La prétendue lettre de Rudolf Klement

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1. J’ai reçu par courrier via New York le 1er août la lettre en allemand signée « Frédéric ». Cette lettre est datée du 14 juillet, sans indication du lieu où elle a été postée. L’enveloppe à l’intérieur porte en allemand la mention « pour L. D. ». Il faut établir d’où, et par quelle route, cette lettre est arrivée à New York. J’ajoute que les marques et traits dans la marge qui apparaissent sur la photocopie ont été faits par moi au crayon rouge à ma première lecture.

2. Klement commençait les lettres qu’il m’adressait par les mots : « Cher Camarade L. D. ». Cette lettre-là commence par cette formule : « M. Trotsky ». Cela devait apparemment correspondre au ton d’hostilité de cette lettre qui annonce « la rupture de nos relations ».

3. L’écriture de cette lettre ressemble beaucoup à celle de Klement. Mais une comparaison plus attentive avec ses lettres antérieures fait apparaître une différence très frappante. L’écriture de la dernière lettre n’est pas aisée, mais étudiée, irrégulière ; les lettres sont tracées avec trop de soin, d’autres au contraire sont hésitantes. L’absence de ratures et l’espacement soigneux des mots, surtout en fin de lignes, montrent sans aucun doute que cette lettre a été copiée sur un brouillon. Cette lettre a- t-elle été réellement écrite par Klement ? Je n’irai pas jusqu’à le nier catégoriquement. Si l’on prend chaque caractère individuellement, l’écriture est très semblable, mais le manuscrit dans son ensemble manque de naturel et d’aisance. Si c’est l’écriture de Klement, ce ne peut être que dans des circonstances très exceptionnelles : il est plus vraisemblable qu’il s’agit d’un faux habile.

4. Du point de vue de l’écriture, la salutation et la signature attirent l’attention. De toute évidence, elles ont été écrites à des moments différents (couleurs d’encres différentes) et d’une main quelque peu différente. Il n’existe qu’une alternative : ou bien l’auteur de cette lettre a hésité longtemps avant de savoir quelle salutation et quelle signature il allait employer, et il n’a résolu la question que longtemps après avoir terminé cette lettre, ou bien le faussaire avait déjà devant lui des modèles des mots « Trotsky » et « Frédéric » tirés d’une ancienne correspondance, tandis qu’il a fallu composer le reste de la lettre à partir de caractères individuels. D’où le plus grand naturel et la plus grande aisance de la salutation et de la signature.

5. Il est difficile d’expliquer le nom de « Frédéric » en guise de signature. Il est vrai que Klement a réellement utilisé ce pseudonyme autrefois, mais il l’a abandonné depuis plus de deux ans, quand il en vint à soupçonner de plus en plus qu’il était connu du G.P.U. ou de la Gestapo. Les lettres que j’ai reçues de Klement au Mexique depuis un an et demi ont toujours été signées « Adolphe » ou « Camille », jamais « Frédéric ». Qu’est-ce qui a fait revenir Klement à un pseudonyme depuis longtemps abandonné, particulièrement dans une lettre qu’il m’adressait à moi ? Ici s’impose naturellement l’hypothèse selon laquelle les faussaires qui ont écrit cette lettre avaient en leur possession de vieilles lettres de Klement, signées Frédéric et qu’ils ne connaissaient pas son changement de pseudonyme. Pour l’enquête, cette circonstance est d’une énorme importance.

6. Dans le contenu de cette lettre il y a quelque chose comme deux niveaux reliés mécaniquement l’un à l’autre. D’un côté, cette lettre répète les basses falsifications du G.P.U. sur mes rapports avec le fascisme, mes relations avec la Gestapo, etc. ; de l’autre, elle critique ma politique, apparemment du point de vue des intérêts de la IVe Internationale, et tente ainsi d’expliquer le « tournant » de Klement. Cette ambiguïté traverse la lettre tout entière.

