La révolution à Vienne (1848)

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Cologne, 11 octobre.

Dans son premier numéro (du 1er juin), la Nouvelle Gazette rhénane avait à rendre compte d'une révolution à Vienne (du 25 mai). Aujourd'hui, dans le premier numéro paraissant après l'interruption provoquée par l'état de siège à Cologne, nous annonçons la nouvelle d'une révolution d'une tout autre importance qui a éclaté à Vienne les 6 et 7 octobre. Les reportages détaillés sur les événements de Vienne nous obligent à laisser aujourd'hui de côté tous les articles de fond. Nos lecteurs verront d'après les reportages de notre correspondant à Vienne[1] que la méfiance de la bourgeoisie à l'égard de la classe ouvrière menace sinon de faire échouer, tout au moins de paralyser le développement de cette révolution. Quoi qu'il en soit, son contrecoup sur la Hongrie, l'Italie et l'Allemagne déjoue le grand plan de campagne de la contre-révolution. La fuite de l'empereur et des députés tchèques de Vienne[2] contraint la bourgeoisie viennoise, si elle ne veut pas se rendre à merci, à poursuivre la lutte. L'Assemblée de Francfort qui s'occupe de nous offrir à nous Allemands

« une maison d'arrêt nationale et un fouet pour tous[3] »

sera désagréablement tirée de ses rêvasseries par ce qui s'est produit à Vienne, et l'état de siège, ce remède universel, va déconcerter le ministère de Berlin. L'état de siège a fait, comme la révolution, le tour du monde. On vient de tenter l'expérience en grand dans un royaume entier, en Hongrie. Cette tentative, au lieu de provoquer la contre-révolution en Hongrie, a provoqué la révolution à Vienne. L'état de siège ne se remettra pas de ce coup. L'état de siège est compromis pour toujours. C'est une ironie du sort qu'à l'instar de Jellachich et au même moment, Cavaignac, le héros occidental de l'état de siège, est devenu la cible de toutes les fractions qu'il a sauvées en juin, grâce à la mitraille. Ce n'est qu'en passant résolument à la révolution qu'il peut encore se rendre supportable un moment.

Nous donnons ci-dessous, après les nouvelles récentes de Vienne, quelques correspondances du 5 octobre, écho des espoirs et des craintes soulevés par le sort de la Hongrie.

  1. Müller-Tellering (Eduard von), correspondant à Vienne de la Nouvelle Gazette rhénane; après la révolution, il émigra à Londres; il rompit en 1850 avec Marx et publia une brochure contre lui.
  2. Au début du soulèvement populaire l'empereur d'Autriche s'enfuit le 7 octobre de Vienne à Olmütz. La majorité des députés tchèques à la Diète autrichienne, qui appartenaient au parti national tchèque, quitta Vienne et se réfugia à Prague.
  3. Heine : Tannhäuser, chapitre 3, 417.