et autre. Il y a toute théorie sur le siège et la division territoriale des différentes industries. Mais nous aurons encore suffisamment de temps pour parler de tout cela. Aujourd’hui la question se pose d’une tout autre façon. A l’heure actuelle l’économie mondiale ne se trouve malheureusement pas encore sous la dictature prolétarienne, mais dans les mains de la bourgeoisie capitaliste. Nous nous efforçons et nous devons nécessairement nous efforcer d’obtenir une indépendance toujours plus grande de cette économie mondiale capitaliste. Et lorsqu’on nous répond que c’est en cela que consiste notre « limitation nationale », c’est tout simplement ridicule. Notre indépendance est une indépendance d’un caractère de classe prononcé, c’est l’indépendance des Etats capitalistes. Si on veut nous condamner dans les conditions actuelles, à respecter en esclave le grand dogme de la division internationale de travail, à renoncer à la lutte pour notre indépendante économique, nous faire prendre le cours d’une collaboration pacifique avec la bourgeoisie internationale, c’est un « internationalisme » que nous ne pouvons pas suivre.
Si la dictature prolétarienne socialiste était instaurée dans tous les pays capitalistes et que nous disions, dans une telle situation, qu’il faut que notre pays soit indépendant de l’économie mondiale — alors là, nous serions effectivement des chauvinistes et des national réformistes. Mais lorsque nous luttons aujourd’hui dans la situation de l’encerclement capitaliste, pour la plus grande indépendance de notre ensemble socialiste « national », lorsque nous combattons pour l’indépendance plus grande du pays de la dictature prolétarienne, nous accomplissons ainsi notre devoir de révolutionnaires prolétariens internationaux. Mais celui qui nous accuse bruyamment de « limitation nationale », est incapable de se retrouver dans la situation la plus simple, parce qu’il ne comprend pas que sa « non limitation » internationale n’est, en réalité, peut-être rien d’autre qu’une liaison « assez peu limitée » avec le monde capitaliste.
Lors de l’examen de toutes les questions brûlantes des rapports entre la politique économique mondiale et la nôtre, il ne faut pas sous-estimer l’importante capitale de notre monopole du commerce extérieur. Autrefois, quelques jeunes pays capitalistes, dépendants de l’économie mondiale qui s’est développée dans le sens capitaliste, ont érigé de semblable façon un mur douanier entre eux et leurs concurrents et ont tenu tête, de cette manière, à la pression des pays capitalistes plus puissants.
Les pays qui disposaient de richesses naturelles et d’une structure sociale plus favorable au développement économique (comme l’Amérique), ont érigé des murs douaniers, ont ensuite rattrapé d’autres pays et les ont dépassés finalement. Quelle est la situation de l’Union Soviétique ? Dans l’Union Soviétique nous ne voyons pas seulement un protectionnisme socialiste sous forme de douanes mais quelque chose de beaucoup plus grand : le monopole du commerce extérieur.
Le monopole du commerce extérieur est une arme beaucoup plus efficace que les tarifs protectionnistes. Ayant le monopole du commerce extérieur, alors libre à nous d’importer ou de ne pas importer ; nous pouvons procéder à nos achats de marchandises plus avantageusement et plus systématiquement, nous pouvons manœuvrer en tant qu’ensemble économique. Jamais un Etat bourgeois n’a disposé d’une arme de défense dans la lutte économique semblable à notre monopole du commerce extérieur et on ne peut point du tout affirmer sans aucune réserve et sans tenir compte des particularités du côté économique de ces choses, que nous sommes « sous le contrôle » du marché mondial. Naturellement, nous nous trouvons jusqu’à un certain degré sous l’influence des lois du marché mondial. Personne ne prétend le contraire, on ne peut pas le nier purement et simplement. Mais il faut voir le côté qualitatif spécial de cette question, il faut comprendre que nous disposons de moyens comme les Etats bourgeois n’en ont jamais possédés et qui nous aident à résister à la pression du marché mondial.
A l’intérieur de notre pays nous nous trouvons en présence de richesses naturelles si grandes que nous n’avons pas besoin d’avoir peur de la pression du marché mondial. Elle nous obligera seulement à mieux travailler pour sortir vainqueurs de la grande lutte engagée entre le capitalisme et notre socialisme qui est en train de s’édifier. La pression du marché mondial n’est que le fouet qui nous incitera continuellement à de nouveaux efforts, mais elle ne sera pas la cause de notre ruine.
La meilleure preuve qu’une politique juste peut mener à une amélioration progressive des rapports entre le marché mondial et nous, c’est notre statistique du commerce extérieur. Après une période d’un bilan commercial passif, nous avons aujourd’hui un bilan commercial actif. Nous avons obtenu un bilan actif, un excédent en notre faveur, parce que nous avons dirigé d’une façon juste notre économie, parce que les évaluations de notre plan d’Etat étaient plus justes et plus exactes. Nos exportations s’élèveront selon le plan d’Etat, en 1926-1927, à 763 millions de roubles contre 568 millions de roubles pour l’année écoulée. Les exportations pour l’année seront en augmentation de plus de 14%, tandis que les importations sont en recul de 0,9%. C’est un succès assez important parmi ceux qui nous indiquent nos possibilités pour l’avenir.
2° La vitesse de notre rythme de développement[modifier le wikicode]
Maintenant, je passe à des questions intérieures, en première ligne à celles qui se trouvent en liaison avec notre travail général d’édification économique et avant tout aux questions de l’industrialisation. Je m’étendrai d’abord sur le problème de notre rythme de développement et il faut que j’exprime dans ce but les processus correspondants par des chiffres.
Quelques mots sur l’augmentation de la production brute comparée à 1923-1924. Cette augmentation est établie pour les deux rubriques principales — l’industrie et l’agriculture. Elle s’est élevée en 1925-1926, pour l’agriculture, à 27%, pour l’industrie à 120,7%. Lorsque nous regardons les chiffres de contrôle du plan d’Etat pour l’année 1926-1927, nous constatons une augmentation de 34,4% pour l’agriculture, comparée à 1923-1924 et de 152,8% pour l’industrie. Il en découle que le rythme de développement de notre industrie est beaucoup plus rapide que celui de l’agriculture ou, en d’autres termes, que le poids spécifique de l’industrie s’accroît dans notre pays.
Ces chiffres du plan d’Etat indiquent, pour l’industrie, des évaluations moins favorables que la situation n’est en réalité. Les premiers chiffres de contrôle fournis par le plan d’Etat ont évalué la production brute de l’industrie lourde, pour 1926-1927, à 15,6 %, tandis que le Conseil Suprême de l’économie nationale est resté sur un chiffre un peu plus élevé, c’est-à-dire 18,6%. Ainsi, le Conseil Supérieur de l’Economie Nationale a jugé les perspectives du développement de notre économie nationale de façon beaucoup plus optimiste.
Le projet définitivement adopté a encore augmenté davantage le chiffre et l’a fixé à 20,6%. Aujourd’hui, nous pouvons déjà contrôler plusieurs mois d’exécution de ce plan. Si nous prenons les renseignements pour octobre-novembre nous constatons que l’exécution effective du plan donne même un excédent comparé au chiffre maximum adopté par le plan d’Etat et qu’il s’élève à plus de 21%. Comparons ces mois aux mêmes mois de l’année écoulée, nous trouvons alors un excédent dépassant 30%. Ainsi l’exécution effective de notre plan de production industrielle, la quantité effective de la production brute de notre industrie dépasse le chiffre définitivement adopté lors de l’établissement de notre programme industriel. Examinons d’un peu plus près la question de l’exécution de l’industrialisation. Il ressort des chiffres que j’ai déjà cités sur le développement de l’agriculture et de l’industrie, que l’influence de l’industrie dans l’économie générale du pays est en augmentation tout à fait certaine. Cette question peut encore être examinée plus profondément, lorsqu’on considère les rapports entre le développement de l’industrie lourde et de l’industrie légère. Le poids spécifique de l’industrie lourde s’exprime pour l’année 1924-1925, lorsqu’on parle de ses accroissements et de l’expression en chiffres de cet accroissement, par les chiffres suivants : industrie lourde 1924-1925, 41,3% ; 1925-1926, 44,6% ; 1926-1927, 45,6% (une augmentation de 24,9% pour l’industrie lourde et seulement de 17,3% pour l’industrie légère). Il en découle que, dans le cadre de l’industrie même, le rythme du développement de l’industrie lourde proprement dite, c’est-à-dire de la production des moyens de production est plus rapide que le rythme de développement de l’industrie légère.
Il faut également considérer la question de l’industrialisation d’un troisième point de vue, du point de vue de l’importance modifiée de l’industrie d’Etat comparée à l’industrie capitaliste privée et à l’artisanat. Lorsque nous considérons la dynamique des forces réunies de l’industrie capitaliste privée et de l’artisanat, lorsque nous considérons le mouvement des chiffres correspondants, nous trouvons la situation suivante :
En 1923-1924, l’industrie capitaliste privée et l’artisanat englobaient 27,7 % de la production brute de toute l’industrie, en 1925-1926, 16,9 % ; en 1926-1927 probablement 15,3%. En d’autres termes, nous constatons un recul continuel de la part de industrie capitaliste privée et de l’artisanat dans l’économie industrielle générale et, par conséquent, une augmentation constante du poids spécifique de l’industrie d’Etat et de l’industrie générale du pays. Ainsi, même de ce point de vue social de classe, l’industrie d’Etat socialiste se développe plus rapidement que l’industrie capitaliste privée et l’artisanat.
3° Croissance de la base technique du socialisme[modifier le wikicode]
Si on voulait se servir de quelques autres exemples comme illustration de l’industrialisation de notre pays ou pourrait rappeler que, par exemple, la construction des machines agricoles a déjà dépassé chez nous la norme d’avant- guerre (123% de la période d’avant-guerre). C’est une preuve nette du fait que notre industrie commence à s’orienter sur l’agriculture. L’industrialisation de notre pays signifie pour notre campagne tout autre chose que l’industrialisation dans les pays capitalistes. Notre industrie doit nécessairement rechercher à établir les relations les plus étroites possibles avec l’agriculture ; il faut quelle remorque la campagne, qu’elle Peut raine pour que notre industrie puisse devenu un facteur de la transformation socialiste de la paysannerie. Mais, encore plus. La production des turbines à vapeur en 1926-1927 augmente de 75 % comparée à l’année précédente. La construction des chaudières enregistre une augmentation 66%. Notre électro-industrie a dépassé de loin le niveau de la période d’avant-guerre. La production de l’énergie électrique a fait, en général, des progrès considérables.
Tous ces différents exemples nous montrent comment sont suivies les directives économiques essentielles données par notre dernier Congrès du parti
En liaison indissoluble avec la question générale de l’industrialisation, se trouve la question des dépenses pour le capital industriel de base. Alors qu’on peut juger dans des conditions normales le rythme du développement industriel avant tout sur la base de la production brute, la situation se présente un peu différemment chez nous. Au cours des dernières années de restauration de l’industrie, la production brute s’est accrue extraordinairement chez nous, ce qui s’explique par le fait que nous avons remis en marche les fabriques et entreprises arrêtées.