7. En ce qui concerne les entretiens inventés de toutes pièces entre Klement et moi sur le caractère admissible de « concessions temporaires au fascisme dans l’intérêt de la révolution prolétarienne », cette lettre ne fait que répéter avec retard les « aveux » correspondants aux procès de Moscou. « Frédéric » n’essaie pas d’introduire un trait vivant, concret, dans l’imposture de Moscou. Mieux, il déclare simplement que le « bloc » avec le fascisme a été conclu « sur une base qui n’est pas encore claire pour moi » (Frédéric), comme s’il renonçait d’avance à toute tentative pour comprendre ou expliquer les méthodes, les tâches, les objectifs de ce bloc fantastique. Il apparaît ainsi que j’aurais jugé nécessaire dans le passé d’initier « Frédéric » à mon alliance avec Berlin, mais que je ne l’aurais pas initié à la signification de cette alliance. En d’autres termes, ma « franchise » n’avait que l’unique objectif d’aider le G.P.U. « Frédéric » écrit plus loin sur la même question que « ce qu’on appelait utilisation du fascisme, c’était la collaboration directe avec la Gestapo ». Pas un mot sur ce en quoi consistait cette collaboration, ni comment précisément « Frédéric » aurait été au courant. Dans cette partie, « Frédéric » suit strictement les honteuses méthodes de Vychinsky-Ejov.

8. Viennent ensuite des accusations d’ordre « interne », destinées à servir de motifs pour la rupture de Klement avec la IVe Internationale et avec moi personnellement. Il est curieux que cette partie de la lettre commence par une allusion à mes « façons bonapartistes », c’est-à-dire semble retourner contre moi l’épithète que j’ai appliquée au régime stalinien. Soit dit en passant, toutes les accusations dans les procès contre les trotskystes sont construites sur ce modèle : Staline charge ses adversaires politiques des crimes dont il est lui-même coupable et d’accusations qui sont lancées contre lui. Vychinsky, le G.P.U. et ses agents conduisent cette opération presque automatiquement « Frédéric » suit docilement un cadre strict tracé d’avance.

9. La lettre énumère ensuite toutes les conséquences négatives de mes méthodes « bonapartistes ». « Dans le passé, dit-il, nous avons été abandonnés par des gens comme Nin, Roman Well, Jakob Frank H » La combinaison de ces trois noms est étrange. Roman Well et Jakob Frank sont, en leur temps, retournés ouvertement à l’Internationale communiste après avoir essayé pendant un temps de travailler dans nos rangs comme agents secrets de l’Internationale communiste. Au contraire, après sa rupture avec nous, André Nin a maintenu une position indépendante, est resté hostile à l’I.C. et est tombé victime du G.P.U. Klement sait très bien cela. Mais « Frédéric » l’ignore ou ne le sait pas.

10. « Vous avez livré le P.O.U.M., poursuit Frédéric, aux staliniens qui l’ont mise en pièces”. Cette phrase est tout à fait énigmatique, pour ne pas dire dénuée de sens. Malgré la rupture ouverte du P.O.U.M. avec la IVe Internationale, le G.P.U. a persécuté les membres du P.O.U.M. précisément comme s’ils étaient trotskystes ; en d’autres termes, le P.O.U.M. a été mis en pièces sur la même base que les adhérents de la IVe Internationale. La phrase énigmatique de « Frédéric » est selon toute apparence dictée par le désir de dresser contre le « trotskysme » ceux des membres du P.O.U.M. qui n’ont pas encore été assassinés par le G.P.U.

11. Les accusations portant sur une période ultérieure ne sont pas moins fausses : « Récemment, notre organisation a été abandonnée par des hommes comme Sneevliet et Vereeken, qui ont montré tant de sens politique et de sagesse dans la question espagnole. » Sneevliet et Vereeken ont en réalité manifesté leur sympathie pour le P.O.U.M. que les staliniens accusaient d’être lié au fascisme. Il semble ainsi que « Frédéric », d’un côté, se solidarise avec le P.O.U.M., Sneevliet et Vereeken, et, de l’autre, répète les accusations du G.P.U. contre ses adversaires (et par conséquent le P.O.U.M. également) d’être liées au fascisme. Il faut ajouter qu’au cours des dernières années, Klement m’a souvent reproché amicalement d’être trop tolérant et trop patient avec Sneevliet et Vereeken. Mais apparemment « Frédéric » n’en sait rien.

