La médiation de l’Angleterre et de la France en Italie

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On a renoncé à la médiation de la France et de l'Angleterre en Italie. La tête de mort de la diplomatie ricane après chaque révolution, particulièrement après les réactions qui suivent toute révolution. Chaque fois que gronde le tonnerre d'une nouvelle révolution, la diplomatie se retire dans son ossuaire parfumé. La révolution de Vienne a emporté d'un souffle la diplomatie de l'Angleterre et de la France.

Palmerston a avoué son impuissance. Bastide ena fait autant. La révolution de Vienne a mis un terme à l'ennuyeuse correspondance de ces Messieurs, ainsi qu'ils l'ont déclaré eux-mêmes. Bastide l'a signifié officiellement à l'ambassadeur de Sardaigne, le marquis Ricci.

Lorsque ce dernier lui demanda « si dans certaines circonstances la France prendrait les armes en faveur de la Sardaigne », Bastide (du National), le farouche républicain, a fait une révérence, une fois, deux fois, trois fois, et il a chanté :

« Faites-moi confiance, et aidez-vous vous-mêmes,

Ainsi le ciel lui aussi vous aidera[1] ».

La France se cramponne au principe de la « non-intervention », à ce même principe combattu par Bastide et par les autres Messieurs du National : combat dont ils ont vécu des années durant, à l'époque de Guizot.

Dans cette question italienne, l'honnête République française se serait mortellement discréditée si elle n'était pas au-dessus de tout opprobre depuis le mois de juin, si lourd d'avenir.

Rien pour la gloire disent les amis du commerce à tout prix. Rien pour la gloire ! Voilà l'épigraphe de la République vertueuse, modérée, convenable, posée, honnête - en un mot de la république bourgeoise. Rien pour la gloire !

Lamartine incarnait l'idée que la république bourgeoise se faisait d'elle-même : une image exaltée, romanesque, enthousiaste, la grandeur dont elle rêvait. Que ne peut-on s'imaginer ! Comme Eole déchaînant tous les vents, il libéra tous les esprits aériens, donna libre cours à toutes les grandes phrases de la république bourgeoise vers l'est et l'ouest, employant les mots creux de fraternité des peuples, de l'émancipation que la France préparait pour tous les peuples, du sacrifice de la France pour tous les peuples.

Il ne fit rien.

C'est Cavaignac qui a repris l'action dictée par ses phrases, et Bastide sa charge des Affaires étrangères.

Ils ont laissé tranquillement se dérouler devant leurs yeux les scènes inouïes de Naples, les scènes inouïes de Messine, les scènes inouïes du Milanais.

Et pour qu'il ne subsiste plus le moindre doute que dans l'« honnête » république règne la même classe, et donc la même politique étrangère que sous la monarchie constitutionnelle, la même sous Cavaignac que sous Louis-Philippe, on recourt au vieux remède éternellement jeune, à l'entente cordiale avec l'Angleterre de Palmerston, avec l'Angleterre de la bourgeoisie contre-révolutionnaire, quand il y a des tiraillements entre les peuples.

Mais l'histoire devait avoir son « piquant », sa pointe. Il fallait que ce soit Bastide, un rédacteur du National, qui saisisse convulsivement la main de l'Angleterre. Or l'Entente cordiale était l'atout essentiel que le pauvre anglophage du National avait joué, toute sa vie durant, contre Guizot.

Sur la tombe de l' « honnête » république on lira : Bastide-Palmerston.

Mais même l'entente cordiale de Guizot a été surpassée par les « honnêtes » républicains. Les officiers de la flotte française se sont laissé inviter à un banquet par les officiers napolitains - et ils ont bu à la santé du roi de Naples, de Ferdinand, ce tigre stupide, sur les décombres encore fumants de Messine. Mais au-dessus de leurs têtes, les phrases de Lamartine se résolvaient en vapeur.

  1. Heine : L'Allemagne, Un conte d'hiver, chap. XII, 161-435.