Après avoir fini ce « travail de restauration », nous nous sommes vus placés devant la tâche de construire de nouvelles usines et entreprises, de nouvelles routes et voies ferrées. Mais cela exige de grandes sommes. Voilà pourquoi nous ne pouvons atteindre avec la meilleure volonté du monde une augmentation aussi rapide de la production brute que lorsque nous avons travaillé avec des capitaux de base existants. Dans une période normale, le développement de la production va de pair avec le développement du capital de base, il existe entre eux un certain rapport déterminé. Mais chez nous, ce rapport n’a pas été respecté. Comme nos fabriques et entreprises furent d’abord arrêtées et que nous les avons remises ensuite en marche toutes à la fois, on ne pouvait plus parler chez nous d’un semblable parallélisme de développement. Donc, lorsque nous parlons du développement de notre industrie, il est d’une importante tout à fait particulière de savoir quelle est, chez nous, la situation du capital de base, de la création de capital. Le chiffres correspondants fournissent la situation suivante en 1923-1924, les dépenses pour le capital industriel se sont élevées à 225 millions de roubles, en 1924-1925 — à 385 millions de roubles, en 1925-1926 — à 780 millions de roubles en 1926-1927, c’est-à-dire dans l’année économique courante, à 947 millions de roubles et lorsqu’on y ajoute les frais de l’électrification, on obtient la somme coquette de 1 milliard 100 millions de roubles. Voilà la somme qui exprime la création de capital de l’année économique courante.
Est comprise dans ces chiffres la création de 374 nouvelles unités de production d’une valeur globale (sous forme fixe) de 1 milliard 55 millions de roubles.
Il faut également mentionner les dépenses pour la construction d’habitations qui, en 1925-1926, s’élevèrent à 248 millions de roubles (pour 282 000 ouvriers), tandis qu’en 1926-1927 on a envisagé une dépense de 315,5 millions de roubles (pour 361 000 ouvriers).
Parfois, nous ne pouvons à peine nous faire une idée [de] ce que ces conquêtes de notre travail d’édification, exprimées en chiffres, représentent en réalité. Si nous voulions par exemple rappeler ce que l’on a fait au cours des dernières années (les premières années, les années de la guerre civile n’entrent pas en ligne de compte du point de vue économique, alors on n’a rien construit et rien réalisé) nous devrions dire que nos conquêtes sont très appréciables. Ces temps car on n’a rien construit et rien réalisé) nous devrions [Mastic des typos de La CI ] par exemple, la station de Chatour, la station de Kachira et du Volkhov. On en a agrandi six autres, on en construit quatre nouvelles du même genre. De plus, on construit environ vingt-cinq stations électriques citadines. Au cours des années dernières on a construit, dans l’industrie métallurgique, sept grandes entreprises puissamment équipées. Les dépenses pour quelquesunes s’élèvent à 80 millions et plus. On a construit six nouvelles entreprises dans l’industrie électro-technique. Soixante-seize mines ont été équipées dans l’industrie charbonnière et on a commencé l’équipement de 10 nouvelles grandes mines et de 97 petites. On a construit cinq nouvelles entreprises de raffinerie pétrolifère dans l’industrie du naphte. Dans l’industrie du textile, travaillent déjà onze nouvelles usines, tandis que l’on construit et que l’on en achève encore dix-sept autres. Une puissante fabrique de textile, équipée avec de nouvelles machines américaines, sera mise en marche dans quelques jours, tout près de Moscou. L’industrie des produits chimiques dispose de doute nouvelles usines, tandis que douze autres se trouvent encore en construction. 1 500 kilomètres de voies ferroviaires ont été construites et on a installé des tramways électriques dans cinq villes. Il faut également souligner de petites conquêtes comme la construction de soixante-deux nouvelles usines pour la transformation des produits agricoles, de quarante-sept élévateurs de blé, etc., etc…
J’ai apporté ces indications tout à fait concrètes pour démontrer comment s’exprime concrètement notre travail d’édification. Naturellement, tout ce que l’on vient de créer jusqu’à maintenant n’est encore qu’un premier pas. Mais si nous considérons que notre travail d’édification ne date que de quelques années (nous existons bien depuis dix ans, mais notre travail d’édification n’a commencé que beaucoup plus tard), lorsque nous considérons que c’est maintenant seulement que nous nous sommes mis à solutionner le problème du capital de base, il faut reconnaitre que nos formidables conquêtes ne peuvent rester inaperçues qu’à de parfaits aveugles.
4° Fausses prophéties sur l’ouvrier « réglementé » par le koulak.[modifier le wikicode]
Maintenant, je voudrais examiner quelques questions principales de notre politique économique en rapport avec les divergences d’opinions dans notre parti.
Le problème central pour nous — aussi bien au point de vue économique que politique — est la question des rapports entre la ville et la campagne. Je voudrais tout particulièrement souligner ici que notre industrialisation ne peut nullement être identifiée avec l’industrialisation dans les pays capitalistes. La caractéristique de notre industrialisation consiste dans ce fait qu’elle n’est pas un levier pour la ruine de la campagne mais pour son relèvement, qu’elle n’est pas et qu’elle ne doit pas être un moyen pour sa destruction et la disparition du paysan moyen, mais pour le relèvement de l’économie paysanne. Notre industrialisation n’utilise pas le marché intérieur de façon capitaliste, elle ne ruine pas et ne prolétarise pas le paysan moyen. Notre industrialisation tend à servir les intérêts de la base paysanne agraire, de l’agriculture et d’entraîner ainsi à sa suite l’économie paysanne.
Le point de vue léniniste sur les rapports entre la ville et la campagne, c’est qu’il nous faut produire pour le paysan à plus bas prix que les capitalistes et que nous devons parfaire l’alliance entre la ville et la campagne sur cette base. Mais le point de vue de l’opposition exprimé d’une façon classique par Préobrajenski est le suivant : Ce n’est pas moins, mais plutôt un peu plus, qu’il faut prendre au paysan pour développer d’une façon intense, le plus possible, notre industrie. Les camarades de l’opposition motivent cette pensée par un certain nombre de considérations théoriques et par une longue série de prophéties. Ils ont dit : Si vous ne suivez pas vis-à-vis de la campagne la politique de l’opposition, une aggravation de la disette de marchandises est inévitable, car votre industrie ne se développe pas à un rythme suffisamment rapide et elle ne sera pas capable de suffire aux besoins croissants. Or, toutes sortes de complications politiques et autres sont une conséquence inévitable de l’aggravation de la disette de marchandises.
La seconde prophétie de l’opposition était la suivante : comme vous ne comprenez pas et que vous sous-estimez la différenciation à la campagne — c’est cela qu’on nous a dit — comme vous ne saisissez pas que les histoires des koulaks jouent un rôle beaucoup plus grand que vous ne le croyez, il s’ensuivra inévitablement une nouvelle aggravation du malheur économique qui nous est arrivé dans la période de la soi-disant « fausse comptabilité économique ». Kaménev c’est alors élevé contre nous et il a lancé ce fameux mot que le koulak nous a « réglementés ». Kaménev a dit : Nous avons établi un certain plan économique, mais le koulak nous a réglementés, a amassé le blé qui n’est pas venu sur le marché et nous fumes finalement obligés de restreindre notre plan d’exportation, de diminuer notre plan d’importation et de faire reculer d’un pas notre programme de production. L’opposition nous a alors reproché de ne pas avoir aperçu la croissance des koulaks qui ont organisé une véritable « grève du blé » contre le prolétariat et qui ont anéanti nos projets.
Depuis lors, une année s’est écoulée et nous savons maintenant les véritables causes de la disette de marchandises et comment s’est poursuivie la campagne de l’achat du blé. Nous nous trouvons maintenant dans la situation de pouvoir contrôler notre ligne économique sur la base des faits.
Avant tout, il nous faut enregistrer des succès incontestables concernant la lutte contre la disette des marchandises. Nous n’avons pas à faire à une aggravation de la disette de marchandises, mais à un recul. Il y a à cela toute une série de raisons, en premier lieu l’augmentation de la production industrielle. Nous avons ensuite récolté à l’intérieur du pays plus de coton que nous avions prévu — 10 millions de pouds au lieu de 9,3 millions prévus (notre coton indigène fournit à peu près 54 % des matières premières pour notre industrie textile.) En outre, nous avons acheté, en connexion avec la crise du coton aux Etats-Unis, le coton à des prix beaucoup plus avantageux et en plus grandes quantités que nous l’avions prévu au début. Dans le courant de cette année, nous jetterons 300 millions de mètres de cotonnades de plus sur le marché que nous l’avions envisagé. Or, notre consommateur paysan est en premier lieu un consommateur de produits textiles.
Le développement de notre industrie et de nos transactions dans le commerce extérieur nous permet de triompher de notre situation difficile. Les prophéties de l’opposition sur la future disette de marchandises ont été complètement réfutées par la vie elle-même.
D’une non moindre importance est le contrôle de notre activité dans le domaine de l’achat du blé. Toute la philosophie économique de l’opposition se basait sur le fait que le plus grand danger nous menaçait précisément du côté des achats de blé. La question des achats de blé était pour l’opposition qu’un pseudonyme, une couverture pour la question des koulaks. Toutes les autres — élections aux Soviets, politique coopérative, impôts, etc. — tournaient chez l’opposition autour de la constatation de ce soi-disant fait que la koulak a pris une telle grande importance qu’il n’est pas « réglementé » par nous, mais nous par lui.
La thèse complémentaire de cette philosophie de l’opposition consiste dans le fait que nous n’avons pas opposé de résistance à la croissance des koulaks et que nous ne nous défendons pas non plus maintenant. Le koulak aurait donc dû encore s’accroître au cours de la dernière année. La théorie de l’opposition sur le koulak devait inévitablement recevoir ici son véritable « baptême historique ». Si les cama- rades de l’opposition avaient eu raison, nous aurions eu à surmonter, lors de la campagne de blé de cette année, des difficultés beaucoup plus grandes que l’année passée et le koulak contrecarrerait nos projets encore beaucoup plus que l’année passée.
Mais comment est la situation en réalité ? Nous pouvons contrôler maintenant notre activité sur la base des faits et non seulement sur la base de calculs approximatifs futurs. Considérons la marche effective de la campagne du blé. Je dispose de la documentation du début de la campagne jusqu’au 25 décembre. En 1925-1926, on a acheté dans cette période (jusqu’au 25 décembre) 318,5 millions de pouds, et dans le courant de cette année 435 millions de pouds ce qui fait 36,5% de plus par rapport à l’année passée — c’est-à-dire un chiffre qu’il ne faut nullement sous-estimer. Comme nous le voyons, les faits tiennent peu compte de l’opposition.
La marche de la réalisation du plan de l’achat du blé chez nous n’a pas non plus un mauvais aspect. En septembre, ce plan fut réalité à 125,4% ; en octobre, à 127%, en novembre, à 139,2%. Cela veut dire que l’exécution a dépassé notre plan. Quelles sont les conclusions Que l’on peut en déduire ?
Premièrement il s’ensuit que la thèse de notre « réglementation » par le koulak est réfutée. Il n’est pas vrai que le koulak nous « réglemente ». Il est vrai, par contre, que nous le « réglementons », c’est-à-dire que nous le combattons habilement et que nous le repoussons.
