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La reconstruction et le renforcement de la IVe Internationale
Auteur·e(s) | Marcel Hic Quatrième internationale |
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Écriture | 19 juillet 1943 |
Résolution du Secrétariat européen et du Secrétariat provisoire européen
1. La nécessité d’une organisation internationale se fait sentir dès les premiers pas du mouvement ouvrier, même sur le plan de ses revendications économiques. Elle résulte du fait que l’émancipation de la classe ouvrière n’est pas un problème local ou national mais un problème social embrassant tous les pays où le régime capitaliste existe et dont la solution dépend des efforts pratiques et théoriques combinés des pays les plus avancés.
2. L’internationalisme de la classe ouvrière est le reflet nécessaire de l’universalité des conditions économiques et politiques générales qui caractérisent le développement historique du régime capitaliste par la fusion progressive des différentes économies nationales dans un ensemble organique.
3. A l’époque impérialiste actuelle, l’universalité de l’économie et de la politique, dirigées par le capital financier mondial, est un fait accompli et, plus que jamais, dans chaque pays capitaliste, l’analyse de sa propre situation ne peut se déduire que de l’analyse de la situation mondiale générale.
4. Tous les efforts historiques du mouvement ouvrier portent, par conséquent, malgré la forme nationale que prend nécessairement dans chaque pays séparément sa lutte émancipatrice, le sceau d’une politique et d’une organisation essentiellement internationale.
5. A une époque où l’universalité de l’économie et de la politique était encore une tendance plutôt qu’une réalité, la Première Internationale, tout en déclarant la nécessité d’une coordination du mouvement ouvrier dans tous les pays capitalistes, insistait particulièrement sur l’importance des conditions spéciales de chaque pays et recommandait vivement l’élaboration d’un programme politique adéquat.
Plus tard, la IIe Internationale poursuivit l’œuvre de la Première Internationale, tout en développant l’organisation syndicale et politique des masses dans les pays capitalistes et en élaborant un programme d'action internationale conforme à la fusion progressive des économies nationales dans un tout, et aux perspectives générales de la guerre qui menaçait le monde capitaliste enter.
La IIIe Internationale, enfin, constituée après la fin de la guerre 1914-1918 et après le triomphe de la Révolution russe, exprima, dans ses quatre premiers congrès, les nécessités 2 politiques et organisationnelles du mouvement ouvrier pendant l’époque impérialiste dominée par l’économie et la politique mondiale du capital financier.
6. La Première Internationale sombra dans les vagues de la passivité et de l’indifférence politique des masses qui suivirent la défaite de la Commune et l’incompréhension théorique des éléments avancés du prolétariat dominés encore par les idées anarchistes et banquistes.
La IIe Internationale a péri pendant la guerre de 1914-1918, minée par l’opportunisme et terrassée par la trahison de ses chefs passés dans le camp de la bourgeoisie.
La IIIe Internationale, ayant lié son sort à l’évolution de l’Etat soviétique, a rapidement dégénéré avec lui et disparu même formellement au moment où les intérêts de la diplomatie de la bureaucrate soviétique, dans ses rapports avec le clan impérialiste anglo-saxon, l’ont exigé.
7. A la base de la crise de l'organisation internationale du mouvement ouvrier, il y a l’incapacité de ce dernier à prendre jusqu’à maintenant dans ses propres mains sa destinée et à empêcher l’immixtion des tendances ennemies qui le font, avec l’aide des circonstances favorables, dévier de sa mission historique. Le manque de continuité de sa propre expérience, dû à la disparition massive — pendant la guerre de 1914-1918, la Révolution russe, la guerre civile, la terreur exercée dans les autres pays capitalistes et par Staline en URSS — des éléments politiques les plus mûrs, en est une des causes principales dans les dernières vingt-cinq années.
8. Le mouvement pour la IVe Internationale a été suscité en 1934 par l’Opposition de gauche de la IIIe Internationale. Ia a about, en 1938, à la création de la IVe Internationale. Ce mouvement a été déterminé par l’absence, sur l’arène politique révolutionnaire, d’une organisation internationale capable de diriger la lutte de classes, dans l’époque impérialiste actuelle, vers son dénouement historique : le triomphe du socialisme. La IVe Internationale est l’expression d’une nécessité historique du processus révolutionnaire de notre époque qui ne tolère pas d’interruption.
Sa proclamation n’était pas un fait arbitraire. Elle s’imposait, non seulement objectivement mais aussi subjectivement, comme ligne politique nécessaire de tout courant révolutionnaire qui ferait son chemin à travers les pires obstacles. Au moment de sa proclamation, la IVe Internationale était déjà forte de sa doctrine. Cette dernière prolonge et développe la doctrine léniniste des quatre premiers congrès de l’Internationale communiste, dans les nouvelles conditions caractérisées par la dégénérescence de l’Etat soviétique et de la IIIe Internationale, l'aggravation de la crise du régime capitaliste, le fascisme et la préparation de la nouvelle guerre impérialiste. La IVe Internationale possédait d’autre part, dans plusieurs pays du monde, un nombre — restreint, la est vrai— de cadres organisés qui, malgré leur faiblesse, défendaient en général une politique révolutionnaire juste.