12.« Nous avons été abandonnés, poursuit-il, par Molinier, Jan Bur et son groupe, Ruth Fischer, Maslow, Brandler et autres. » Dans cette lettre, le nom de Brandler, qui n’a jamais appartenu au camp trotskyste, mais, au contraire, a toujours été son ennemi ouvert et irréductible, saute aux yeux. Des années de lutte ouverte au cours desquelles il a invariablement défendu le stalinisme contre nous témoignent de son animosité. Klement connaissait bien le visage politique de Brandler et notre attitude à son égard. Il ne connaissait en même temps que trop bien la vie interne de la IVe Internationale. Pourquoi « Frédéric » a-t-il introduit le nom de Brandler parmi ces gens qui ont appartenu à notre mouvement, puis rompu avec lui ? Deux explications sont possibles. Si l’on admet que la lettre a été écrite par Klement, il faut supposer qu’il l’a écrite sous le canon d’un revolver et a inclus le nom de Brandler pour démontrer qu’il écrivait sous la contrainte. Si l’on part de l’idée que cette lettre est un faux, l’explication en est donnée par l’ensemble de la technique du G.P.U. dans laquelle l’ignorance s’allie au cynisme. Lors des procès de Moscou, tous les adversaires de Staline ont été mis dans le même sac. Parmi les membres de l’inexistant « bloc des droitiers et des trotskystes », il n’y avait pas seulement Boukharine, mais aussi Brandler et même Souvarine. Conformément à la même logique, Brandler se retrouve là au milieu de gens qui ont rompu avec la IVe Internationale, à laquelle il n’a, lui, jamais appartenu.

13. « Il est puéril de penser, continue ” Frédéric ”, que l’opinion publique se laissera pacifier par la simple déclaration que ces gens étaient tous des agents du G.P.U. » Cette phrase- là est plus incompréhensible encore. Aucun d’entre nous n’a jamais dit que Nin et les autres dirigeants du P.O.U.M. anéantis par le G.P.U., étaient des agents de ce dernier. C’est vrai aussi des autres personnes citées dans la lettre, à l’exception de Well qui, par son activité, s’est ouvertement distingué comme étant au service du G.P.U. Klement savait très bien qu’aucun d’entre nous ne lançait contre les gens énumérés dans cette lettre d’accusations aussi extravagantes. Mais toute l’affaire est dans ce que « Frédéric », en essayant au passage de défendre l’Américain Carleton Béals et d’autres amis et agents du G.P.U., doit en même temps, par conséquent, discréditer l’accusation même de liaison avec le G.P.U. D’où ce procédé maladroit qui consiste à étendre le soupçon — en mon nom — à des gens à qui, de toute évidence, on ne peut l’étendre. Encore dans le style de Staline-Vychinsky-Iagoda-Ejov.

14. Le nom de « Béals » est écrit de façon incorrecte dans cette lettre : « Bills ». Seul quelqu’un qui connaît mal l’anglais peut l’écrire ainsi. Mais Klement connaissait bien l’anglais, connaissait le nom de Béals et était très pédant quant à l’orthographe des noms propres.

15. L’allemand de cette lettre est correct, mais il me semble plus primitif et plus lourd que la langue de Klement, lequel possédait des qualités de style.

16. Il faut également souligner la référence à la prochaine conférence internationale, au moyen de laquelle j’espère, selon les termes de la lettre, « sauver la situation » pour la IVe Internationale. En réalité, comme une abondante correspondance le démontre, Klement était l’initiateur de cette conférence et avait pris une part très active à son organisation. Le G.P.U., dans la mesure où il connaissait les affaires intérieures de la IVe Internationale (par la presse, les bulletins intérieurs, peut-être ses propres agents secrets), a pu espérer, en enlevant Klement avant la conférence, arrêter le travail d’organisation et empêcher la conférence elle-même.

17. Cette partie de la lettre comprend une référence à la proposition de faire entrer Walter Held au secrétariat international « apparemment sur des ordres venus d’en-haut ». En d’autres termes, l’auteur de cette lettre veut laisser entendre que Walter Held est un agent de la Gestapo. L’absurdité d’une telle information est évidente pour qui connaît Held. Mais naturellement, c’est l’un des desseins du G.P.U. que de jeter une ombre sur chacun des membres éminents de la IVe Internationale.