Voilà la vérité !
Deuxièmement : il n’est pas vrai que nous soyons abandonnés sur le marché du blé. Il est vrai, par contre, que nous avons été capables de prendre le marché du blé dans nos mains, ce qui est un des phénomènes les plus importants de notre vie économique, une des conquêtes et des victoires les plus grandes de notre politique économique.
La troisième conclusion de la marche de la campagne du blé est que nous avons obtenu une garantie contre les augmentations saisonnières de prix des produits agricoles et tous les phénomènes qui les accompagnent — répercussions sur le salaire, sur le cours du tchervoniets, etc., etc... La campagne du blé se poursuit chez nous systématiquement ; en automne, les prix ne sont pas montés et nous avons donc toute raison de croire qu’il n’y aura pas non plus de montée des prix au printemps.
La conception politique générale, c’est que la marche de la campagne du blé signifie la débâcle de la philosophie économique de nos camarades de l’opposition.
III. Difficultés de croissance[modifier le wikicode]
Jusqu’à maintenant j’ai parlé de nos conquêtes et des phénomènes positifs de notre vie économique. Maintenant, je voudrais dire quelques mots sur les difficultés de la période actuelle d’édification et sur les tâches qui découlent de ces difficultés.
Je voudrais commencer par le problème du chômage. L’armée des chômeurs dans l’Union Soviétique est très grande. Si nous examinons la composition sociale des chômeurs et le chiffre de ceux qui sont venus de la campagne, nous trouvons que leur pourcentage est très élevé, que l’augmentation de l’armée des chômeurs provient principalement de ce côté-là. La différence entre le niveau d’existence de la ville et de la campagne se fait fortement ressentir. Les couches paysannes pauvres (mais pas seulement celles-ci), l’excèdent de la population des campagnes ou ce qu’on appelle la surpopulation agraire de la campagne — telle est la source de la grande armée des chômeurs. Si l’armée des chômeurs s’accroît avec le même rythme, notre industrie, même si elle se développe rapidement, sera incapable d’incorporer et de conserver dans un avenir prochain les sans-travail.
Pour vaincre le chômage, il faut suivre en même temps deux voies, dont l’une consisterait à prendre des mesures qui permettraient à l’excédent de la population agraire de trouver du travail sur place, dans le village même. Nous nous trouvons en présence du problème du relèvement de notre agriculture dans toute son ampleur et avec toutes ses difficultés. Il faut considérer cette question du point de vue d’une juste répartition du travail parmi les différentes branches de l’agriculture. Il faut différencier les domaines de la culture extensive du blé, d’une part, les domaines de la culture paysanne intensive de l’élevage intensif du bétail, etc., d’autre part. Le problème de la fixation du matériel humain au sol doit nécessairement être porté par nous dans toute son acuité. Il faut, avant tout, soulever la question de l’appui à l’agriculture intensive et aux cultures exigeant une grande dépense de travail. L’accroissement de cette dernière espèce de culture permet à un plus grand nombre de force-travail de trouver une occupation productive dans ce domaine. Evidemment, il faut pour cela créer certaines conditions préalables — entreprises pour la transformation des produits agricoles, fabriques de conserves de légumes et de fruits, etc., il faut l’industrialisation de l’agriculture par le moyen de la coopération.
En même temps, nous nous trouvons en présence de la tâche du développement de nos cultures spéciales, par exemple, du coton. Mais il faut tenir compte que la question des dépenses pour des installations d’irrigation qui, du point de vue de la rationalisation de notre agriculture sont d’une très grande importance, joue un rôle considérable. Nous ne devons pas oublier qu’un système d’irrigation se trouvant entre les mains du pouvoir d’Etat, contribuera également dans une forte mesure à la collectivisation des processus agricoles.
La difficulté que je voudrais examiner est la question des matières premières. La culture et l’utilisation des matières premières indigènes s’accroissent chez nous. En 1925-1926, la surface de culture du coton s’est accrue de 30% par rapport à l’année précédente, ce qui signifie une augmentation de 98%, comparée à la période d’avant-guerre. La surface de culture en lin s’est accrue dans le même laps de temps de 30%, ce qui signifie une augmentation de 88% par rapport à la période d’avant-guerre. L’augmentation de la surface de culture en chanvre est de 27 % et dépasse la période d’avant-guerre de 127%, etc., etc...
Pourtant notre industrie croît encore plus rapidement. Nous nous ressentons d’un fort manque de matières premières, particulièrement en coton, cuir et laine.
Camarades, je voudrais attirer votre attention sur un petit trait caractéristique tout à fait intéressant de notre divergence d’opinion avec l’opposition.
L’opposition est, en général, à l’heure actuelle, d’avis qu’il n’est pas nécessaire de s’intéresser spécialement à l’agriculture ; marchons seulement alertement dans la direction de l’industrie, appuyons toujours et exclusivement sur ces leviers, c’est la meilleure façon de construire le socialisme. Pourtant, la solution de l’énigme se trouve précisément dans ce fait que le socialisme et notre industrie socialiste ont besoin de la base agricole. Essayons seulement de développer l’industrie du textile sans leurs matières premières, sans le coton ; mettons les filatures de laine en marche lorsqu’on manque de laine. On ne peut pas se passer de la production agricole, car elle nous fournit les matières premières pour notre industrie. Soyez assez aimable de poser la question des prix, des impôts, etc., de telle façon que le paysan ne cesse pas de cultiver le lin, le chanvre, les plantes oléagineuses, etc., parce que les prix du blé sont relativement plus élevés que les prix de ces produits. Il nous faut un juste rapport entre les prix des produits industriels et agricoles.
Ainsi, camarades, le problème des matières premières est une des tâches les plus importantes qui se posent devant nous, il se trouve en connexion la plus étroite avec la question des rapports entre la ville et la campagne, et il nous oblige à suivre des voies qui ne concordent nullement avec celles proposées par l’opposition.
[Les § suivants, sur la politique des prix, sont reproduits en annexe, dans une autre traduction, parfois plus détaillée et plus complète, tirée d’une brochure du Bureau d’Edition pour le recueil BOUKHARINE, Le socialisme dans un seul pays, UGE, 10/18, 1974, pp. 211-225.] Je passe maintenant à la question qui, à mon avis, est la question centrale et la plus importante de notre politique économique — la question de la politique des prix. Cette question est de la plus grande importance pour nous à différents points de vue — aussi bien du point de vue du développement général de notre économie que du point de vue de notre industrie. La réponse à la question de la marche de notre développement dépend de la réponse que nous donnons à la question des prix. Elle est aussi importante du point de vue des rapports entre les ouvriers et les paysans, du point de vue du relèvement du niveau de culture des masses et, en première ligne, des masses du prolétariat industriel. De notre politique des prix dépend également la possibilité d’un relèvement culturel général du pays plus rapide ou plus lent. Bref, à tous les points de vue. la question des prix joue dans toute notre politique un rôle considérable.
Quoique notre parti ait lancé le mot d’ordre de la lutte pour une diminution des prix, nous constatons ces temps derniers en examinant l’index commun du commerce de détail des produits industriels et agricoles, une augmentation de l’index du commerce de détail, malgré un certain recul de l’index du commerce de gros. Nous avons donc ces temps derniers une divergente croissante des prix entre les marchandises industrielles et les produits agricoles quoique dans une plus faible mesure par rapport à la fameuse crise de l’automne 1923. Il nous faut avoir le courage de regarder en face ce fait, qui entraîne certains dangers économiques et politiques. C’est une situation singulière : notre industrie s’accroît plus rapidement que l’agriculture, mais les ciseaux s’ouvrent de plus en plus. L’industrie se développe rapidement, les prix de gros diminuent, mais les prix de détail augmentent, c’est-à-dire ceux que les larges masses des travailleurs doivent payer pour les produits. Les prix de gros de l’industrie d’Etat ont baissé de 36% au cours des trois dernières années, les prix de détail, par contre, de 3% ; c’est lamentable. Il faut donc soulever le problème des prix de gros et de détail dans toute son acuité et dans toute son ampleur.
Sans aucun doute, nous avons su concentrer entre nos mains non seulement toute la grande industrie, mais aussi une grande partie du marché, c’est-à-dire le commerce de gros et de détail. Nous avons conquis le commerce de détail dans une faible mesure, le commerce de gros dans une plus forte mesure, mais en tout cas, là aussi, nous nous sommes emparés en grande partie du marché, En général, nous pouvons affirmer que nous occupons une position dominante dans l’échange des marchandises. Aussi bien dans le domaine de l’industrie que dans celui du commerce, nous sommes pratiquement des monopolistes. Si nous lions ce fait au phénomène que le développement de l’industrie marche plus rapidement que celui de l’agriculture et que les prix de gros baissent, mais que, par contre, les prix de détail, malgré l’organisation de campagnes spéciales, ne veulent toujours pas baisser, la question se pose : pourquoi les prix de détail ne baissent-ils pas, où disparait la différence entre les prix de gros et de détail, où reste-t-elle accrochée ? Quelles sont les causes de ce phénomène ? Nous pouvons également poser une autre question : diminuons-nous suffisamment les prix de gros, a-t-on tout fait ce que l’on a pu faire, pouvons nous encore faire davantage pour obtenir des résultats plus grands ?
Lorsque nous nous posons cette question dans son ensemble, la situation actuelle reste inexplicable, si nous ne tirons pas la conclusion qu’aussi bien dans l’industrie d’Etat et dans une plus forte mesure encore dans notre commerce d’Etat et dans les coopératives existe un profit non apparent, un profit net qui reste caché à notre Etat et accroché dans les différentes organisations économiques. Cela ne signifie pas du tout que ce bénéfice net soit gaspillé et englouti par l’appareil. Une certaine partie sert à l’extension en dehors du plan, sans que nos organes dirigeants économiques, d’Etat et de parti, en aient connaissance. Comment une chose semblable peut-elle arriver dans notre industrie ? Par exemple, on peut inscrire le bénéfice net dans le bilan annuel non comme tel, mais sous la rubrique « amortissement », il peut être employé pour la construction de nouveaux bâtiments, de nouvelles entreprises, etc., sans qu’un semblable agrandissement de l’industrie ait été prévu dans un plan quelconque.
Dans le commerce d’Etat et dans les coopératives, une semblable extension non prévue, un tel accroissement se produisent peut-être encore dans une plus forte mesure. Aussi bien dans le domaine de l’industrie que dans celui de l’échange de marchandises existe un bénéfice net caché qui n’est pas inscrit par nos organes économiques en tant que bénéfices, mais qui sert, sous des appellations diverses, à l’agrandissement de l’appareil et à l’extension des transactions. En tout cas, on peut se consoler en disant que même ce mal a ses bons côtés : même lorsque la construction de l’industrie a lieu de façon « illégale », elle reste quand même un phénomène positif. Mais le côté négatif est plus fort que le côté positif.
