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Special pages :
La constitution des moutons
Auteur·e(s) | Léon Trotski |
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Écriture | 15 mars 1917 |
Publié dans La Guerre et la Révolution. Paris 1974, pp. 256-257
La Conférence de Gompers and C°
La Conférence (à Washington) des fonctionnaires de la Fédération américaine du travail fut tenue sur la demande du Comité de Défense nationale, dont est membre le président de la Fédération, Gompers. L’initiative a déjà été précisée. Il ne s’agit pas d’une réunion des représentants de la classe ouvrière contre la guerre et le militarisme, mais d’une conspiration des « Unions » pour soumettre les prolétaires au militarisme. C’est dans ce but que Wilson nomma le Gompers tant respecté au Comité de Défense. C’est dans ce but que Gompers a réuni sa propre « administration ». Il en est résulté exactement ce qu’escomptaient les dirigeants : l’administration des Unions a juré fidélité à celle du Pouvoir.
Au beau milieu du serment, il y a, évidemment, l’obligation de « Défense nationale ». Là-dessus, Gompers et ses acolytes ne font aucune restriction. Ils promettent leurs services – « dans tous les azimuths » – pour « la défense, la protection et le soutien de la République contre ses ennemis, quels qu’ils soient ». Ils se refusent, par avance, à toute discrimination hypocrite et subtilement juridique entre les notions de guerre « défensive » et de guerre « offensive ». La république impérialiste aura toujours besoin, dans toute guerre, du soutien des travailleurs, et Gompers le lui promet. Il promet également son aide pour l’institution du service militaire obligatoire.
L’administration des « Unions » joint à son serment d’allégeance toute une série de bons vœux à l’adresse de l’administration gouvernementale. Les travailleurs (à savoir les fonctionnaires des « Unions ») doivent être représentés dans toutes les organisations de guerre. Les ouvriers doivent être munis d’un mandat consultatif. Le Capitalisme devra supporter le poids du fardeau de la guerre, etc., etc. Quelles que soient les conditions acceptées, elles sont sans valeur et humiliantes pour la classe ouvrière. En vendant les jeunes générations de travailleurs au militarisme, les dirigeants syndicalistes des « Unions » demandent le droit de juger comment le Moloch gouvernemental les dévorera. Les moutons vétérans réclament du boucher leur représentation à l’abattoir. Ils consentent à l’extermination de la race ovine, mais dans le respect des droits et de la Constitution des moutons.
Mais par quoi est garanti ce droit de regard ? Sur ce point, le document servile de Gompers a un vice de prononciation. D’une part, on promet le soutien au gouvernement contre tous ses ennemis; de l’autre, on dirait que le droit de regard vis-à-vis du gouvernement est soumis à certaines conditions.
Mais la position de principe de Wilson sera, après la Conférence de Washington, beaucoup plus ferme que celle de Gompers. Au premier heurt, les classes dirigeantes tiendront aux « Unionistes » le même langage que les gouvernements anglais, français et allemand à leurs sociaux-patriotes : « la Défense de la Patrie, suivant vos propres déclarations, est le premier devoir du prolétariat; donc, dans l’accomplissement de ce devoir, vous n’avez aucun droit au pourboire ». Si la classe ouvrière américaine est obligée « loyalement » de verser son sang pour la patrie impérialiste, elle devra accomplir son devoir, que Gompers soit nommé ou non au ministère du Travail et qu’on hausse ou qu’on abaisse de dix cents par jour le salaire des ouvriers des usines de guerre…
Dans les décisions de la Conférence de Washington, l’unionisme obtus et conservateur trouve son accomplissement logique et en même temps sa répugnante caricature. Le Gompersisme consistait en la reconnaissance par le Capitalisme du droit des prolétaires à une constitution « honorable » sur les bases de l’exploitation capitaliste. Mais le Capitalisme est devenu Impérialisme. Celui-ci entraîne le pays dans la guerre. Gompers, à genoux, accepte la guerre et le militarisme, comme il a accepté le Capitalisme. Il s’efforce – désormais sur les bases de la guerre – d’obtenir une constitution « honorable » pour les masses laborieuses jetées en sacrifice.
Si la lutte contre Gompers était malaisée au plus haut point dans les conditions du « développement pacifique » du Capitalisme américain, alors que les dirigeants de la classe ouvrière recevaient de bons morceaux de la table de la bourgeoisie, maintenant qu’il s’agit de l’emprise impitoyable du militarisme, la position des socialistes en lutte contre le Gompersisme est devenue beaucoup plus favorable. Les contradictions entre les moutons constitutionnels et les massacres effroyables que la guerre fera dans les rangs des prolétaires, seront trop visibles, trop criantes, pour que les cervelles les plus obtuses puissent les ignorer; elles deviendront plus perméables aux paroles socialistes et aux appels de la révolution. Il faut seulement que nous autres, socialistes, soyons à la hauteur. Aucune concession au gouvernement, au militarisme, au patriotisme. Aucun compromis avec le Gompersisme. La bureaucratie unioniste a passé accord avec la bureaucratie du Capitalisme. Guerre sans merci à l’une et à l’autre, telle est et doit être notre réplique !