18. Cette lettre se termine par ces mots : « Je n’ai aucun désir de me prononcer ouvertement contre vous ; j’en ai assez de tout cela et je suis fatigué. Je m’en vais et je laisse ma place à Held ». La fausseté de ces phrases est absolument évidente. « Frédéric » n’aurait pas écrit cette lettre si lui ou ses patrons n’avaient pas voulu, d’une façon ou d’une autre, l’utiliser ultérieurement. Comment? Cela n’apparaît pas encore? Peut- être pourrait-elle l’être dans le procès à huis clos de Barcelonecontre les trotskystes? Mais peut-être aussi pour un plus vaste dessein.

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Quelles conclusions découlent de cette analyse préliminaire ? Au premier abord, en recevant cette lettre, je n’ai pas douté qu’elle fût écrite de la main de Klement, mais dans un état de particulière nervosité. Mon impression s’explique par le fait que j’avais l’habitude de recevoir des lettres de Klement et n’avait jamais eu aucune raison de douter de leur authenticité. Plus j’ai examiné le texte, cependant, plus j’ai été convaincu qu’il ne s’agissait que d’un faux très habile. Le G.P.U. ne manque pas de spécialistes en tout genre. Mon ami Diego Rivera, qui a l’œil aiguisé du peintre, ne doute pas que l’écriture soit contrefaite. Pour résoudre cette question, nous pouvons et nous devons utiliser les services d’un expert en écritures.

Si, comme je le crois, il était établi que cette lettre est un faux, tout le reste s’éclairerait :

Klement a été enlevé, il a disparu et il a probablement été assassiné. C’est le G. P. U. qui a fabriqué cette lettre dépeignant Klement comme un traître à la IVe Internationale, peut-être avec l’objectif de rejeter sur les « trotskystes » la responsabilité de son assassinat.

Tout cela est bien dans les pratiques de ce gang international, et je considère cette variante comme la plus vraisemblable.

J’ai tout d’abord imaginé, comme je l’ai déjà dit, que cette lettre avait été écrite par Klement sous la menace d’un revolver ou par peur pour des êtres chers. Ou, plus exactement, copiée par lui à partir d’un original placé sous ses yeux par les agents du G.P.U. Si cette hypothèse se confirme, il n’est pas exclu que Klement soit encore en vie et que le G.P.U., dans un proche avenir, tente de lui extorquer d’autres aveux « volontaires ». Les « aveux » de ce type dictent la réponse de l’opinion publique : que Klement, s’il est encore en vie, vienne, ouvertement, devant la police, devant les autorités judiciaires, ou devant une commission impartiale, et qu’il dise tout ce qu’il sait. Mais nous pouvons d’avance prédire qu’en aucun cas le G.P.U. ne laissera Klement lui échapper.

Théoriquement, une troisième supposition est possible, que Klement ait brutalement changé d’opinion et soit passé de son plein gré du côté du G.P.U., tirant de son acte toutes les conclusions pratiques, c’est-à-dire en acceptant d’appuyer toutes les impostures de cet organisme. On peut même aller plus loin et supposer que Klement a toujours été un agent du G.P.U. Mais l’ensemble des faits, y compris la lettre du 14 juillet, rendent cette hypothèse tout à fait inconcevable. Klement aurait eu très souvent la possibilité de rendre au G.P.U. les plus grands services, qu’il s’agisse de ma vie, de celle de Léon Sedov ou du sort de mes collaborateurs et de mes documents. Il aurait eu la possibilité d’intervenir ouvertement pendant les procès de Moscou, avec des « révélations » qui, en ces jours au moins, auraient produit beaucoup plus d’impression que maintenant. Mais, pendant les procès de Moscou, Klement a fait tout ce qu’il pouvait pour démasquer les impostures, aidant activement Sedov dans la recherche de la documentation. Klement a manifesté un grand dévouement à notre mouvement et un sérieux intérêt théorique pour la discussion des questions à débattre. De sa plume sont sorties une série de lettres et d’articles qui démontrent le sérieux de son attitude, son attachement fervent au programme de la IVe Internationale. Feindre le dévouement et l’intérêt théorique pour un mouvement pendant plusieurs années, c’est une tâche plus que difficile.