Satisfaction de soi-même dans le monopole ou progrès dans le plan d’Etat[modifier le wikicode]
Je veux démontrer pourquoi c’est le côté négatif qui l’emporte ici. Nous examinons déjà depuis plusieurs années le problème de notre politique de prix et déjà en 1923, lors de la première discussion avec les trotskistes, quelques-uns d’entre nous ont rappelé que dans le domaine de la politique économique il existe un danger, dont il faut rechercher la source dans le fait que dans un certain nombre de domaines économiques nous sommes des monopolistes.
Que l’Etat ouvrier soit maître des positions dominantes, c’est très bien en soi, car de cette façon il peut mener la société vers le socialisme. Il est excellent que la classe ouvrière dispose des positions dominantes. C’est un atout énorme, c’est la condition préalable la plus importante du travail d’édification socialiste que la classe ouvrière dispose du monopole dans le domaine de l’économie nationale, sur le marché et surtout dans le domaine de la grande industrie. Cela ne souffre pas de contestation, c’est une vérité élémentaire. Mais on ne doit pas oublier qu’en présence de certaines déviations, un certain préjudice menace de sortir d’une bonne chose, certaines difficultés peuvent surgir.
Vous savez très bien, qu’un monopole capitaliste n’est qu’une institution de pillage. Un monopole capitalise signifie qu’un petit groupement de grands capitalistes domine toute la vie économique. Les capitalistes monopolistes n’ont aucune raison de veiller à l’accroissement constant de la production et aux prix de plus en plus bas. Une fois qu’ils tiennent le manche, ils peuvent fixer des prix à leur gré et présurer la population à leur guise.
Nous devons dire, camarades, que le monopole non capitaliste, le monopole prolétarien, peut facilement être tenté de se reposer sur ses lauriers. Tel ou tel organe économique ne peut-il pas fixer un prix élevé et lucratif et le réaliser en profitant de sa situation monopoliste sur le marché ? Un pareil truc peut aussi être « justifié au point de vue théorique » : l’industrie doit nécessairement être développée aussi rapidement que possible, car elle est notre base socialiste ; nous pouvons la développer d’autant plus rapidement que nos bénéfices nets seront plus grands, mais ceux-ci seront plus grands au fur et à mesure que les prix seront plus élevés. Des prix élevés nous garantissent un bénéfice élevé que nous pouvons employer à de nouvelles constructions industrielles, au développement de l’industrie, à l’édification du socialisme à un rythme galopant, etc., etc... Voilà une très belle idéologie, qui, extérieurement, a l’air d’être « purement prolétarienne ».
Une des fautes principales de l’opposition consiste précisément dans le fait qu’elle suit cette voie. Ce point de vue est exprimé avec une clarté parfaite dans le travail du camarade Préobrajenski, La Nouvelle Economie, où il dit qu’il ne faut pas perdre de vue le fait que nous sommes les héritiers du capitalisme monopoliste. Ce dernier a pressuré à l’aide des monopoles, au sens littéral du mot, des superprofits sur toutes choses et nous ne devons pas être « inférieur » au capitalisme — en déduit le camarade Préobrajenski, En tant qu’« héritiers » il nous faut pressurer au moins autant de profits, sinon de superprofits. Toute la différence entre notre chasse aux superprofits et celle des capitalistes consiste exclusivement dans le fait que nous ne l’employons pas pour la société capitaliste, mais pour la société socialiste, non pour la classe capitaliste, mais pour la consolidation du pouvoir prolétarien. Voilà la philosophie de l’opposition sur ce point.
Mais elle est fausse, nous ne pouvons, nous ne devons pas faire et nous ne ferons pas une semblable politique, nous ne voulons pas nous casser le cou. Avant tout c’est un contresens complet, du point de vue purement économique, de dire que le rythme d’accumulation est d’autant plus rapide que nous pouvons pressurer davantage le consommateur à l’aide de prix élevés. Cette thèse est fausse en général, mais elle l’est doublement cher nous. Premièrement, parce que l’industrie finalement se développe plus rapidement lorsqu’on accélère l’échange de marchandises entre la ville et la campagne. Lorsque cet échange aura lien plus rapidement, on pourra encaisser des profits plus élevée, tout en maintenant les prix ou même en les abaissant. Vous pouvez fixer un prix plus bas pour chaque unité d’une certaine marchandise, mais lorsque la qualité de cette marchandise sera meilleure, lorsque vous saurez faire circuler plus rapidement votre capital, la somme totale du profit dans l’année sera plus élevée bien que vous ayez abaissé le bénéfice par unité.
Voilà la différence entre les deux méthodes. A notre avis, la tâche principale consiste précisément à fixer un prix plus bas, inférieur par unité de marchandise, à produire une qualité meilleure, à réaliser ainsi de plus grands profits, à taire circuler le capital plus rapidement, à développer l’industrie d’une façon plus intense et à hâter notre rythme de développement. Mais il ne faut pas que l’on ruine en même temps la paysannerie, que l’on prive l’industrie des matières premières agricoles ; il faut maintenir les justes rapports entre l’agriculture et l’industrie, Il faut renforcer l’alliance entre les ouvriers et les paysans et il faut consolider le rôle dirigeant de l’industrie prolétarienne ainsi que du prolétariat lui-même.
Mais la question des prix a encore un autre côté, non moins important. La mécanique de développement de la société capitaliste et de la nôtre est différente par principe. Considérons la société capitaliste, le capitalisme industriel de l’époque « classique ». Dans des conditions capitalistes la concurrence est le stimulant principal pour la croissance rapide et pour l’augmentation de la production. La concurrence est le fouet et l’éperon. Mais « l’âge d’or » de la libre concurrence est passé, le monopole capitaliste l’a remplacé. Ce monopole capitaliste a rapporté des avantages plus grands, a diminué les dépenses aussi bien pour l’administration que pour d’autres buts. Mais, d’autre part, il a été la source de nombreux éléments de décomposition. Lorsque les capitalistes disposent de tout d’une façon monopoliste, le fouet disparait qui les pousse à augmenter la production. Il en découle la décomposition du capitalisme.
Pour le consommateur travailleur[modifier le wikicode]
Quelle est la situation concernant notre monopole prolétarien ? Il n’y a pas de libre concurrence chez nous. Quelle est donc la raison qui détermine la production ? Je crois que c’est la masse même des ouvriers et des paysans qui nous oblige à augmenter la production. Si nous nous étions contentés de ce que nous avons obtenu, si nous travaillions négligemment, si nous fixions des prix à notre guise et si personne n’élevait la voix contre une telle chose, nous serions sans aucun doute également condamnés à la décomposition. Mais, chez nous, la mécanique de développement est tout autre. Les ouvriers disent : non, nous voulons acheter à des prix inférieurs et une meilleure marchandise, et le paysans disent de même. Le parti écoute la voix des masses et il demande : qu’y a-t-il, pourquoi ce mécontentement ? Ne devrait-on pas exercer une pression sur le front économique ? Ne devrait-on pas dire à nos camarades travaillant dans le domaine économique : chers amis, ayez l’obligeance d’augmenter la production, etc. ? Notre force motrice n’est pas la concurrence, mais tout autre chose.
Ce qui nous fait progresser est finalement l’accroissement des besoins des masses, qui nous font sentir immédiatement si nous exécutons d’une façon mauvaise notre service économique envers eux. Que l’on essaie seulement de se reposer un petit peu sur ses lauriers et on s’en apercevra immédiatement.
Mais, d’autre part, du fait que tous ceux qui sont occupés dans le domaine économique ne vont pas encore assez au-devant des masses, et du fait que notre position est une position monopoliste existe aussi le danger de ne pas pousser assez énergiquement le relèvement et la rationalisation de notre appareil et de s’orienter plutôt dans le sens de la plus faible résistance, dans la direction de l’augmentation maximale des prix. Ce danger existe et a trouvé son expression idéologique dans les conceptions économiques de l’opposition. Or, j’affirme que cette méthode est désastreuse pour nous et qu’il faut que notre parti la combatte — et non seulement notre parti. Il faut que le parti mobilise également les couches les plus avancées des ouvriers et des paysans pour que les masses exercent une influence directe sur les organes économiques et coopératifs. Notre économie existe pour le consommateur et non inversement le consommateur pour l’économie. Il faut que l’on se le mette bien dans la tête. La « nouvelle économie » se distingue de l’ancienne du fait que les besoins des masses sont décisifs pour elle et non les profits qu’elle encaisse le lundi ou le mardi sans réfléchir à ce qui arrivera le jeudi ou le vendredi.
La question de la diminution des prix, de la diminution prudente des prix de gros et d’une lutte tenace pour la diminution des prix de détail est aujourd’hui une question d’une grande importance politique.
[L’autre traduction de cette partie du rapport contient en outre un passage sur la lutte contre la bureaucratisation qui semble avoir été coupé dans l’édition de La CI]
IV. Sur les talons de l’ennemi de classe[modifier le wikicode]
Le prolétariat et ses alliés contre le « nepman » et le « koulak »[modifier le wikicode]
Si nous nous posons la question des perspectives de notre développement intérieur, nous pouvons regarder pleins d’espoir notre avenir, car les richesses naturelles de notre pays sont énormes et le principe du plan d’Etat de notre économie prend un développement rapide. Nous avons déjà solutionné de grandes tâches économiques comme, par exemple, le
Volchovstroi, nous nous sommes mis à l’œuvre pour solutionner pratiquement des problèmes tels que, par exemple, la construction du Dnieprostroi, du canal de la Volga au Don, du pipeline Grosny-Touapse et de plusieurs grandes lignes de chemins de fer. Tout cela est un grand progrès. Enfin, nous avons encore fait beaucoup pour féconder notre économie nationale par le moyen de forces scientifiques et techniques, ce qui est également un des problèmes les plus importants pour l’avenir. Si nous passons maintenant de ces aspects économiques du problème aux questions de la lutte de classe dans notre pays, nous nous apercevons facilement que, par notre analyse précédente, nous avons déjà donné en grande partie la réponse à cette question. Dans la lutte entre la classe ouvrière et le capital privé dans l’industrie concessionnée, nous voyons, au cours des années 1923-1924, jusqu’à i925-1926, une diminution du poids spécifique du capital privé de 5,6% à 4%. Dans le commerce de gros, ce chiffre est tombé de 21,8% à 9,4%, et, dans le commerce de détail, de 41% à 24%. Voilà le bilan de la lutte de classe, voilà les succès les plus importants de la lutte de classe.
Les leviers principaux, dont nous nous servons dans la lutte contre le capital privé, sont : consolidation des coopératives et du commerce d’Etat, systématisation dans notre activité économique. Mais nous n’avons pas renoncé à l’utilisation d’autres moyens. Au cours des dernières années, nous avons augmenté les impôts sur le capital privé, nous avons introduit des tarifs ferroviaires spéciaux contre le commerce privé et NOUS avons pris également différentes mesures administratives. Il est vrai que le capital s’accroît d’une façon absolue, mais dans des conditions telles que nous l’encerclons assez rapidement de tous côtés.
Notre ennemi principal à la campagne est le koulak, mais là également, nous avons remporté une grande victoire économique — nous avons conquis le marché du blé. Si l’opposition avait tort dans le sens qu’elle a fortement surestimé l’importance du koulak, on ne peut toutefois nier que les koulaks auraient pu nous jouer un mauvais tour du fait de leur alliance avec le commerce privé. Mais nous avons su conquérir le marché du blé — voilà une de nos plus grandes victoires.
