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Special pages :
La grande lutte en Grande-Bretagne
Auteur·e(s) | Nikolaï Boukharine |
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Écriture | mai 1927 |
WH 1418 (IPK en allemand)
C’est le 1er mai de l’année dernière, qu’en Grande-Bretagne, pays où, autrefois. « la brebis mangeait les hommes », mais où maintenant les hommes sont dévorés « par les têtes dures », qu’a commencé la grève générale du prolétariat.
Cette grève, qui fut accompagnée d’un puissant élan des forces prolétariennes, fut brisée par la trahison des « lieutenants ouvriers du capital », par les briseurs de grève de droite et de « gauche », qui vivent encore jusqu’à maintenant aux dépens de la classe ouvrière.
Au 1er mai de cette année, le prolétariat de Grande-Bretagne est exposé aux coups des représailles les plus cruelles de la bourgeoisie insolente.
Dans sa [leur] « théorie et pratique du trade-unionisme », les époux Webb écrivaient : « Jusqu’à l’abolition des lois contre les coalitions des ouvriers (combinaison Laws) en 1824, les entrepreneurs se plaignaient amèrement, dans toutes les branches d’industries organisées, de ces comités “d’usurpateurs” et cherchaient souvent à les détruire en provoquant des poursuites contre des communautés criminelles et des complots. »
Maintenant, avec l’aide de Dieu, du roi, des têtes dures, de Thomas, Purcell et autres
Macdonald, la Grande-Bretagne « terre promise », « libre »; « constitutionnelle », etc., se précipite sur la classe ouvrière avec le projet de loi sur les syndicats, qui est un recul de cent ans sur la législation ouvrière. La bande conservatrice ressuscite expressément les lois contre les coalitions ouvrières, qui avaient été abolies en 1824. Les lois (des années 1790 et 18oo) furent votées sous l’influence de la terreur qu’inspira aux classes dominantes anglaises la grande Révolution française. Si les exécuteurs « à tête dure » du sort du capitalisme anglais qui, en mai de l’année dernière, tremblèrent sous les coups de la grève générale et sont effrayés maintenant par les roulements de tonnerre de la révolution chinoise, en appellent de nouveau aux saintes traditions de leurs dignes aïeux effrayés, cette circonstance montre avec une extraordinaire acuité l’essor formidable de la lutte de classes en Angleterre, l’écroulement définitif de l’époque de l’ « entente », du « compromis », de la « paix industrielle » et autres choses du même genre, dont étaient si fiers les libéraux et les Kautskys de tous les pays et tous les peuples.
Dans un des hymnes appelés nationaux de la Grande-Bretagne, on chante : « Jamais, au grand jamais, l’Anglais ne sera esclave. »
La « patrie » anglaise, qui prétend représenter la nation, n’a cependant pas de gêne. Elle met — ou plutôt elle cherche à le faire — des clochettes à la majorité de son peuple, le prolétariat. Elle transforme le prolétariat anglais effectivement en esclaves Ce n’est pas en vain que même l’ « expert » bourgeois de la législation ouvrière, Henry Slessar, a déclaré : « Ceci n’est pas encore l’esclavage, mais l’esclavage est déjà très proche ».
Déjà le premier point du projet de loi donne à tout ce projet révoltant sa base principale. Ce point défend toute grève, sauf les grèves dans une seule branche d’industrie. Il indique nettement qu’on interdit les grèves qui ont pour but de « contraindre le gouvernement à quoi que ce soit ». Il serait singulier de ne pas examiner les racines de ce paragraphe et les motifs qui font agir les cerveaux qui se cachent derrière les fronts de fer. Même le New Leader comprend de quoi il s’agit :
« Une des conséquences du projet de loi du gouvernement, dit cet organe, est la transformation de toute grève contre la guerre et de toute agitation pour cette grève en quelque chose d’illégal. La résolution pour la résistance contre la guerre, qui, au dernier Congrès du Labour Party, fut votée sur la proposition du parti ouvrier indépendant, transformerait le parti en une organisation illégale, si la politique acceptée ici était combattue publiquement ». (The New Leader, 15 avril)
Il n’est pas difficile de voir sur quoi compte le gouvernement. Il connaît très bien la valeur des chefs de droite et de « gauche » du Conseil général. Il a déjà obtenu des preuves du dévouement de ces chefs au capital et de leur trahison de la classe ouvrière. Il comprend parfaitement qu’en cas de guerre (et on la mène déjà en Chine) Thomas et Purcell ne résisteront pas, surtout si on les intimide vigoureusement. Il comprend excellemment que tous ces chefs du Labour Party et du Conseil général du Labour Party indépendant, comme aussi de la Société des Fabiens, les débris de la « fédération social-démocrate », comme aussi les « socialistes constructeurs », que tous seront plus calmes que l’eau souterraine et que nombreux seront ceux qui prêteront immédiatement leurs services au gouvernement, en se couvrant du manteau de la défense de la « nation », du « pavillon anglais », des « intérêts généraux de l’Etat ».