Il est exactement aussi difficile d’accepter l’hypothèse d’un « tournant » brusque pendant la dernière période. Si Klement était passé volontairement à l’I.C. et au G.P.U., peu importe pour quelle raison, il n’aurait aucune raison de se cacher. Roman Well et Jakob Frank, que j’ai cités plus haut, comme Sénine, le frère de Roman Well, ne se sont pas du tout cachés après leur « tournant » ; au contraire, ils se sont exprimés ouvertement dans la presse et Well et Sénine — les frères Sobolevitch — ont même fait une carrière. Finalement, au cas où il serait passé volontairement du côté de l’I.C., Klement, qui était un homme informé et capable, aurait écrit une lettre bien plus cohérente, sans des énormités qui parlent d’elles-mêmes, et sans des absurdités que n’importe quel magistrat instructeur, n’importe quelle commission impartiale, munie de la documentation nécessaire, peut sans peine réfuter.

Voilà les considérations qui conduisent à la conclusion que Klement a été enlevé par le G.P.U. et que sa lettre à mon adresse est un faux fabriqué par les spécialistes du G.P.U. Il est très facile de réfuter cette hypothèse : « Frédéric » doit sortir de sa cachette et porter ses accusations en public. S’il ne le fait pas, cela veut dire que Klement est dans les griffes du G.P.U. et probablement qu’il est déjà liquidé, comme tant d’autres.

La principale responsabilité pour résoudre le mystère de la disparition de Rudolf Klement revient à la police française. Espérons, aussi difficile que cela soit, que, cette fois, elle se montrera plus persévérante et qu’elle aura plus de succès qu’elle n’en a eu pour résoudre les crimes antérieurs du G.P.U. sur le sol français.

P.-S. Tout ce qui est ci-dessus avait déjà été rédigé lorsque j’ai reçu de Paris une lettre du camarade Rous, datée du 21 juillet, dont chaque ligne confirme les conclusions ci-dessus.

1)Rous a reçu une copie de la lettre qui m’était adressée, mais signée « Rudolf Klement » et « Adolphe ». S’étant imaginé que la même signature figurait sur l’original qui m’a été adressé, Rous s’est légitimement étonné que cette lettre soit signée « Adolphe » et pas « Camille », la signature qu’il utilisait dans toute la dernière période. Dans sa lutte contre l’espionnage du G.P.U. et de la Gestapo, Klement a changé trois fois de pseudonyme au cours des dernières années, dans l’ordre suivant : Frédéric, Adolphe, Camille. De toute évidence, le G.P.U. est tombé dans le piège. Possédant les trois noms — Klement, Frédéric, Adolphe —, afin de rendre le tout plus plausible, elle les a mis tous les trois sur les différentes copies — ce qui, en soi, est absurde — mais n’a pas utilisé le seul nom que Klement utilisait réellement pour signer, au cours de la dernière période.

2) Le 8 juillet, soit huit jours avant la disparition de Klement, sa serviette, contenant des documents, a disparu dans le métro. Bien entendu, on ne l’a pas retrouvée. Klement, qui savait très bien que le G.P.U. opère à Paris comme chez lui, a immédiatement informé toutes les sections de la IVe Internationale du vol de sa serviette et suggéré l’arrêt de tout envoi de lettres à son ancienne adresse.

3) Le 15 juillet, après avoir reçu la lettre d’ « Adolphe », tamponnée de Perpignan, les camarades français ont visité la chambre de Klement. Sa table était mise, tout était en ordre, pas le moindre signe de préparatif de départ ! L’importance de cet élément n’a besoin d’aucune explication.

4) Le camarade Rous souligne que l’adresse, sur la lettre de Perpignan, était écrite à la russe, d’abord le nom de la ville, puis, au bas de l’enveloppe, celui de la rue. On peut considérer qu’il n’y a aucun doute : en Allemand et en Européen qu’il était, Klement n’a jamais rédigé ses adresses de cette façon.

5) Pourquoi, interroge Rous, le nom de « Béals » est-il écrit comme en russe « Bills », en d’autres termes, la translittération russe du nom est simplement écrite en caractères latins ?

Laissant de côté les autres remarques de Rous (Rous et les autres camarades français porteront eux-mêmes ces considérations à l’attention du public et des autorités françaises), je me contenterai maintenant d’affirmer que les premières informations factuelles reçues directement de France confirment pleinement les conclusions auxquelles j’étais arrivé sur la base de l'analyse de la lettre signée « Frédéric », à savoir que Rudolf Klement a été assassiné par le G.P. U.