Nous mènerons également à l’avenir une lutte infatigable contre les koulaks, contre les exploiteurs à la campagne, nous consoliderons également à l’avenir notre alliance inébranlable avec les masses des paysans moyens. Les paysans pauvres, auxquels il nous faut augmenter de jour en jour notre appui et dont nous devons renforcer toujours l’organisation, restent comme par le passé notre soutien social le plus solide à la campagne.
Dans le domaine de la lutte de classe, on peut enregistrer un certain nombre de nouveaux phénomènes, comme par exemple, le renouveau de quelques attitudes antisoviétiques ou mi-hostiles parmi les intellectuels. Il faut que notre parti accorde son attention à ces phénomènes, mais il faut qu’il continue à attirer au travail les véritables spécialistes.
Il faut accorder la plus grande attention à la réalisation des directives de notre parti et de ses congrès concernant le renforcement de l’activité du prolétariat. Nous ferons tout de notre côté pour que les directives du parti soient suivies d’une façon juste. Nous obtiendrons des succès dans tous les domaines, car la base objective existe, car la vie économique, la base de l’énergie créatrice de la classe ouvrière se trouve dans une ligne ascendante.
Le parti, avant-garde de l’Internationale[modifier le wikicode]
Pour finir, quelques mots sur notre parti. Notre parti a serré actuellement ses rangs autour d’un point de vue léniniste parfaitement juste aussi bien dans le domaine économique que politique. Il a suivi un cours juste, il a repoussé énergiquement l’opposition. Mais en dehors de la tâche de la cohésion intérieure, plus que jamais se pose devant notre parti la tâche de consolidation du contact avec les larges masses ouvrières sans parti, de la consolidation de son influence sur ces masses. Du fait que de nouvelles couches ouvrières se sont constituées, il nous faut mener une lutte beaucoup plus énergique pour ces nouvelles masses, pour les convaincre de consolider notre liaison avec elles, d’élargir et d’approfondir l’influence sur le prolétariat sans parti et par son intermédiaire également sur la paysannerie.
Grâce à nos grands succès, nos cadres peuvent peut-être se « tranquilliser » dans une certaine mesure, peuvent parfois oublier la nécessité de rester en contact direct et tout à fait intime même avec les couches ouvrières les plus arriérées. Mais le vrai communiste est celui qui n’oublie pas un seul moment, malgré les plus grands succès et les perspectives les plus larges, les conditions difficiles dans lesquelles vivent encore de larges couches des masses ouvrières dont nous sommes la chair et le sang. Il faut que le parti soit toujours systématiquement éduqué dans le sens de la pleine conscience de la nécessité de rester en contact le plus étroit avec les classes, dont l’avant-garde a été, est et sera toujours notre parti.
A la séance plénière du C. E. Elargi de l’I. C., nous avons livré la bataille décisive à l’opposition. Le mouvement ouvrier communiste international fut la dernière instance pour l’examen de la justesse de notre ligne. Tous les représentants de l’Europe Occidentale, de l’Amérique, de la Chine et des autres pays ont reconnu à l’unanimité la justesse de notre politique. C’est une garantie de plus pour nous que nous sommes dans la voie juste, que notre parti qui a beaucoup mérité dans le passé et qui se trouve aujourd’hui en présence de formidables événements, sera, tout comme par le passé, le grand et puissant parti de notre prolétariat victorieux !
Nous devons être prêts. (Extraits du discours de clôture)[modifier le wikicode]
Les gardes-blancs russes au service du gouvernement anglais[modifier le wikicode]
Avant tout, je veux m’arrêter, comme dans mon rapport, sur les questions de notre situation internationale. Pourquoi ai-je souligné dans mon rapport la question de la possibilité d’une attaque contre l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques ? Parce que, ces temps derniers, nous, constatons toute une série de symptômes dont notre parti, en tant que chef de la classe ouvrière, doit nécessairement tenir compte.
Avant tout, je voudrais donner lecture de quelques documents sérieux qui sont tombés entre nos mains et qui témoignent de la liaison tout à fait étroite entre la contre-révolution russe et les chefs du gouvernement britannique.
On accuse continuellement notre gouvernement d’entretenir les liaisons les plus diverses, des agences et d’autres choses semblables dans les différents pays. Chaque mouvement dirigé contre l’ordre social capitaliste est considéré par la bourgeoisie mondiale comme « importé » de l’Union Soviétique. Tout le monde connait le bon mot lancé à l’étranger que la seule marchandise que nous exportions en grande quantité, ce sont nos « agents rouges ». Les gens surestiment, en ce cas, nos forces, en inscrivant chaque mouvement révolutionnaire à l’actif et dû à l’influence de nos « agents ». Je ne réfuterai ni ces « naïvetés », ni tous les bavardages et calomnies lancées à ce sujet contre nous. C’est tout à fait superflu. Je voudrais, sur ce front, passer à la contre-offensive contre notre principal adversaire, contre le gouvernement conservateur britannique.
J’ai sur moi quelques lettres de Sablin, un ancien diplomate dirigeant de la Russie tsariste, à un autre diplomate tsariste, Giers.
Cette information s’intitule « Renseignements d’information à Monsieur le représentant diplomatique russe le plus ancien à l’étranger — il s’agit là d’un représentant diplomatique du tsar Nicolas II ; or, celui-ci ne se trouve plus déjà depuis longtemps parmi les vivants, mais il continue à avoir malgré tout ses propres représentants diplomatiques (Hilarité). Sablin écrit ce qui suit sur les affaires britanniques :
« La majorité des conservateurs croit encore que tous les maux prennent leur origine dans l’influence désorganisatrice de Moscou et dans la propagande du communisme et ils se consolent avec l’espoir que l’on pourrait remédier à tout en chassant Krassine d’Angleterre et en arrêtant toutes les relations avec Moscou. Je fais naturellement tout mon possible pour appuyer cet état d’esprit et pousser au renvoi des rouges d’ici, dans la mesure de mes forces. Toutefois, je sens un grand doute pénétrer au plus profond de mon âme à ce sujet et je crains que le renvoi possible des rouges ne puisse amener lui-même, dans les conditions actuelles, aucune modification radicale de la situation de l’industrie et du commerce britanniques. »
Voilà ce qu’a écrit Sablin. Lui-même ne croit pas que tous les maux de la GrandeBretagne proviennent du fait que 150 représentants soviétiques se trouvent à Londres, mais en même temps il juge nécessaire « d’appuyer cette conviction du gouvernement conservateur ». Passons maintenant à un autre document. Je ne puiserai que quelques citations dans celui-ci, comme je viens de le faire avec le premier et comme j’ai l’intention de le faire avec le troisième. L’autre lettre est également un « renseignement d’information à Monsieur le représentant diplomatique russe le plus ancien à l’étranger ». On y lit :
« Grâce à l’amabilité du prince J. S. Troubetskoï, on m’a adressé l’ordre du 1er mai du commandant de l’Année rouge, Vorochilov, d’où il ressort avec une clarté indiscutable que la personne ci-dessus est en même temps Commissaire des soviets, membre du gouvernement et agent actif de la IIIe
Internationale. J’ai fait immédiatement une traduction anglaise de cet ordre, que j’ai fait passer avec une lettre correspondante dans le Times. A cette occasion, j’ai adressé en même temps une lettre personnelle au ministre de l’intérieur. »
Quelques lignes plus loin, on lit :
« Aujourd’hui, j’ai reçu une lettre d‘approbation du ministre, ou il me remercie pour le renseignement et où il m’exprime sa satisfaction sur l’aide apportée par les Russes constitutionnels dans ce moment critique ».
Et maintenant encore une citation de la troisième lettre. On y parle de la liaison entre les monarchistes et le gouvernement anglais. Sablin écrit :
« Ces temps derniers, a eu lieu aussi une modification à ce sujet ; et notre représentation diplomatique légale a commencé à reprendre petit à petit l’exercice de ses droits réels et à être reconnue effectivement par les autorités britanniques.
Cela a débuté par la participation active et efficace de notre représentation et de quelques « Russes blancs » lors de la campagne électorale et par la suite on régla cher moi, petit à petit, une collaboration autorisée avec !e ministre de l’intérieur, avec Sir William Johnson Hicks, qui est l’adversaire le plus convaincu et le plus actif des bolchéviks.
Pendant la grève générale, beaucoup de Russes blancs ont offert à nouveau leur service au gouvernement, pour maintenir l’ordre et exécuter certains travaux et quelques-uns d’entre eux furent même malmenés dans la rue par des grévistes. »
Je pourrais encore citer quelques passages, mais ceux dont je viens de donner lecture font ressortir nettement toute la mécanique des rapports de classe internationaux. Les diplomates tsaristes offrent, à l’occasion de la grève générale et de la lutte des mineurs, leurs services au gouvernement anglais ; les ouvriers anglais malmènent un petit peu ces diplomates tsaristes dans les rues, mais le ministre de l’intérieur Johnson Hicks écrit à ces diplomates des lettres de remerciements et établit avec eux des rapports intimes, certainement dans le but de développer, de financer et de diriger l’activité contre-révolutionnaire et même insurrectionnelle de ces hommes d’Etat (si on peut les appeler ainsi) tsaristes sur le territoire de notre Union Soviétique.
Les contradictions entre les capitalistes et la possibilité d’une attaque contre l’Union Soviétique[modifier le wikicode]
Dans mon rapport, j’avais parlé de l’activité renforcée des gouvernements capitalistes dirigée contre l’Union Soviétique. Dans la discussion, un des orateurs, le camarade Alexeiev, m’a reproché d’avoir présenté l’affaire de telle façon que tous les impérialistes constituent un certain front unique, un certain ensemble unifié. Tandis qu’en réalité des contradictions existent entre eux et que ces contradictions, selon l’opinion du camarade Alexeiev, rendent impossibles, au moins pour le prochain avenir, des actions contre nous. Il y avait peut-être faute de ma part de ne pas avoir rappelé ces contradictions entre les différentes puissances capitalistes ; Alexeiev a peut-être raison sur ce point. Mais je n’avais pas rappelé ces contradictions pour la simple raison que l’on en avait parlé beaucoup et en détail au cours de ces temps derniers. Entre autres, cette question fut également examinée à la dernière session de l’Exécutif Elargi de l’I. C. Tout le monde connaît l’existence d’un antagonisme entre l’Angleterre et la France, d’un antagonisme entre la France et l’Italie, d’un antagonisme entre les pays capitalistes et les colonies, d’un antagonisme entre les Etats Unis et le Japon, de certaines contradictions entre la France et l’Allemagne malgré le rapprochement de ces deux pays, etc. A la session de l’Exécutif Elargi de l’I C., toute la discussion avec le camarade Treint, qui avait présenté des objections contre l’appréciation de la situation internationale contenue dans le rapport soumis à la session, a consisté dans une analyse détaillée des contradictions entre les différents Etats. Ces contradictions existent, elles sont profondes, elles sont si profondes que tôt ou tard elles aboutiront à une guerre entre les différents groupes des puissances impérialistes.