Les conservateurs s’assurent leur derrière, tandis qu’ils tombent sur le dos de la classe ouvrière. La loi défend la « contrainte » (c’est-à-dire elle défend d’appeler les ouvriers à lutter contre les briseurs de grève), le projet de loi interdit les piquets de grèves, le projet de loi interdit tout ce qui excite à la haine, au mépris, aux moqueries des briseurs de grèves. Railler un provocateur et un briseur de grève donnera lieu à des poursuites judiciaires. Le projet de loi s’en remet aux autorités pour piller le fond des caisses syndicales pour « confisquer ». Le projet de loi rend extraordinairement difficile l’activité politique des syndicats. Le projet de loi interdit en fait aux fonctionnaires d’adhérer aux organisations qui sont en rapport avec un parti politique quelconque ou avec une organisation politique.
Quelques uns des chefs de Conseil général brandissent une épée de carton contre le projet de loi, mais ils portent leurs coups pratiquement contre le « mouvement minoritaire » et les communistes.
Il faut voir le véritable rapport des forces tel qu’il est en réalité. Sans aucun doute, les membres du Conseil général, dans la lutte contre le projet de loi, trahiront, comme ils ont déjà trahi l’année dernière la grève générale. Tandis que le Conseil général chasse la « minorité » et les communistes des syndicats et exclut des organisations syndicales entières, il prépare la capitulation dans cette question, cependant que la minorité et les communistes préparent la grève générale contre le projet de loi provocateur et contre la politique de guerre provocatrice des conservateurs.
La lutte en Grande Bretagne en arrive visiblement à une nouvelle étape. Si le conflit de l’année dernière entre le travail et le capital a ébranlé les illusions d’une coopération pacifique, quand il a sapé la foi dans le Parlement, la Constitution, en Dieu et le roi, le projet de loi du gouvernement enlève tout les masques et met complètement à nu les véritables « bases de la Constitution », de l’organisation monarchiste d’Etat des lords, des banquiers et des industriels. En frappant à coups de fouets sur le dos de la classe ouvrière à l’intérieur du pays, le gouvernement dévoile sa politique extérieure. Le monstrueux projet de loi contre les ouvriers est dans le rapport le plus étroit avec la guerre contre-révolutionnaire en Chine. Le capital anglais enseigne à sa propre classe ouvrière les notions élémentaires de la politique en menant sa campagne de brigandage contre la Chine, sa politique de provocation contre l’U. S. en connexion tout à fait étroite arec la dépossession monstrueuse des droits de la classe ouvrière d’Angleterre.
L’année passée, Baldwin s’est souvent présenté avec des discours onctueux et des propositions rusées, jouant ainsi avec plus ou moins de succès le rôle de neutre qui en appelle au nom de l’Etat placé « au-dessus des classes », qui a la même bonne volonté vis-à-vis des deux parties. L’année écoulée a balayé toutes les traces de ce masque « au- dessus des classes » et le pouvoir gouvernemental se présente comme une conspiration contre l’immense majorité du peuple anglais.
« Ce projet de loi, écrit un ouvrier, dans le Poor Man’s Guardian (Le Protecteur du pauvre homme) à propos de la réforme de 1832, est la mesure la plus misérable, la plus tyrannique. la plus infâme, la plus diabolique qu’on puisse imaginer. Je vous maudis. Préparez vous-même votre tombeau si vous en avez les moyens, vous mourrez de faim par milliers : si le projet de loi passe, on vous jettera nus, comme les chiens sur le tas de fumier ou dans la rue. » (Poor Man’s Guardian, 11 avril 1832, Lettre d’un ouvrier)
Ces paroles peuvent être répétées actuellement aux ouvriers anglais de notre temps. Seulement, il va être nécessaire de ne pas s’enterrer soi-même, mais d’enterrer son adversaire de classe en organisant la grande lutte contre les forces de l’impérialisme.