9. L’approche de la guerre impérialiste mondiale détermina dans une large mesure la proclamation de la nouvelle internationale. Fournir aux masses désorientées —entraînées pour la seconde fois, dans un intervalle de vingt ans, dans le cercle infernal du brigandage et du carnage impérialiste— une ligne de conduite révolutionnaire et créer un pôle d’attraction qui pouvait faciliter le regroupement idéologique et organisationnel, telle était la pensée directrice qui dicta l’acte de proclamation de la IVe Internationale.
10. La guerre impérialiste, survenue peu après, prit les masses populaires à l’improviste et, grâce à la coalition des parts social-démocrate et stalinien avec la bourgeoisie, les poussa, désorientées, du côté gouvernemental et du chauvinisme.
Dans l’atmosphère mondiale empoisonnée jusqu’à maintenant par les exhalaisons de la haine nationale et raciale, de la propagande abrutissante de la bourgeoisie internationale, de la caste bureaucratique de l’URSS et de leurs agents dans le mouvement ouvrier, la politique révolutionnaire reste encore sans écho appréciable. Les faibles sections nationales de la IVe Internationale se sentirent inévitablement isolées et ne répondirent en général que médiocrement aux tâches immenses que leur imposait la situation.
11. Cependant, le flux révolutionnaire est inévitable et proche. Cette guerre, aboutissement nécessaire des contradictions entre les impérialistes, aggrave davantage la crise générale du régime capitaliste, ronge et sape ses fondements économiques et rend impossible tout équilibre social durable. Seules les défaites nouvelles et la passivité qui s’ensuit du prolétariat peuvent permettre aux classes possédantes de prolonger leur règne sanglant sur les ruines matérielles, le chaos économique et la misère sociale qui succéderont au carnage impérialiste actuel.
Les masses, dégrisées dans le feu de la réalité cruelle telle qu’elle apparaît de plus en plus clairement à la lumière des événements qui préparent dès maintenant la phase ultime de la guerre, se mettront bientôt en mouvement pour éviter leur écrasement total sous le poids d’une liquidation capitaliste du conflit impérialiste actuel. Une période de révolutions, de guerres civiles et de nouveautés guerres, plus ou moins localisées, prolongera inévitablement ce dernier. La IVe Internationale puisera ses forces dans les eaux torrentielles de cette prochaine montée révolutionnaire.
12. La réalité des nouveaux partis révolutionnaires et de la nouvelle internationale jaillira de l’esprit révolutionnaire des masses qui se mettront en action. La IVe Internationale, qui vit aujourd’hui dans la conscience d’un nombre restreint de cadres révolutionnaires, sera demain le confluent de tous les processus révolutionnaires qui s’accompliront dans les masses. Par des voies diverses, selon les traditions, les expériences, les conditions économiques et politiques de chaque pays, se cherchant, se regroupant en petits ou grands noyaux, se reconstituant en tendances, en fractions ou en parts, distincts, le mouvement ouvrier fera siennes les idées fondamentales de la IVe Internationale et construira ses organisations de masse.
13. Dans le but de hâter le moment du regroupement idéologique et organisationnel du prolétariat et d’accélérer le rythme des processus révolutionnaires qui s’accomplissent, dès maintenant, dans les masses travailleuses, le Secrétariat provisoire européen de la IVe Internationale propose la convocation, d’ici quelques mois, d’une conférence internationale.
14. Cette conférence réunira toutes les tendances, fractions ou parts révolutionnaires qui acceptent ou qui évoquent dans le sens des principes de la IIIe Internationale de Lénine et Trotsky ainsi que des idées fondamentales énoncées par le noyau primitif de la IVe Internationale dans son programme de transition et qui reconnaissent la nécessité de nouveaux parts et de la nouvelle internationale.
15. La conférence internationale aura pour but d’élaborer une plate-forme concrète d’action commune immédiate qui résumera l’appréciation, les tâches et les perspectives de la situation actuelle, ainsi que les méthodes organisationnelles indispensables à la construction et au renforcement des parts et de la nouvelle internationale. Dans l'élaboration de cette plate-forme, chaque tendance, fraction ou part apportera son propre point de vue, et aucune question politique posée par la situation actuelle ne sera considérée comme étant définitivement tranchée d’avance et à l’abri de toute critique ou révision.
16. La conférence internationale choisira, proportionnellement à la force des tendances idéologiques compatibles avec les principes généraux de la IVe Internationale, un comité exécutif élargi et un secrétariat national restreint exprimant la ligne politique de la majorité de la conférence.
17. Le Secrétariat provisoire éditera, pour l’organisation de la conférence internationale, un bulletin spécial qui ouvrira ses colonnes à tous les groupements révolutionnaires qui adressent au secrétariat une confirmation écrite de leur décision de participer à ladite conférence. Ce bulletin publiera tous les documents émanant des groupes révolutionnaires organisés qui se rapportent aux problèmes relatifs au but de la conférence.
18. Le Secrétariat provisoire estime que seules les idées politiques actuelles de chaque tendance, fraction ou organisation susceptible de participer à la conférence doivent être prises en considération et que, par conséquent, aucune divergence et aucune décision antérieure ne saurait être évoquée pour justifier une exclusion, sauf dans des cas d’incompatibilité avec la morale et l’honnêteté prolétarienne.
Le Secrétariat provisoire européen 19 juillet 1943