Mais je conteste catégoriquement la conclusion du camarade Alexiev que ces contradictions dans la phase actuelle du développement international excluent la possibilité d’une attaque contre nous.
Il y a deux jours que j’ai présenté mon rapport à la Conférence du parti et le lendemain les journaux ont publié la nouvelle extrêmement importante que l’Angleterre prépare un nouveau Locarno, une nouvelle conférence des puissances capitalistes les plus importantes, conférence qui est dirigée directement contre nous.
Les contradictions entre les différentes puissances capitalistes excluent-elles toujours et sous toutes conditions leur action commune contre l’Union Soviétique ? Nullement. Il y a dans l’histoire des exemples que des mouvements révolutionnaires furent étouffés par les efforts communs d’un certain nombre de pays entre lesquels existaient des intérêts contradictoires. L’intervention contre nous au moment de la guerre civile en fut un exemple. Alors, il n’y avait pas plus que maintenant de parfaite communauté d’intérêts des pays capitalistes, mais les contradictions n’ont pas empêché l’intervention. Evidemment, les contradictions pendant la guerre impérialiste nous ont, d’autre part, procuré un répit sur lequel furent construites la théorie et la pratique de la paix de Brest-Litovsk, mais néanmoins par la suite, une série de pays s’est dressée contre nous. Je cite encore un exemple historique plus ancien, l’insurrection des Boxers en Chine, où les puissances capitalistes ont étranglé en commun ce pays malgré les contradictions entre eux.
Il s’ensuit que tout dépend, premièrement, du degré des contradictions au moment donné et, deuxièmement, encore davantage de la mesure où le danger est menaçant, pour que tous ces Etats, entre lesquels existent des contradictions, s’unissent. Lorsque le danger leur semble trop grand, les contradictions entre eux passent temporairement au second plan pour faire place à la lutte commune contre le danger commun plus important et plus décisif à leurs yeux. Voilà pourquoi on ne peut pas déduire aussi simplement de la loi des contradictions entre les Etats capitalistes, l’impossibilité d’une guerre contre nous.
J’ai rappelé que la guerre est liée à d’énormes antagonismes sociaux de classe, qu’elle est liée au fait que les ouvriers peuvent tomber avec plus ou moins de force sur le dos de leurs gouvernements. C’est un fait qui a une importance capitale.
Nous devons être prêts ![modifier le wikicode]
Je suis tout à fait loin de prédire des dates précises, mon intervention n’était pas faite pour dire que nous aurions absolument une guerre au cours des mois prochains. Je n’ai pas du tout fixé de date, ni que nous aurions absolument une attaque contre nous au printemps ou en automne. Dans la situation actuelle extrêmement compliquée, lorsque nous nous trouvons en présence d’événements semblables à la révolution chinoise, alors que les groupements se modifient avec une rapidité extraordinaire, il est difficile de faire des prévisions « garanties et patentées » sur des dates. Il nous faut être très prudents et faire aussi peu de plaisanteries que possible avec les prophéties les plus diverses.
Mais il y a beaucoup de matière explosive, la révolution en Orient brille d’une flamme si éblouissante, notre croissance progresse si rapidement qu’un grand nombre d’Etats bourgeois, et en particulier la Grande-Bretagne, pensent non seulement à préparer une guerre contre nous, mais organisent aussi directement les forces qui sont dirigées contre nous.
Et maintenant vous vous demandez, en tant que chefs de la classe ouvrière : Devons nous nécessairement tenir compte de ces faits ? Devons nous nécessairement dire qu‘il y a maintenant un certain nombre de symptômes qui témoignent de l’approche d’une guerre ?
Nous serions de drôles de gens, nous ne serions pas un parti ouvrier, mais un club de discussion pour intellectuels, si nous ne parlions pas de ces dangers. Si nous déclarions qu’il y aura sûrement demain la guerre et si elle n’éclatait pas, il va sans dire que nous ressemblerions à ce garçon de la fable connue qui criait pour rire : « Au loup ! Au loup ! » Lorsque le loup arriva réellement, personne ne le crut parce que le garçon s’était moqué d’eux auparavant.
Il nous faut savoir garder la mesure en tout. Nous pouvons déclarer en pleine responsabilité que le danger approche, qu’il existe toute une série de symptômes que nous ne devons pas passer sous silence. Nous sommes obligés de le dire au prolétariat international, à notre classe ouvrière et à notre paysannerie, car lorsque nous pousserons à une activité précipitée, on nous rendra responsable de n’avoir pas fait connaître à tous et à temps le danger.
Il me faut encore citer une raison qui nous impose l’obligation d’avertir absolument de ce danger. L’attaque dépendra aussi, dans une forte mesure, du degré de notre propre préparation. Si l’adversaire constate que l’on ne fait rien chez nous, qu’une démobilisation idéologique a lieu chez nous, ce sera une invitation à l’attaque et inversement lorsque l’adversaire s’aperçoit que nous comptons avec le danger, que nous jugeons froidement et tranquillement ce danger, que nous nous préparons dans la mesure de nos forces, que nous prenons des contre-mesures, sans hystérie mais avec résolution, c’est une garantie supplémentaire contre l’attaque elle même. Surprendre les gens, c’est une chose, mais les attaquer lorsqu’ils ont préparés, c’en est une autre.
Toutes ces considérations nous imposent le devoir de dire à tous, et avant tout à notre parti, à la classe ouvrière et à notre pays, que les dangers s’accentuent, que nous prenons des contre-mesures et qu’il nous faut nous armer contre ces dangers.
On m’a envoyé une question écrite, me signalant que dans mon rapport j’avais donné lecture d’extraits d’un discours du Dr
Félix Deutsch qui s’oriente vers des relations commerciales avec nous ; est-ce que cela ne contredit pas ce que j’ai dit sur les dangers de guerre ? Je me suis expliqué sur cette question dans mon rapport lorsque j’ai dit, en parlant de l’Allemagne, qu’elle était inévitablement condamnée à des hésitations dans le prochain avenir. Il y a également chez nous des hésitations, des jugements sur des faits, une appréciation pas immédiatement à point pour chaque situation ; on peut décider un jour quelque chose, se tromper, rectifier, etc. Dans la situation compliquée, chaque question n’est pas résolue immédiatement comme dans l’automate où l’on introduit une pièce de 2 sous et d’où sort une tablette de chocolat (Hilarité.)
Lorsque la bourgeoisie allemande se trouve en présence d’une question aussi grave que la question d’attaquer ou de ne pas attaquer, ou comme le choix de son orientation vers l’Occident ou vers l’Orient, elle se trouve dans une situation compliquée et difficile, car si elle s’oriente bien nettement vers l’Occident, elle rompt les liens avec notre marché pour lequel elle a beaucoup d’intérêt. Lorsqu’elle se détourne du capital de l’Europe occidentale vers nous, elle n’obtient pas de crédits du capitalisme de l’Europe occidentale et surtout de l’Amérique. La bourgeoisie allemande « calcule », louvoie, manœuvre et hésite ; elle veut bien et elle ne veut pas et elle ne peut pas se décider (Hilarité). Lorsque la situation est si difficile, « louvoyer et manœuvrer » sont inévitables. Mais, en général, on peut enregistrer actuellement une certaine prépondérance du revirement vers l’Occident.
Il en est de même avec la question des dangers liés à la préparation de la guerre contre nous. Je crois qu’en cas d’une attaque contre nous, il surviendrait des événements formidables dans toute l’Europe qui dépasseraient de loin les limites des événements précédents, parce que les Etats capitalistes ou la coalition d’Etats capitalistes auraient à mener une lutte sur un front extrêmement large. Nous avons maintenant le dos couvert par la Chine. La révolution chinoise est la couverture de la révolution internationale de la classe ouvrière. La révolution nationale chinoise est la couverture de l’Union Soviétique. Tout le monde comprend cela très bien. C’est une affaire très difficile de mener une lutte contre des pays qui recouvrent un territoire immense, habités par des masses populaires qui jouissent de la sympathie de la classe ouvrière de l’Europe
Mais, d’autre part, la bourgeoisie pense aussi au lendemain, elle pense que demain sera peut-être encore pire. Cela la pousse à la continuation et à l’accentuation de la lutte contre nous et contre les forces réunies de la révolution chinoise.
[Fin de l’extrait du discours de clôture de Boukharine à la 15e conférence du PC de l’US de Moscou publié dans le n°17 de La CI]
Annexe[modifier le wikicode]
Extrait de la publication du Bureau d’Edition, La situation extérieure et intérieure de l’U.R.S.S. en 1927, reprise dans le recueil BOUKHARINE, Le socialisme dans un seul pays, UGE, 10/18, 1974, pp. 211-225
La politique des prix, nœud de toutes les questions.[modifier le wikicode]
Camarades, je passe maintenant à la question qui, à mon avis, est la question la plus brûlante et la plus importante de notre politique économique, celle de la politique des prix. La question des prix est importante pour nous à différents points de vue : au point de vue du développement de notre économie dans son ensemble et au point de vue de l’industrie ellemême. De la réponse que nous donnerons à la question des prix dépendra la rapidité de notre progression. La question des prix est importante pour nous au point de vue des rapports entre la classe ouvrière el la paysannerie. Elle est importante pour nous également au point de vue du développement culturel des masses, et en premier lieu des ouvriers industriels. De notre politique des prix dépend également la rapidité plus ou moins grande du développement culturel du pays. A tous les points de vue la question des prix joue un rôle de premier plan pour toute notre politique.
Camarades, j’ai en main un grand nombre de chiffres concernant le mouvement des prix, mais je renonce à vous servir tout cet amas de statistiques. Je me bornerai au tableau récapitulatif suivant :
1925-1926 | 1926-1927 | |||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
1er trim | 2e trim | 3e trim | 4e trim | 1er oct | 1er nov | 1er dec | ||
(moyenne) | ||||||||
Indice des prix de gros (1913 : 100) | 178,2 | 191,7 | 192,3 | 180,6 | 178,8 | 178,2 | 177,8 | |
Indice des prix de détail (1913 : 100) | 220,7 | 232,8 | 244,1 | 232,3 | 230 | 234 | 235 | |
Ecart des ciseaux | Gros | 1,22 | 1,09 | 1,12 | 1,27 | 1,30 | 1,31 | 1,32 |
Détail | 1,33 | 1,30 | 1,31 |
Bien que le parti ait proclamé la lutte pour la diminution des prix, si nous considérons l’indice général des prix de détail (des produits industriels et agricoles), nous constatons qu’il a augmenté ces derniers temps, alors que celui des prix de gros a quelque peu diminué. Nous avons ces derniers temps un écart progressif des ciseaux, c’est-à-dire un écart plus grand entre les prix industriels et les prix agricoles, bien qu’il soit moindre que celui qui existait lors de la fameuse crise de 1923. Il faut regarder en face cette situation, qui comporte des dangers politiques et économiques précis. C’est en effet un état de choses singulier : notre industrie se développe plus vite que l’agriculture, tandis que l’écart des prix ne cesse d’augmenter. Notre industrie se développe rapidement, les prix de gros diminuent. Mais en même temps augmentent les prix de détail que la grande masse des travailleurs doit payer pour se procurer des denrées. En trois ans les prix de gros de l’industrie ont diminué de 36%, mais dans le même laps de temps les prix de détail n’ont diminué que de 3%, pourcentage infime. Le problème des prix de gros et de détail doit être énergiquement posé.
Il est incontestable que nous avons réussi à concentrer dans nos mains non seulement toute la grande industrie, mais dans une large mesure le marché lui-même, c’est-à-dire le commerce de gros et de détail. C’est le commerce de détail, que nous possédons le moins et celui de gros que nous possédons le mieux, mais nous sommes maîtres du marché. En général, nous dominons la circulation des marchandises. Dans l’industrie et le commerce, nous exerçons un monopole de fait. Si nous considérons cela en connexion avec le fait que l’industrie se développe plus rapidement que l’agriculture et que les prix de gros diminuent, tandis que les prix de détail malgré la campagne pour leur diminution restent stationnaires, nous sommes amenés à nous demander pourquoi les prix de détail ne baissent pas et où passe la différence des prix ? De quoi s’agit-il ici ? Nous pouvons encore nous demander si nous réduisons suffisamment les prix de gros et les prix de fabrique, si nous avons tout fait, s’il n’est pas possible de faire encore quelque chose ?
Si nous nous posons toutes ces questions, il me semble que l’état de choses actuel ne peut s’expliquer si nous n’arrivons pas à la conclusion que, dans l’industrie d’État, et plus encore dans notre réseau d’écoulement des marchandises, c’est-à-dire dans le commerce d’État et dans la coopération, nous avons un profit dissimulé, profit que l’on cache à l’État et qui demeure dans les institutions économiques. Il ne faut pas en conclure qu’il est mangé par l’appareil. Une certaine partie sert, à l’insu des organes dirigeants du parti, de l’État et des organes économiques, à des agrandissements non prévus dans le programme. Comment cela peut-il se passer dans l’industrie ? Cela se passe de telle façon que le profit, pour citer un exemple, n’est pas signalé dans le bilan comme profit, mais comme réserve d’amortissement, et passe en construction de nouveaux bâtiments, de nouvelles entreprises industrielles. Or cette extension de la production n’est prévue dans aucun programme.
Dans le commerce d’État et la coopération, cette extension hors programme se pratique dans une plus grande mesure encore. Dans l’industrie et notre appareil d’écoulement des marchandises, il reste un bénéfice dissimulé, que nos organes économiques ne signalent pas mais qu’ils emploient à des agrandissements de l’appareil et à l’extension des opérations, sous de multiples fausses enseignes. Sans doute, on peut se consoler en disant qu’il n’y a pas de mal sans bien, s’il y a une extension de l’édification industrielle, même d’une façon extra-légale, c’est quand même un agrandissement de l’industrie, un certain avantage. Malheureusement, l’inconvénient prime l’avantage.
Monopole se suffisant à lui-même ou progrès méthodique.[modifier le wikicode]
Je vais m’efforcer de démontrer pourquoi l’inconvénient est plus grand que l’avantage.
Voici plusieurs années que nous posons le problème de notre politique des prix ; de plus, au cours de la première discussion avec les trotskistes en 1923, quelques-uns d’entre nous, moimême y compris, signalaient que dans le domaine économique il y a un danger qui découle du fait que nous exerçons le monopole dans de nombreuses branches de l’économie. Évidemment, c’est une chose très bonne en soi que les leviers de commande, dans le domaine économique, soient entre les mains de l’État ouvrier, grâce à quoi la classe ouvrière peut mener la société au socialisme. Il est très bien que la classe ouvrière soit maîtresse de tous les leviers de commande économiques : le monopole de la classe ouvrière dans l’économie, sur le marché, et en particulier dans l’industrie, est un avantage de la plus haute importance, une condition essentielle de l’édification du socialisme. C’est une vérité élémentaire. Celui qui s’inscrirait en faux contre cela mériterait d’être chassé du parti et de l’Internationale communiste. Mais ce qui est bon peut, avec l’apparition de certaines petites déviations, devenir nuisible et générateur de difficultés.
Vous savez très bien que le monopole capitaliste est le pillage organisé. Le monopole capitaliste signifie qu’une poignée de capitalistes détient toute la vie économique. Les capitalistes monopolisateurs n’ont aucune raison de s’occuper de l’amélioration incessante de la production, du bon marché. Du moment qu’ils sont les maîtres, ils peuvent fixer les prix qu’ils veulent et dépouiller la population.
On ne saurait nier que, pour le monopole prolétarien non capitaliste, il y ait là une forte tentation. Qu’est-ce qui empêche tel ou tel organe économique de fixer un prix élevé et avantageux et de vendre à ce prix en profitant du monopole qu’il exerce sur le marché ? On peut même trouver une « théorie » justifiant cette façon d’agir ; il faut, dit-on, développer aussi rapidement que possible notre industrie, car celle-ci est notre base socialiste ; or, l’industrie se développe d’autant plus vite que notre profit est plus grand ; et nos bénéfices sont d’autant plus forts que les prix sont plus élevés. Les prix élevés assurent un bon profit. Ce profit, nous l’investissons dans de nouvelles installations, nous forçons le développement de l’industrie, nous construisons le socialisme à toute allure. C’est là une idéologie remarquable qui, à première vue, semble intégralement prolétarienne.
Une des principales erreurs de l’opposition est précisément de s’engager dans cette voie. Cette théorie que je viens d’exposer a été formulée par le camarade Préobrajenski dans son travail intitulé : L’Economique nouvelle, où il est dit que nous ne devons pas perdre de vue le fait que nous sommes les héritiers d’un capitalisme monopolisateur. Ce dernier, à l’aide du monopole, réalisait des surprofits, et sur ce point, conclut Préobrajenski, nous ne devons pas être au- dessous du capitalisme. En tant qu’« héritiers », nous devons tirer des surprofits qui ne soient pas moindres, mais supérieurs. Dans la course au profit, la seule différence entre le capitalisme et nous c’est que nous travaillons pour la société socialiste et non pour la société capitaliste, pour le renforcement de la domination du prolétariat et non pour la classe capitaliste. Telle est la philosophie de l’opposition sur cette question.
Le malheur est qu’elle est foncièrement fausse et que nous ne pouvons suivre une pareille politique si nous ne voulons pas nous rompre le cou. Tout d’abord, du point de vue purement économique, c’est une bêtise de croire que l’accumulation sera d’autant plus grande que nous pressurerons davantage le consommateur par des prix excessifs. Cette thèse est erronée ; dans nos conditions, elle est doublement fausse. Elle est fausse, premièrement parce que l’industrie, en fin de compte, se développera plus rapidement si nous accélérons la circulation des marchandises entre la ville et les campagnes. Si cette circulation devient plus active, le total de nos profits sera plus grand avec les mêmes prix, ou même avec des prix plus bas. Vous pouvez vendre chaque pièce moins cher, mais si vous organisez mieux vos affaires, si la qualité de votre marchandise s’améliore, si votre capital circule plus rapidement, votre profit annuel augmentera, bien que chaque pièce vous donnera un bénéfice moindre.
Telle est la différence des deux méthodes. A notre point de vue, notre principale tâche est précisément de vendre moins cher chaque pièce, de produire des marchandises de meilleure qualité, de recevoir ainsi un plus gros total de profits, d’avoir une rotation plus rapide de notre capital, de développer plus énergiquement notre industrie et d’accélérer le rythme de notre développement sans nous heurter à la ruine des paysans, sans priver l’industrie des matières premières agricoles, en conservant une proportion rationnelle entre l’agriculture et l’industrie, en rendant plus solide l’alliance des ouvriers et des paysans, en consolidant le rôle dirigeant de l’industrie prolétarienne et du prolétariat lui-même.
La question des prix a encore un autre aspect qui n’est pas moins important. Le mécanisme du développement de notre société est essentiellement différent de celui de la société capitaliste. Prenez la société capitaliste, le capitalisme industriel à son époque « classique ». Dans les conditions du capitalisme, le principal stimulant en vue d’une amélioration et d’une croissance rapide est la concurrence. La concurrence éperonne, fouette, pousse en avant : si Jacques vend trop cher et si Jean vend meilleur marché, c’est Jean qui battra Jacques sur le marché. Mais « l’âge d’or » de la concurrence libre est passé, remplacé par le monopole capitaliste. Le monopole donnait plus de profits, réduisait les frais d’administration et autres, mais en même temps il créait des facteurs de désagrégation. Du moment que les capitalistes disposent du monopole, l’aiguillon qui les pousse à améliorer la production disparaît. C’est ce qui engendre la putréfaction du capitalisme.
Au service du travailleur consommateur ![modifier le wikicode]
Qu’advient-il de notre monopole prolétarien ? Nous n’avons pas de concurrence libre. Qu’est-ce qui nous oblige à améliorer notre industrie ? Je pense .que c’est la masse des ouvriers et des paysans. Si nous nous avisions de travailler négligemment, de fixer des prix à notre gré, sous prétexte que le consommateur payera, si personne n’objectait rien à cela, il n’est pas douteux que ce serait pour nous le commencement de la désagrégation. Mais le mécanisme de notre développement est tout autre. Les ouvriers déclarent vouloir acheter moins cher et meilleur. Les paysans tiennent le même langage. Notre parti prête l’oreille à ce que disent les masses et demande : qu’y-a-t-il, pourquoi ce mécontentement ? Ne faut-il pas dire à nos camarades administrateurs : veuillez vous donner la peine d’améliorer la production ? Notre force motrice n’est pas dans la concurrence, mais dans tout autre chose.
Ce qui nous pousse, c’est en fin de compte la croissance des besoins de la masse. Cette croissance se fait immédiatement sentir si nous servons mal les masses au point de vue économique. Essayez de vous endormir sur vos lauriers et vous ressentirez cela immédiatement.
Mais d’autre part, dans la mesure où tous les communistes, où tous nos administrateurs, n’ont pas encore suffisamment de flair pour reconnaître les besoins des masses, dans la mesure où nous jouissons du monopole, il est à craindre que nous ne poussions pas avec assez d’énergie le développement de l’industrie, la simplification, l’amélioration, la rationalisation de notre appareil, il est à craindre que nous suivions la ligne du moindre effort, que nous nous mettions à majorer les prix à l’extrême. Ce danger existe. Il a trouvé son expression idéologique dans les doctrines économiques de l’opposition. Cette méthode serait néfaste pour nous ; il faut que notre parti, et pas seulement le parti, combatte cette ligne avec la dernière énergie. Le parti doit savoir entraîner les couches avancées des ouvriers et des paysans pour que les masses exercent une influence directe sur les organes économiques et coopératifs. Je sais que la situation est dure, qu’on a beaucoup à faire, qu’il faudra se donner encore beaucoup de peine. Mais il faut à tout prix obliger nos organes économiques et commerciaux à agir d’une façon plus énergique, plus économique, plus rationnelle. Nous avons maintenant deux monopoles : tout d’abord le monopole des prix et, ensuite le monopole de la qualité, qui est malheureusement le monopole de la mauvaise « qualité ». Nous ne devons pas oublier maintenant que le consommateur est devenu plus conscient, plus exigeant sous le rapport de la qualité : il ne veut plus de camelote, et il a parfaitement raison. Dans certaines branches, nous assistons maintenant à ce qu’on appelle un « embouteillage » : la marchandise s’accumule dans les magasins. Certains voient une crise, tout au moins le présage d’une crise d’écoulement. En réalité, c’est une preuve que le consommateur est devenu plus conscient et ne veut pas absorber toutes sortes de camelote. C’est un fait symptomatique que l’embouteillage se produit précisément dans les branches où l’on fabrique de la mauvaise marchandise. Il faut en tenir compte et y réfléchir.
Il y a deux préjugés susceptibles de pousser à la politique des hauts prix. Le premier préjugé est celui qui consiste à croire que notre développement ira lentement si nous diminuons les prix. J’affirme le contraire. On raisonne ainsi : comment réduire les prix de fabrique ? Les prix de fabrique sont déterminés par le prix de revient, les frais généraux, etc. Le montant des prix de revient détermine le montant du profit. On insiste surtout sur le fait que précisément le prix de revient détermine les prix de vente que nous devons fixer.
Mais, dans tout le mécanisme de la formation des prix, il ne faut pas perdre de vue que le prix de revient dépend du niveau des prix. Si les organes économiques sentent qu’il est nécessaire de vendre meilleur marché, ils murmureront, mais diminueront quand même les prix de revient. La compression des prix est un stimulant pour la réduction du prix de revient. Nous aurions tort d’oublier ce stimulant. Tout homme, même s’il est rempli des meilleures intentions, même s’il est communiste, est toujours enclin à suivre la ligne du moindre effort et à augmenter les prix. Pourquoi ferait-il ce qu’il n’est pas obligé de faire ? Ainsi raisonne la majorité des gens. Ce n’est pas flatteur pour le bipède qui s’appelle homme (Rires), le bipède, communiste y compris, mais objectivement c’est un fait. Et nous, qui avons conscience de ce mécanisme, nous ne nous adressons pas seulement à la « conscience » des hommes, nous voulons mettre ces derniers dans l’obligation de se fendre en quatre si c’est nécessaire, mais de faire ce qu’il faut.
Le second préjugé consiste à nous reprocher notre « point de vue consommateur ». On a l’habitude de considérer le consommateur avec mépris en disant que tenir compte de ses besoins est un point de vue consommateur vulgaire. Il faut, paraît-il, adopter, non pas le point de vue consommateur, mais le point de vue producteur.
Ceux qui parlent ainsi oublient que le point de vue consommateur, dans le cas qui nous occupe, a un rapport très étroit avec le point de vue producteur. Si nos organes qui produisent, vendent et administrent agissent envers le consommateur selon la devise « il avalera tout ce qu’on lui donnera », le préjudice en sera énorme pour le principal ressort de la progression de notre production. Je ne m’étendrai pas sur le fait qu’en appliquant cette politique il peut arriver que le consommateur, las d’être ainsi traité, proteste sans ménagement pour nous. Le mépris envers le consommateur est un préjugé capitaliste-monopolisateur, qu’on veut sans raison étendre à l’époque de la dictature du prolétariat. Car, chez nous, la production est pour le consommateur, et non le consommateur pour la production. Il faut se le mettre dans la tête. La « nouvelle économie » se distingue de l’ancienne par le fait qu’elle doit se guider sur la consommation des masses et non sur le profit ; elle ne doit pas poursuivre aujourd’hui un gros profit sans avoir cure de ce qui arrivera demain. Il faut chercher à mettre fin à ce préjugé « anti-consommateur ».
La question de la diminution des prix, de la réduction prudente des prix de fabrique, de la lutte acharnée pour la baisse des prix de détail est désormais une grande question politique. Problème des « ciseaux », réduction de l’écart des ciseaux, rationalisation de la production, réduction du prix de revient, organisation du réseau commercial : toutes ces questions connexes à celle des prix sont pour nous, sinon des questions de vie et de mort, tout au moins une question de vie meilleure. Je le répète encore une fois, la question de la réduction des prix, de la politique des prix est le principal problème politique et économique du jour.
Lutte contre la bureaucratie dans son principal nid.[modifier le wikicode]
Je passe maintenant à une autre analyse. Nous avons posé mille fois la question de la lutte contre la bureaucratie. On ne comprend pas assez que les principales racines, le danger de la bureaucratie, se situent en premier lieu dans nos appareils économiques, détenteurs du monopole, précisément parce que le monopole fait naître la tendance à s’endormir sur ses lauriers, pousse au mépris du consommateur, de la masse sur laquelle nous nous appuyons et que nous servons. Car si notre appareil économique ne peut donner aux consommateurs des marchandises meilleures et moins chères, pourquoi le consommateur aurait-il besoin du socialisme ? Ceux qui, ne comprenant pas cela, utilisent le monopole de notre industrie, de notre réseau commercial pour tondre le consommateur, ceux qui ne font pas assez d’efforts pour réduire les prix, sont en réalité des facteurs de dégénérescence, car la dégénérescence ne peut venir que si l’on se détache des masses. L’opposition a précisément vu les choses tourner à sa confusion, parce que sa proposition d’augmenter les prix au lieu de les diminuer ne fait que renforcer le préjugé économique le plus rétrograde, le plus nuisible, qui découle d’une imitation sans esprit critique de la bourgeoisie. Sans doute, il est facile de parler de l’augmentation des prix. Si tout va bien dans ton entreprise, si tu jouis du monopole, si tu as la poche pleine de profits, ne te soucie de rien et augmente les prix. Mais la politique de réduction des prix exige un tout autre effort de la part de chaque administrateur. C’est pourquoi la lutte pour la réduction des prix est le meilleur moyen de combattre la bureaucratie ; par contre, l’augmentation des prix est l’effet et la cause de tout bureaucratisme, impliquant avant tout le mépris des masses. Si une organisation économique professe la théorie : « Le consommateur avale tout ce qu’on lui offre, faisons des économies en élevant les prix », c’est très mal. Si une organisation commerciale a une telle attitude, n’importe quel petit vendeur aura la même. S’il entre un acheteur vêtu d’une bonne pelisse, le commis est avec lui poli à l’extrême ; s’il entre un acheteur mal vêtu, il le considère comme un va-nu-pieds. Voilà la dégénérescence, voilà la bureaucratie.
Dans la lutte pour la réduction des prix de détail, le parti doit mobiliser tout le monde et sonner l’alarme. Les hauts prix sont la principale citadelle de la désunion avec les paysans, avec les masses, le principal nid de la bureaucratie. Il faut le comprendre et se l’enfoncer dans la tête.
A ce propos, je veux faire remarquer une chose qui passe souvent inaperçue : nous sommes engagés dans une nouvelle période, renfermant de nouvelles conditions de développement et nous imposant de nouvelles tâches. On le voit dans les rapports avec les campagnes. Auparavant, le principal moyen de l’Etat de tirer les ressources nécessaires des paysans était l’impôt ; maintenant, cette opération se fait surtout au moyen des prix.
Par quoi se traduisaient autrefois les rapports entre l’appareil gouvernemental d’une part, la masse ouvrière et les syndicats, de l’autre ? En premier lieu, par la question du salaire nominal. Maintenant, les ouvriers posent non seulement la question des salaires, mais, beaucoup plus qu’autrefois, la question des prix. Mais que font les syndicats dans ce sens ? Dans la question des prix, ils s’en tiennent dans une grande mesure à leur vieille attitude. Demandez aux syndicats comment leur travail se rattache à la question des prix ; demandezleur s’ils savent comme ils le devraient comment fonctionnent les coopératives. Il n’y a pas de coordination réelle sur ce point. Pourquoi ? Parce que nous sommes restés dans une grande mesure dans l’ancienne période, parce que toute notre machine d’attraction des masses a été construite dans des conditions différentes, dont nous sommes déjà sortis. Aujourd’hui, c’est justement dans les prix qu’est le nœud des rapports économiques et sociaux, et il est clair que si vous voulez intéresser les masses à l’édification économique, vous ne pouvez le faire sans que nos organisations de masse, et en premier lieu les syndicats, s’occupent de la façon la plus sérieuse de la question des prix. Ainsi, il est nécessaire de réfléchir aux moyens de faire quelques réformes d’organisation dans les syndicats pour les rendre aptes à s’acquitter de cette tâche.
Nous parlons beaucoup de rendre plus actives les conférences de production, de réaliser des améliorations techniques de toute sorte, nous avons une foule de conflits entre nos administrateurs et nos militants syndicaux. Si nous posions la question de façon que les ouvriers et les syndicats s’occupent de la question des prix, ils devraient dès lors, même du point de vue des intérêts immédiats des ouvriers, participer à l’examen des questions de calculs, de rendement du travail, etc. Nous pourrions dire à l’ouvrier : « Tu es intéressé à toucher tel salaire nominal, tu es encore plus intéressé dans la question des prix. Dans ce cas, aie l’obligeance de calculer toi-même. Tu es intéressé à avoir des prix bon marché, occupe-toi donc du fonctionnement de notre appareil commercial. Aie l’obligeance de nous aider, intéresse à cette œuvre les membres de la coopérative de consommation ». Il faut que le consommateur ait un droit de contrôle plus grand. Il faut développer une initiative réelle en matière de coopération, il faut attirer la masse dans la lutte pour la diminution des prix. Il faut, dans une certaine mesure, opposer cette masse à nos organisations. Bien entendu, ce mot d’ordre peut créer un certain danger, entraîner certaines frictions, pousser à des exagérations. Mais pour corriger tout cela nous avons un parti puissant et de grands moyens de persuasion. Ce qui est un plus grand mal, c’est que, bien que nous criions beaucoup ces derniers temps pour diminuer les prix de détail, nous sommes toujours embourbés dans la même ornière. Il faut renforcer la pression organisée du consommateur sur nos organisations commerciales et intéresser davantage nos syndicats à une participation effective aux calculs économiques, à la lutte pour la réduction des prix de détail.
Si nous voulons réellement arriver à réduire les prix, nous devons faire participer les masses à ce travail. Bien entendu, en adoptant ce système, nous mettons dans une situation plus difficile encore nos camarades administrateurs, dont l’écrasante majorité est composée d’excellents communistes. Mais ils doivent se montrer assez fermes pour pouvoir, sous cette « offensive », employer toute leur énergie à s’acquitter de cette tâche, la plus importante de notre économie.
De la question des prix découlent une nouvelle formule de la lutte contre la bureaucratie, de nouvelles tâches pour les syndicats, une disposition nouvelle des forces de la classe ouvrière et une nouvelle manifestation de son activité. La classe ouvrière saura alors de quoi dépendent les hauts prix ; elle sera bien plus intéressée à diminuer le prix de revient. Dès maintenant, elle comprend que si le salaire nominal a augmenté en un an de 25%, tandis que le salaire réel n’a augmenté que de 13% à peine, c’est parce qu’on a donné un « coup de pouce » aux prix. Si nous commençons sur le terrain économique à nous débarrasser de la bureaucratie, si nous faisons de grands progrès dans ce sens, l’effet s’en fera sentir immédiatement par une amélioration de tout notre appareil.